Le livre ou la vie !Cette semaine, Carmin, tu étais en cours à Ilukaan, et non à ton alternance, à Bloombury. Même si c'était ta deuxième rentrée avec ce mode d'apprentissage, cela te faisait toujours un peu bizarre. Tu voyais des têtes dans les couloirs que tu ne connaissais plus, même les nouveaux élèves de ta maison t'étaient étrangers. Habituellement, pendant les premières semaines, les plus jeunes se tournaient vers les élèves d'années supérieures pour obtenir des conseils, du réconfort ou tout simplement pour tisser des liens. C'était comme cela depuis des années, Ilukaan offrait aux enfants une maison, une seconde famille le temps de leur scolarité loin de leur foyer. Alors à la rentrée, il fallait accueillir les nouveaux membres, retrouver ses anciens amis et prendre des nouvelles de comment s’étaient passées leurs vacances…

Mais c'était la deuxième rentrée que tu vivais éloigné de ce tumulte, Carmin. Tu avais fait le choix de vivre en appartement avec ton fiancé, pour vous préparer à la vie future, après vos études. C'était bien, tu étais au paradis et tu ne changerais cela pour rien au monde. Vous aviez votre chez-vous, votre intimité, votre organisation… Mais tu étais légèrement nostalgique de ces années d'insouciance, quand tu découvrais Ilukaan et les nouveaux membres de ta maison chaque année. Tu étais pourtant toujours un Cervirald, tu portais toujours fièrement ta pierre. Mais depuis combien de temps n'étais-tu pas allé dans la salle commune de ta maison ? Surtout maintenant que presque tous tes amis proches avaient leurs chez-eux aussi. Ilukaan ressemblait de moins en moins à un foyer pour toi, tu n'habitais plus entre ses murs protecteurs, l'oisillon avait quitté le nid. Mais cela n'empêchait pas une pointe de nostalgie de fleurir dans ton cœur, quand tu voyais des jeunes élèves perdus dans les couloirs de cet immense établissement.

Tu te souvenais de tes premiers pas ici, de tes difficultés pour parler anglais, et même pour parler tout court. Tu avais bien grandi et bien changé, en même temps, c'était déjà il y a plus d'une dizaine d'années. Enfin, cette douce mélancolie ne t'empêcha pas d'aller en cours aujourd'hui, ni de te concentrer sur ces derniers, bien heureusement. Tu te rendais juste compte que le temps filait, et plus tu grandissais, plus il avançait vite. C'était donc ça, vieillir ? Toujours est-il que quand la sonnerie retentit, tu rangeas tes affaires dans ton sac avant de te diriger vers la sortie de la classe. Tu n'étais pas pressé, c'était ton dernier enseignement de la journée. Puis tu n'étais pas le genre d'étudiant qui se précipitait sur la porte pour échapper à cette salle de classe dans laquelle tu avais passé plusieurs heures.

Non, toi, tu prenais ton temps Carmin. Tu commençais à démêler tes écouteurs en attendant que le flux d'élèves s'écarte un peu de la porte, dans le but de profiter d'un peu de musique sur le trajet du retour. Car oui, même si tu étais nostalgique de tes années à l'école, tu aimais bien profiter de la tranquillité de ton cocon à Bloombury, après une journée de cours bruyante. Sauf que tu eus à peine le temps de glisser le premier écouteur dans ton oreille qu'une jeune petite rouquine surgit soudainement sur ton passage pour t'arrêter. Elle était toute petite, environ la taille de Clémentine, peut-être une nouvelle élève ? Non, sa tête te disait vaguement quelque chose. En tout cas, vu la couleur de son uniforme, tu pouvais dire sans problème qu'elle était une Cervirald comme toi. Tu ne lui avais peut-être simplement jamais parlé, vous étiez nombreux à partager la même maison. En tout cas, une fois la surprise due à sa brusque apparition devant toi passée, tu retiras ton écouteur, les rangeant dans ta poche avant de demander.

- J-Je… O-Oui c'est m-moi. T-Tu as besoin d-de quelque chose ?

Attends, comment cette enfant pouvait-elle connaître ton nom ? Était-ce une amie d'Eun-Ji ? Cela ne t'étonnerait pas que la petite sœur d'Aaron ait pu parler de toi à certaines de ses connaissances, mais elle t'avait l'air vraiment petite, cette jeune fille… Et comment cela, tu avais quelque chose qui lui appartenait ? Tu avais clairement besoin de plus d'explications pour comprendre ce qu'il se passait.

Le livre ou la vie !Maintenant que tu étais prêt à l'écouter Carmin, tu eus l'impression que l'attitude de la jeune fille changea du tout au tout. Elle t'avait presque sauté dessus au milieu du couloir, sans même te dire bonjour, il y a un instant. Alors que maintenant, elle détournait le regard en rosissant légèrement. Tout dans sa posture semblait plus poli qu'il y a quelques secondes à peine. Elle t'avait accusé de lui avoir pris quelque chose, était-ce un objet important pour elle ? Cela aurait pu expliquer la précipitation de son premier geste, tout comme son changement de posture maintenant qu'elle avait capté ton attention. Tu étais désolé pour elle si c'était le cas, parce que tu n'avais récupéré aucun objet perdu dernièrement, sinon tu l'aurais rapporté au concierge de l'école. Cela ne te venait même pas à l'esprit, Carmin, que cette petiote te traitait peut-être de voleur en t'accusant d'avoir un objet lui appartenant en ta possession. S'emparer des biens d'autrui, c'était bien pour renverser le capitalisme, quand les biens désignaient les moyens de production, mais sinon on ne volait pas son prochain. C'était une règle de base pour toi.

Quand la rouquine finit par s'expliquer et évoquer L'épopée de Fergus, tu compris qu'elle n'avait en réalité rien perdu et que c'était toi qu'elle venait dépouiller. Elle avait l'air de vouloir lire la suite de son livre coûte que coûte, au point de trouver la salle de cours d'un parfait inconnu pour l'attendre devant et lui réclamer. Tu aimais bien lire, Carmin, mais pas au point de stalker les gens pour un bouquin. Puis, tu avais emprunté le livre à la bibliothèque en suivant toutes les règles, donc elle n'avait aucun moyen de te forcer à lui donner le livre, non ? Tu étais dans ton bon droit toi aussi, dans cette histoire. Tu étais allé emprunté le livre ce matin avant d'aller en cours, donc il était en ta possession tant que la date où il fallait le rendre n'était pas passée. Tu pouvais même prolonger ta réservation d'une semaine si tu le voulais.

- J-Je ne risque pas de t-te divulgâcher l'histoire, j-j'ai emprunté le livre c-ce matin. J-Je n'ai même p-pas encore commencé m-ma lecture.

À vrai dire, tu ne pensais pas avoir le temps d'ouvrir le livre avant ce weekend. Tu l'avais emprunté aujourd'hui car tu avais le temps de passer à la bibliothèque, mais tu allais occuper tes soirées cette semaine avec tes devoirs, en plus des tâches domestiques habituellement de l'appartement. Peut-être que tu aurais le temps de lire un chapitre ou deux, un soir avant de dormir, mais c'était tout. Il était compliqué pour toi de trouver du temps en semaine pour les lectures plaisirs. Puis de toute façon, tu ne pensais pas rapporter le livre avant ta prochaine semaine de cours, alors ça te laissait du temps pour le lire.

Par contre, tu ne t'attendais pas à ce que la gamine te parle autant, tu pensais qu'elle allait juste te réclamer le livre jusqu'à ce que tu craques et partir avec. Mais non, elle avait l'air tellement à fond dans cette histoire qu'elle avait besoin de partager son engouement avec quelqu'un. Et ce quelqu'un, c'était toi, elle avait l'air enthousiaste d'avoir trouvé un autre élève lisant ce récit. Peut-être même un peu trop enthousiaste.

- O-Oui, j'ai vu c-cela. C-C'est pour ça q-que je me remets à m-ma lecture. J-J'ai peur que l-la série sorte avant q-que je termine l-les livres, vu m-mon rythme.

Tu avais juste moins de temps. C'était ça aussi, devenir adulte et indépendant. Tu avais commencé la série de livres avant les congés d'été, mais tu fus obligé de faire une pause car les vacances à droite et à gauche ne t'avaient pas permis de lire la suite de ce récit. Puis accéder à la bibliothèque d'Ilukaan, c'était moins facile hors période scolaire. En tout cas, tu souris quand la jeune fille te signala sa ressemblance avec Rozenn. Il est vrai qu'elles avaient quelques traits en commun, tu trouvais adorable que la petite Cervirald mette cela en avant, comme pour se rapprocher de son héroïne favorite.

- I-Il est vrai qu'il y a un p-petit air de ressemblance, o-oui. J-Je ne savais pas q-qu'Ilukaan accueillait des f-fées aussi.

Enfin, après cette légère boutade sur sa ressemble avec le personnage, tu continues de répondre à ses questions, Carmin.

- J-Je préfère Arzel, a-alors tu te doutes d-de mon avis sur le c-conflit entre les dragons et le R-Royaume.

Comme d'habitude, Carmin, c'était sur un personnage secondaire que tu avais craqué. L'homme mystérieux qui avait tourné le dos au village pour rejoindre les dragons. Enfin, n'était-ce pas le village qui avait tourné le dos à cet homme en premier ? Le village lui avait tout pris, alors il avait décidé de tout prendre au village, c'était un juste retour des choses. Certes, attaquer le village, c'était mal. Mais est-ce qu'au final, les dragons ne protégeaient pas juste leur territoire et la nature ? Le livre ne le montrait pas au premier abord, sûrement pour que le lecteur soit du côté des villageois et du Royaume au moins pendant les premiers tomes, mais si on lisait entre les lignes, on voyait bien que le village était en pleine expansion. La population était de plus en plus nombreuse, le village s'agrandissait et les champs reculaient sur la forêt qui s'amoindrissait de jour en jour. C'était pour cela d'ailleurs, que l'accord avec les dragons sur les dix moutons par trimestre risquait d'être rompu, parce que le village grandissait trop vite pour qu'ils arrivent à répondre à temps aux besoins de nourriture, alors il ne voulait plus l'honorer. Mais les dragons aussi, ils en avaient besoin de ces moutons, pour se nourrir, vu qu'il pouvait de moins en moins s'alimenter avec les ressources de la forêt. Ce livre, c'était juste un énorme conflit d'intérêt entre deux groupes d'êtres vivants, pour des ressources essentielles à leur subsistance. Tu savais que cela allait finir par mal tourner, que les deux camps souffriraient de cet affrontement, et que peu importe le vainqueur, tout le monde serait déçu du résultat final. Mais cela ne t'empêchait pas de beaucoup aimer les personnages et leur développement.

- E-En réalité, j-je pense qu'ils ont t-tous tort dans ce q-qu'ils font, car ils n-ne voit pas la situation d-dans sa globalité. Et j-je ne te demande p-pas qui est ton p-personnage préféré, j-je me doute q-que c'est Rozenn.

Le livre ou la vie !Il ne fallait pas être devin, Carmin, pour comprendre que la jeune fille espérait récupérer le livre plus tôt. Tu voyais bien la déception sur son visage, tout comme tu l'entendis dans son soupir. Elle avait l'air très investie dans cette œuvre, emportée par l'intrigue, alors ça ne t'étonnait pas qu'elle ait espéré dévorer le volume suivant directement après avoir fini le premier. Tu te souvins qu'à son âge, quand tu étais à fond dans une histoire, tu faisais la même chose. Maintenant, avec la vie de tous les jours, tu trouvais plus compliqué de trouver du temps pour des lectures plaisirs. Tu ne vivais pas seul, Carmin, même en week-end, tu ne pouvais pas mettre ton quotidien en pause pendant vingt-quatre heures juste pour te concentrer sur un livre, comme tu avais pu le faire dans ton adolescence. Tu te souvenais d'après-midis où tu avais commencé des livres et où tu ne les avais pas lâchés jusqu'au crépuscule du lendemain, faisant à peine des pauses pour manger et ne dormant pas jusqu'à la fin de ta lecture.

Mais aujourd'hui, ce n'était plus possible, tu étais un adulte, tu devais avoir un rythme de vie un peu plus convenable. Puis qui ferait le café du matin à Aaron, si tu ne décrochais pas d'un bouquin ? Qui lui préparerait son petit-déjeuner et ses repas ? Ton fiancé pourrait sûrement se débrouiller tout seul, en réalité, mais tu l'avais tellement couvé depuis votre emménagement ensemble que tu ne savais même pas s'il connaissait l'emplacement du bidon de lessive dans votre appartement. Enfin, ce n'était pas comme si ça te gênait de toute façon, vu que tu voulais être utile à Aaron, tu aimais qu'il ait besoin de toi. C'était d'ailleurs pour cela que tu l'aidais à planifier ses plannings de travail, aussi. Comme cela, tu savais presque toujours où il était, ce qu'il faisait, quand il ne fallait pas le déranger… Puis cela vous permettait aussi d'être sûr de passer du temps ensemble, malgré vos vies bien chargées.

Puis cela t'aidait aussi à savoir quand il avait besoin de toi ou non. Et là, tu savais que tu avais environ deux heures de temps libre après tes cours, vu qu'Aaron faisait du sport jusqu'à dix-neuf heures. Il fallait que tu rentres un peu avant pour lui faire couler son bain et commencer à préparer le repas, si vous vouliez être dans les clous par rapport à votre planning, mais ça te laissait clairement le temps de discuter avec la jeune rouquine, qui avait l'air de vouloir partager avec d'autres son amour pour la série de livres que vous étiez en train de lire. Tu fus d'ailleurs amusé, un léger sourire fleurissant sur tes lèvres, en la voyant rougir quand tu la comparas à la fée. C'était pourtant elle, qui avait tendu la perche en soulignant sa ressemblance avec Rozenn, tu voulais juste lui faire plaisir en acquiesçant ses propos, tu ne t'attendais pas à une telle réaction. Mais la discussion dériva vite sur vos personnages préférés, finalement.

- C-Carwyn est un t-très bon personnage aussi m-mais… J-J'ai peur que sa f-fin soit tragique. S-Sa quête est n-noble, mais insensée. M-Même si Angharad hait les d-dragons pour ce qu'ils ont f-fait au village et à s-sa famille, j-je pense qu'elle serait p-plus heureuse avec C-Carwyn à ses côtés q-qu'avec lui mort sur le champ de b-bataille. Être vengé, c-c'est bien, mais je p-pense l'amour est et d-doit être plus important que ça. J-Je ne voudrais pas q-que mon fiancé m-meurt pour moi, m-même si c'est p-pour me prouver son amour.

Enfin, tu parlais de la possible mort tragique de Carwyn, mais Arzel aussi risquait sa vie à chaque instant dans ces livres, juste parce qu'il avait décidé de vivre en marginal et de défendre une cause qui n'était simplement pas celle du village. En réalité, tu ne voyais pas beaucoup de personnages qui avaient cent pour cent de chance de rester vivants à la fin de la série. Peut-être Angharad, elle avait une place assez éloignée des champs de bataille et de la misère, dans le premier livre. Mais son rang faisait d'elle une cible parfaite pour déstabiliser le royaume ou simplement pour servir d'otage et de monnaie d'échange. Peut-être que finalement, Carwyn n'allait pas mourir sur le champ de bataille, peut-être qu'il allait revenir triomphant mais que sa dame ne serait plus de ce monde à son retour. Cela serait un rebondissement assez intéressant pour bousculer un peu les codes de l'amour courtois tout en gardant leur romance tragique.

- L-Le lire ensemble ?

La proposition de la jeune fille te surprit, c'était la première fois que l'on te demandait cela. Tu avais déjà essayé une fois, de suivre un livre que bouquinait Aaron, en même temps que lui. Mais il parcourait les pages bien trop vite pour toi, donc tu avais rapidement abandonné.

- T-Tu n'as pas peur q-qu'on n'ait pas les même rythmes d-de lecture ? J-Je veux bien essayer, s-si tu le souhaites. J-Je dois rentrer chez m-moi à sept heures m-moins le quart, donc o-on a un peu de t-temps devant nous s-si tu souhaites commencer m-maintenant. P-Préfères-tu qu'on aille d-dans le dôme, l-la bibliothèque o-ou la salle commune ? O-On sera peut-être plus t-tranquille dans c-cette dernière, s-si on veut b-boire une boisson chaude e-en lisant…

Le livre ou la vie !Tu écoutas la jeune fille t’expliquer ce stéréotype, même si tu le connaissais. L’amour courtois était presque toujours présent, dans les romans que tu lisais. C’était un incontournable de la chevalerie, mais ce n’était pas pour autant que tu étais d'accord avec cette manière de déclarer ses sentiments. Tu comprenais que l’amour courtois puissent faire rêver les jeunes gens, mais maintenant que tu avais ton fiancé, tu savais que tu détesterais être à la place de ces Dames. Tu n’aimerais pas qu’Aaron périsse, même si c’était en réalisant un exploit pour toi, tu en mourrais de chagrin. Tu le préférais à tes côtés, bien vivant et moins chevaleresque.

- M-Mon fiancé ne ferait p-pas cela, il est assez intelligent p-pour savoir que sans lui, j-je me faneraisa. T-Tout comme je suis assez intelligent p-pour savoir que l’inverse est v-vrai aussi. C-Connaître assez bien l’autre p-pour savoir ce qu’il v-voudrait sans même lui d-demander est p-pour moi un plus bel exploit q-que n’importe q-quel dragon terrassé.

Tu étais prêt à tout pour Aaron, Carmin, et tu connaissais assez bien ton amour pour savoir que lui aussi serait capable de décrocher la lune, pour toi. Mais à tes yeux, l’avoir à tes côtés valait bien plus que toutes les lunes. Tu n’étais déjà pas très chaud à l’idée qu’il puisse partir faire son service militaire, une fois ses études terminées, alors s’il était à la place de Carwyn dans le livre, tu l’aurais sûrement séquestré dans une tour du château pour qu’il ne se lance pas dans cette quête insensée. C’était peut-être une réaction un peu trop extrême, mais si cela pouvait certifier la sécurité de l’être aimé, tu n’aurais pas hésité à la place d’Angharad. En tout cas, tu ne t’attendais pas à ce que Lilwenn soit si enthousiaste quand tu acceptas sa proposition de lire ensemble quelques chapitres du livre, avec un thé et un petit goûter. Tu étais plus café, habituellement, mais la rouquine était déjà bien gentille de t’offrir un thé, alors tu n’allais pas chipoter. Tu la suivis donc, vos pas vous dirigeant vers votre salle commune tout en passant devant les enclos. Tu ne t’attendais pas à ce que la Cervirald s’arrête, mais tu la laissas faire, écoutant son discours sur les niffleurs. Elle avait l’air de les adorer, ou au moins d’adorer les créatures magiques. Cela tranchait un peu avec son air de petite fille parfaite, bien propre sur elle, mais tu savais qu’il ne fallait pas se fier aux apparences.

- J-Je ne savais pas qu’ils p-pouvaient s’échapper. M-Mais il est vrai q-que cela p-pourrait être dangereux s’ils s’échappaient. T-Tous les élèves ne savent p-pas comment se c-comporter avec les créatures magiques vu q-que ce cours n’est p-pas obligatoire… M-Mais il y a des sorts, n-non ? P-Pour les arrêter sans leur faire le m-moindre mal. D-Des techniques immobilisantes, p-par exemple…

Enfin, tu n’étais clairement pas un spécialiste du sujet, Carmin, alors tu laissais la jeune fille te répondre, ne la contredisant pas sur son domaine d’expertise. Quand on ne connaissait pas bien un sujet, il valait mieux se taire que se ridiculiser en disant des bêtises. D’ailleurs, en reprenant sa route, la jeune fille aborda un second thème que tu ne maîtrisais pas, celui du thé. C’était sûrement la boisson que tu connaissais le moins, vu que même dans les cocktails il était peu utilisé, sauf sous forme glacé.

- J-Je crois que j-je préfère le thé noir m-mais… J-Je ne m’y connais p-pas vraiment en thé, en r-réalité. A-Alors tu n’as pas besoin de te casser la tête p-pour moi ou… O-Ou de sortir tes meilleurs t-thés. J-Je boirai ce q-que tu me serviras.

Le livre ou la vie !- T-Tu sais, des f-fois, dans la p-panique, on a un p-peu de mal à réfléchir… À tête r-reposée, je pense d-directement à des sortilèges d-d'immobilisation, mais j-je ne sais pas comment je réagirais en p-pleine action. P-Puis ça dépend d-de l'objet volé aussi. S-Si c'est un souvenir f-familial, une b-bague de fiançailles ou q-quelque chose du genre, les s-sentiments peuvent p-prendre le dessus sur la raison.

Oh si, tu savais comment tu aurais réagi Carmin, si un niffleur t'avait volé ta bague de fiançailles. Clairement, il aurait pris cher, tu l'aurais arrêté à tout prix. Mais tu aurais fait exactement la même chose avec un humain. Personne n'avait de traitement de faveur, s'il essayait de te voler un objet aussi précieux.

- J-Je pense que p-pour récupérer leur bien, les g-gens peuvent être violents, q-que ce soit face à un humain ou un a-animal.

Au moins, tu étais tombé sur une petiote sensée, Carmin. Elle avait l'air d'être contre lancer des sortilèges violents sur des êtres vivants. Ce qui était normal, soyons honnête, mais de nos jours les gens n'avaient pas tous la jugeote nécessaire pour avoir ce genre d'idée. Étais-tu déjà un vieux con Carmin, à penser que les jeunes n'avaient rien dans la tête ? Peut-être. Sûrement même. En tout cas, tu suivis la rouquine jusqu'à votre maison, la laissant prendre la tête des opérations, tout en l'écoutant parler de thé. Son attitude ne te dépaysait pas vraiment, à vrai dire. Tu aimais bien te laisser mener, juste suivre sans réfléchir et laisser l'autre faire des choix.

- J-J'ai hâte de goûter ces g-gâteaux en tout cas. T-Tu voudras bien me p-partager la recette, s-si elle n'est pas trop compliquée ? J-J'ai un ami fan de t-tout ce qui contient d-du miel. J-Je pourrais essayer d-de lui en préparer comme ça.

Tu fus surpris mais amusé en la voyant se précipiter sur un canapé de votre salle commune, Carmin, alors que vous veniez à peine de rentrer. Et tu eus juste le temps de la rejoindre et de t'installer qu'elle se releva instantanément pour tout préparer. Tu la laissas faire, vu qu'elle avait l'air de maîtriser son sujet. Ça te faisait bizarre pour une fois, de te faire servir, mais elle avait l'air de gérer et tu avais plus peur de la gêner qu'autre chose. De toute façon, tu ne pouvais pas la suivre dans sa chambre pour lui donner un coup de main, ça aurait été très bizarre en plus. Finalement, elle revient avec son petit service, sur un plateau, avec les gâteaux… Tu avais un peu l'impression de jouer à la dînette, au final. Ça te rappelait un peu les mercredis après-midi, chez Léonie, quand tu étais jeune et que vous preniez le goûter avec ses peluches. Mais le service avait clairement l'air de meilleur qualité, tout comme la boisson que la rouquine comptait te servir.

- S-Si cela ne t-te dérange pas, j-j'en serais ravi. J-Je… V-Vu que j'ai quelques p-problèmes d'élocution, j-j'ai peur que ça s-soit fatiguant p-pour nous deux si… S-Si je lis. Enfin, si t-tu en as marre, j-je prendrais la relève s-sans problème, hein.

Tu sortis d'ailleurs l'ouvrage de ton sac, avant de t'attaquer aux douceurs apportées par la jeune fille. Si c'était gras, autant installer le setup lecture avant d'y toucher. D'ailleurs, cela te fit penser à quelque chose.

- D-Dans le pire des cas, s-si tu ne me comprends v-vraiment pas, il y a l-le sort de lecture a-automatique aussi. J-Je l'utilise souvent p-pour lire pendant que je c-cuisine ou que je f-fais le ménage. L-La voix n'est p-pas très naturelle, mais c-c'est mieux que rien.

Après, c'était un sort pratique pour ne pas salir les livres et avoir les mains libres, mais ce n'était clairement pas fait pour un roman. La voix était trop monotone et ne mettait aucun ton dans ce qu'elle lisait.

- P-Peut-être que j-je pourrai lire les dialogues, s-si cela te convient.

Est-ce que tu allais faire les voix des personnages, Carmin ? Bien sûr. Enfin, il y avait une différence entre les voix que tu imaginais aux personnages et celles que tu allais réussir à leur faire.