Harmony.

L’oisillon écoutait, silencieusement, sans réellement comprendre. Dans cette immense maison, il entendait toujours la même chose, on lui répétait encore et encore ce que la Famille souhaitait. Leur rêve à tous, et bientôt, son rêve à lui. Un monde qui vivrait en paix, un monde où tout le monde serait accepté, les mauvais souvenirs seront balayés, il n’y aura pas de place pour le mal, pas de feu, pas de sang, seulement des gens heureux, des gens vivant en Harmonie.

C’est ce que prônent les Oak.
C’est ce qu’ils désirent le plus.

« Vois-tu le jardin Sunday ? Comment le trouves-tu ?… Oui, il est beau, toutes ces fleurs sont chatoyantes et sublimes… Mais c’est parce que toutes les mauvaises herbes ont été retirées, jusqu’à la racine. Moi, ton père, et tous les membres de la Famille, nous voulons que le monde soit aussi beau que ce jardin, on y mets tous du notre, on y travaille durement.

Et toi aussi un jour.

Comprends-tu, Sunday ?»

L’oisillon était entouré de grandes personnes, il y avait ses parents, il y avait parfois ses tantes, parfois ses oncles, ses cousins et ses cousines, ses grands-parents. Ils étaient nombreux, tous plus âgés, tous à répéter.
Encore et encore.

« Comprends-tu Sunday ? »

Mais il y avait une main qui le tenait, une main plus petite, une silhouette qui semblait plus fragile, un petit oisillon plus jeune, tout souriant. Une petite sœur qui le quittait jamais, une petite sœur qu’il désirait plus que tout protéger, qu’il aimait d’un amour si pur, si puissant. Robin était un véritable rayon de soleil, depuis son plus jeune âge, elle a toujours été une enfant aimante, affective et joyeuse. Ils ne séparaient quasiment jamais, jouaient ensemble, lisaient, ils avaient développé un lien particulièrement fort.

Cependant, Robin était différente.
Robin, elle, avait découvert une passion.
Le chant.

C’était un rêve si innocent, pourtant, ce rêve se faisait balayé comme si de rien était. Elle s’était prise beaucoup de critiques, on voyait en elle, une honte, une personne qui vivait dans l’illusion. Ils ont blâmé une enfant comme si de rien était. Robin était sensible, mais pour sécher ses larmes, son frère était là. Lui, ne l’abandonnerait pas, lui, la soutiendra. Jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’elle y parvienne ou bien qu’elle change de voie. Il était son premier fan, celui qui jouait son public, celui qui l’applaudissait toujours avec entrain.

Il ne lâchait pas sa main.
Ils étaient deux petits oiseaux qui se soutenaient.
Qui chantaient ensemble.

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Harmony.

Le petit oiseau se trouvait sur des nouvelles terres, dans cette maison qui lui paraissait moins grande qu’autrefois. Il y associait des petites vacances auprès de sa sœur, mais désormais, c’était là qu’ils allaient vivre, pendant de nombreuses années. Jusqu’à qu’il soit diplômé, jusqu’à ce que ses études à Ilukaan prennent fin. Ah et quelle pression il avait sur les épaules… Pourquoi il avait l’impression d’être accablé par trop de responsabilités ?

Parce que ton nom est Oak.
Parce que tu suis leur rêve.

« Vois-tu l’école, Sunday ? Comment la trouves-tu ?… Oui, elle est immense et de très grands sorciers en sont sortis… Mais c’est parce qu’ils ont beaucoup étudié. Comme ton père, il a tout donné, il a beaucoup travaillé pour avoir de bonnes notes, pour être un bon élève et avoir sa place dans le Ministère de la Magie.

Et toi aussi un jour.

Comprends-tu, Sunday ?»

Le petit oiseau avait du mal à s’intégrer, il écoutait ses parents, il était sage, il faisait ce qu’on lui avait demandé. Il était timide, ne savait pas trop comment parler aux gens, comment les saluer, comment se faire des amis. Sa sœur était trop jeune, il n’avait plus son rayon de soleil, il n’avait que la solitude, l’inquiétude de la savoir seule dans cette Famille qui la pointait sans cesse du doigt. Il était ce trop bon élève introverti, ce gamin qui ne traînait pas sur les réseaux, qui ne connaissait que des livres un peu compliqués, les devoirs à faire et ce qu’il fallait réviser. Même si, lentement, mais sûrement ça allait mieux, il fallait l’avouer qu’il avait du mal à voler de ses propres ailes.

Il avait toujours les mêmes mots en tête.
Toujours la même rengaine.

Un sourire chaleureux avait fini par le rejoindre dans l’école, et même s’il était plus âgé, même s’ils n’avaient pas les mêmes cours, Sunday et Robin faisaient en sorte de se retrouver dès que l’occasion se présentait. Le grand-frère voyait que sa sœur était dans un environnement qui l’aiderait à mieux s’épanouir, où elle n’était pas jugée pour son rêve. Il était sincèrement heureux pour elle.

Et il ne lâchait pas sa main.
Les deux petits oiseaux continuaient de se soutenir.
Ils chantaient toujours ensemble.

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Disharmony.

Le jeune oiseau a arrêté d’écouter silencieusement, il a fini par comprendre. Cette pression était trop lourde pour ses épaules, les attentes trop grandes, les mots trop répétitifs. C’était un adolescent qui se construisait encore, qui avait aussi le besoin de se sentir plus libre, de s’envoler, se rebeller. Et il ne suffisait que d’une rencontre, pas vrai ? Une simple petite rencontre pour tout changer.

Une personne qui prônait la liberté.
Plein de désirs et de rêves.

« Vois-tu ce jardin, Sunday ? Comment le trouves-tu ? … Il est joli pas vrai, si tu veux, je peux t’offrir un bouquet de ces fleurs ! Comment ça, ce n’est pas le moment ? Tu n’as pas à tout le temps étudier, tu es libre de faire ce que tu veux, tu es jeune, écoute donc ton aîné !

C’est ça la vraie vie.

Comprends-tu Sunday ? »

Le jeune oiseau était naïf, il s’est laissé influencé, il a aussi voulu goûter à ce monde inconnu. Il avait envie d’avancer, de faire taire ces mêmes phrases. Il a savouré la pure adolescence, il a mis de côté sa Famille, il a mis de côté le travail. Pour tout simplement profiter pleinement, de ce que c’était d’être un peu plus rebelle, un peu moins l’élève trop modèle.

Ces doux mots résonnaient dans sa tête.
Ça le faisait rêver.

Un autre sourire chaleureux s’immisçait dans son cœur, toujours de plus en plus. Un autre sentiment naissait, quelque chose de nouveau qui semblait le chambouler. Sunday apprenait à se découvrir auprès de lui, toujours un peu plus, de façon toujours plus intense. Lui qui, avec son sang de vélane était celui qui attirait, il fut le premier à être charmé. Le premier à succomber. Et alors que sa sœur elle, parvenait enfin à convaincre sa famille, si son frère était toujours là à la soutenir, s’il était toujours fier de son courage et de sa force… Il s’éloignait toujours de plus en plus.

Il ne lâchait pas sa main.
Les deux oiseaux se soutenaient encore et toujours.
Mais elle était la seule à chanter.

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Dis ha r     m o    n      y

Le jeune oiseau refusait d’écouter, il avait compris… Il n’avait que trop bien compris. Dans quoi s’était-il embarqué pendant toutes ces années ? Pendant ces trois années complètes à ses côtés ? Combien d’insultes avait-il supporté ? Combien de fois avait-il accepté de lui faire plaisir même lorsqu’il n’en avait pas envie ? Il avait pris sur lui, même lors de tous ces abus, même lorsqu’il lui faisait du chantage... Combien de fois avait-il sacrifié ce qu’il était ? Tout ça pour quoi ? Par amour ? Pour qu’au final, il apprenne qu’il n’était qu’un jouet comme un autre. Pour qu’il comprenne qu’il n’était qu’un pantin parmi tant d’autres, qu’il avait tant aimé manipuler…

« … Si tu veux, je peux t’offrir un bouquet de fleurs. »

Foutaises.

« … tu es jeune, écoute ton aîné. »

Foutaises.

« C’est ça la vraie vie. »

Foutaises !

« Comprends-tu, Sunday ? »

Qu’il y a-t-il à comprendre ?

Que le jeune oiseau s’était fait manipuler bêtement, qu’on lui avait arraché une à une ses plumes. Qu’il s’était fait complètement avoir… Quels étaient ces sentiments qui l’envahissaient ? De la haine, de la rage ? Un sentiment de trahison si intense, c’était comme si un miroir venait de se briser, brisé en morceaux, on venait lui piétiner dessus. Encore et encore. Il ne supportait pas ça. Il ne supportait pas être un simple petit pantin avec lequel on pouvait s’amuser.

Son cœur noircit.
Un besoin grandit.
Un besoin obsessionnel.

Un besoin de contrôle.

La trahison avait marqué l’oiseau, la peur de revivre cette sensation, d’être de nouveau aussi misérable, aussi stupide, de ramper encore au sol, incapable de voler. Sunday ne pouvait plus l’accepter, tout comme il ne pouvait pas accepter de voir cet homme vivre sa vie, rire et sourire comme si de rien était. L’adolescent si candide disparaissait, souhaitant goûter à la vengeance. Il a cherché comment faire, il a cherché comment l’humilier. Il y avait tant d’informations à chercher, il y avait tant de façons de procéder. Il allait lui faire comprendre ce que c’était d’être un pion. Ce que c’était d’être impuissant sur l’échiquier.

Oh et il a réussi.
Il l’a fait tomber de son piédestal en révélant à tous à quel point il était perverti.
Ah… Comment ne pas sourire ?
Il a trouvé le résultat grisant.

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Ha     r mo  n      y

À quel point commençait-il à sombrer ? Il avait simplement réalisé que ses parents avaient toujours eu raison, que ce monde a plein de mauvaises herbes à coupées. Mais sa façon de penser différait malgré tout, il gardait jusqu’au bout, sa propre vision du monde.

Tout devenait faux.
Ses plumes se teintaient inévitablement de noir.

Y avait-il encore une once d’harmonie en lui ? Sunday avait changé, peut-être un peu trop. Il devenait plus en plus mauvais… Seul l’amour pour Robin demeurait, celle qui l’avait toujours soutenu, son seul et unique rayon de soleil, c’était bien elle. À quoi bon se préoccuper des autres ? À quoi bon si c’est pour se faire planter dans le dos encore ? Si c’est pour subir une trahison pareille ?

Des gens bons, qui méritent d’être heureux ? Oui, sans doute, mais tant qu’on ne connaît pas, leur vraie nature à quoi bon ? Au final, Robin était la seule à qui il pouvait faire confiance, au final, sa Famille était ce qui comptait le plus. Les autres ne méritaient pas sa priorité, ils étaient tous des pions sur un immense échiquier.

Et le corbeau comptait bien être celui qui aurait le plus de contrôle.

(c) Ilukaan