C'est le 15 novembre 2004 que tu vis le jour, Lélio, à New-York. Tu étais attendu avec bonheur par tes parents et ton demi-frère Célian, de six ans ton aîné. En effet, c'était au sein d'une famille recomposée que tu avais décidé de pointer le bout de ton nez. Mais pour toi, ça n'avait jamais été important, Célian était ton frère en entier, un point c'est tout. Tu ne t'encombrais pas de ce "demi" qui te donnait l'impression d'essayer de fragiliser votre relation. Comme si quelque chose pouvait perturber ta relation avec Célian, de toute façon. Toute la famille du côté de ton père l'avait accepté comme s'il était de leur sang, de toute façon. Et les parents de ta mère, tu n'en avais jamais entendu parler. De ce que tu avais compris, ils n'avaient pas accepté son divorce et son remariage. Mais bon, s'ils avaient réagi comme cela, est-ce que tu avais vraiment besoin d'eux dans ta vie ? La vie passait trop vite pour s'encombrer des cons.

Ta petite enfance se passa sans accroc, tu traînais dans les pattes de ton grand frère, essayant de copier tous ses faits et gestes. Tu voulais avoir les mêmes passions que lui, les mêmes jouets, les mêmes amis… Clairement, tu l'embêtais un peu à être si collant, mais il prenait sur lui et tolérait, parce qu'il était ton grand frère. Il devait te montrer l'exemple. Pour toi, il était un véritable héros, ton modèle même. Vous trainiez à longueur de journée dans le garage automobile de votre père, à deux pas de votre appartement. Le bruit des voitures, l'odeur de l'essence, de la gomme des pneus, de l'huile de moteur… C'était ton quotidien. Après l'école, vous vous dépêchiez de prendre votre goûter à la maison pour vite rejoindre l'atelier et admirer les voitures. Célian disait tout le temps que plus tard, il voudrait être garagiste. Alors tu l'imitais, comme tu l'avais toujours fait, clamant haut et fort que c'était ton rêve aussi.

Les premiers désagréments que tu rencontras dans ta vie vinrent de l'école. Enfin, des autres enfants plutôt. "Pourquoi ton frère et toi, vous ne vous ressemblez pas ?". Tu l'avais entendu souvent, cette horrible question. Vous aviez des caractères similaires, tu faisais tout pour lui ressembler, mais pourtant, les autres enfants bloquaient sur votre apparence physique. Il était vrai que Célian et toi, vous aviez tous les deux pris plus de vos pères biologiques que de votre mère. Il était blond, toi châtain, sa peau était pâle, pas la tienne… Certes, vous aviez les mêmes yeux, mais ça ne suffisait pas aux autres enfants, qui demandaient tout le temps des justifications. Et quand vous leur en donniez, il arrivait qu'on vous réponde que vous n'étiez pas totalement frères, du coup. Célian étant plus âgé, il encaissait mieux ces remarques que toi.

Enfin, il les encaissa bien jusqu'à sa crise d'adolescence, vers 14 ans. T'avais à peine 8 ans, à l'époque, mais tu te souviens très bien de la colère inexpliquée de Célian envers tes parents. Maintenant, tu sais qu'à cet âge-là, on est en colère contre le monde entier, qu'on a besoin de s'émanciper et de se détacher de sa famille. Mais à l'époque, tu ne pouvais être que spectateur des disputes entre Célian et ton père, qu'il accusait de ne pas être son père à lui. Ton frère ne s'en rendait pas compte, mais en faisant cela il te mettait un peu de côté aussi, il s'excluait de la famille que vous formiez et du coup, il s'éloignait de toi. Il avait besoin de son espace, mais toi, tu avais encore besoin de lui.

Ce fut d'ailleurs pendant cette période-là que tes premières manifestations magiques firent leur apparition. Tu voulais que Célian te regarde, qu'il joue avec toi et qu'il arrête de se concentrer sur son fichu portable. Pourquoi voulait-il parler à ses amis ? Tu étais là. Déjà qu'il ne voulait plus que tu traînes avec ses potes et lui, depuis qu'il était en Middle School… Toujours est-il que tu détestais ce téléphone portable, tu voulais qu'il ne puisse plus l'utiliser, alors il explosa entre ses mains. Tes parents crurent à un dysfonctionnement de l'appareil, Célian leur avait pourtant dit que c'était de ta faute, mais ils ignorèrent ces paroles. Comment aurais-tu pu faire exploser un téléphone à distance ? Pour une fois dans ta vie, tu fermas ta gueule Lélio. Tu te sentais responsable de cet accident, qui blessa légèrement ton grand frère adoré, mais c'était impossible que tu aies fait ça, n'est-ce pas ?

Mais au fil des semaines, les accidents dans ce genre se répétèrent, toujours dans le but d'attirer l'attention de ton frère. Des devoirs qui prennent feu, des objets qui se déplacent seuls… Tu ne contrôlais pas vraiment ce que tu faisais, tes émotions guidant ces phénomènes paranormaux. Tes parents commençaient à croire Célian, finalement, tes colères avaient l'air liées à ces accidents inexplicables. Vu la fréquence de tes manifestations magiques, le fait qu'elles soient assez spectaculaires et qu'elles ne s'effectuaient pas que dans le cadre privé de votre appartement, rapidement, un inspecteur magique du ministère prit contact avec tes parents. Les laisser sans solution et sans explication face à tes manifestations magiques, c'était prendre le risque qu'une catastrophe arrive et mettent en danger le secret magique.

Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, tes parents prirent bien la nouvelle. Tu étais sorcier. C'était étrange, inimaginable même au premier abord, ça semblait irréel. Mais c'était la seule explication face à tout ce qu'il se passait, ça les soulageait de simplement savoir. Puis la magie semblait plus être un don qu'une tare, une fois qu'on était capable de la contrôler. Il fut décidé que tu finirais ta primaire dans une école pour enfant sorcier, pour éviter les accidents et essayer d'apprendre les bases pour canaliser ta magie. Puis quand tu aurais 11 ans, tu choisirais l'école de magie qui te conviendrait le mieux. De ce que tu avais compris, il y en avait deux auxquelles tu pouvais prétendre, Ilvermorny et Ilukaan.

Toujours est-il que même si tes parents prirent bien la nouvelle avec l'aide des institutions spécialisées dans l'aide aux parents de nés-moldus et que ton frère ne t'en voulait pas pour les accidents que tu lui avais causé, toi, tu avais du mal à digérer la nouvelle. Encore une différence avec Célian. Tu n'irais jamais dans le même collège que lui, ni le même lycée ou la même fac. Vous alliez avoir des amis très différents à partir de maintenant, vous alliez apprendre des choses différentes, côtoyer des mondes distincts. Vous alliez vous éloigner et ça te faisait peur. Tu avais l'impression d'être incapable d'avancer, si tu ne pouvais pas marcher dans ses traces, tu ne voulais pas prendre un chemin différent du sien. Mais la vie ne te laissa pas le choix, rapidement il fallut acheter une baguette et choisir une vraie école de magie. D'ailleurs, toutes ces écoles te demandaient d'être pensionnaire. Impossible de rentrer voir ta famille tous les soirs. Ça aussi, tu avais du mal à l'accepter.

Vu que tu ne voulais aller dans aucune de ces deux écoles, vu qu'elles t'éloignaient de ton foyer, tes parents choisirent pour toi celle qui avait l'air d'être la meilleure. Ilukaan, une école canadienne. Tu avais beau faire des pieds ou des mains pour ne pas y aller, tu finis quand même par te retrouver au Canada, devant cette grande fontaine qui allait définir quelle serait ta nouvelle maison. Franchement, tu voulais juste rentrer chez toi, que la fontaine ne te donne aucun animal débile et que tu puisses aller dans une école moldue. Mais finalement, le verdict tomba. Lupy, voilà ceux qui allaient devenir ta nouvelle famille le temps de ta scolarité.

Excepté cela, tes premiers mois à Ilukaan ne se déroulèrent pas trop mal. Tu parlais anglais couramment, contrairement à certains élèves, et même si tu étais né-moldu, tes quelques années dans l'école primaire sorcière t'avaient légèrement familiarisé avec la magie. Ça t'évitait de rester bouche-bée devant n'importe quel sort exécuté par tes aînés ou par les professeurs. La seule ombre au tableau fut Sean O'Connor, un élève sang-pur, plus âgé que toi, qui avait rapidement compris ton ascendance moldue. Avec sa bande de potes, ils avaient essayé de t'asticoter, vu que tu étais un sang-de-bourbe. Mais rapidement, tu réussis à leur répondre avec assez de véhémence pour qu'ils choisissent une autre proie plus facile. Il était hors de question que tu te laisses marcher sur les pieds.

Le seul hic, c'est que le jour où Finnegan O'Connor, un élève assez timide de ton année, vint se présenter à toi, tu l'envoyas chier sans même réfléchir. Tu l'avais vu en tout début d'année, traîner avec la bande de ton bourreau. Puis vu sa gueule et son nom de famille, tu étais assez malin pour deviner qu'ils étaient de la même famille. Des frères, des vrais frères qui se ressemblaient physiquement, contrairement à Célian et toi. Des frères tous les deux sorciers, des frères qui pouvaient aller dans la même école et traîner ensemble. En plus de ne pas aimer le comportement de son frère, tu étais jaloux. Terriblement jaloux du fait que lui, il pouvait marcher dans les pas de son aîné. Alors, tu décidas tout simplement de le détester, ce Finnegan. Puis il avait l'air bon en cours, tu avais beau travailler, tu avais toujours des sales notes et lui de bons résultats. Plus le temps filait et moins sa tête te revenait.

Et à force de le chercher, tu le trouvas. Il répondait à tes piques, vous vous battiez, vous faisiez mutuellement des crasses… Un jour même, en cinquième année, il te balança son verre de citronnade à la gueule, alors que tu étais allé trop loin dans tes insultes. Enfin, ce connard n'était pas le centre de ta vie. Tu avais plein d'amis, de nombreux petits crushs, tu finissais régulièrement en retenue, tu faisais partie du club de skateboard… Une vie d'adolescent normal, quoi. Tu continuais à parler à ta famille et à aller les voir à toutes les vacances, et même s'ils te manquaient terriblement, tu te faisais à cette situation.

Aujourd'hui, tu avais 17 ans Lélio, pour cette rentrée 2022, presque 18. Tu priais tous les dieux pour réussir à avoir tes Aspics en fin d'année, même si tu ne savais pas encore dans quel cursus tu voulais t'orienter. Célian avait 24 ans, lui. Il assistait maintenant ton père au garage automobile et il avait moins de temps pour te parler au téléphone vu qu'il vivait avec sa petite copine. Tu ne la trouvais pas si futée et pas très jolie, mais c'était sûrement ta mauvaise foi qui parlait. La vie suivait son petit bonhomme de chemin, en tout cas.

(c) Ilukaan