ILUKAAN est un forum MULTIFANDOM dans l'univers d'Harry Potter. Ilukaan est une école de magie internationale se situant en Nouvelle-Écosse au Canada. L'histoire se déroule en 2024, mélangeant magie et technologie. Vous pouvez jouer des personnages de manga/anime, jeux vidéos, films d'animation, dessins animés, romans jeunesse ou encore un OC. L'intrigue se fait à la fois en RPCB et RP-POST.
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Meulin avait plusieurs fois croisé Taynara. S’il y avait un certain nombre d’élèves dont les parents pouvaient être des vampires ou des vélanes, et même certains qui étaient loup-garous (de naissance ou non), il faut dire cependant que les demi-géants ne couraient pas les rues, même à Ilukaan, ou dans la communauté magique en général. Pourtant, cela n’avait jamais dérangé Meulin - à ses yeux, Taynara était une personne comme une autre, juste… plus grande. Ceux qui la connaissaient savaient bien qu’elle avait tendance à rester auprès de personnes plus grandes qu’elle, de toute façon - bon, c’était plus facile quand on ne faisait même pas un mètre soixante-dix, évidemment.
Elle ne lui avait jamais vraiment adressé la parole, cela dit. Du moins, pas avant le début de l’année. Absente lors de la cérémonie de “passation des pouvoirs” du Conseil à cause d’un bête microbe récupéré plus tôt dans la journée, elle avait cependant tenu à aller voir leurs successeurs dès qu’elle fut remise. Pour les féliciter, bien sûr, mais aussi pour proposer son aide si jamais ils en avaient besoin. Elle savait bien que les élèves d’Ilukaan avaient tendance à être parfois difficiles à gérer, mais l’une des fonctions du Conseil était de faire en sorte que tout reste relativement contrôlé. C’est alors qu’elle avait vraiment eu l’occasion de discuter avec la demi-géante, qui lui plut. Elle avait l’air confiante, sérieuse, et gentille.
Aussi Meulin avait-elle décidé de s’en faire une amie, la saluant chaque fois qu’elle l’apercevait avant d’aller lui demander si elle allait bien ou si elle avait passé une bonne journée - tout en prenant garde à ne pas être trop collante ou embêtante. Et c’était finalement Taynara qui était venue la voir, un jour, alors qu’elle travaillait sur une nouvelle robe - juste quelques petits travaux, un rajout de dentelle par-ci, une découpe par-là pour donner à la jupe un effet plus volumineux. Meulin avait fini par lui demander si elle voulait qu’elle l’aide à coudre. Sans vraiment le savoir, elle imaginait que la demi-géante devait parfois avoir du mal à trouver des vêtements. Meulin avait un style hors-norme, et Taynara… c’était sa taille, qui était hors-norme. Elles se donnèrent rendez-vous à la mercerie de Bloombury pour le mercredi après-midi, vers 14 heures.
*
Meulin attendait Taynara de pied ferme, visiblement excitée comme une puce. Elle n’avait pas vraiment l’occasion de faire du shopping, alors aller acheter du tissu, c’était un peu sa façon à elle de faire ça. Et avec quelqu’un, en plus ? Bien sûr, elle avait déjà été accompagnée quelques fois, notamment par Keyne et Penny, ses meilleures amies, mais ce n’était quand même pas bien fréquent. Elle avait aussi hâte de pouvoir montrer à la Strixyst tout ce qu’elles pouvaient faire avec un peu de tissu et d’idées créatives. Elle se demandait quel genre de vêtements sa nouvelle amie pouvait bien aimer, comment elle allait pouvoir la mettre en valeur, si elle allait accepter ses idées et ses conseils.
Lorsqu’elle finit par la voir arriver, elle lui fit de grands signes pour se faire remarquer. Ah ça, il ne fallait pas avoir honte pour être vu en compagnie de Meulin - la discrétion n’était pas vraiment son fort. Mais c’est comme ça qu’on l’aimait, non ?
- Saluuut ! Tu vas bien ? T’as trouvé facilement, ça va ? Je sais que c’est une boutique un peu “cachée” vu qu’elle est dans une petite rue et pas dans le centre commercial, mais c’est bien mieux comme ça si tu veux mon avis, c’est plus tranquille ! Du coup, le programme : on achète le tissu, les boutons et tout le reste nécessaire ici, puis on va chercher une boisson chaude à Stardust et on rentre à Ilukaan. Là-bas, on commence à bosser sur nos habits. T’en dis quoi ? Oh, et dis-moi si je parle trop, ou trop fort, je me rends pas compte !
Un large sourire s’étala sur le visage de la Cervirald, visiblement ravie par l’après-midi qui s’annonçait.
ϟ Baguette : D'orme, coeur en dent de géant, 36cm, rigide et parsemée de runes nordiques gravées.
ϟ Cursus : Créatures et Monstres magiques, spécialité Études magizoologiques - Animaux magiques sauvages
Sujet: Re: [TERMINE][09/11/22] Fil rouge || ft. Taynara Lun 14 Nov 2022 - 1:53
Fil rouge
- Liberté, liberté chériiiiie ! Chanta Tay en s'étirant un long moment vers le ciel.
Venant tout juste de s'extirper d'un cours de potions à la limite du supportable, elle savourait la relative chaleur du soleil et surtout la vision du ciel qui lui permettait de se tenir raide comme la justice à l'entrée de l'école. Potions c'était le cours qu'elle détestait le plus. Soit elle était debout face à son chaudron, donc le dos voûté pendant de longues heures et à devoir manipuler des fioles minuscules et fragiles -conduisant souvent à des accidents alors que son professeur lui interdisait le Leviosa- soit toute la classe était assise à devoir rédiger et décortiquer de longues recettes dont Tay n'avait que faire des trois quarts. Qu'on lui apprenne directement ce qui lui serait utile avec les créatures magiques plutôt que de s'attarder sur les nuances entre l'usage de l'armoise ou de l'infusion d'armoise et les conséquences sur la puissance de l'élixir d'euphorie. Par tous les fondateurs d'Ilukaan, si la semi-géante avait envie d'être euphorique il suffisait de la libérer de ce cauchemar !
Mais c'était fait et elle ne se fit pas prier pour courir pendant les deux-cents premiers mètres de son parcours jusqu'à la sortie du campus, provoquant l'étonnement et la frayeur de tous les élèves alentour. Après cette suée express, elle se sentit ragaillardie et se dirigea à pas plus tranquilles, mais la démarche pimpante, vers le centre-ville de Bloombury. Aujourd'hui était un jour particulier puisque Meulin avait accepté de lui apprendre à coudre. Le père de Taynara, Joseph Ka'ana'ana, était certes un représentant auprès des races magiques intelligentes, poste plutôt bien payé notamment lorsqu'il y avait nécessité de se rendre auprès des géants ou des centaures -rajoutant une confortable prime de risque- mais il ne permettait pas non plus la vie la plus aisée du monde lorsqu'il y avait une fille de deux mètres soixante à habiller, loger, nourrir, dont il fallait financer les études et quelques cadeaux tout au long de l'année. Pour le dire autrement : Taynara pesait sur les finances de son père depuis trop longtemps, ce que lui n'oserait jamais admettre, même contre tout l'or du monde, mais un constat facile à dresser pour la jeune femme. Alors elle avait dans l'idée d'acquérir petit à petit, désormais majeure, une indépendance financière par rapport à son père. Cela ne consistait pas encore à chercher un travail, puisque vu le rythme de ses études ce serait risquer des mauvaises notes fatales à son futur diplôme, et puis elle appréhendait durement sa future insertion professionnelle.
Par contre, ce qu'elle pouvait faire pour soulager le portefeuille paternel c'était de se mettre à la couture et de confectionner elle-même, à terme, ses vêtements. Une activité qui lui parut, au début, impossible pour ses gigantesques mains, mais on lui avait assuré qu'avec une machine adaptée ou plus simplement la magie elle pourrait tout à fait s'y mettre. Et ce « on » c'était Meulin Leijon, une femme tout à fait formidable. Ancienne vice-présidente du conseil des élèves, juste avant l'arrivée de Tay comme préfète, c'était surtout une des personnes les plus adorables que cette planète portait. Toujours volontaire, gentille, souriante, discutant énormément, pas un gramme de préjugé, de bon conseil et une bouille qui faisait fondre la Strixyst à chaque fois. Bref, la perspective de la rejoindre et passer l'après-midi avec elle rendait la géante toute guillerette, spectacle impressionnant s'il en était.
Une fois dans Bloombury, sa gaieté s'était très légèrement estompée pour retrouver un brin de concentration et le bon chemin pour se rendre à la mercerie où les deux femmes s'étaient données rendez-vous. Avec un téléphone suffisamment grand, adapté aux personnes malvoyantes ou âgées, Tay était capable d'utiliser toutes les fonctionnalités du monde moderne comme Google Maps, mais là, à l'improviste au milieu de la rue, elle serait partie pour deux ou trois minutes de galère avant de pouvoir arriver à ses fins avec son smartphone, alors elle préféra faire travailler ses méninges pour enfin tomber dans la bonne rue presque par hasard.
Mais, au loin, la boutique de produits textiles était bel et bien là, reconnaissable par une enseigne représentant un chat en train de jouer avec une pelote de laine. Et il y avait également, histoire d'en être sûr, Meulin qui secouait les bras, presque comme un appel à l'aide, pour attirer l'attention de la géante. Celle-ci afficha le plus large sourire possible, en toute sincérité, et répondit en faisant une vague avec son bras gauche. Elle rejoignit son aînée avec de grands pas enjoués, faisant tressauter la longue jupe de son uniforme d'hiver. Mais avant de pouvoir saluer Meulin comme il se doit celle-ci pris les devants et se lança dans une des longues tirades dont elle avait le secret. Tay attendit patiemment son tour, un mètre plus haut.
Meulin était sourde, détail qui avait interpellé Tay les premiers temps car elle parlait parfaitement et ne semblait pas réclamer aux autres de savoir la langue des signes, mais sa méthode fut vite percée à jour : elle lisait sur les lèvres. Détail un peu embêtant quand les lèvres de la géante, elles, n'étaient pas des plus simples à décoder si Meulin devait se tordre le cou à chaque fois qu'elles échangeaient un mot. Tant et si bien que, et c'était sufisamment rare pour le souligner, Taynara se penchait systématiquement vers l'ancienne vice-présidente lorsqu'elle lui parlait face-à-face, pour que celle-ci puisse la comprendre du mieux possible. Lorsqu'elles se lançaient un bonjour en coup de vent, à plusieurs mètres de distance, ce n'était pas nécessaire, ni même lorsqu'elles étaient assises face à face, mais présentement c'était des plus nécessaires. Tay ne dérogea donc pas à la règle qu'elle s'était elle-même fixée et courba l'échine pour faciliter la vie de sa comparse.
- Coucou ! Ça va très bien et toi ? Elle arborait un visage lumineux confortant son état d'esprit. Je me suis un peu perdue au début, mais j'ai fini par trouver ! Désolé d'être en retard d'ailleurs ! Elle imagina le délicieux café qu'on lui proposait et surtout les longues heures de couture en bonne compagnie et acquiesça vivement de la tête. Ton plan me va parfaitement, on va passer une super après-midi j'en suis certaine.
Et c'était la vérité. Tay avait la certitude qu'avec une personnalité si lumineuse elle oublierait son début de journée catastrophique. Elle voyait la cervirald comme un rayon de soleil et même si elle ne lui en avait encore jamais fait part, cela ne saurait tarder si les deux continuaient à aller l'une vers l'autre.
- Et ne t'en fais pas, tu parles assez fort et dis-en autant que tu veux, je t'écouterai toujours avec plaisir.
Sur ces entrefilets la géante ne se redressa pas car, de toute manière, il lui faudrait entrer dans la petite boutique dont elle poussa tout doucement la porte. Un petit carillon annonça l'arrivée des nouvelles clientes au mâitre des lieux, avant de retomber contre le visage de Tay qui lâcha un « Aie. » de formalité. Un monsieur rondelet traversa un rideau à leur droite, menant à l'arrière-boutique, et s'avança vers la géante avant de lever les yeux au plafond, un peu surpris.
- Bonjouuur mesd... mesdames ! Il se reprit instantanément et sourit. Bienvenue à vous !
Son visage était rasé de frais et accusait un certain âge, mais un fin maquillage rendait le tout très élégant. Il avait les cheveux attachés derrière la tête, noirs comme de la suie, et d'épais sourcils sculptés avec adresse. Tay inclina la tête pour le saluer en se frottant le front avec les doigts. Elle se décala suffisamment pour laisser Meulin entrer dans la boutique et profiter d'une décoration chaleureuse qui, c'était certain, ne devait plus l'émerveiller autant après ses nombreuses visites, mais qui arracha un regard lumineux à la géante. - Je peux vous aider en quoique ce soit ? Madame Leijon, je suis ravi de vous retrouver dans ma boutique ! Vous êtes toujours très bien accompagnée à ce que je vois !
Tay ne chercha pas à détecter s'il était totalement sincère, elle continua simplement de détailler les murs recouvert de matériel coloré et éclatant en laissant son acolyte faire la conversation. Néanmoins elle eut une idée et avança de quelques pas avant de s'approcher à nouveau du comptoir de la boutique et pivoter un peu pour avoir le vendeur en face d'elle. Ainsi, si elle devait prendre la parole, Meulin pourrait lire ce qu'elle allait prononcer. En dix-huit ans d'une vie à croiser une vaste diversité de personnes, Tay avait une certaine fierté de souvent trouver la petite idée empathique qui ferait la différence face à des interlocuteurs qui pouvaient être immenses, minuscules, à six pattes ou malvoyants. Elle glissa son regard subrepticement vers Meulin, observant une potentielle réaction, et reporta son attention sur le tenancier, penchée en avant, les mains s'appuyant sur le comptoir.
Meulin fit de grands signes à son amie, alors qu’elle l’apercevait plus loin dans la rue. Taynara sembla la voir aussi et elles se retrouvèrent vite côte à côte. Aussitôt, les mots sortirent de la bouche de la plus âgée, sans qu’elle ne cherche même à les retenir. Mais elle était comme ça, et il fallait l’accepter. Elle répondit que ça allait très bien quand la géante lui retourna sa question, avant de reprendre la parole.
- Ne t’excuse pas pour le retard ! J’aurais dû t’attendre au centre commercial et te guider, j’oublie des fois que ce coin est un peu perdu.
Son grand sourire revint lorsque Taynara dit qu’elle l’écouterait toujours avec plaisir. Elle avait vraiment mis la main sur une personne incroyable - mais comme l’étaient tous ses amis. Après tout, pourquoi deviendrait-elle amie avec des personnes qu’elle ne trouvait pas incroyables ? En tout cas, Taynara poussa la porte du magasin et Meulin entra à sa suite. Elle salua le tenant de la boutique lorsqu’elle entra, son grand sourire toujours sur les lèvres.
- Bien sûr, monsieur Taylor ! Je suis toujours accompagnée par la crème de la crème des étudiants d’Ilukaan. Je vous présente Taynara ! On vient chercher des tissus pour elle, quelque chose qui lui irait bien… Et aussi un peu pour moi. Elle lâcha un petit gloussement. Enfin vous voyez le genre. Mais ne vous dérangez pas pour nous, on va se débrouiller. Après tout, avec le temps, elle commençait à connaître le magasin comme sa poche. Sauf si vous avez peut-être des idées de vêtements qui pourraient lui aller ? Comme ça je peux adapter des patrons…
Il lança un regard à Taynara - ou plutôt, il la détailla de la tête aux pieds. Après un rapide “Je vais voir ce que je peux trouver”, il retourna dans l’arrière-boutique et Meulin revint auprès de son amie.
- Il est un peu collant, mais je sais que quand je demande des patrons il me laisse un peu tranquille. Par contre, je t’assure qu’il va te trouver des trucs qui vont te mettre en valeur, il a l’oeil pour ça. Il était tailleur à la base, mais il a eu des problèmes aux mains, enfin, bref, c’est sans doute pas super intéressant mais il m’a raconté ses histoires au moins dix fois ! Mais comme il aime toujours les vêtements, il a ouvert sa mercerie et il fait des patrons. Elle tourna sur elle-même, pour voir s’il y avait des nouveautés. Avant de choisir les tissus, faut qu’on choisisse les couleurs ! Qu’est-ce qui te plairait ?
Elle savait déjà vers quoi elle allait partir, alors autant s’occuper de Taynara d’abord. Elle imaginait déjà les tissus vert pomme, bleu ciel et rose pâle dans ses mains… et le noir, pour le contraste. Elle n’avait qu’à choisir les motifs qu’elle collerait sur ses tenues adorables pour rendre le tout pastel goth, même si pour le coup, ça faisait un moment qu’elle jouait davantage sur les accessoires que sur les tenues en elle-même. Il fallait croire qu’elle se calmait un peu sur le style. Elle savait très bien que si elle voulait faire ses stages dans des écoles, elle n’aurait pas le choix d’abandonner son look bien particulier et de faire plus sage, plus classique. Encore fallait-il trouver quoi, car il était hors de question qu’elle devienne tout simplement basique.
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Sujet: Re: [TERMINE][09/11/22] Fil rouge || ft. Taynara Dim 15 Jan 2023 - 14:08
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Taynara n'était pas à son aise dans ce magasin, mais elle l'aurait souhaité. Pas à son aise car il était trop exigu, trop chargé de petits objets faciles à bousculer d'un mouvement du bras, trop bas de plafond, mais elle y aurait été si bien autrement. Il y avait tant de couleurs chatoyantes, une odeur duveteuse de salon de thé chinois, le vendeur était aimable, et puis coudre c'était si reposant. Après, grâce à la magie, Tay pouvait manipuler une machine de loin sans problème, c'était ce qu'elle faisait d'ailleurs, ou des aiguilles à tricoter, mais aurait-elle le sentiment d’accomplissement de son amie qui, par ses seules mains, produisait de merveilleux ouvrages ? Sûrement pas, donc la voilà voutée, immobile, un sourire poli sur le visage, à écouter le dialogue entre ceux qui, eux, savaient faire des choses si fantastiques.
Quand Meulin l'associa avec, citation, la « la crème de la crème des étudiants d'Ilukaan », la semi-géante haussa un sourcil. Elle avait envie d'intervenir, de dire « tu n'en fais pas trop là ? », d'énumérer tout ce pour quoi cette affirmation était fausse, mais moins de temps elle passait ici mieux ce serait. Et encore une fois sa frustration augmenta en se faisant cette réflexion. Elle sortait avec son amie, une personne qui, pour le coup, pouvait facilement concourir au titre de merveilleuse parmi les merveilleuses tant elle était gentille et naturelle et de bon conseil... Et la voilà se plaignant en son for intérieur parce que sa nuque et son dos commençaient à souffrir de sa position précaire. « Taynara, se dit-elle, ton dos te fera toujours mal, je t'en prie profite du moment présent ! », mais allait-elle seulement écouter ses propres conseils ?
La discussion se poursuivit sur les tissus qui pourraient bien aller à Taynara. En vérité, c'était un sujet où elle avait quelques bases, puisque dès ses dix ans elle avait commencé à se fournir dans le sur-mesure, puis c'était devenu systématique vers le début de l'adolescence, autour des deux mètres trente. Elle savait donc être une bonne client de ce type de boutiques, répondre aux questions, donner ses mensurations aussi. Elle fit la moue. Elle devait avoir grossie depuis son dernier passage. Le nouveau pantalon qu'avait envoyé son père, avec les anciennes mesures, ne lui allait pas. Il faudrait donc les refaire, histoire que Meulin ne travaille pas des heures pour rien, ce serait le cauchemar de Tay.
Ensuite M.Taylor détailla la semi-géante de haut en bas, avec un regard analytique auquel elle ne se ferait jamais, puis se rua dans l'arrière boutique. Sa camarade prit alors la parole et Tay posa lourdement un genou à terre sur le parquet de la mercerie pour qu'elles soient au même niveau. Elle ne put refréner un râle de douleur, dont elle espérait qu'il ne fut pas entendu par son ami. Meulin développa alors un moment sur l'histoire de cette boutique, de son propriétaire, qui n'avait pas eu une vie des plus simples, Tay l'admit, et elle se para d'un visage concerné.
- Ce doit être horrible de ne plus pouvoir faire ce qu'on aime...
Elle s'imagina un instant incapable de faire du sport, de courir, ou incapable de sortir dehors et eu un frisson d'angoisse qui se dissipa aussitôt. Oui-da, quelle horreur. Mais la conversation revint vers un sujet plus léger, plus trivial, les couleurs que Tay aimerait avoir sur ses futurs vêtements.
- Oulah. J'aime bien le bleu et le violet en général. Plus précis je pourrais pas te dire. J'aime bien les vêtements colorés, gais, qui font printaniers.
Elle détailla le visage de Meulin. Elles ne se connaissaient pas si bien que ça, mais Tay avait entendu des tas de choses, comme sur tous les élèves aussi populaires que la Cervirald, et comme à chaque fois elle balayait ces rumeurs du champ de ses connaissances pour se concentrer sur ce qu'elle ressentait pour la personne, sur ce que les deux vivaient. Et, pour l'instant, Meulin était formidable et... rassurante, d'une certaine façon. Tay craignait sans cesse que, en échangeant avec quelqu'un, elle finisse par se rendre compte que la relation ne serait que des lignes parallèles, naviguant côte à côte sans jamais se croiser, jamais se comprendre. Et cette incertitude pouvait durer longtemps, voire à jamais, car c'était déjà arrivé que la semi-géante soit amie avec une personne durant des années, puis tente d'avoir une relation plus profonde, plus forte, pas forcément en amour, mais une amitié plus sincère, et qu'elle réalise à cet instant qu'elle fréquentait une personne qui ne la comprenait pas, se moquait un peu d'elle dans son dos, avec qui elle ne partageait pas grand-chose.
Mais avec Meulin c'était une incertitude bien plus ténue, parce que Meulin était sourde, elle avait l'expérience d'un corps complexe à manipuler dans le monde des humains. Certes, ce n'était pas une garantie de connexion, mais au moins lorsque Tay mettait un genou à terre face à son amie, elle savait que cette dernière comprendrait la raison de ce geste, ne serait pas hébétée à imaginer tout et n'importe quoi, se douterait d'avec quoi son amie composait tous les jours, au moins un peu, tout comme Taynara mettait un point d'honneur à toujours faire en sorte d'être « lisible » par la jeune femme, même si avec son mètre supplémentaire de hauteur ce n'était pas simple. Elle était prête à se mettre à genoux pour Meulin, sans aucune hésitation, même dans une petite boutique, et ce n'était pas le cas pour tout le monde.
- Merci encore pour tout ça. Je ferais ce qu'il faut pour être une bonne modèle ! Lui lança-t-elle sur un ton hésitant, presque gêné.
Parce qu'elle l'était. Elle n'avait jamais vu deux amis se fabriquer des vêtements l'un pour l'autre, ça lui semblait si... énorme comme travail, ça demandait de l'implication, des soirées d'ouvrage, tout ça de quelqu'un qui ne l'avait jamais vraiment côtoyé ? Et si, pendant ce travail, Meulin se rendait compte que Tay n'était pas l'amie qu'elle avait imaginé, la personne qu'elle avait imaginé, elle aurait fait tout ça pour rien. Des réflexions qui mettait la semi-géante mal-à-l'aise, mais pour ne pas créer une prophétie auto-réalisatrice elle se promit de ne rien en dire.
Quand elle vit Taynara se baisser, s’agenouiller pour être à sa hauteur, Meulin s’en voulut aussitôt. Elle n’avait pas pensé que la demi-géante se sentirait sûrement à l’étroit dans la petite mercerie - c’est que même pour des humains, elle était relativement basse de plafond. Elle, même avec ses chaussures à plateforme, ne pouvait pas toucher le plafond, mais elle imaginait sans peine certains de ses amis le faire, comme Scott, par exemple. Elle réalisa seulement qu’elle traînait décidément beaucoup avec des gens grands, puis revint à la situation présente, et elle accorda un sourire d’excuse à Taynara. Elle qui se souciait tant des autres, voilà un paramètre qu’elle n’avait pas pris en compte. Elle ne s’excuserait pas, ce n’était pas ce que son amie attendait, mais elle se promit de trouver quelque chose de plus agréable pour elle à l’avenir.
Elle ne s’attarda pas sur le sujet, ne prit même pas la peine de l’aborder, mais commença à raconter la vie du tenant de la boutique alors qu’il s’éloignait d’elle. Ses mains qui ne fonctionnaient plus comme il le voulait, son souhait de continuer à travailler dans la mode, et elle hocha gravement la tête lorsque Taynara le plaignit à son tour. Elle en savait quelque chose. Avant de perdre l’ouïe, elle adorait chanter et danser. Maintenant, même si elle continuait de danser sur les mélodies qu’elle inventait dans sa tête, ou celles dont elles se rappelaient encore (elles étaient de plus en plus rares), elle avait du mal à le faire quand de la musique résonnait réellement quelque part. Elle le faisait avec bien plus d’assurance qu’elle n’en ressentait, pourtant. Elle faisait semblant de se moquer du rythme, du ridicule, mais ça, elle ne l’avouerait jamais à personne. Elle avait toujours été douée pour cacher ses angoisses, et elle le ferait encore. Elle ne voulait pas être un poids pour les autres.
Et puis elle changea de sujet, cette fois. Que venait donc chercher Taynara ? C’était la question qu’elle se posait depuis le début. Elle écouta ses indications, songeant déjà à ce qu’elle pouvait bien lui proposer. Cependant, lorsque la demi-géante reprit la parole, Meulin en resta un peu surprise, mais un large sourire étira ses lèvres.
- Tu le seras, je n’ai aucun doute là-dessus ! Et il n’y a pas à me remercier, ça me fait plaisir qu’on soit venues ici ensemble. Oh, attends-moi ici une seconde, j’ai une idée, je t’apporte des coupons !
Elle s’échappa parmi les rayonnages. La boutique était chargée, mais elle savait où dénicher des trésors. Du bleu, du violet, des motifs printaniers, se répétait-elle. Au moins, ce n’était pas trop difficile à trouver. Elle qui avait des goûts un peu plus spéciaux, elle devait composer avec ce qu’elle trouvait. Un instant plus tard, la voilà qui mettait la main sur ce qu’elle cherchait. Elle l’avait repéré quelque temps avant, ce tissu qui changeait de couleur selon la lumière, qui passait d’un joli vert d’eau à un bleu turquoise irisé, avec de mignonnes petites fleurs argentées ou dorées. Elle pourrait faire une très belle chemise à Taynara avec ça, ou une jupe très élégante. Tout dépendrait de ce qu’elle voulait. Elle récupéra d’autres coupons avec elle : un tissu violet sans fioriture (qui s’accorderait à merveille avec une dentelle fleurie blanche ou noire, selon elle), un tissu blanc avec des motifs de feuilles et de fleurs, dans des tons verts et rouges, encore un autre, bleu, sur lequel se détachait des lignes blanches semblables à des plumes. Elle revint vers elle, les mains pleines de ses trouvailles. Ce n’était que des petits carrés de 20 centimètres sur 20 centimètres, mais ça permettait déjà de se faire une idée.
- Regarde ça ! J’avais bien aimé celui-là, je suis sûre qu’il t’irait bien. A la lumière, quand il sera turquoise et doré, il te mettra bien en valeur. A l’ombre aussi, en fait, mais tu es rayonnante, alors il faut que tu restes au soleil !
Elle lui détailla aussi les autres coupons, pourquoi elle pensait qu’ils lui iraient, ce qu’elle imaginait déjà coudre comme vêtements avec. Et elle parlait, parlait, parlait. Quand elle avait des idées de création, elle pouvait en parler pendant des heures. Et Taynara l’inspirait réellement. Le tenant revint à ce moment-là pour proposer toutes sortes de tenues qui devaient aller à la demi-géante. Meulin aurait voulu se saisir des modèles, mais laissa faire son amie. Après tout, c’était elle qui allait porter les vêtements ! Mais elle ne put s’empêcher de regarder par-dessus son épaule - c’était bien pratique finalement, quand elle était assise.
- Est-ce que quelque chose te plaît ? Oh, regarde ce modèle, il irait super bien avec le tissu blanc à fleurs…
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Sujet: Re: [TERMINE][09/11/22] Fil rouge || ft. Taynara Mer 8 Mar 2023 - 14:23
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Meulin était tout à fait intrigante, même pour Taynara, pleine d'une joie de vivre contagieuse alors que, pourtant, on entendait tout et son contraire sur sa vie, sa vision du monde, ses errements, ses erreurs. Si, un beau jour, elle devenait une personne importante pour l'histoire du monde, ce serait une lourde tâche pour les historiens que d'en dessiner un portrait clair, alors même qu'elle était l'amie de tout le monde et une intarissable bavarde. Taynara n'était pas habituée à croiser ces singularités humaines, des gens capables de la captiver, comme un feu de cheminée aux mouvements imprédictibles. Peut-être même que ça intimiderait Meulin car la géante avait cette mauvaise habitude, quand quelque-chose ou quelqu'un l'intéressait, de la scruter avec des yeux aussi perçants qu'ils étaient grands, tous proches de la Cervirald alors que Taynara demeurait un genou à terre devant elle. C'était ainsi qu'elle observait le monde : de haut, sans pourtant le moindre mépris, mais avec un détachement, une distance, qui pouvait être dérangeante. Même les gentils mots de la jeune femme ne parvinrent pas à lui faire détourner le regard. Elle examina les cheveux, longs, épais, réclamant un soin qu'elle n'avait aucun mal à imaginer, mais qui rayonnaient des bons traitements de Meulin ; son regard s'attarda ensuite sur le visage rondouillard, expressif, dessiné. Que cachait cette bonhomie et qui nourrissait ces frêles rumeurs à son sujet ? Taynara ne le saurait probablement jamais, malheureusement, alors elle suspendit son examen et acquiesça lorsque Meulin fila s'enfuir dans les rayonnages à la recherche de « coupons », comme elle les appelait.
- Ça me fait très plaisir aussi, tu sais ? Très bien, je t'attends ici.
Elle en profita pour changer de genou en grommelant. C'était inconfortable, mais pas encore spécialement douloureux. Et puis tant pis, vu qu'elles comptaient passer un moment dans cette boutique, autant ne pas faire la forte pour rien. Taynara recula un peu et s'assit en tailleur contre une des étagères qui composaient le mur face au comptoir, faisant bien attention à ne rien bousculer ou faire tomber. Et puis si le boutiquier souhaitait qu'elle reprenne sa position d'origine, elle le ferait. Meulin s'absenta une poignée de minutes, enfin « s'absenta », Taynara pouvait l'observer à loisir circuler dans les rayonnages, fouiller avec ferveur dans les tas de coupons aux mille nuances invisibles pour la géante, parler pour elle-même ou parfois lui adresser, à elle, quelques mots pour signaler qu'elle serait bientôt de retour. On pouvait aussi entendre Monsieur Taylor s'affairer derrière un épais rideau couleur bordeaux pour lui trouver des pièces de vêtement adéquates. Soudain, le rouge monta aux joues de la géante, comme ça, car elle se rendait compte que tout le monde dans cette boutique travaillait pour elle, pour l'habiller elle, et ça la gêna un peu. Il lui fallait réfléchir à ce qu'elle pourrait faire pour Meulin, en retour. Mais elle n'eut pas le temps de trop s'y pencher car son amie revint, l'air adorablement fier, les mains pleines de petits carrés représentant des couleurs, des nuances, des motifs. La Cervirald se posa à ses côtés et lui détailla en longueur chaque petit carré, glissant même quelques compliments qui n'échappèrent pas aux oreilles de Taynara.
- Moh, t'es trop gentille toi ! Tu es bien plus rayonnante que moi, hein ! Argumenta-t-elle avec un large sourire au visage.
Et c'était vrai, des deux femmes Meulin était certainement celle qui illuminait le plus son entourage. C'était impossible d'être morose lors d'une sortie avec Meulin, impossible de ne pas sourire face à son visage expressif et solaire, sa bonne humeur, sa gentillesse aussi, il fallait le vivre pour se rendre compte de la positivité qui émanait constamment de cette jeune femme. Alors Taynara avait de solides raisons de contester ce compliment, même si, venant de son amie, il lui allait droit au cœur. Les minutes suivantes, elle resta suspendue aux lèvres de Meulin qui lui détaillait chaque motif, les vêtements qu'elle pourrait faire avec, ce qui lui irait bien. La géante écarquilla les yeux au fur et à mesure de l'explication, se concentrant certes sur ce qu'elle lui présentait, à savoir des tissus épatants, mais surtout sur les arguments de la couturière amatrice qui l'épataient un peu plus à chaque instant. Comment on pouvait autant développer sur des tissus ? Qu'elle puisse considérer tel motif beau ou non, c'était normal, mais dire que celui-ci, à la lumière, ferait sortir tel élément de son anatomie et que celui-là, au printemps, dans tel cadre, donnerait à une robe, par exemple, un contraste éclatant qui mettrait en valeur Taynara, c'était peu dire que celle-ci n'en croyait pas ses oreilles. Et puis, surtout, on aurait dit que Meulin avait tellement scruté la silhouette de la géante qu'elle était capable de savoir exactement ce qui lui irait ou non, en tout cas elle ne tarissait pas d'idées à ce sujet. Et Taynara se sentait étrangement flattée par ce soin apporté à la rendre belle, cette connaissance sur ce qui la rendrait plus belle. Il lui semblait n'avoir que rarement été autant... le centre de l'attention pour autre chose que son ascendance. Ses joues rosirent encore alors que Meulin voyait son explication interrompue par le retour de Monsieur Taylor.
- Tu... tu m'épates Meulin, vraiment beaucoup.
C'est tout ce qu'elle parvint à dire avant de lever sa lourde carcasse du sol pour arriver devant le comptoir et examiner les modèles présentés par le vendeur. Il y avait là une robe chemise, qui donnait un côté un peu trop stricte, mais avait une allure vintage qui ne lui déplaisait pas ; une robe trapèze déjà bien plus ample, bien plus au goût de Taynara, qui la montra à Meulin.
- Je pense que ça ce sont mes robes préférées. Tu penses que ça m'irait ? Ça t'inspire avec quelque chose ?
De son côté Meulin pointait une chemise légère qui, selon elle, se marierait bien avec un tissu blanc à fleurs. De ce côté-là, la géante lui faisait totalement confiance, elle avait fini par considérer, au vu de l'immense démonstration de Meulin, qu'elle était suffisamment compétente pour pouvoir être crue sans crainte.
- Là-dessus je te fais entièrement confiance, mon amie, répondit-elle en s'assurant d'abord d'avoir le visage bien en vue de Meulin.
Elle examina ensuite les modèles restant et posa une question à Monsieur Taylor. Elle manquait cruellement de pantalons, surtout en diversité de formes. Pour le coup, elle reposa un genou à terre pour qu'on puisse voir ses lèvres même si elle ne se tournait pas vers son amie.
- Dites, Monsieur, j'aimerai beaucoup avoir un pantalon... Vous savez, tailles hautes et les jambes larges, un peu raides. C'est plutôt à la mode ça, non ?
Elle se sentait un peu idiote à formuler la question ainsi, mais le vocabulaire de la mode était presque une langue à part qu'elle ne maîtrisait pas du tout, alors espérons que le vendeur se contente d'une description aussi vague, ou que Meulin vienne lui sauver la mise. Et puis peut-être qu'elle jugerait que ce n'était pas le meilleur choix pour épouser les jambes les plus longues de toutes l'école.
- Tu penses que ça m'irait, Meulin ? Tu vois de quoi je parle ?
La discussion avait réussi à l'embarquer et son visage exprimait la plus pure curiosité. Quitte à se déplacer dans cet espace exigu et y passer du temps, autant apprendre la maximum de choses qu'elle pourrait ressortir lors de prochaines visites. A ce stade de sa vie, il lui faudrait s'habiller sur-mesure, en permanence, alors mieux valait connaître ses points forts vestimentaires, ses points faibles et ses goûts, le plus possible.
Elle était revenue avec plusieurs coupons dans les mains, et avait tout montré à Taynara, pour qu’elle décide des tissus qu’elle préférait. Après tout, même si elles n’en parlaient pas trop, tout avait un prix, alors il faudrait faire un choix - même si Meulin se débrouillait toujours pour faire au mieux niveau qualité / prix. Après tout, elle n’avait jamais roulé sur l’or. Mais si elle préférait cette boutique aux autres du centre-ville, c’était aussi parce qu’il y avait parfois des promotions, ici, et que faire connaissance avec le gérant permettait plus facilement d’avoir des prix que dans des boutiques où tout était contrôlé. Elle avait toujours privilégié le contact humain, bien au courant qu’elle avait suffisamment de tchatche pour réussir à se faire apprécier de presque tout le monde. Monsieur Taylor n’y faisait pas exception, et parfois, quand il lui restait un peu de tissu à écouler, elle venait le chercher. Pareil pour du fil ou des boutons, ou autres outils utiles pour la couture.
Quand Taynara lui rendit son compliment, pour dire qu’elle était rayonnante elle aussi, Meulin sourit. Elle le savait bien ; mais elle ne faisait jamais de compliment pour qu’on lui rende. Elle était toujours simplement sincère, et elle aimait faire plaisir aux autres. Et elle préféra reprendre sur les différents tissus, jusqu’à ce que monsieur Taylor finisse par sortir de son arrière-boutique avec quelques patrons qu’il venait visiblement de finir. Mais la demi-géante se permit à nouveau quelques mots qui cette fois-ci, la surprirent un peu. Comment ça, “épatante” ? Personne ne lui avait jamais dit ça avant. Originale, surprenante, oui, quelques fois. Mais épatante, ça… Elle rougit légèrement, toujours le sourire aux lèvres, alors que Taynara se tournait vers l’ancien tailleur pour observer les patrons. Son choix se porta sur deux robes, que Meulin trouva absolument splendides. Elle essaya d’imaginer Taynara avec. Oh, c’était sûr que ça lui irait bien, oui. Elle n’en doutait pas une seconde. Elle désigna la première robe.
- Si on veut conserver le style un peu vintage, je pense que le tissu bleu serait parfait. Comme les plumes se détachent d’une manière plus ou moins suivie, comme des rayures verticales, ça doit donner quelque chose de très chouette. Et celle-ci ira parfaitement avec le tissu turquoise avec les fleurs dorées !
Elle s’empara des patrons pour les colorer par magie, pour lui montrer ce que cela donnerait. Elle en fit de même avec le patron de la chemise qu’elle venait de lui montrer, avec le tissu blanc à fleurs. Quand Taynara déclara lui faire confiance, elle ne put empêcher un grand sourire de se dessiner sur son visage. Puis elle revint à leur hauteur pour demander des pantalons. Elle hocha la tête quand on lui demanda son avis. Meulin n’était pas très adepte des pantalons - sa garde-robe n’était quasiment composée que de jupes, robes, et autre salopettes - mais cela ne signifiait pas qu’elle n’y connaissait rien.
- Je vois très bien ce que tu veux dire ! Je pense que ce type de pantalon, avec une coupe droite, pourrait plutôt bien t’aller. Mais aussi… Elle tire son téléphone de sa poche pour faire quelques recherches. Une coupe bootcut pourrait t’aller plutôt bien aussi, ou du flare. Ou boyfriend, si tu préfères vraiment que ce soit droit, mais dans ce cas-là on part plutôt sur du jean. Il faudrait faire des revers, et tu porterais ça avec des bottines, ce serait trop classe ! Mais je crois que je m’emballe un peu.
Elle sourit, un poil gênée par son propre enthousiasme. Elle ne savait jamais s’arrêter. Monsieur Taylor reprit la parole, pour lui donner quelques indications de plus, mais pas grand-chose, et pas tant au niveau des coupes qu’au niveau des couleurs et différentes matières qu’il serait possible d’utiliser pour ce genre de coupes. Pendant ce temps-là, elle retourna fouiner dans les tissus, pour reposer les coupons tout en notant bien les tissus qu’elle avait repéré pour les vêtements de Taynara, et commença à chercher un peu pour elle tandis que son amie continuait de parler un peu avec le gérant. Elle était tout à fait sûre qu’il trouverait le meilleur pour elle. Elle lui aurait même confié sa propre garde-robe, ce qui n’était pas peu dire. En tout cas, elle finit par trouver son bonheur dans les couleurs pastel, de la popeline de coton avec quelques motifs de chat, et de la batiste et du voile de coton noirs et roses pour faire les doublures de ses futurs vêtements. Elle revint vers les deux autres avec les bras pleins, puis regarda Taynara.
ϟ Baguette : D'orme, coeur en dent de géant, 36cm, rigide et parsemée de runes nordiques gravées.
ϟ Cursus : Créatures et Monstres magiques, spécialité Études magizoologiques - Animaux magiques sauvages
Sujet: Re: [TERMINE][09/11/22] Fil rouge || ft. Taynara Mar 23 Mai 2023 - 1:25
Fil rouge
Inutile de préciser que, depuis le début de sa courte vie, Taynara n'était pas devenue la femme la plus manuelle du monde. Le plus drôle c'est que, de manière générale, on enveloppe dans un même large paquet les personnes bricoleuses, débrouillardes, manuelles et celles avec de la force physique car c'est vrai que, la plupart du temps, c'est un lot commun. On aime bricoler, donc on manie des outils comme des marteaux, des disqueuses, on transporte du bois, des seaux de peinture lourds, et on développe fatalement une certaine puissance. Mais pas Taynara. Taynara, elle, était forte, mais c'était tout. Elle ne savait rien faire de ses dix doigts et mieux valait ne pas lui faire remarquer. Apprendre la magie lui fut salvateur, car sans elle même lire un livre pourrait s'avérer parfois difficile. C'était aussi le seul moyen qu'elle avait trouvé pour coudre, mais elle s'y était mise très vite depuis, souhaitant absolument soulager les finances du paternel en confectionnant elle-même ses vêtements. Mais même avec l'aide de sortilèges, coudre était un art et, encore une fois, Taynara n'avait pas l'âme d'une artiste, ou même d'une artisane, pas du tout.
Alors elle pourrait réitérer à loisir ses mots qui étaient les plus sincères du monde : Meulin l'épatait. Pas seulement pour ça, d'ailleurs. S'il n'y avait que ses talents de couturière, sa passion immensurable pour chaque tissu qu'elle avait entre les mains et ses connaissances toutes aussi extensives, mais non. Il fallait voir avec quelle pure, presque froide, gentillesse elle faisait tout ceci, à quel point elle se dévouait à rendre ce service à Taynara, un service d'une telle nature que la géante se demanderait longtemps comment lui rendre, elle qui se pensait incapable de confectionner quoique ce soit de correct en comparaison. La seule force physique n'avait plus aucune valeur au vingt-et-unième siècle, en particulier celui du monde des sorciers.
Alors elle rongea son frein, détaillant dans son esprit chaque toute petite chose que faisait Meulin, pour elle, afin de, plus tard, leur donner une valeur convenable et trouver de quoi la remercier à la hauteur de ses efforts. Mais ça, elle ne lui en dirait rien. Quoi de plus impoli que de détailler tout ceci à la vue de son amie ? Elle fit donc mine de simplement profiter de l'instant, écoutant avec attention tous les conseils de sa camarade, sans trop y comprendre, ce qui lui chauffa un peu les neurones. Globalement, Meulin validait les choix communs de Taynara et M.Taylor sur les tissus, la robe, les couleurs. Ouf ! Elle usa même de magie pour montrer des variations de colorie, que Taynara examina en pointant les quelques-unes qui lui tapaient dans l'oeil : tissu fushia et fleurs oranges et, surprenamment, vert forêt avec fleurs couleur vanille. Oui, parfois la géante avait des goûts étranges, mais le vert restait une de ses couleurs préférées donc il fallait qu'elle la choisisse !
Vint ensuite l'épineuse question du pantalon. Épineuse car ce n'était pas la spécialité de Meulin et, de manière générale, pas la pièce la plus simple à confectionner soi-même, ça Taynara avait pu en faire les frais. Le modèle qu'elle avait en tête, haut, avec une coupe très droite, ne trouva pas plus son nom dans la bouche de Meulin que dans la sienne, mais ce n'était pas grave, tout le monde avait compris de quoi elle parlait. Meulin proposa plutôt une alternative, déballant une série de jargons qui fit ciller la demi-géante, alors toujours à genoux près de ses bienfaiteurs de la mode.
- Oulah, attends ! Laisse-moi chercher sur le witchnet !
Un peu pressée par cette déferlante, Taynara dégaina au plus vite son téléphone et googla les termes inconnus les uns après les autres. Coupe hootcut, déjà c'était à peu de choses près ce qu'elle avait imaginé au départ, donc ça déjà elle était contente ! Elle tendit son téléphone à Meulin puis au boutiquier.
- Voilà c'est ce genre de choses que je cherche, oui ! Sans le savoir tu as tapé dans le mille !
Parce que cette coupe faisait partie des autres propositions de Meulin. Elle rechercha ensuite « flare pantalon », puis « boyfriend pantalon » pour voir un peu les différences, mais c'est là que Google trouvait ses limites, ou bien était-ce sa propre inculture, mais elle ne voyait pas beaucoup la différence entre tous ces pantalons. Pas une différence flagrante en tout cas. De toute manière, son amie eut à peine le temps de donner tous ces conseils qu'elle s'éclipsa à nouveau pour fouiner dans la boutique alors que M.Taylor alpagua Taynara pour en savoir plus sur ces fameux pantalons.
- Vous avez fait votre choix, madame ? Comme l'a proposé votre amie nous pouvons partir sur du jean, mais aussi sur un mélange de coton et de polyester, si vous voulez quelque chose de plus léger, plus décontracté, plus uniforme. Pour les couleurs, il faut absolument que ce soit uni ! J'ai cru remarquer votre amour des motifs... exotiques, mais si vous commencez à partir avec un hootcut rayé blanc et rouge on va vous prendre pour un saltimbanque monté sur des échasses !
C'était visiblement de l'humour, mais délivré sans le moindre sourire, ni éclat ironique dans le regard, ce qui, quelque part, rendait le tout encore plus décalé et léger, comme si le gérant jouait ce trope du majordome cinglant. Ça rendait ce monsieur attachant et Taynara fit de son mieux pour lui répondre avec précision.
- Je vois ! Pour le moment je vais partir sur ce qui inspire le plus notre couturière préférée, donc du jean ! Et pour la couleur, j'aimerai éviter le bleu classique, vous pensez que noir ça m'irait ? Oh, et le gris ? Vous savez les jeans qui ont l'air un peu... un peu streetwear. Non ça n'ira pas avec cette coupe, bon eh bien je prendrai un jean noir je pense, en hootcut, si j'ai bien tout compris.
Elle se sentait un peu dépassée par tout cet univers qu'elle découvrait en grande partie, mais ça l'enthousiasmait plus que ça ne l'effrayait ! Pardon, elle voulait paraître plus enthousiaste qu'effrayée. Meulin fini par revenir, les bras encore chargés de vêtements et patrons et motifs.
- Waouh ! Mais t'as décidé de le dévaliser !
Aucun doute que tout n'était pas destiné à être acheté, mais rien que le fait de trouver toutes ces pièces, les sortir de leur sommeil en pleine lumière et de les ramener ici ça lui semblait être un gros effort.
- J'ai choisi un hootcut en jean noir ! Je pense qu'avec le combo revers et bottines que tu m'as imaginé ça devrait m'aller comme un gant ! Encore merci d'ailleurs. J'ai vraiment du mal à me visualiser avec d'autres vêtements, mais quand tu es là à me décrire ce que tu imagines ça m'aide beaucoup et je suis sûre que je serais très jolie avec ce que tu m'as choisi.
Taynara n'avait pas l'habitude de se décrire comme jolie avec autant de légèreté, mais elle compris que c'était sûrement le plus beau compliment qu'elle pourrait faire à son amie aujourd'hui : lui dire qu'avec ses choix, son travail, ses efforts, elle se voyait déjà belle. « Meulin me rendra belle, et ça lui fera plaisir » se répéta-t-elle. Une litanie qui sonnait définitivement étrange dans sa tête, mais la vérité est souvent plus difficile à admettre que de confortables illusions. Oui, Meulin voulait la faire belle, elle était là aujourd'hui pour ça, ce n'était ni une corvée, ni du jugement, ni une obligation en quoique ce soit, c'était son souhait pour lui faire plaisir. Et elle s'en sortirait comme une cheffe, Taynara en était persudée. Elle lui offrit donc le plus lumineux sourire possible avant de s'enquérir des nouvelles acquisitions de sa couturière attitrée.
Elle laissa Taynara aux bons soins de monsieur Taylor, alors qu’elle repartait vers les tissus qu’elle avait repéré pour ses propres vêtements. Certes, elle était venue pour l’aider, mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas faire ses propres emplettes ! C’était d’une pierre deux coups, finalement. Elle choisit avec soin les tissus qu’elle porterait, s’appliquant tout de même à choisir des choses plus sobres que d’habitude. Si elle aimait les motifs en tout genre, surtout ceux que l’on pouvait qualifier de gothique, elle avait tout de même bien conscience qu’il fallait qu’elle grandisse - ou que sa garde-robe ait l’air de celle d’une fille bien plus mature qu’elle ne l’était. Elle allait sur ses 23 ans, il lui faudrait trouver une entreprise pour l'année prochaine si elle voulait continuer ses études, bref… elle devenait adulte. Tout ça lui faisait peur, mais elle ne comptait pas le dévoiler. Meulin n’était pas de ceux qui montraient leurs craintes ; elle était de ceux qui rassuraient les autres. Ça avait toujours été comme ça. Elle avait rassuré sa mère, petite, quand elle venait de quitter son père et qu’elles débarquaient au Canada. Elle avait rassuré sa petite soeur, aussi, lui racontant tout genre d’histoires rocambolesques pour éviter qu’elle ne pense au saut dans le vide qu’elles venaient de faire. Elle avait appris à rassurer ses frères lorsqu’elle avait emménagé chez eux avec les deux autres Leijon. Puis ses amis - à qui elle tenait presque autant qu’à sa famille. Encore maintenant elle avait à cœur de rassurer ceux qui croisaient sa route, comme si son rôle de “grande soeur” lui collait à la peau. Ça ne la dérangeait absolument pas.
Le regard et les paroles de Taynara la firent sourire. Elle leva un peu ses bras encombrés, l’air de dire que ce n’était que quelques broutilles. Mais elle allait avoir de quoi se faire de longues sessions de couture. Et elle adorait ça. Meulin avait toujours aimé créer - les fanfictions, bien sûr, en était l’un des exemples le plus flagrant ; mais elle aimait aussi confectionner des choses plus matérielles, dont les vêtements faisaient partie, à la suite de toutes sortes de bijoux, de potions avec des effets tous plus étranges les uns que les autres, des marques-pages… Une manuelle, en somme. Elle n’avait aucun mal à suivre des consignes, mais prenait parfois le parti de changer certaines petites choses quand elle devait substituer un élément ou parfois juste parce que son idée lui semblait meilleure (ce n’était pas toujours le cas). En tout cas, Taynara reprit la parole pour lui détailler ce qu’elle comptait prendre. Le visage de la Cervirald s’illumina quand la Strixyst dit qu’elle serait “très jolie”. Elle aussi savait taper dans le mille, visiblement. Rien n’aurait pu faire plus plaisir à Meulin que de savoir que quelqu’un qu’elle aidait se sentirait beau, grâce à elle. C’était peut-être un peu égocentrique de penser comme ça, mais elle s’en moquait quand elle voyait le sourire de Taynara.
- J’ai trouvé beaucoup de choses pour moi aussi, oui ! Par exemple, avec ces tissus - elle tira le batiste rose et le voile de coton noir - je pourrai me faire une jolie robe rose avec un petit voilé noir. Je n’en mettrai peut-être que sur la jupe et pour faire les manches, je dois encore y réfléchir, mais j’ai quelques idées, comme tu le vois. En tout cas, je n’ai pris que mes couleurs fétiches, j’ai été raisonnable. Et je ne compte pas tout prendre non plus, je vais sûrement même prendre seulement ceux que je t’ai montré en exemple, mais j’aime bien venir de ce côté de la boutique avec mes tissus parce qu’il y a un puit de lumière ici, c’est bien pratique pour savoir ce à quoi s’attendre réellement ! Il faut juste que je voie combien ça va me coûter…
Depuis qu’elle n’achetait plus ses vêtements sur Internet / Witchnet, elle avait fait de sacrées économies, qu’elle pouvait se permettre de passer dans du tissu, mais ne travailler que le week-end et certains mercredis après-midis ne permettait pas non plus de rouler sur l’or. Elle se dirigea vers le vendeur, avec son grand sourire habituel.
- Admettons que je prenne tous ces tissus en disons… deux… non, trois mètres sur un cinquante, pour combien j’en aurai ? - Hm… Il regarda rapidement ce qu’elle avait pris. 11 gallions. Je vous fais grâce des mornilles. - Et si j’enlève la popeline ? - 8 gallions. - Je vais vous prendre ça, alors. J’irai ranger la popeline après.
Parfois, elle se disait presque qu’elle pourrait travailler ici, plutôt qu’à l’animalerie, mais elle savait trop bien que les bébés lui manqueraient. Peut-être en plus ? Non, ce serait trop compliqué, surtout avec les examens qui approchaient. Elle regarda Taynara.
- Quels tissus est-ce que tu as choisi, finalement ? Il va falloir qu’on voit pour la taille aussi. Je pense que tu peux prendre la même taille que moi.
Sauf que Meulin allait utiliser ses tissus plusieurs fois, pas Taynara.
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Sujet: Re: [TERMINE][09/11/22] Fil rouge || ft. Taynara Lun 20 Mai 2024 - 21:36
Fil rouge
C'était drôle à se figurer, mais la discussion donnait à Taynara l'impression d'être le premier jour dans un nouveau travail. Tant de nouvelles notions à ingurgiter et elle ne pouvait pas se dire que mettre ça de côté était possible. Non. Déjà c'était contre sa philosophie personnelle, têtue comme elle était Taynara ne se voyait pas abandonner la chose aussi vite, mais elle avait ce besoin de commencer à confectionner ses propres vêtements. Si ça se trouve, d'ici dix ans elle serait perdue au fin fond de l'Alaska ou elle serait restée côté canadien, mais ce serait difficile pour elle de trouver du sur-mesure à des prix raisonnables. Et s'il lui fallait compter sur des tailleurs moldus en absence de sorciers, impossible de leur révéler la véritable taille des pièces à confectionner. Non, pour sa tranquillité d'esprit et de futur, il convenait qu'elle apprenne l'art complexe de la couture.
Et complexe, il l'était. Taynara était une manuelle... étrange. La plupart des gens qualifiés de « manuels » sont bricoleurs, créateurs, confectionneurs, ce sont des gens littéralement à l'aise avec leurs mains et c'est une nuance importante à apporter. Car Taynara est à l'aise avec ses bras, elle, avec les travaux pénibles, impliquant des charges lourdes, de vastes manipulations. Avec ses mains hors-normes, Taynara n'était pas la plus à-l'aise. La précision lui était difficile, pas impossible -grâce à la magie- mais complexe tout de même. Et c'était surtout mentalement que la couture lui semblait complexe. Les termes endémiques par dizaines, les notions inconnues, la faculté requise de pouvoir se figurer ce qu'on essayait d'obtenir à la fin. Tout ça exigeait à la géante une gymnastique mentale épuisante, effrayante même, on peut aller jusque là, mais dans laquelle elle se lançait avec plaisir et, surtout, une admiration sans borne pour son amie.
- C'est... juste épatant. T'as un œil pour la mode... ! Je peux pas dire que je réussis à me figurer tout ça, mais le combo rose et noir c'est vraiment sous-côté, ça tape directement dans ton style !
Toujours assise, Taynara n'avait pu trouver que ces mots pour répondre à Meulin. Quelque part, son esprit était désormais plus préoccupé par sa fascination pour ce discours compliqué, presque expert, de la part de son amie... que par ce qui les avait amenées en premier lieu ici. C'était aussi plus rassurant, pour elle, de se concentrer dessus. Admirer Meulin ne lui requérait que des compliments sincères, ce qu'elle savait communiquer en quantité, alors que se focaliser sur ses futurs vêtements exigeait de replonger dans ce qui avait de plus en plus l'apparence d'un abîme de savoir-faire dans lequel elle se perdrait dès l'instant où Meulin lui lâcherait la main. D'un geste lent, précautionneux, elle s'appuya lourdement sur le comptoir qui grinça sous son poids afin de se relever un peu et de pouvoir examiner plus en détail les différents tissus pour le haut qu'elle avait choisi préalablement.
- Moi je vais simplement prendre le tissu turquoise avec les fleurs dorés. J'ai noté les autres références, mais je préfère y aller pas à pas, on va essayer de finir une pièce, déjà !
En effet, son téléphone débordait déjà de notes maladroites à l'orthographe affreuse sur ce qui lui avait semblé le plus important à retenir de cette session shopping... c'est-à-dire presque tout dans le désordre le plus total. Encore une chose qui la rendait confuse : qu'est-ce qui était important, primordial, à retenir dans ce domaine tout nouveau et qu'est-ce qui pouvait être mis de côté ? Bien sûr, Taynara avait déjà des bases en couture. Elle connaissait les sortilèges permettant à sa baguette de manier l'aiguille pour relier différents tissus entre eux. Ce n'était pas ce qu'on pouvait appeler comprendre son sujet. Et, dans le même temps, elle ne se voyait pas harceler sa pauvre amie déjà fort occupée tout au long de la semaine à la moindre question. Il faudrait peut-être un club de travaux d'aiguille à Ilukaan, tiens...
Sans un mot, elle observa Meulin négocier ses différents achats. La somme lui parut à la fois importante et plutôt négligeable compte-tenu de son propre budget, mais il lui faudrait bientôt apprendre à négocier et économiser âprement son argent. Certes, ces questions de sa vie future à la prospérité incertaine la préoccupait beaucoup, c'était visible dans ses pensées depuis le début de cette sortie, mais ça n'allait pas forcément avec de l'inquiétude. Taynara avait presque hâte d'être complètement indépendante, de subvenir à ses besoins, de ne plus devoir réclamer à son père des sommes qui paraîtraient folles à n'importe qui d'autre juste pour pouvoir manger à sa faim, surtout avec tout le sport qu'elle faisait. Alors, certes, l'inconnu lui tirait toujours un brin d'appréhension, mais aussi d'impatience. En s'investissant dans la couture, il lui semblait devenir plus adulte. Exactement les mêmes préoccupations que Meulin, sans qu'elle le sache vraiment.
Les deux femmes sortirent ensuite de la boutique, Taynara saluant le vendeur d'un hochement de tête et déployant toutes les précautions possibles pour ne pas heurter quoique ce soit avant d'être dehors. La nouvelle proximité du ciel et son plafond infini la soulagea et elle s'étira de tout son long avec un gémissement d'allégresse, ses rouleaux de tissus sous le bras qu'elle avait payé un peu moins de cinq gallions.
- Pfouah, tu parles d'une session shopping, c'est sûr que c'est pas pareil que le prêt-à-porter, j'ai le cerveau en train de bouillir. Mais merci beaucoup, Meulin, j'aimerai vraiment parvenir à me vêtir toute seule et avec toi j'ai l'impression que ce sera possible !
Elle dévisagea un instant son amie, en contre-bas. Encore une fois, son cerveau l'infusa de sentiments confus, mais puissants. Une partie d'elle, d'ailleurs, craignait que cela se voit et que Meulin en soit incommodée. Taynara savait que son affection démonstrative pouvait être impressionnante, mettre mal-à-l'aise, intimider, comme lorsque l'on doit apprivoiser un cheval plus grande que soi et que le moindre de ses gestes vifs pourrait vous briser un os. C'est pourquoi la géante se plia de nouveau, posant un genou, pour être plus à la hauteur de sa mentor, si l'on pouvait l'appeler ainsi.
- Je te propose qu'on aille déposer ça à l'école et ensuite... on prend une pause, si tu veux bien ! Je vais y aller pas-à-pas ! Plaisanta-t-elle, ayant abandonner l'idée de trouver une excuse plus subtile pour sa flemme grandissante à l'idée de commencer la couture, là, tout de suite.
Meulin n’avait pris que ses couleurs fétiches, avait-elle dit. C’était une demi-vérité, s’il fallait être honnête. Car le vieux rose et le noir n’en était que deux parmi l’arc-en-ciel des couleurs qu’elle aimait porter : le vert olive, le bleu ciel, le violet lavande, le blanc bien sûr, ou encore des nuances corail… La liste était, à vrai dire, presque infinie. C’était bien pour ça qu’un style gothique conventionnel n’aurait pu lui aller. Les couleurs qu’on accordait au noir étaient plutôt des nuances de rouge, de violet et de vert qui tranchaient avec le noir d’une manière qu’elle appréciait nettement moins. De toute façon, les couleurs pastel lui allaient mieux. Ses coupons à la main, elle se rendit vers le tailleur pour avoir les prix. Elle avait noté la réduction, mais malgré tout elle ne pouvait se permettre de prendre tout ce qu’elle aurait voulu. Ce n’était pas très grave, elle irait chercher le reste quand elle aurait son prochain salaire.
Taynara, quant à elle, se contenta du tissu turquoise aux motifs dorés, et Meulin approuva d’un grand hochement de tête. C’était le premier qu’elle avait trouvé pour elle, et aussi, honnêtement, celui qui lui irait le mieux d’après elle. Elle imaginait déjà tracer les formes dans le tissu, se servir de sa machine pour coudre les différents éléments, mais elle ne devait pas oublier que si la demi-géante l’avait accompagnée, c’était aussi pour apprendre à gérer tout ça elle-même. Meulin aimait tant aider ses amis qu’elle prenait parfois les choses en main à leur place - une mauvaise habitude dont elle devait apprendre à se défaire. Elle devait cesser de leur tenir constamment la main, et les laisser voler de leurs propres ailes. Elle ne pouvait pas porter tout le poids du monde sur ses épaules, quand bien même elle avait parfois peur de voir tomber ses oisillons hors du nid.
Enfin, tout fut réglé et les deux amies purent sortir de la boutique. En regardant Taynara s’étirer elle s’en voulut un peu. La prochaine fois, elle l’emmènerait plutôt au marché. Il y avait tout autant de tissus, mais ils étaient plus variés, et à ciel ouvert, elle n’aurait pas besoin de rester courbée en permanence pour ne pas heurter le plafond. La remarque de son amie la fit sourire malgré tout.
- Je sais que ce n’est pas facile au début, mais c’est comme tout ! Tu apprendras de plus en plus de choses avec le temps, et puis je vais t’aider. C’est vrai que tu as dû prendre un peu tout ce qu’on disait pour du charabia… Je me souviens quand j’ai commencé la couture, tout me semblait compliqué, et puis regarde maintenant ! J’arrive à tenir une conversation avec un tailleur.
Elle rit, amusée de ce qu’elle présentait un peu comme un exploit. Mais elle avait confiance en Taynara. Elle voyait sa volonté d’apprendre, et c’était tout ce qu’il fallait pour commencer. Quand elle replia un genou pour se mettre face à elle, Meulin lui sourit simplement. Elle aurait voulu lui dire qu’elle n’avait pas besoin de faire ça, surtout après être restée si longtemps dans des positions sans doutes inconfortables dans la boutique, mais elle ne lui en laissa pas vraiment le temps, et elle se contenta de hocher la tête à ses mots.
- Bien sûr ! La sortie était déjà fatigante, je comprends. Elle lui décocha un clin d'œil et un sourire. On ira pas-à-pas, oui. De toute façon, ça ne sert à rien de se précipiter. Il faut que je réfléchisse à la façon dont on va procéder…
Elle avait déjà plusieurs idées, la principale étant d’agrandir sa machine à coudre avec un sort. Mais ce n’était plus le sujet du jour et elle l’avait compris. Alors elles prirent le chemin du retour en continuant à papoter, Meulin essayant déjà de se décider sur la boisson qu’elle prendrait plus tard.