Pour bien connaître un enfant de onze ans, le plus judicieux est de se tourner vers ses parents. Dans le cas de Bob, il s’en sort tout à fait correctement. Margret, sa mère, est née sorcière de parents sorciers et a étudié à Ilukaan dans sa jeunesse. Une époque plutôt lointaine puisqu’elle a eu Bob à l’âge de 39 ans. Une femme adorable, d’une grande intelligence et qui a tout fait pour permettre à sa famille une vie confortable dans le centre-ville d’Ottawa, travaillant notamment dans l’administration nationale bien que le monde des moldus ne la passionnait pas plus que cela.

Edward, le père de Bob, est un moldu. Il a rencontré Margret lorsqu’elle sortait d’Ilukaan et ils se sont rapidement entichés. Il a été mis très tôt au courant du monde d’où venait son épouse et cela le réjouissait. Il s’en servait pour nourrir ses peintures et ses ouvrages textiles, travaillant dans le milieu épanouissant du droit des déchets qui le poussa à développer autant que possible ses hobbies et sa vie de famille.

Après une dizaine d’années de vie commune dans le monde des moldus, le couple a enfin eu un enfant. Un évènement attendu car l’un comme l’autre avait envie d’avoir un petit être duquel s’occuper et à qui transmettre les bonnes valeurs portées par chacun. Ce fut chose faite car toute l’enfance de Bob fut baignée dans le confort réglementé d’une pupille de la petite bourgeoisie. On l’inscrivit à de multiples activités extrascolaires pour qu’il trouve chaussure à son pied et c’est finalement le dessin qui suscita chez lui un véritable intérêt, au grand enchantement de son père.

Sa mère, elle, resta toujours assez détachée de son enfant. En effet, rapidement après sa naissance les parents de Bob furent obligés de discuter de l’avenir de ce sang-mêlé. Où le faire grandir ? Le monde des sorciers, fantastique, mais dans lequel Margret n’avait presque plus d’attache ? Ou le monde des moldus, si ennuyeux que tout le monde cherchait à s’en divertir comme le faisait Edward, mais dans lequel ils vivaient d’ores-et-déjà ? Pour ne pas forcer un retour difficile dans le monde des sorciers, Margret accepta que leur fils soit élevé en moldu. Mais elle ne parvint jamais vraiment à tisser un lien solide avec son fils à cause de cela, ne sachant pas vraiment quoi lui partager, quelles histoires lui raconter, quelles valeurs lui transmettre car tout ce qu’elle était provenait du monde des sorciers. Bob grandit donc davantage auprès de son père, ne souffrant pas réellement de la situation avec sa mère car, manquant de comparaison, c’était la normalité pour lui.

Enfin vinrent les années 2021 et 2022. La politique du monde magique fit des émules jusque dans le foyer Laurier. Les enquêtes, les directeurs renvoyés puis réintégrés… Tant et si bien que lorsque Bob reçut les différents dossiers présentant les écoles de magie mondiales, dont Ilukaan, dossier que ses parents souhaitaient intercepter et cacher aux yeux de l’enfant, ils eurent une discussion enflammée sur ce qu’il convenait de faire à la lumière des récents évènements. Evidemment, son père ne souhaitait plus seulement l’élever en moldu, mais le maintenir à jamais ignorant de son héritage ce qui choqua profondément Margret qui souhaitait, tôt ou tard, parler du monde magique à Bob. Affecter à ce point sa femme poussa Edward à accepter une décision difficile : envoyer Bob à Ilukaan, l'école où sa mère avait étudié, l'école nationale. En quelques mois à peine il fallait, de manière imprévue, lui raconter le monde des sorciers, la magie, les baguettes, toutes ces choses.

Bob vécu ceci comme s’il traversait l’océan à pleine vitesse sur un paquebot. C’était complètement fou, insensé, et d’une étrange manière… « bienheureux ». Il n’était pas un enfant déprimé ou mal dans sa peau, mais le fait d’apprendre qu’il était un sorcier, qu’il irait dans une école de magie, apprendrait des sortilèges, évoluerait dans un monde tout à fait différent et merveilleux, ce fut comme si son futur devenait bien plus beau et brillant, comme s’il avait instantanément levé les yeux au ciel et visé les étoiles. Il était un sorcier. Quel enfant ne rêverait pas d’être un sorcier ?

C’est donc avec un enthousiasme frisant l’extatique que Bob acheta ses fournitures, accompagné par sa mère, avec laquelle il discuta longuement et eut l’impression étrange de la découvrir pour la première fois. De longues semaines riches en émotion et il ne retint pas ses larmes lorsqu’il dut quitter ses parents et notamment sa mère avec qui il lui semblait avoir tant de choses à vivre pour enfin la comprendre et « rattraper le temps perdu ».

Mais sa nouvelle vie l’attendait, une vie qui s’annonçait passionnante et remplie de surprises à chaque instant. Cela l’effrayait, évidemment. Il était loin de chez lui, terriblement seul et livré à lui-même, serait peut-être exclu ou maltraité par les autres élèves, mais il ne pouvait s’empêcher de voir le positif. Il était un sorcier, nom de Dieu !

(c) Ilukaan