TW : décès, maltraitance.

Assis face à l’instrument, Alan observait les cordes de celui-ci, les effleurant de ses doigts pour entendre le doux son de son violon. Ce cadeau l’avait accompagné presque toute sa vie. Un léger sourire se forma sur ses lèvres fines alors qu’il attrapait le manche de l’objet avec une infinie délicatesse. Lentement, il plaça l’objet contre son cou puis, il prit son archer de bois dans sa main gauche et commença à tendrement frotter les cordes pour jouer de cette mélodie qu’il connaissait par cœur, qui faisait vibrer son âme et berçait son chat.


Les douces notes qui quittaient le violon le plongeaient dans un état de transe. À chaque fois, les mêmes souvenirs revenaient dans son esprit fatigué et douloureux. Une maison japonaise traditionnelle, un petit jardin délicatement aménagé, le dos d’une femme aux cheveux longs noirs qui portait un kimono traditionnel blanc avec des fleurs rouges. Il l’écoutait pendant que l’inconnue jouait de l’instrument, dansant presque en même temps. Le soleil était haut dans le ciel et aucun nuage à l’horizon. Alan avait envie de courir vers elle, de tirer sur sa manche pour réclamer un câlin, mais il était bien trop hypnotisé par la mélodie pour bouger le moindre sourcil. « Maman, regarde-moi ! » Une fausse note et la magie était brisée, le faisant revenir à la dure réalité, une larme roulant sur sa joue blanche.


Alan était le fils tant désiré d’un adultère entre une Japonaise sang-pur et un Irlandais de même statut. Il avait été élevé une partie de sa petite enfance sur l’île du soleil levant aux côtés de sa mère ainsi que de son grand-père. De cette période, il ne gardait que peu de souvenirs. Une femme jouant du violon, dos à lui, un vieil homme ridé bien trop fatigué pour sortir de son fauteuil sans aide et un petit caméléon nommé Pedro. Il gardait toujours un fond de douceur et d’amour sincère lorsqu’il tentait de se rappeler de sa petite enfance. Pourtant, lorsque son don s’était manifesté la première fois, il n’avait que quatre ans. Un visage inconnu, une blessure purulente dans l’âme, des cris et le désespoir. C’était ce qu’il avait vu en touchant sa mère. Elle avait bien tenté de lui apprendre à canaliser cette anomalie, mais c’était difficile pour un petit aussi dissipé.


Et puis, bientôt, les nuages arrivèrent dans la vie d’Alan. Son grand-père partit pour un monde meilleur et sa mère ne s’en remit jamais réellement. Le sorcier avait aussi oublié le dernier souvenir qu’il avait de cette femme. Celle d’un corps mou sur le lit, des cachets traînant partout autour d’elle et une lettre dont on ne lui lut jamais le contenu. Il avait hurlé, pleuré toutes les larmes de son petit corps et finalement, au bout de quelques jours, quelqu’un était venu, inquiet de ne pas avoir de réponse aux hiboux.


Les seuls biens qu’il avait pu prendre à l’époque, étaient ce violon ainsi que Pedro. Il fut presque aussitôt envoyé chez son père en Irlande. On l’obligea à changer de nom et de prénom pour convenir au standard de la famille McTaylor. Ce n’était qu’un simple bâtard, mais il n’en restait pas moins un sang-pur. Alors, on l’éleva à la dure, Alan. Une chambre sous les toits du manoir, des habits de seconde main et un désintérêt certain, ce fut ainsi que les choses se déroulaient dans le secret de la famille. Il n’y avait que Pedro d’amicale aux yeux du petit Alan.


Le nouveau déchirement dans le cœur du petit homme fut le mort prématuré de son fameux caméléon. Torturé puis massacré par le fils légitime de son père, il retrouva le petit corps brisé dans son lit. Une rage incroyable s’était alors emparée de lui et pour la première fois la magie avait éclaté, brisant les vitres et brûlant quelques cheveux sur ce demi-frère qui en fit dans son pantalon. La punition fut à la hauteur de la surprise du père. Une claque monumentale, deux coups de ceintures et un séjour à la cave. Il ne put jamais enterrer Pedro ni réellement faire son deuil.


Heureusement, il reçut finalement un hibou pour signifier son acceptation à l’école de magie anglaise, Poudlard. Sa maison ? Serdaigle. Alan se découvrit un amour incroyable pour la magie elle-même. Et, il était plutôt doué en plus. Bien que fort dissipé, bavard et malicieux, il termina sa scolarité avec brio, obtenant les meilleures notes de sa promotion. Que faire, maintenant ? Alan hésitait un peu entre étudier pour devenir Auror ou continuer d’étudier la magie elle-même. Mais, une chose était certaine, il devait quitter l’Irlande le plus tôt possible, refusant de continuer à se faire maltraiter par ceux dont il partageait une partie de son sang. Son parcours fut cependant, rendu difficile par son don. Alan n’arrivait pas à le contrôler malgré l’aide d’un de ses professeurs de l’époque. Son père lui crachait souvent que c'était sans doute un cadeau empoisonné de sa mère.


Les BUSES et l’ASPIC en poche, il décida de continuer plus loin, de perfectionner sa magie. Alan continua le cursus Auror & Défense Magique. Dire que ces années furent difficiles étaient un euphémisme, mais tout semblait plus simple que de vivre sous le même toit que les McTaylor. Alors, malgré des bêtises sans importances bien que fort drôles pour lui, il obtint finalement son troisième diplôme et décida de prendre quelques années sabbatiques, profitant de l’opportunité que lui offrait son pseudo-père. De l’argent contre ton éloignement. Alors, il avait pris et pendant quatre ans, il parcourut le monde, retourna aux sources, le Japon.


Il retrouva sa maison d’enfance qui avait été vendue et adopta son petit maincoon pour clore cette partie de sa vie. Et ce petit animal… Comment allait-il l’appeler ? Pas Pedro, il n’y avait qu’un Pedro. Pourquoi pas… Chat ? Chargé de Chat sous le bras, Alan termina finalement son périple au Canada pour se poser. Il apprit qu’un poste de professeur de Sortilège était disponible à la grande école de magie canadienne, Ilukaan, école qui l'intriguait depuis quelques temps. Alors, comme à chaque fois, le petit violoniste fonça. Heureusement que pendant ses années de voyages, il avait pu glaner quelques lettres de recommandation. Et, depuis le voilà professeur de Sortilège. Il aimait beaucoup ce travail et ses élèves, même si cela ne l’empêchait pas de continuer quelques expériences plus ou moins risqués pour trouver d’autres sortilèges, sans grand succès pour le moment. Et sans perte de membres. Heureusement pour lui, son don semblait enfin lui obéir petit à petit.

(c) Ilukaan