Mon histoire commence il y a dix-sept ans en Grande-Bretagne et plus précisément en Angleterre, à Londres. Un premier souffle suivi d'un cri : voilà, je venais de faire mon arrivée dans ce monde.


ses bras avec un air satisfait et un large sourire alors qu'elle contemplait mon visage. Lelouch Vi Britannia, voici le nom complet auquel je venais d'hériter à cet instant, un prénom long à retenir, noble et empreint d'un devoir lourd à porter. Comme vous devez vous l'imaginer, un nom comme le mien venait d'une vieille lignée de sorciers d'un niveau de noblesse élevé.

Mon père, le marquis Charles, un homme aux cheveux longs et blancs, possédant une barbe de la même couleur, avait un regard sérieux avec un rictus satisfait d'avoir un autre héritier. Il était assez grand, mesurant un mètre quatre-vingt-dix-sept, ce qui était sans doute un atout pour paraître impressionnant en toutes circonstances, couplé avec un caractère autoritaire. Il avait un frère plus âgé qui possédait le rang de duc.

Ma mère, elle, se nommait Marianne et était une femme à la beauté éclatante dont j'avais hérité la plupart de mes traits physiques, comme ses cheveux noirs ébène qui lui arrivaient au bas du dos. Ses yeux étaient également d'un noir profond, ce qui parfois me faisait douter de ses origines. Ses traits étaient fins et gracieux, et son teint pâle était celui dont j'avais hérité.


Lors de mon troisième anniversaire, un événement vint changer mon statut de petit dernier de la famille. En effet, ma mère Marianne, enceinte depuis quelque temps déjà, semblait déjà en travail pour accoucher de ma petite sœur. Mon père, par peur des tensions qu'il avait avec certaines familles, décida de transformer une chambre du manoir en salle d'accouchement. Bien sûr, l'équipement n'était pas au niveau de celui d'un hôpital, mais grâce à la magie et aux potions, cela était tout de même moins dangereux que pour les moldus.

J'étais en train de dessiner, comme tout enfant, ma maison ainsi que ma famille en bonshommes bâtons sur une feuille à même le sol, lorsqu'un hurlement, suivi de pleurs, brisa le silence. Des exclamations de joie venant de la salle médicalisée suivirent ; ma sœur venait finalement de naître, s'ajoutant à la grande famille Vi Britannia.

 Nunnally était le nom choisi par mes parents pour ma jeune sœur, ce qui faisait maintenant de moi l'enfant du milieu, à la fois petit frère et frère aîné dans cette famille. Oui, petit frère, car j'avais également un grand frère, Schneizel Vi Britannia, qui avait sept ans de plus que moi. Il possédait des cheveux blonds dorés, comme la plupart des membres de la famille royale. J'étais l'un des rares à avoir un trait différent, tandis que ses yeux étaient également bleus comme les miens, mais avec une teinte plus pâle. D'ailleurs, il était surexcité à l'idée de se rendre à Poudlard dès l'année prochaine tandis, que moi j'aspirais à Ilukaan.

Pourquoi Ilukaan et non Poudlard comme le reste de ma famille ? Tout d'abord, j'étais constamment comparé à mon frère et mis en compétition avec lui. Mon père semblait encore hésiter à qui hériterait de son titre dans le futur, pourtant je n'avais ni envie ni intention de le prendre de quelque façon que ce soit. La seconde raison était un article, une sorte de brochure, que j'avais vu dans la Gazette du Sorcier que tenait une vieille sorcière lorsque j'avais accompagné mon frère pour ses courses en vue de son onzième anniversaire. L'article présentait un jeune directeur, habillé de façon très classe, et dépeignait un univers fantastique empli de couleurs autour de lui.

Mon père était d'ailleurs diplômé de Poudlard, et il semblait déjà avoir tracé mon avenir et celui de ma jeune sœur, espérant que toute la famille finirait dans la même maison pour représenter fièrement son histoire. Le passé de ma mère restait un sujet tabou, et je n'avais jamais réussi à trouver la moindre trace de celui-ci dans les souvenirs au grenier. Je présumais qu'elle venait sans doute de Poudlard, vu la passion de Charles, mon père, qui ne perdait pas une occasion de nous décrire l'histoire des lieux et de parler d'une certaine maison qui n'accueillait presque que des sang-pur, démontrant, selon lui, comment le monde des sorciers devait être structuré.


Quelques mois passèrent, nous étions déjà en décembre. La neige recouvrait de son linceul blanc les rues pavées de la capitale, tandis que bonnets et moufles avaient trouvé refuge sur ma tête à chacune de mes sorties. Le soir même, c'était le réveillon. Nous avions pris l'habitude de n'ouvrir les cadeaux que le lendemain matin, mais étant le premier de Nunnally, il fut décidé de faire une exception.

Alors que je déballais mon encyclopédie sur la magie en Extrême-Orient, mon frère, lui, ouvrait son kit de "Mon premier cours de potion". Plus tard dans la soirée, pendant que nos parents discutaient avec nos voisins, mon frère et moi sommes montés dans sa chambre. Il m'avait appris à jouer aux échecs et tenait absolument à ce que je m'améliore, ne trouvant personne d'autre ayant le temps ou l'envie de jouer à ce jeu. Mais cette fois-ci, il était bien plus excité à propos de son nouveau jeu de Noël. Le kit contenait des herbes, des pierres, des fioles et un petit réchaud, tout ce qui pouvait imiter un vrai cours de potion mais adapté pour les enfants : les filtres d'Amortentia étaient remplacés par les fabuleux "Raisins d'amours" et les potions de confusion par "la potion contre les contusions".

J'avais une certaine appréhension à faire cela sans adulte, mais la curiosité l'emporta sur ma raison, et je me mis à lire les instructions avec mon frère pour tenter l'expérience. Après avoir fabriqué quelques bonbons remplis de sucre cristallisé qui n'avaient pas grand intérêt, mon frère voulut essayer l'une des potions plus complexes, qui nécessitait la supervision d'un adulte en raison de certains ingrédients potentiellement dangereux à haute dose. Cependant, cela ne l'empêcha pas d'allumer le réchaud et de commencer sa petite concoction.

Au début, il suivait scrupuleusement les quantités indiquées, mais rapidement il se sentit l'âme d'un artiste et commença à ajouter les ingrédients au hasard. Le petit chaudron fumait de plus en plus, avec un bruit semblable à celui d'une locomotive crachant sa vapeur à pleins poumons, puis plus rien. La stupidité et la curiosité m'ont poussé à me pencher au-dessus du chaudron, mon frère aussi, bien que, étrangement, il avait pris soin de reculer de quelques pas, anticipant probablement une catastrophe imminente.

Puis soudain, un "pouf" retentit et le chaudron explosa. Il ne fallut que quelques secondes pour que mes yeux commencent à brûler et que mes larmes coulent comme des fontaines. Schneizel semblait dans le même état, bien qu'il ait reçu moins de projections que moi. Bien sûr, le bruit avait alerté mon père et quelques domestiques au rez-de-chaussée, qui accoururent déjà vers la chambre. Ils n'eurent pas besoin de nous demander ce qu'il venait de se passer ; en voyant les ingrédients répandus sur le sol et la fumée qui s'en échappait, ils comprirent immédiatement ce que les garçons avaient fait.

Lorsque je réussis enfin à rouvrir les yeux, les adultes me regardaient avec une mine horrifiée que je ne compris qu'après m'être retourné et avoir croisé le regard de mon frère, dont les pupilles bleues étaient maintenant d'un violet pâle. Le voyant me pointer du doigt en s'exclamant de rire, je me dirigeai vers un miroir à quelques pas. J'avais également perdu mes yeux bleus ; ils étaient maintenant d'une couleur violette plus dominante, probablement à cause de la quantité de concoction que j'avais reçue, contrairement à lui.

Mon père, résolu à résoudre ce problème, prit rapidement les devants en achetant potions sur potions et en payant pour différents enchantements, mais malheureusement aucun ne fut efficace sur moi. En revanche, mon frère réussit à obtenir des yeux bleus avec un léger reflet violet. Voyant que j'appréciais ma différence, je suppliai mon père de me laisser ces yeux, ne voulant pas revenir pour le moment à ceux que j'avais avant. Malgré des objections virulentes, les supplications de ma mère en ma faveur finirent par épuiser mon père, et j'eus l'autorisation de ne plus chercher à annuler ce qui semblait être un sortilège.

En grandissant, j'ai rapidement compris que ma vie ne serait pas celle d'un enfant ordinaire. Dès mon plus jeune âge, j'ai été entouré de précepteurs et de tuteurs, chacun ayant pour mission de m'inculquer les compétences nécessaires pour être digne de mon héritage, du nom que je porte. Les journées étaient longues et remplies d'études diverses : de l'histoire des créatures magiques à l'histoire des sorciers et des moldus, en passant par des cours d'étiquette, comme tout noble se devait d'apprendre et de maintenir.

Mon frère ambitieux, rivalisait d'ardeur pour attirer l'attention de notre père, Charles. Il espérait secrètement être le prochain chef de famille  et voyait en moi la personne qui lui prendrait sa place. Pour ma part, je n'avais que faire de tout cela, mes préoccupations étaient bien plus de dévorer chaque livre à ma porté dans notre grande bibliotheque pour assouvrir ma soif de connaissance. Malgré cette rivalité, mon frère passait quand même du temps avec moi lorsque il le pouvait étant donné qu'il était maintenant un sorcier en troisième année à Poudlard et avait fait forte impression auprès de sa maison. Nous avions gardé notre tradition de jouer ensemble au echecs se promettant de ne plus jamais réutilisé le kit à potion. . D'ailleurs, il semblerait que le fait que je sois devenu plus fort aux échecs lui plaisait autant que cela l'énervait de perdre parfois contre un enfant de six ans lorsque l'on en a treize.

Lorsque je n'étais pas dans la bibliothèque à dévorer tout le savoir à ma portée ou occupé avec mon frère, je passais du temps avec ma jeune sœur, maintenant que celle-ci pouvait marcher toute seule. Elle avait pris l'habitude de me suivre partout où j'allais, me faisant des mines boudeuses quand je ne passais pas, à son goût, "assez de temps en sa compagnie". Trois ans avaient passé depuis sa naissance et voilà qu'elle réussissait déjà à me mener par le bout du nez.


Des années avaient passé et je venais de souffler mes neuf bougies, mais cette année était différente. Ma famille était de plus en plus absente ; mon frère ne rentrait presque plus pendant les vacances. La puberté l'avait frappé de plein fouet, le rendant encore moins amical, obsédé par ses idéaux sur le sang-pur. J'ai donc passé mon anniversaire seul avec ma sœur et les elfes de maison. Bien qu'ils se montrent distants en raison du traitement et des paroles de mon père, ils devenaient de moins en moins réservés dès qu'ils étaient en notre compagnie.

C'est ainsi qu'un second événement commença à bouleverser mon quotidien. Par moments lors de mes balades, j'éprouvais un sentiment étrange comme si je n'étais plus réellement dans mon  propre corps. Des flashs d'images inconnues pénétraient parfois mon esprit, me faisant connaître des détails de la vie de personnes inconnues, comme si je les avais déjà vécues moi-même.

Je profitais de mon temps libre pour chercher une explication à ce phénomène. Malheureusement, les livres sur les rêves, la magie ou la divination étaient d'un niveau bien trop compliqué pour moi pour les comprendre. Ne trouvant pas de réponse, je fis quelque chose d'un peu fou : j'envoyai un hibou à M. Leroy, le directeur d'Ilukaan, pour lui demander si je pouvais venir étudier dans son école. J'avais mis toutes les chances de mon côté en sortant ma plus belle écriture, et je lui demandai également conseil par rapport à ces visions que je recevais.

Pourquoi un hibou et non un e-mail ? Premièrement, je ne savais pas trop me servir de l'ordinateur dans le bureau de mon père, et deuxièmement, je ne voulais pas laisser de trace de ma demande de conseil à un inconnu ni de ma demande d'étudier dans une autre école que celle choisie par mon père. Un hibou était bien plus lent mais bien plus sûr dans ma situation.

Le lendemain, au milieu de mes recherches, je vis ma petite sœur dépasser du pas de la porte. Elle m'observait, semblant hésiter à me demander quelque chose. Après tout, cela faisait longtemps que je n'avais pas joué avec elle dans le jardin. De plus, aujourd'hui, le temps était magnifique : un ciel bleu azur, quelques nuages blancs contrastant avec ce panorama, et une chaleur douce et réconfortante, bien différente de la pluie qui nous avait accompagnés ces derniers temps. Je fermai doucement mon livre et, en souriant, je m'approchai d'elle. Posant délicatement ma main sur sa chevelure claire, je finis par lui prendre la main et l'entraînai avec moi dans le jardin.

Moi qui pensais l'aider à faire de la balancoire ou jouer à des jeux plus classique , voila que je me retrouvais sur le sol avec elle à faire des couronnes de fleurs. Le printemps étant bien la, nous avions maintenant énormément de fleurs pour répondre à sa requête. Ma mère  qui semblait être la aujourd'hui en avait même  profitée pour faire une photo à l'aide d'un appareil enchanté,en voyant le résultat, je lui demandai secrètement une copie de la photo prise. Avant de retourner prendre la pose avec ma sœur, celle-ci insista pour me poser sa couronne de fleurs sur la tête. Je m'exécutai avec un grand sourire illuminant mon visage.


Quelques mois plus tard, les événements prirent une direction totalement opposée, me conduisant à une isolation totale de ma famille. Avant cet isolement, ma vie était des plus heureuses. Je suivais des cours élémentaires avec différents précepteurs pour atteindre un niveau suffisant pour mes onze ans, je jouais avec ma sœur et je passais des heures à lire mes livres. Cependant, la sensation étrange que j'avais ressentie auparavant devenait de plus en plus récurrente et oppressante.

Chaque nuit, des souvenirs d'une personne étrangère envahissaient mes rêves, me réveillant en sueur. Je voyais des scènes diverses, allant de simples passants se promenant en amoureux à une agression au couteau dans une ruelle sombre où j'étais le criminel. Je ressentais des émotions intenses, comme l'envie de poignarder quelqu'un et une satisfaction troublante à chaque coup porté, chaque impact résonnant dans mes muscles.

Au début, je prenais ces visions à la légère, les considérant comme de simples cauchemars. Mais un matin, pendant le petit déjeuner, je vis à la télévision une enquête moldue relatant la mort d'une personne poignardée, avec un nombre de coups de couteau identique à celui de mon rêve. La ruelle où se trouvaient les journalistes et les policiers était exactement la même que celle de mon cauchemar, bien que je n'aie jamais mis les pieds dans ce quartier, ne fréquentant que les grands axes de la ville lors de mes déplacements. Ce jour-là, mon appétit disparut en réalisant que mes rêves devenaient de plus en plus réels.

Ce jour-là, mon esprit était embrumé par ces nouvelles informations. Par dépit, j'avais retourné la quasi-totalité de la bibliothèque en espérant trouver des réponses à cette chose qui hantait mes nuits. Un bourdonnement résonna dans mes oreilles avant qu'une douleur vive ne traverse mon crâne. Un flot d'informations envahissait mon esprit, et cette sensation, ce sentiment, recommençait de nouveau, mais en plein jour. De plus, la douleur, autrefois désagréable, était devenue quasiment insupportable. Les images qui défilaient étaient incompréhensibles, mélangeant plusieurs points de vue se superposant. À force de voir tant de choses défiler à une vitesse vertigineuse, mon estomac se manifesta, rejetant le peu que j'avais mangé sur le sol. La porte s'ouvrit au moment même où je m'effondrai par terre, perdant conscience.

Lorsque je rouvris les yeux, je sentis une serviette humide contre mon front. Il semblait que j'avais fait une poussée de fièvre. La fatigue accumulée, en plus de la dernière crise, m'avait sans doute assez affaibli pour provoquer un léger rhume. Étant donné que je me sentais légèrement mieux, j'avais tenté de me lever d'un pas rapide, mais, sentant la pièce autour de moi tourner et tanguer de plus en plus, je compris rapidement que je n'avais pas pris la meilleure décision.

Après avoir pris le temps de calmer mon corps, j'entrepris de me changer. J'avais beaucoup transpiré durant ma fièvre, et c'était très désagréable de sentir mes vêtements collés à ma peau. Une fois habillé d'une tenue propre composée d'un pantalon beige et d'un t-shirt blanc à manches longues de couleur rose claire, je ressentis une envie irrépressible de boire. Avec cet objectif en tête, je me dirigeai vers la porte de ma chambre. Mais à peine avais-je posé la main sur la poignée que je la sentis bouger doucement et la porte s'entrouvrit lentement.

Alors que je me déplaçais légèrement de côté pour voir qui était en train d'ouvrir ma porte, je fis face à... ma jeune sœur, encore plus surprise que moi de me voir debout face à elle. Elle semblait inquiète de me voir hors du lit et me raconta que c'était notre père qui m'avait retrouvé inanimé sur le sol. Il avait même appelé un guérisseur pour s'assurer de mon état de santé. Ce dernier avait diagnostiqué un simple état de fatigue passagère.

Je ne me laissais pas distraire par son discours sur mon état de santé, mais cela devenait de plus en plus difficile, vu le moulin à paroles qui me décrivait comment j'allais retomber malade. Même si cela partait d'un bon sentiment, je commençais déjà à ressentir de nouveau une migraine qui pointait le bout de son nez à l'arrière de mon crâne.

J'ouvris un petit tiroir dans le couloir, en sortis un porte-bougie, y déposai une bougie fraîche qui s'alluma comme à son habitude toute seule, et la lui tendis rapidement en espérant interrompre son discours sur ma fragilité physique actuelle. Nous utilisions des bougies, non par souci d'écologie, mais pour éviter de réveiller toute la maison en allumant toutes les lumières. De plus, le bruit que faisait le système électrique en s'allumant n'aidait pas.

Je lui répondais à demi-mot avec des petits "Je vais mieux, ne t'en fais pas" ou encore "J'irai dormir après avoir bu", mais cela ne l'empêchait pas de continuer à me sermonner encore et encore.

Malgré mes tentatives pour la rassurer, sa préoccupation pour moi était évidente et touchante. Je sentais qu'elle voulait simplement s'assurer que je prenais soin de moi, mais la migraine persistante me rendait difficile de supporter ses paroles incessantes.

Un peu énervé par tout cela, je tentai de prendre l'objet des mains de ma sœur pour accélérer le pas. Soudain, je vis un flot de souvenirs parcourir mon esprit à une vitesse folle, comme si j'explorais le cerveau de quelqu'un d'autre. Je n'avais pas le temps de comprendre ce flot d'informations qui m'envahissait, mais je réalisai que ce devait être les souvenirs de Nunnally.

Je vis des souvenirs de nous deux ensemble, parfois dessinés par elle, parfois avec notre famille incluant même les serviteurs. Je la vis également en train de m'observer lire mes livres pendant de longues minutes. Les images s'enchaînaient à une vitesse folle, comme si je regardais une vidéo accélérée de manière aléatoire. Puis, je ressentis sa panique en me voyant inconscient dans les bras de mon père, tandis qu'il me portait vers ma chambre. Les images et les émotions de ma petite sœur défilaient en moi sans aucun contrôle, me faisant perdre pied de plus en plus.

Je me sentais perdu dans ce torrent d'informations, presque déchiré par la douleur occasionnée, quand soudainement je fus projeté de nouveau dans mon propre corps par un cri perçant le silence du couloir. La voix, je l'avais reconnue : c'était celle de Nunnally, se tenant la tête de douleur, les yeux perlant de larmes.

Je repris rapidement mes esprits, la douleur diminuant légèrement. Je tentai de m'approcher de Nunnally, mais elle poussa de nouveau un cri en me repoussant violemment. Le premier hurlement l'avait réveillée, et nos parents, entendant le second cri, se précipitèrent vers nous, arrivant rapidement près des escaliers.

Soudain, les événements s'enchaînèrent très rapidement. Tandis que mes parents avançaient vers l'escalier pour comprendre la situation, ma sœur me regardait avec un regard de peur comme si elle voyait un monstre. Je tentai encore de la toucher pour la rassurer, mais elle donna un coup avec le porte-bougie qui me fit basculer en arrière au bord de l'escalier.

Je sentis rapidement une vive douleur à mon côté gauche tandis que ma vision gauche devenait de plus en plus rouge avant de devenir totalement obscure. Je sentais un liquide chaud perler le long de ma joue avant de tomber sur la moquette du tapis avec un plop. La douleur me fit me tenir l'œil tandis que mes parents venaient de me voir de dos, criant de douleur avant de finalement chuter de ceux-ci. Ma chute fut arrêtée, mais seulement après que j'avais déjà dévalé la moitié de l'escalier. Ils demandèrent à Nunnally de se calmer et d'expliquer la situation tout en se dirigeant vers moi afin de constater le saignement qui provenait de mes paupières. Celle-ci avait une coupure en ligne droite du sourcil jusqu'à la paupière inférieure. Le saignement abondant recouvrait déjà la moitié de mon visage alors que je me tordais de douleur.

Je fus rapidement transporté à St Mangouste tandis que mes parents s'occupaient de ma sœur avec un autre sorcier. Sans doute à cause de tous les événements du jour, de la douleur et de la peine, ma conscience s'amenuisa jusqu'à tomber inconscient. Lorsque je me réveillai, je me trouvais dans une chambre à demi-pénombre, le volet tiré pour limiter la luminosité et la chaleur dans la pièce. La douleur dans le côté gauche de mon visage me fit grimacer, et en tentant de la toucher pour masser la zone, mes doigts rencontrèrent une bande de tissu qui enveloppait ma tête, surtout là où j'avais reçu le coup.

Un toquement à la porte se fit entendre, et une sorcière au visage chaleureux entra. Ses cheveux étaient blancs, avec quelques mèches encore blondes, et il était difficile d'estimer son âge. Elle portait une longue robe verte ornée de l'emblème de St Mangouste, représentant une baguette croisée avec un os. Je reconnus cet emblème car j'avais lu un article dans la Gazette du Sorcier sur le traitement exceptionnel des Moldus ayant subi des blessures magiques.

près avoir reçu des éclaircissements sur mon état, on m'annonça que mon œil avait guéri sans souci et que je retrouverais la vue très rapidement. En revanche, le sortilège du bougeoir avait mal réagi avec mon sang, entraînant une réaction en chaîne avec le maléfice qui avait changé la couleur de mes yeux. Malheureusement, il était impossible de faire disparaître la cicatrice maléficiaire qui s'était formée, même après les différents sortilèges tentés par les guérisseurs pour me soigner et recoudre mes paupières sectionnées au centre.

La sorcière m'indiqua qu'elle pourrait essayer de restaurer la couleur de mes yeux comme avant, mais je déclinai poliment son offre et la remerciai. Voyant mes grimaces de douleur, elle fit d'un coup de baguette déplacer un verre du placard sur le plateau de mon lit, suivi d'une fiole marron entourée de cordage qui se débouchonna pour déverser un liquide laiteux. Il s'agissait d'une potion pour m'aider à supporter la douleur. L'odeur était abominable, rappelant celle d'un égout, mais je pris le verre sans hésiter et en bus une gorgée d'une traite.

Je ne m'attendais pas à ce que le goût soit encore pire que l'odeur. C'était comme si j'avais bu du jus de citrouille mélangé à du lait, avec une touche de terre et d'asticot. La guérisseuse rit face à mon expression de dégoût et me confirma que ce n'était pas du jus de citrouille. Touché par sa gentillesse, j'en profitai pour lui expliquer ce qui s'était passé ce soir-là ainsi que mes rêves étranges.

Elle m'écouta attentivement, posant quelques questions pour mieux comprendre la situation. Sa présence chaleureuse et compréhensive me permit de me sentir un peu plus à l'aise malgré la douleur persistante et les souvenirs troublants qui me hantaient. Parfois, son sourire laissait place à une expression plus grave, et son regard semblait perdu dans une réflexion intense. Après un silence qui me parut une éternité, elle mit un nom sur ce phénomène : "la Legilimancie", un art très rare permettant de lire les esprits.

Cette révélation me frappa comme un coup de tonnerre. La Legilimancie expliquait les visions étranges que j'avais eues, les souvenirs de ma sœur qui avaient afflué dans mon esprit comme un torrent. Je me sentais à la fois effrayé et intrigué par cette capacité mystérieuse. La guérisseuse poursuivit en m'expliquant que la Legilimancie pouvait être utilisée de manière bienveillante pour comprendre et aider les autres, mais qu'elle pouvait aussi être dangereuse si elle était utilisée à mauvais escient.

Alors que la sorcière m'expliquait mon don, mes parents avaient trouvé le timing parfait pour entrer dans la chambre dans un silence lourd, le regard perplexe à l'annonce de ce pouvoir que je possédais. Ils se tenaient là, à une distance de sécurité, comme si j'avais une maladie contagieuse. Je pouvais sentir que la nouvelle ne les enchantait aucunement. Dans un ton impersonnel, mon père m'annonça que ma sœur allait bien et qu'elle n'aurait sans doute aucune séquelle. Une fois ce discours fini, il remercia la guérisseuse pour l'explication et prit congé en compagnie de ma mère. Ils ne demandèrent aucune information sur mon état de santé, ce qui la fit réagir et elle leur donna mon diagnostic ainsi que l'explication de ma cicatrice. Un sec "très bien" fut la seule réponse qu'elle obtint. Ma mère me regardait comme si elle se demandait ce qu'elle avait pu faire de mal pour engendrer ce don. La situation me rendait mal à l'aise, et j'appréhendais déjà le retour chez moi.


Quelques jours plus tard, on me retira le bandage pour constater la cicatrisation. Cette fois-ci, c'était un autre guérisseur, bien plus jeune, qui s'occupait de moi. Il essayait de me remonter le moral en faisant le pitre, probablement conscient des discussions parmi le personnel sur la réaction de mes parents et cherchant à me faire sentir mieux. Il testa mes yeux avec sa baguette légèrement illuminée ; je pouvais voir de mon œil, mais ma vision était encore un peu floue. On m'indiqua qu'il était important que j'utilise mon œil comme avant pour faciliter sa récupération et permettre à mes paupières de reprendre leur rôle naturel.

Le guérisseur hésita un moment avant de me tendre un miroir pour que je puisse voir l'état final de ma cicatrice. Bien que je ne la trouvasse pas horrible, c'était tout de même une marque sur mon visage, et l'idée que les gens me dévisageraient à cause de cela me rendait légèrement nauséeux. Pour ne pas causer plus de soucis, je lui adressai un léger sourire de remerciement, exprimant ma gratitude pour le travail accompli et pour avoir sauvé mon œil.

Lors de mon départ de St Mangouste, mes parents n'étaient pas là pour venir me chercher. À leur place, il y avait Betty, la vieille elfe de maison qui servait ma famille depuis des années. Son regard se posa sur le mien tandis qu'elle m'adressait un sourire chaleureux, presque maternel, sans pour autant dévisager mon nouveau visage. Je n'avais jamais vraiment parlé à nos domestiques car je savais que mon père n'était pas des plus tendres avec eux ; ils devaient simplement exécuter les tâches demandées, rien de plus. Pourtant, aujourd'hui, elle était là dehors, dans son drap un peu crasseux par les années.

Je m'approchais d'elle en continuant de chercher ma famille, mais avec peu d'espoir. Betty m'annonça que le maître et la maîtresse étaient occupés avec la jeune maîtresse et qu'ils ne pourraient pas se libérer. Heureusement, elle avait ramené assez de poudre de cheminette pour que nous puissions rentrer à deux. J'éprouvais une certaine appréhension envers ce moyen de transport, et le fait de savoir que j'étais accompagné rendait la situation beaucoup plus supportable.

Betty et moi nous sommes dirigés vers l'atrium de St Mangouste où se trouvait la cheminée de sortie. Celle-ci m'assura que tout se passerait bien et me montra comment utiliser la poudre. Elle prit la tête et disparut dans un tourbillon de flammes vert émeraude. Je la suivis immédiatement après, prenant une poignée de poudre et la jetant dans les flammes.

Submergé par une sensation de tourbillonnement et de désorientation pendant un court instant, tout s'arrêta brusquement. Maintenant, je me tenais debout dans une pièce sombre éclairée uniquement par le feu de cheminée par lequel je venais de surgir, comme un lapin sortant d'un chapeau. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais réapparu ici, dans ce qui semblait être la cuisine réservée aux domestiques et non par la cheminée principale.

C'est alors que Romard, le vieux elfe de maison, m'expliqua d'une voix grincante que désormais, je ne pourrais circuler que de la cuisine à l'annexe du jardin et à ma chambre, sur ordre de monsieur. Les repas me seraient également servis ici. Sans doute était-ce leur manière de signifier qu'ils ne souhaitaient pas que je m'approche d'eux tant que mon don serait incontrôlable et imprévisible.


Pendant toute une année, mon quotidien fut chamboulé ; je me sentais désormais comme un fantôme dans la maison. Betty était devenue ma nouvelle figure maternelle de substitution, s'assurant que je prenais mes repas, même en usant de chantage avec Hope. Qui est Hope ? C'était un petit chaton errant que j'avais rencontré dans l'annexe du jardin quelques jours seulement après le début de ma "détention" à domicile. Il était petit, avec un pelage doré et des yeux verts ornés de taches claires qui lui donnaient des reflets jaunâtres. À force de le nourrir et de jouer avec lui chaque jour, j'avais fini par l'adopter, apportant ainsi un peu plus d'animation à ma vie.

Les autres elfes de maison se montraient de moins en moins distants à mon égard, mais c'était seulement Betty qui était devenue proche de moi, comme si nous avions toujours eu cette relation particulière. C'est grâce à elle que j'avais découvert mon plat préféré : sa tarte à la cerise, qu'elle me préparait chaque fois que j'étudiais sérieusement ou m'entraînais sur mon don.

Un jour de pluie, quelque chose changea dans mon quotidien. Une jeune sorcière au regard sombre se trouvait dans la cuisine face à moi, baguette à la main, me dévisageant moi et ma cicatrice. Elle était ma nouvelle tutrice, envoyée pour régler le "problème". Mon père avait manifestement perdu patience avec ma lente avancée et décidé de passer à la vitesse supérieure.

Les cours étaient d'une difficulté sans précédent. Elle me demandait de laisser mon don tenter de pénétrer son esprit pendant qu'elle se protégeait à l'aide de l'Occlumancie. Les pauses étaient rares et la sévérité de ce professeur frôlait le sadisme.

Après des semaines de tentatives infructueuses de pénétrer son esprit, qui me parurent des mois  un instinct de rébellion monta en moi, un désir presque instinctif de retourner la situation contre elle. Alors que je me concentrais intensément, le flux d'informations que j'avais tant cherché finit par se manifester à nouveau. Je parvins enfin à pénétrer son esprit.

Mon intrusion dans son esprit fut brève mais intense. Je vis quelque chose de perturbant : elle semblait amoureuse de mon père, et je ressentis sa jalousie en voyant les photos de ma mère et de lui ensemble. Un "assez" glacial me chassa hors de son esprit, son regard devenant encore plus froid. J'essayai de nier avoir vu quoi que ce soit, mais elle rangea ses affaires dans sa petite mallette qu'elle ne quittait jamais, puis s'en alla dans l'annexe avant de transplaner hors de la demeure. Ce fut la dernière fois que je la vis après cet incident.

Ma vie reprit son cours normal par la suite. Je partageais parfois des repas en famille, bien que ma sœur semblât toujours éviter ma présence. Je passais encore beaucoup de temps avec Betty et les autres elfes de maison, préférant même leurs repas malgré leurs chansons et leurs bruits de bouche lorsque l'ivresse les prenait. Finalement, je n'étais plus un fantôme, mais je n'étais plus non plus le même garçon qu'avant. Je ne suivais plus les idéaux de mon père comme un bon petit soldat.

Un bon matin, j'entendis un cacotement contre ma fenêtre. Je vis une chouette noire, gracieuse, tenant en son bec une lettre à mon attention. J'entrouvris la fenêtre, l'animal déploya à moitié ses ailes et sauta jusqu'à ma jambe. Avec curiosité, je pris la lettre qu'elle me tendait et lui donnai un des derniers miamhibou que j'avais dans ma table de chambre. L'animal poussa un petit cri de contentement alors qu'elle engloutissait la confiserie. Pendant ce temps, j'ouvris la lettre, me demandant qui pouvait bien m'envoyer une missive si tôt le matin.

L'écriture sur la lettre était parfaitement ordonnée, encore chatoyante malgré la simplicité du papier. Mon nom indiquait que ma candidature à l'école de sorcellerie Ilukaan avait été acceptée en ce jour de mon onzième anniversaire. Au verso se trouvait la liste des fournitures nécessaires. Je caressai doucement la tête de la chouette qui se laissait faire, reconnaissante. Après quelques instants, elle se tourna vers la fenêtre, poussa un petit cri et s'envola pour disparaître dans l'horizon aussi rapidement qu'elle était apparue dans ma chambre.

Je me levai de mon lit en sautillant de joie. Je n'aurais jamais pensé recevoir un jour une réponse au hibou que j'avais envoyé presque deux ans auparavant, mais finalement, la voilà entre mes mains. J'entrouvris la porte et vis sur le sol un petit paquet cadeau maladroitement emballé dans un papier bleu froissé, avec un ruban blanc noué avec difficulté. Je le pris et l'ouvris immédiatement. À l'intérieur se trouvait un petit médaillon, sans mot ni lettre. En appuyant sur un petit loquet, il s'ouvrait pour glisser une photo. J'ouvris le second tiroir de ma table de chevet et en sortis la photo souvenir de ma sœur et moi. Je me dirigeai vers la cuisine pour demander à Betty d'utiliser la magie afin que la photo puisse entrer dans le médaillon, ce qu'elle fit avant même que je ne puisse finir ma phrase.

Betty m'offrit également quelque chose : une tarte à la cerise en guise de cadeau d'anniversaire, ce qui indiquait clairement qu'elle n'était pas l'expéditrice du cadeau mystérieux. Je mangeai goulûment une part de tarte, enfilai le médaillon, puis après de grandes inspirations dignes d'une athlète, je me dirigeai vers le salon où ma famille déjeunait ensemble. J'annonçai mon acceptation à Ilukaan. Je m'attendais à des cris, des protestations, mais au lieu de cela, on m'informa de faire bonne figure et de ne rien faire qui puisse déshonorer notre nom.

On me déposa devant une boutique nommée Ollivanders, célèbre pour ses baguettes magiques. Après avoir maladroitement brisé deux vases et fait tomber une douzaine de boîtes, le vieil homme grisonnant, qui ne semblait pas y prêter attention, se dirigea vers l'arrière-boutique. Il ouvrit un placard contenant plusieurs boîtes légèrement différentes et me présenta une baguette noire, il me précisa qu'il s'agisait dfe bois d'ébène avec un coeur de Zouwu, une créature fantastique rare encore plus dans une baguette . Je la pris avec appréhension, mais rien ne se passa. Observant toujours attentivement, l'homme ne montrait aucun signe d'impatience.

Soudain, des gerbes de lumière jaillirent de la baguette, provoquant un sourire d'euphorie chez l'homme. Je payai rapidement et rassemblai mes affaires pour le voyage. Ma rentrée à Ilukaan approchait à grands pas. J'achetai juste un dernier accessoire : un cache-œil. Voyant que beaucoup de personnes me dévisageaient à cause de ma cicatrice, cela me permettrait d'avoir un peu de confort dans cette nouvelle vie loin de Londres.

(c) Ilukaan