Lilwenn n’avait jamais vraiment aimé le camping. Elle y avait pourtant souvent été confrontée, car les célébrations qui prenaient place dans son village finissaient toujours par éloigner tout le monde du Couvent - on traversait les champs où le blé était fauché, puis on se perdait dans la forêt pour récolter les baies, et on finissait la fête sur la plage, où l’on faisait de grands feux de joie autour desquels tout le monde dansait. Parfois, les Soeurs et les villageois montaient des tentes et elle trouvait toujours un espace dans lequel se réfugier ; et parfois, comme tous les autres, elle dormait sous le ciel étoilé, avant de se réveiller aux premières lueurs du jour. Cette année n’avait d’ailleurs pas fait exception. Elle venait tout juste de revenir à Brighshire, après être rentrée chez elle pour le sabbat de Lughnasadh.

Elle était d’ailleurs revenue avec diverses petites choses pour ses amis. Elle avait pris le temps de leur confectionner des talismans de protection, sous la forme de petites poupées tressées de brins de paille. Ce jour-là, ce fut Megumi qu’elle croisa d’abord, en revenant à sa tente avec sa petite valise. Les deux jeunes filles étaient de la même année, et avaient donc quelques cours en commun malgré leurs deux maisons différentes, notamment l’option d’étude des runes. Au fil du temps, elles avaient appris à s’apprécier et étaient désormais de bonnes amies. Elle perdit son expression renfrognée, ses sourcils habituellement froncés se relevèrent légèrement en même temps que ses lèvres qui se fondirent dans un sourire.

- Bonjour ! Tu vas bien ? Oh, attends une seconde, j’ai quelque chose pour toi.

Il lui semblait qu’elle se préparait pour aller faire quelque chose, alors elle préférait l’interrompre directement. Elle posa sa valise sur son lit, l’ouvrit en grand et fouilla parmi ses affaires avant d’en sortir un petit paquet.

- Tiens. Je t’ai ramené ça. Je l’ai faite pendant les cérémonies de Lughnasadh. C’est pour apporter chance et protection.

Elle récupéra ensuite un carnet et une trousse dans sa valise, puis la referma et la poussa sous son lit - elle s’occuperait de ranger ses affaires plus tard. Elle revint près de Megumi pour savoir ce qu’elle pensait de son cadeau.

- Tu n’es pas obligée de la garder constamment avec toi. Tu pourras l’accrocher dans un coin de ta chambre à Ilukaan quand on rentrera, par exemple ! Et en attendant…

Elle prit son carnet et le porta devant elle.

- J’ai entendu dire qu’il y avait tout un tas de plantes à découvrir ici, alors j’ai pris de quoi faire un herbier. Tu veux bien m’accompagner ? Sauf si tu as autre chose de prévu, bien sûr…

Lilwenn n’était pas du genre à essayer de forcer les gens, au contraire. Elle n’en avait jamais eu besoin - au Couvent, les Soeurs se pliaient en quatre pour répondre à ses moindres caprices, alors elle n’avait jamais eu besoin d’apprendre ça. Elle préférait nettement s’effacer et faire ses activités seule si personne ne souhaitait l’accompagner, parce qu’elle avait aussi remarqué que les gens qui insistaient n’étaient pas toujours bien perçus. Malgré le fait qu’elle se sente régulièrement supérieure à la plupart des autres élèves, tout devenait différent dès qu’il s’agissait des personnes qu’elle appréciait, et l’opinion qu’ils avaient d’elle avait soudainement de l’importance.

Elle tendit le paquet à Megumi, un léger sourire sur les lèvres. Elle faillit manquer sa réaction, puisqu’elle était repartie directement cacher sa valise sous son lit, décidant de la défaire plus tard. Ranger ses robes prenait toujours une éternité, même quand elle pouvait utiliser des sorts pour agrandir les meubles. Mais son amie releva un visage ému vers elle quand elle s’approcha à nouveau et elle comprit que son cadeau avait fait mouche. Elle ignorait que ses présents pouvaient tant faire plaisir ; elle avait l’habitude de tout faire à la main, et si “c’est l’intention qui compte”, Lilwenn avait toujours pensé que les autres préféraient des choses nettes et lisses que l’on ne pouvait trouver qu’auprès de grands magasins ou d’artisans professionnels.

- Ce n’est pas grand-chose, tu sais… On fait ça tous les ans chez moi ! Mais je suis contente que ça te plaise.

Elle lui sourit à nouveau, puis se détourna d’elle un instant pour récupérer un carnet et une trousse, et elle plaqua les deux contre sa poitrine pour que rien ne glisse. Le grand sourire que lui rendit Megumi la rendit confuse un instant, avant qu’elle ne déclare qu’elle comptait faire la même chose. C’était une belle coïncidence ! Elle ne l’embêtait donc pas comme elle avait pu le craindre un instant plus tôt. Elle observa son carnet un instant - il semblait vierge, comme le sien. Elles allaient donc pouvoir tout récolter en double et discuter des plantes, ce serait une bonne activité qu’elle était heureuse de pouvoir partager avec quelqu’un. Bien sûr, elle avait fait plusieurs herbiers avec les Soeurs au Couvent, mais ce n’était pas pareil… Les Soeurs n’étaient pas vraiment ses amies, plutôt comme sa famille. Elle avait toujours vécu avec elles, et avait grandi à leurs côtés.

Elle la regarda ranger la poupée avec précaution dans son paquet puis mettre le cadeau avec le reste de ses affaires. Lilwenn était heureuse du soin qu’elle apportait à son présent - à l’image de ce qu’elle-même ferait si on lui offrait quelque chose. Elle avait encore la fâcheuse habitude de vouloir voir chez les autres un miroir de la façon dont elle-même agissait, même si ça s’améliorait un peu au fil du temps. Elle hésita un peu quand Megumi lui demanda s’il fallait demander des autorisations.

- Oh, je l’ignore… Mais si tu penses que c’est mieux, nous devrions peut-être, oui !

Sur ces paroles, elle quitta la tente, suivie par Megumi, afin de s’approcher de la forêt. La personne qu’elles cherchaient se trouvait sûrement un peu avant. Et en effet, Lilwenn finit par aviser une petite cabane en bois et elle se dirigea vers elle. Elle toqua, trois coups fermes sans être violents. On vint leur ouvrir, et elle recula d’un pas en voyant le garde-forestier. Il n’avait pas l’air méchant, mais il était assez impressionnant. Elle demanda d’une petite voix quelles étaient les règles concernant les plantes, après avoir jeté un coup d'œil à Megumi, et il leur donna un petit papier sur lequel était noté toutes les règles à respecter. Enfin, un papier… Ça ressemblait plus à une feuille d’arbre, grande mais carré, dont les rainures formaient comme des lignes au-dessus desquelles écrire. Chaque plante était listée, ce qui rendrait bien plus facile les recherches puisqu’elles sauraient quoi chercher. Il était interdit de prendre plus qu’une certaine quantité de chaque plante, mais elles n’atteindraient probablement pas ces quotas si elles se contentaient de faire des herbiers. Il était aussi écrit de faire attention aux animaux, et d’éviter de les approcher pour ne pas les déranger.

- Regarde, il y a une carte sur l’autre face… J’ai bien l’impression que c’est un chemin qu’on peut suivre pour récupérer les plantes le plus facilement possible. Tu veux qu’on le suive ou qu’on se promène un peu au hasard ? On pourrait, quoiqu’il arrive, je saurai retourner au campement. J’ai des objets enchantés dans la tente, alors je pourrai me rediriger avec un sort.

Ils n’étaient pas là exprès pour ça, ces objets, mais il fallait bien avouer que c’était plutôt pratique, au final. En tout cas, elle salua poliment le garde-forestier et prit donc le chemin de la forêt. Elle avait hâte de commencer son herbier.