Rendez-vous avait été pris. Le jour convenu, Geralt arrivé à l'heure dite - pratiquement les mains dans les poches ; il avait posé pour condition de n'user d'aucun artifice, d'aucune des fioritures qu'affectionnaient les soi-disant « professionnels » de cet art, de manière à rendre l'expérience plus authentique. Il ne disposait de toute façon d'aucun costume adapté ; autant donc s'en tenir à sa tenue habituelle. Sans surprise, son adversaire était déjà là, sans doute curieux de voir ce qu'il pouvait lui réserver. Il ne serait pas déçu.

« Toujours. Ne perdons pas de temps. »

Non qu'il soit pressé d'en finir, mais il n'était pas utile de se perdre en politesses. Ils savaient tout deux pertinemment pourquoi ils étaient là, et il pensait avoir été clair quant au fait que sa façon de mener ses duels n'avait rien à voir avec une série de ronds de jambes. Les duels mondains - ceux-là même que l'on enseignait dans les écoles - avaient toujours eu un certain mépris de sa part, notamment parce qu'ils ne seraient d'aucune utilité en cas de danger véritable.
À quoi bon savoir à quel angle il est bon de s'incliner pour saluer son adversaire lorsque celui-ci s'apprête à vous suriner dans une ruelle sombre ? Au mieux, c'était une base à perfectionner ; au pire, c'était autant de mauvaises habitudes à désapprendre.

Durmstrang avait peut-être la réputation - au demeurant parfaitement fondée  - d'être une école d'une extrême dureté, mais au moins apprenaient-ils à leurs élèves à véritablement se défendre. Chose qu'il aimerait pouvoir faire lui-même, mais Ilukaan et sa ne direction ne s'accommoderaient certainement pas des parties les plus discutables de ce cursus.
Néanmoins, absolument rien ne l'empêchait de dispenser des cours privés sur son temps libre aux élèves les plus avancés - ou de répondre à une provocation en duel en dehors du cadre de ces fonctions.
Qu'importe lequel des deux satisferait l'administration si on venait lui demander des comptes.

De toute manière, s'il poursuivait encore ses études, Aaron était majeur et vacciné depuis plusieurs années déjà, et donc seul responsable de ses actes. S'il n'avait évidemment pas l'intention de le blesser gravement, Geralt entendait pouvoir compter sur lui pour tenir sa langue si les choses devaient mal tourner d'une manière ou d'une autre ; il était censé savoir ce qu'il faisait en s'adressant à lui pour ce type de démarche.
En définitive, la seule chose qu'on pourrait lui reprocher était d'utiliser les installations de l'école, mais le propre d'une salle sur demande était aussi de pouvoir faire disparaître des preuves en un claquement de doigts. Cela avait dû faire le bonheur de ceux qui avaient trouvé le moyen de l'utiliser pour tout type d'activité extra-scolaire au cours des années. Mieux valait sans doute ne pas se poser de questions.

Pour avoir passé du temps à réaménager la salle en début d'année - ou plutôt la version de la salle allouée aux duels -, Geralt s'y retrouvait immédiatement sans difficulté. Il n'eut besoin que de quelques pas pour gagner le discret marquage au sol indiquant le placement des participants.
S'il comptait promptement enfreindre les futiles restrictions d'un duel « classique », il pouvait au moins ouvrir les hostilités comme il se doit pour que son partenaire n'en soit pas trop déstabilisé. Tout excellent élève soit-il, ce dernier n'avait pas autant l'habitude que lui des affrontements plus sauvages ; autant donc lui laisser ce point de repère, au moins au début.

« Commençons. » décréta posément Geralt en retroussant ses manches - et, sans prendre le temps de sortir une quelconque baguette ou autre ustensile, il braqua la main dans sa direction : « Incendio. »

Une trombe de flammes fusa depuis sa paume en direction du jeune élève, sans que celui-ci ait le temps de se mettre sur la défensive. C'était après tout le propre des combats qu'il devrait s'attendre à mener dans le « vrai monde » ; on ne lui laisserait pas toujours le temps de se préparer - et les sorts qui se mettraient à pleuvoir ne seraient pas toujours aussi rudimentaires. Enfin...

« ...Maxima. » ajouta-t-il.

Et, bien que le sort soit déjà lancé, le volume de celui-ci s'accrut considérablement, changeant le feu qu'il projetait en véritable tempête incandescente. Fidèle à sa parole, le sorceleur ne faisait rien pour le ménager ; la pièce avait été bardée de sortilèges de protection de sorte qu'il n'ait pas à amenuiser sa puissance de quelque manière que ce soit.
En tant que sorcier, Geralt était une brute : incapable de sortilèges trop élaborés, ce qu'il n'avait pas en finesse, il le compensait par la force. Même avec la meilleure des défenses, encaisser l'un de ses sorts faisait à peu de choses près l'effet de recevoir un boulet de démolition. L'affronter de face était donc probablement à proscrire.
Et tout magique soit-il, ce feu - surtout en telle quantité - fit instantanément monter la température...