Lian naquit un beau jour d'été, en 2002, dans la demeure de la famille Xie se situant dans le quartier sorcier de Pékin. Fils unique, ses parents se félicitèrent d'avoir un bébé aussi beau et vif que lui. Il fut prénommé Lian 怜, signifiant "compassion", "affection".

"Quelle chance avons-nous d'accueillir Lian-er dans notre famille ! Notre fils est destiné à faire de grandes choses !" s'exclamèrent Monsieur et Madame Xie tandis qu'ils organisèrent une fête en grande pompe.

Cette famille sang-pure était particulièrement connue dans le monde sorcier chinois. Descendant d'une ancienne famille d'Immortels et de Cultivateurs, ces derniers avaient une certaine renommée ainsi qu'une certaine richesse. On leur prêtait, de part cette descendance et à tort ou à raison, une grande capacité magique. Dans tous les cas, leur demeure était l'une des plus grandes du quartier. Ils se sentaient d'ailleurs bien chanceux et privilégiés d'avoir échappé au petit "nettoyage" des familles nobles par le Parti moldu. L'Empire du Milieu était divisée quand cela concernait la cohabitation entre monde magique et monde moldu. Autant dire que le Code international du Secret Magique y était particulièrement renforcé. Il était très mal vu de faire de la magie pour quelqu'un qui ne la pratiquait pas. La famille Xie faisait donc tout pour ne pas se mêler à ce monde dépourvu de sorcellerie.

En grandissant, Lian devint très vite le joyau de sa famille. Avec ses traits fins, son doux visage et son intelligence, il était choyé par ses parents. "Quelle chance avez-vous d'avoir un garçon aussi talentueux !" s'écria une voisine du couple. Il faut dire que le petit était inscrit à diverses activités : calligraphie, danse ou bien encore musique. Les Xie avait le pouvoir de le faire et Lian ne s'en plaignait pas. Il fut ensuite admis dans un temple pour jeunes sorciers afin de s'y faire enseigner les préceptes traditionnels des sorciers chinois, mais aussi l'écriture, la littérature, les mathématiques et tout ce qui ne touche pas forcément au monde magique.

En ces temps là, Lian était un garçon plutôt capricieux, arrogant aussi. Bien conscient de sa chance, il voulait coller à l'image du fils parfait qu'avaient les gens en tête. Même son cousin, Qi Rong, lui louait une véritable adoration (qui avait plus tendance à l'agacer qu'autre chose d'ailleurs). Malgré tout, on ne pouvait pas vraiment lui en vouloir car même avec ses défauts, Lian restait un enfant profondément gentil et voulant faire le bien.

Il fit preuve de cet altruisme quand il avait 9 ans lors d'un événement qui est d'ailleurs à l'origine des premières manifestions de ses pouvoirs magiques. Alors qu'il échappait à la surveillance de son précepteur, libre comme l'air, il décida de lui-même de passer du côté moldu de sa ville. Cela lui avait bien évidemment été interdit mais Lian voulait en découvrir plus sur le monde qui l'entourait, d'un naturel curieux. Et puis, il avait l'âge pour le faire. C'est ce qu'il se disait, en tout cas. Il découvrit alors la multitude de voitures et de vélos qui remplaçaient les balais et autres moyens de locomotions sorciers dans les rues. Les boutiques, quant à elles, n'avaient rien à voir avec celles de son quartier. Il se sentit un peu perdu sur le coup, mais poussé par sa curiosité, il continua sa découverte. Il y avait beaucoup de monde et bien que certaines personnes se retournaient devant ce petit garçon habillé d'une drôle de manière - les tenues sorcières s'apparentaient un petit peu à des hanfu traditionnels - il se fondit dans la masse.
C'est alors qu'en voulant changer de trottoirs, il le vit. Un petit garçon à la tête et au visage couvert de bandages. Il attira directement son attention puisque ce dernier semblait prêt à traverser malgré la voiture qui débarquait à toute vitesse sur l'allée principale. Sans hésiter, il s'élança. Pousser par l'adrénaline et ce réflexe irrépressible de venir en aide à cet enfant, il sentit une énergie nouvelle le traverser. Sans trop comprendre comment, elle l'aida à se propulser vers le garçon, à l'attraper et à atterrir plus loin tandis que la voiture passa son chemin à toute vitesse. Lian venait de lui sauver la vie et plus que ça, ses pouvoirs magiques venaient de se manifester de la plus curieuse des façons. Plusieurs personnes ayant vu la scène se précipitèrent vers eux pour s'enquérir de leur état et Lian fut féliciter chaleureusement. "Quelle chance que cet enfant ait été sauvé. Quel réflexe ! Bravo mon enfant !". Pendant ce temps, celui qu'il avait sauvé restait blottit dans ses bras. Ses cheveux de jais étaient en bataille et il était tremblant, visiblement paniqué et traumatisé par l'événement.
"Viens avec moi, allons dans un endroit plus calme", dit-il en prenant la main de l'autre enfant. Ils marchèrent silencieusement plus loin, du côté piéton. Il restait éperdument agrippé à Lian qui ne savait pas trop comment le rassurer mis à part le garder près de lui.
"Je suis Xie Lian. Et toi, comment t'appelles-tu ?", fut la question que posa Lian. Il obtint comme réponse un timide "Hong". Lian esquissa un sourire, espérant le calmer un peu. Il voulait lui remonter le moral et en levant la tête il remarqua qu'il était de retour dans le quartier sorcier. Sans doute l'avait-il conduit ici par automatisme. Dans tous les cas, il connaissait mieux cette partie de la ville. Il ne se posa même pas une question importante : comment est-ce que Hong avait lui aussi pu franchir cette frontière entre quartier moldu et sorcier ? Dans tous les cas, Lian emmena le garçon auprès d'une petit échoppe de mantou. Il en acheta deux : un pour Hong, l'autre pour lui-même et ils purent s'asseoir sur un banc, près d'un petit espace végétal. Il remarqua à l'air du garçon qu'il était reconnaissant. D'ailleurs, il mordit à pleine dent dans le petit pain rond.
La discussion se fit enfin, bien que Lian était surtout celui qui parlait. Hong répondait surtout par des hochements de tête ou bien certaines onomatopées. Affectueusement, le plus âgé lui donna le surnom de "Hong Hong'er", accentué par son accent pékinois. Cependant, ce dernier prit un air grave, au détour de la conversation. Lian perçut ce sentiment de tristesse à travers les yeux du plus petit et son coeur se serra quand il l'entendit demander ce qu'il était censé faire quand plus rien ne le retenait dans ce monde et qu'il serait sans doute mieux mort. Ce qui sortit de la bouche de Lian est quelque chose qu'il trouve aujourd'hui particulièrement embarrassant : "Tu n'as qu'à vivre pour moi, Hong'er. Fais de moi ta raison de vivre !". Il ne savait pas pourquoi il avait dit une chose pareille. Sans doute par arrogance et par volonté de le sauver. Dans tous les cas, la surprise se lut sur le visage de l'enfant aux cheveux de jais dont le regard s'illumina d'une force nouvelle. Il le remercia d'un sourire et sauta du banc pour aller plus loin. Curieux, Lian l'observa faire et fut surpris de le voir revenir avec une belle petite fleur blanche à la main qu'il lui tendit. "Oh…Merci, Hong'er…".
"XIE LIAN !!!" cria une voix. Il s'agit de celle de son précepteur qui, furieux, était en train de courir vers lui. "Oh non, je dois te laisser… Pardonne-moi ! Si tu dois repartir, passe par ce chemin. Au revoir Hong'er. Et prend soin de toi". Sur ces mots, il laissa son compagnon du jour seul pour rejoindre son précepteur. Il se fit d'ailleurs réprimander sur le chemin du retour, puis féliciter en annonçant l'apparition de ses pouvoirs. Ce n'est que le soir, au moment de se changer qu'il remarqua l'absence de sa seconde boucle d'oreille. Sans doute l'avait-il perdu du côté moldu de la ville…

Lian continua de grandir mais ne revit jamais le garçon. Il oublia d'ailleurs cette mésaventure peu à peu, se concentrant plutôt sur ce qu'on lui enseignait. Puis le jour fatidique de ses 11 ans arriva et, avec lui, le choix définitif de son école de magie. Ses parents auraient pu le faire étudier à la maison mais le jeune Xie Lian voulait découvrir le monde. Ainsi, son choix se porta sur Ilukaan, une école canadienne mais internationale avec énormément de cursus. Même s'il aimait sa Chine natale, le monde semblait offrir tant de possibilités qu'il voulait découvrir !

La rentrée se fit avec calme. Lian entra à Cervirald et se fit plusieurs amis. Il suivait aussi les cours avec assiduité pour le plus grand bonheur de ses parents.
"Quelle chance j'ai d'être ici...", murmura le garçon pour lui-même, installé dans le lit douillet de son dortoir.
Pourtant la joie et l'insouciance ne sont souvent que de courte durée.

C'est à ses 17 ans que tout bascula. Le bonheur et la richesse des Xie rendaient bien des gens jaloux. Le père de Lian, notamment, devait faire face à de nombreuses critiques voire complots. Un certain White No-Face, mage de noir de son état, sorti ainsi de l'ombre. On ignorait bien pourquoi il en voulait autant aux grandes familles sorcières chinoises, mais les Xie faisaient parti de sa cible. Et Xie Lian était en première ligne. Quoi de mieux pour faire du mal à quelqu'un qu'en s'en prenant à ses proches ou à sa famille après tout…

Les conséquences de l'offensive du mage noir contre Lian étaient d'ailleurs toujours visibles sur lui. Aussi bien physiquement que mentalement.
D'abord, White No-Face lui lança une malédiction impossible à faire disparaitre malgré les nombreuses tentatives d'experts et les conseils des médicomages. Cette forme de magie très noire et ancienne lui laissa des marques sombres au cou, aux poignets et aux chevilles. Ces liens serrant son corps emprisonnèrent sa chance qui ne pouvait littéralement plus se manifester. Il était désormais malchanceux, très malchanceux. Le comble pour un garçon né sous une aussi bonne étoile que lui. Cette nouvelle situation dévasta sa famille puisqu'il apportait désormais plus de malheurs que de bien au sein du foyer…
Mais ce qui détruisit le plus psychologiquement Lian fut bien le second méfait du mage noir. Alors que Lian était de retour à Pékin pour les vacances d'été et qu'il se baladait dans une rue moldue à l'écart, une brusque bourrasque s'éleva, faisant s'envoler bon nombre de choses dans cette ruelle. Les cris des habitants retentirent et la silhouette de White No-Face apparut. Les hommes et femmes dépourvus de pouvoir magique ne comprirent aucunement la situation mais Lian, lui, resta tétanisé tandis que le mage commença à lancer des maléfices vers sa direction. Il voulait leur crier de fuir. Il tenta bien de sortir sa baguette pour combattre. Le problème était bien que certains sorts pouvaient ricocher sur les moldus et c'est malheureusement ce qui arriva à certains d'entre eux. Avec horreur, Lian put voir certains de leurs visages se transformer sous la douleur horrible que leur infligeait le maléfice signature de White No-Face : des visages poussaient sur les fronts, les joues et les mentons de ces victimes innocentes. Et il ne pouvait rien faire, car son corps refusait de bouger par la peur, car sa puissance magique n'était pas aussi grande que celle de son ennemi, parce qu'il ne pouvait pas protéger tout le monde. C'était là la plus terrible réalisation. Il dut son salut à l'intervention d'aurors, alertés par la soudaine activité magique du quartier. La scène reste floue dans les souvenirs de Lian, mais White No-Face fut arrêté tandis que les victimes encore vivantes furent prises en charge et que les moldus ayant assistés à la scène furent tous oubliettés. On ne tint pas rigueur à Xie Lian pour avoir utilisé la magie, s'agissant de légitime défense. Mais aujourd'hui encore, même après trois ans, le jeune homme savait qu'il était à l'origine de cette attaque. A cause de lui, il y avait eu des victimes. Il apportait la malchance… Il méritait le pire des châtiments ! Cette culpabilité se transforma lentement en syndrome post-traumatique et en dépression. Un fardeau qu'il portait comme un boulet à son pied.

Le seul point positif fut qu'il décida quand même d'entrer dans le cursus d'Auror et Défense magique. Sa morale et ses valeurs ne le quittant jamais très longtemps. Bien qu'il était difficile pour lui de se réconcilier avec lui-même, il voulait au moins être porteur de bonnes actions au service des autres et du bien commun.

(c) Ilukaan