Tu venais de finir les cours Luciano, enfin. Tu trouvais cela épuisant de devoir rester en classe de huit heures à dix-sept heures avec à peine une petite pause pour manger, tu avais l’impression que ton cerveau allait exploser et tu voulais juste te divertir, maintenant. Enfin, vous aviez une pause repas normale à la base, c’est toi qui avait décidé de la raccourcir en te rajoutant un petit jogging d’une demi-heure le midi. Pourquoi tu t’infligeais cela, déjà ? Ah oui, pour avoir un corps parfait et pour toujours être au top de tes performances sportives. Tu avais déjà fortement réduit tes entraînements hors cours et quidditch, tu ne courais que le mardi midi et le dimanche matin. C’était le prix à payer pour que ton corps se repose un peu, mais ça ne t’empêchait pas de courir partout pour plein d’autres choses.

Pour des choses comme le conseil, tes amis, Alfred… Ou pour ce que tu allais faire actuellement. Car oui, Luciano, au lieu d’aller te relaxer après ton épuisante journée de cours, tu avais décidé de régler un problème qui te prenait beaucoup de temps… Et suite à ta discussion d’hier avec le blond, tu t’étais rendu compte que tu ne l’avais plus, ce temps. Allais-tu réellement résoudre le souci ? Abandonné comme un lâche ? Bien sûr que non, ce n’était clairement pas ton genre de baisser les bras, Luciano. Tu avais juste décidé de refiler le bébé à quelqu’un, comme on dit dans le milieu. Enfin plutôt de partager le bébé, parce que tu ne comptais pas non plus te débarrasser totalement de l’affaire, tu voulais juste alléger un peu ton emploi du temps.

Il faut dire aussi que surveiller Lovino, ça prenait un temps monstre, surtout quand on était seul à le faire. Tu adorais l’italien, mais il avait un don incroyable pour s’attirer des emmerdes et faire des conneries. Il t’avait pourtant dit de lâcher l’affaire, de te concentrer sur ton copain plutôt que sur lui… Mais tu ne voulais vraiment pas le laisser tomber, le laisser affronter l’adversité de ce monde tout seul. Tu avais réfléchi au problème pendant le cours d’anatomie, le tournant dans tous les sens au lieu d’écouter le professeur, et finalement une idée avait germé dans ta tête. Il fallait qu’un autre ami de Lovino le surveille à ta place, au moins pendant cinquante pourcent du temps. Ça allait être un gain de temps considérable pour toi.

Il y avait juste un petit problème à ce plan si parfait, un tout petit problème... Lovino n’avait pas beaucoup d’amis sur lesquels il pouvait réellement compter, à ta connaissance. Il te fallait quelqu’un de mature pour t’aider à veiller sur lui, un lupy de préférence, pour qu’il puisse le garder à l'œil même dans votre maison. Et la seule personne que tu connaissais qui correspondait à cette description… Bah tu ne l’aimais pas. Pas du tout même. C’était un gars coincé du cul, mille fois trop sérieux et violent. Il avait même frappé Karkat une fois ! Bon, tu lui avais bien rendu mais là n’était pas le sujet. Même le copain de ce mec bizarre était encore plus chelou que lui ! Mais tu n’avais pas le choix, tu allais devoir parler à Aaron M. Jeong pour le bien de Lovino.

Tu ne savais pas par quel miracle tu avais pensé à taper à la porte, au lieu de rentrer comme dans un moulin, mais tu l’avais fait. Alors quand on te dit d’entrer dans la chambre, tu ne te fis pas prier. Tu fis même comme chez toi, t’asseyant sur le lit de Lovino en regardant à droite et à gauche qu’il n’y avait personne d’autre que le coréen dans le dortoir.

- Salut ! Dis-moi, Lovino n’est pas là ? Tu sais quand il va rentrer ?

Une fois confortablement installé sur le lit de ton ex, Luciano, tu te tournas vers le compagnon de chambre de ce dernier, pour voir s’il était prêt à discuter… Parce que c’était quand même pour cela que tu venais à la base, même si le coréen ne le savait pas encore. Il n’avait pas l’air de faire un truc méga intéressant, à la base, vu les livres de cours sur son lit et la tablette de chocolat, tu te dis qu’engager le dialogue allait être facile. Qui préfère travailler plutôt que succomber à n’importe quelle distraction, franchement ?

- Tant mieux, ça m’arrange qu’il ne soit pas là. J’ai pas à trouver de prétexte pour le dégager comme ça.

Tu ris clairement quand le brun remit sur la table cette histoire de guitare. C’est vrai que le plus âgé t’avait vu venir dans le dortoir de Lovino pour chercher et emporter l’instrument de musique, mais il allait tenir sa langue, hein ? S’il n’avait pas dénoncé Lovino pour le vol de l’objet, tu savais très bien qu’il n’allait pas crier sur tous les toits que c’était toi qui avais tout réglé pour sauver les fesses de l’italien. Enfin tu espérais, sinon le conseil et toi alliez être dans la merde. Mais bon, cette histoire était finie maintenant, c’était du passé et la manière qu’avait eu le douzième année de la remettre sur le tapis soudainement était assez comique.

- Malheureusement pour toi, j’ai plein de choses à faire ici, même si Lovino n’est pas là. Et je crois que ça ne va pas vraiment te plaire, vu que je vais te déranger dans tes occupations et troubler ton calme.

Tu étais clairement sans-gêne, Luciano. L’autre lupy allait finir par te virer du dortoir sans aucune forme de pitié si tu ne finissais pas par lui expliquer clairement pourquoi tu étais là. Ou alors, vu les rumeurs, si tu le poussais trop à bout, tu allais finir enterré dans le parc. Mais bon, ce n’était que des bruits de couloir, hein ? Le directeur et le corps professoral ne laisseraient jamais un criminel se balader en toute impunité dans les bâtiments de l’école. Enfin, tu l’espérais…

- Je suis même venu pour toi en vrai, pas pour Lovino. Enfin si, c’est pour Lovino que je suis venu te voir...Enfin bref, tu m’as compris. Je suis venu te parler de lui et de ses bêtises.

Ça devrait piquer l’intérêt d’Aaron ça, non ? Il allait peut-être bien vouloir t’écouter et dialoguer maintenant. L’italien disait tout le temps que le brun était son ami, alors la réciproque devait être vrai, enfin tu l’espérais. Sinon, la situation devenait encore plus triste pour ton ex, si tu étais son seul ami et qu’il ne voulait plus de ton aide.

- A vrai dire, je suis venu exactement pour te demander un service concernant Lovino. Tu l’aimes bien Lovi, non ? C’est ton pote, je crois… Il m’a dit que vous sortiez à Bloombury ensemble, parfois. Enfin lui, il a l'air de bien t'aimer.

Tu essayais de décrypter les réactions de l’homme en face de toi, Luciano, dans l’espoir de le manipuler pour qu’il accepte ta proposition. Mais c’était compliqué, clairement trop dur pour ton cerveau, surtout après une longue et fatigante journée de travail. Tu faisais face à un gars qui ne laissait rien paraître sur son visage et qui, en plus, était plus intelligent que toi. Tu n’avais vraiment aucune chance de le mener en bateau pour qu’il fasse ce que tu voulais, tu n’avais donc plus qu’à espérer qu’il trouve ton plan ingénieux et qu’il accepte de le suivre. Mais il y avait autant de chance de voir le brun coopérer avec toi que de voir Lovino arrêter définitivement les bêtises, c'est-à-dire très peu.

Puis plus ça allait, plus tu t'embrouillais dans ton discours qui devait à la base embrouiller le coréen. Certains grands philosophes t’auraient dit que c’était l'arroseur arrosé, mais toi tu pensais plus que c’était le destin qui te criait “cheh”. Est-ce que le destin connaissait le mot “cheh” au moins ? Est-ce que le destin connaissait des mots tout court ? … Tu vois Luciano, tu t’embrouillais tout seul à vouloir utiliser ton cerveau. Tu devais plutôt essayer à l'instinct, arrêter de réfléchir. C’est donc pour cela que tu essayas de le prendre par les sentiments, en jouant sur le fait que Lovino était son ami, qu’il l’appréciait beaucoup… Mais cela avait clairement l’air vain. Enfin, tu étais toujours vivant, donc tu n’étais pas encore arrivé à bout de sa patience. C’était plutôt une bonne nouvelle ça, non ? Il avait l’air agacé, mais pas encore au point de te foutre à la porte du dortoir. Peut-être que si tu le poussais dans ses retranchements, à force de tourner autour du pot, il allait dire oui à ton plan juste pour se débarrasser de toi ? C’était une technique à envisager, si jamais il n’acceptait pas ton idée du premier coup. Mais autant commencer par l’exposer, plutôt que de déjà imaginer des plans de secours.

- Alors, tu vois, Lovino a le don pour s’attirer des emmerdes, quand il ne les provoque pas lui-même. Et vu qu’on apprécie tous les deux ce petit gars, je pensais qu’on pouvait peut-être se partager le travail pour lui éviter les embrouilles, tu vois ? J’arrive clairement pas à le surveiller tout seul et à vivre ma vie à côté, puis je vais finir moi aussi par m’attirer des ennuis à force de le protéger… Donc je me disais que vu que tu étais son pote et que tu étais dans son dortoir, tu pouvais peut-être m’aider à éviter qu’il ne fasse de la merde. Genre être une deuxième voix de la raison pour lui, ou même me prévenir quand tu sens qu’il est sur le point de faire une bêtise… Avoir une deuxième paire d’yeux pour le surveiller ne serait pas de trop, je pense.

… Ok ? Aaron rigolait là, était-ce vraiment bon signe ? En tout cas, ça te surprenait vraiment, Luciano. Tu ne savais même pas que ce mec pouvait rire. Puis tu ne voyais pas non plus ce qui était drôle dans ta phrase. Tu te demandais si son rire était comme ceux dans les films d'horreur, qui annonçaient un mauvais présage ou un truc du genre. Maintenant que tu l'avais diverti avec tes paroles, dont il était sûrement en train de se moquer, allait-il en finir avec toi et t'enterrer dans le parc pour retrouver sa tranquillité ? Franchement, quand il prit la parole, pour te dire que tu lui avais fait perdre du temps, tu pensais vraiment que ta dernière heure était venue.

- Bah… Oui ? Enfin, j'allais pas te le demander comme ça, de but en blanc, ça aurait été trop chelou… Enfin c'est déjà giga bizarre de parler avec toi.

Parce que vous ne vous aimiez pas, parce que vous ne vous côtoyez pas non plus, habituellement. Mais tu avais voulu passer au-dessus de tout cela, pour Lovino. Il était assez important pour que tu passes un quart d'heure de ta vie à parlementer avec un gars que tu détestais, pour lui demander son aide. Il était assez précieux pour que tu enterres la hache de guerre, le temps d'un accord, en espérant qu'Aaron ne veuille pas t'enterrer toi à la place de la hache. Alors quand il répondit à l'affirmative à ta proposition de surveiller Lovino, tu étais sur le cul. Tu ne pensais pas que ça serait si simple, finalement. Aaron M. Jeong avait-il un petit coeur capable de battre sous sa carapace de glace ? Ou il disait cela simplement pour que tu dégages au plus vite de son dortoir et que tu lui foutes la paix ? Son regard se plantant dans le tien te fit plus pencher vers l'hypothèse du petit cœur, mais tu n'en étais pas sûr.

- Je ne collabore pas avec toi par plaisir hein, tu sais.

Tu levas les yeux au ciel pour lui montrer que toi aussi, tu aurais aimé trouver une autre solution. Lovino était trop important pour que tu confies sa surveillance au premier venu mais… Tu n'avais plus le choix, et Aaron avait l'air de tenir aussi à l'italien alors ça te rassurait un peu.

- Ouais, je pense que je vais faire ça, j'ai pas de raison de rester de toute façon.

Tu pris donc la direction de la sortie mais, au moment de passer la porte, tu te retournas une dernière fois vers le coréen, juste pour rajouter un truc.

- Euh… Je… Merci. Enfin pas merci pour moi, hein. Mais merci pour Lovino.

Tu ne t'éternisas pas plus ensuite, retournant à tes occupations et le laissant retourner aux siennes.