Vous voyez le petit garçon qui tient à peine sur ses jambes dans le fond ? C’est Genji Shimada. Il est mignon hein ? Une vraie bouille d’ange, et il sait s’en servir croyez moi ! Il galope actuellement pour rejoindre son grand-frère. Parce que voyez-vous, il n’y a rien. RIEN ! De mieux dans sa vie, en ce moment, que ce grand-frère. Il le suit partout, ce qui fait sourire sa famille et amuse énormément les membres du clan. Il n’a pas l’air de grand-chose encore, ce bambin, avec son sourire rond, ses yeux noirs et son air concentré quand il essaie d’imiter Hanzo. Mais il y a déjà un petit éclat dans ses prunelles, lorsqu’il fait une bêtise ou qu’il grimace parce qu’on le force à manger des carottes. Quelque part, on a déjà en tête qu’il va être intenable, mais on lui excuse, c’est le benjamin de la famille, qui lui en voudrait ? C’est encore un enfant, il a le temps de grandir.

Grandir, d’accord, mais à un moment, les Shimada attendent des choses de leurs enfants. Il ne s’est pas fait prier quand on a commencé à vouloir lui enseigner l’épée. En effet, ça faisait déjà un moment qu’il voyait Hanzo s’entraîner et il avait hâte de pouvoir faire pareil que lui ! Mais on ne met pas un sabre entre les mains d’un enfant de quatre ans. Ce qui l’a beaucoup frustré. Maintenant c’est bon ! Il peut ! Il est ravi ! Quand il a appris qu’il allait commencer les cours, il a couru partout dans le manoir familial, l’annonçant à qui voulait l’entendre, fou de joie. Il a même escaladé le hêtre qui se trouvait au fond du jardin, pour le hurler à tout les passants qui avaient le malheur de marcher dans le périmètre. Il était monté un peu haut, et redescendre, c’est moins facile que monter. Cette fois-ci, il a fallu aller le chercher et on l’a vertement réprimandé. Il était tellement heureux que ça a glissé sur lui comme une pétale de fleur de cerisier au printemps.

Il se révéla doué pour le sabre, presque autant que son frère, avec qui il se battait régulièrement en duel, pour son plus grand plaisir. Il y mettait du sien, autant pour les arts martiaux que pour l’apprentissage général. Il voulait qu’on soit fier de lui, et comme on lui mettait moins la pression, il en profitait. Il voyait ça comme un jeu, un moyen de mettre en avant ce qu’il pouvait faire, il y prenait presque du plaisir. Surtout quand il voyait dans les yeux de ses parents et de son frère un peu fierté. Il profitait de sa liberté, se plaignant quand Hanzo ne pouvait pas venir jouer avec lui, mais partant pour faire ses découvertes en solitaire quand même. Il aimait la hauteur, aussi plus personne ne le cherchait dans les buissons quand il était introuvable. On sortait directement l’échelle et on faisait le tour des arbres du domaine. S’il n’était pas dans les arbres, on cherchait sur le toit. Sa mère en devenait folle, elle lui jurait à chaque fois qu’il allait lui donner des cheveux blancs. Ça le faisait rire, il était si adorable quand il riait comme ça qu’on lui pardonnait. Jusqu’à la prochaine fois. Lui, tout ce qu’il voulait, c’était s’amuser. Et puis, une ou deux chutes bien sévères lui avaient appris la prudence quand il était sur les toits ou dans les branches. Il avait confiance en lui-même. Il n’allait pas tomber. Il ne tomba pas.

A chaque fois qu’on l’initiait à un nouvel aspect de son apprentissage, il en tremblait d’excitation. Il se mettait à courir partout et était insupportable pendant des heures. Aussi les membres du clan ont-il pris l’habitude de lui annoncer ce genre de choses plusieurs jours avant, histoire que lorsque l’apprentissage commençait, il soit à peu près gérable. Sinon, autant essayer d’attraper des lutins de cornouaille à main nue.

Quand, après des mois de harcèlement pour avoir un serpent, comme son frère, on lui dit qu’il pourrait choisir le sien bientôt. Il s’évanouit. Trop de joie, les nerfs trop à vif, son cerveau avait court-circuité. Ça avait fait paniqué ses parents. Il s’en est remis, bien sûr, et il était ravi de pouvoir choisir un joli python royal qu’il nomma Date. Personne n’eut jamais l’explication de ce nom, c’est possible qu’il ne savait même pas pourquoi. L’hypothèse la plus probable, c’était qu’il l’avait entendu dans un animé, ou à la télé, et qu’il avait bien aimé. Avec Genji, tout était possible, on ne s’étonnait plus de rien.

Rectification, il arrivait encore à surprendre des gens. Comme cette fois où il est allé se percher, avec Date, dans un arbre, et que quand on commença à l’haranguer d’en bas, il se justifia en signalant que les pythons sont des serpent arboricoles. Ce à quoi on lui a signalé que le sien, en tout cas, ne l’était pas… vu comment il était serré autour de la branche où l’avait posé Genji. Tout penaud, il l’avait redescendu en s’excusant, les larmes aux yeux. De cette aventures avait jaillit une nouvelle lubie d’enfant, au beau milieu d’un repas familial : « Un jour, je serais fourchelangue ! » Comment dire qu’il a piqué une crise quand on lui a expliqué que ce n’était pas possible ? Qu’on l’était à la naissance ou pas du tout, et que par conséquent, il ne le serait jamais. Pauvre Genji confronté à ses désillusions. Il avait quand même tenté, et pendant plusieurs mois, ce n’était pas rare de le voir siffler à l’adresse de son serpent ou de ceux de son frère. Il répondait même aux gens en sifflant, ce qui a fini par agacer ses précepteurs et lui a valu quelques punitions.

Vint enfin le jour du départ de Hanzo pour son école. Elle était si loin ! Genji ne voulait pas voir partir son frère, il s’était accroché à lui en pleurant toutes les larmes de son corps. Même si les Shimada ne pleuraient pas, lui, il en avait rien à faire parce que son grand-frère partait sans lui. Il vécu très mal sa solitude toute nouvelle. Voir le garçon si vivant et dynamique rôder dans la maison comme une âme en peine poussa ses parents à lui proposer de nouvelles activités. C’est comme ça que le petit brun découvrit les salles d’arcades et les jeux vidéos. Un monde entier s’ouvrit à ses yeux émerveillés. La technologie lui ouvrait grand les bras, et il s’y jeta à en perdre haleine. Entre l’ouverture à un monde complètement étranger à son univers très traditionnel et sorcier, et les amis qu’il s’y fit, il en délaissa totalement tout les cours que ses parents s’efforçaient de lui donner. Ils n’avaient pas le cœur de trop le punir pour ça car il restait bon dans ses leçons – quand il y allait… Et qu’ils étaient ceux qui l’avaient initié à cet environnement. Au bout d’une petite année ils durent quand même sévir quand il commença à faire le mur pour aller jouer tard le soir avec ses nouveaux amis et leurs grand-frères et cousins. Un peu de liberté, d’accord, mais il faut savoir doser !

S’il y avait bien des leçons qu’il ne ratait jamais, même avec sa nouvelle passion, c’était les arts du sabre. Il n’y coupait jamais et gardait une excellente forme physique. Alors il dû faire des concessions avec ses parents. S’il voulait pouvoir continuer à manier l’épée, et aller aux arcades, il devait garder un bon niveau pour le reste de ses cours. A reculons, il accepta. Et apprit le parkour avec des cousins de ses amis, pour pouvoir faire le mur discrètement plus souvent. C’était encore un enfant, il croyait le monde à ses pieds, il se sentait tellement libre quand il sautait d’un mur à l’autre, et escaladait la façade de sa maison pour se rendre chez ses amis. A neuf ans, il commença sa révolte. Entre ses nouvelles fréquentations, son sentiment d’abandon lié à son frère, sa découverte du monde, il avait décidé qu’il allait faire ce qu’il voulait, autant qu’il voulait. Tant qu’il était chez ses parents, il respectait en partie les engagements. Il était prudent.

Cela cessa presque complètement lorsqu’il posa le bout de sa chaussure sur le territoire d’Ilukaan. Plus heureux, tendu d’excitation et bondissant que lui, ça n’existait pas. Entre le fait qu’il allait pouvoir croiser son grand-frère tout les jours, la liberté qu’il ressentait à être si loin de son clan et la découverte de nouveaux horizons (même s’il lui fallait performer l’anglais… quelle plaie!), c’était un pur rêve de se retrouver là !

Très rapidement, on lui attribua une réputation de trouble-fête… Il préférait se voir comme celui qui créait les fêtes au contraire. Beaucoup de malice, mais rarement de la méchanceté, il furetait dans les couloirs avec des idées plein la tête, et la profonde envie de se réécrire lui-même. Il savait ce que son clan attendait de lui, il savait ce qu’il devrait être avec l’éducation qu’il avait reçu. Mais ici, il avait la possibilité de devenir ce qu’il voulait devenir. De faire ses choix, qu’ils soient bons ou mauvais (mais il savait qu’il n’allait jamais faire des mauvais choix, c’était tellement évident!). Il embrassait avec joie tout ça. Même si ça s’accompagnait de fichus cours de potions super chiants. Et qu’il n’avait pas pu ramener Date parce que les serpents étaient interdits. Et qu’il avait galéré à obtenir de ses parents un ordi pour jouer. Et qu’il n’avait pas non plus pu prendre son sabre fétiche avec lui pour s’entraîner. Bref.

Le reste. C’était le pied !  

(c) Ilukaan