Le soleil est déjà bien haut dans le ciel lorsque la famille Delshad s’agrandit d’un petit garçon durant le début de l’été. Le nouveau-né pleure, il est en bonne santé, tout est absolument parfait pour ce couple déjà amoureux et mariés depuis de nombreuses années. L’un travaille en tant que chercheur en astronomie, donnant parfois quelques cours dans son ancienne académie, l’autre est une architecte de renom, prisée pour ses réalisations.

L’enfance de Kaveh se déroule dans le village sorcier a proximité de Kashan, ville Iranienne qu’il aime par moment visiter accompagner de ses parents quand ils le peuvent. Souvent, c'est car il adore voir sa mère s’extasier devant les monuments de cette ville et lui parler avec passion de ces derniers, tout comme son père le fait une fois la nuit présente pour lui présenter les étoiles. Il est clairement moins d’être malheureux et régulièrement, il part aussi jouer avec les autres enfants des familles sorcières voisines.

Il apprend à naviguer dans ce petit monde qu’il apprécie, à développer ses capacités, à suivre régulièrement l’école, rapporter des bonnes notes, pas des plus excellentes, mais une haute moyenne suffisante pour ne pas avoir à s’inquiéter sur ce sujet-là pour le blondinet. Ses goûts, ses activités aussi, elles deviennent de plus présentes. Kaveh est un touche-tout, parmi ses moments extra-scolaires, il teste la peinture, tente divers instruments jusqu’à trouver celui qui lui plaît, se met à connaître plusieurs petits domaines même si parfois il ne continue pas longtemps. Pas grave, pour ce qui lui plaît, au moins, il peut mieux se concentrer dessus.

C’est d’ailleurs comme ça que tout commence. Un jour, Faranak est absente et son père travaille dans son bureau, laissant Kaveh seul venir chercher un crayon dans le cabinet d’étude à domicile. C’est là qu’il tombe sur cette grande feuille bleue, qui donne tant envie à l’enfant, qui observe souvent sa mère en train de dessiner ses schémas et plans pour les futures maisons. Ça, il n’a jamais encore jamais essayé, et maintenant qu’il a de quoi écrire… Il ne réfléchit pas plus loin, il se met, à son tour, à réaliser une maison, essaye d’imiter ce qu’il voit dans ses souvenirs. C’est sûr, en réalité, ça ne ressemble pas à grand-chose mais il y met aussi son imagination d’enfant, qui apporte une touche d’originalité.
C’est quand il termine que Faranak le découvre. Pour sûr, plusieurs enfants pris sur le fait de jouer avec les affaires de travail de ses parents se seraient certainement fait engueuler. Mais pas Kaveh, non. Lui, il montre fièrement sa réalisation et Faranak, elle, prend doucement la feuille entre ses mains puis l’observe minutieusement puis finalement, commence à expliquer à son fils les bases des fondations dans une architecture, refait avec lui ce premier essai. Elle se montre fière, encore plus quand son fils lui annonce vouloir faire comme elle plus tard. C’est sans doute ensuite ce qui incite les parents à acheter de plus en plus de briques pour enfant et laisser l’imagination de Kaveh faire le reste du travail. C’est justement durant l’un de ces moments que sa magie se réveille, alors qu’il essaye de positionner tout en haut de sa réalisation une derrière brique sans y parvenir, cette dernière se met à léviter pour l’atteindre. Les parents sont là pour s’en rendre compte et le soir-même, un bon repas est organisé pour célébrer cette magie naissante.

Il y a de quoi être heureux, n’est-ce pas ? Pour sûr, il l’est. Les jours passent, Kaveh a désormais 8 ans. C’est à cet âge là qu’il découvre une affiche dans les rues de son village, alors accompagné de son père. Cette dernière parle d’un grand championnat de l’académie sorcière où ses parents ont étudié, connus dans tout l’Iran. A la clé : la couronne de la connaissance. Il s’agit bien entendu là de tout un artefact magique, convoité de beaucoup mais pour un enfant, il ne voit que la jolie couronne. Il en fait d’ailleurs immédiatement part à son père et, ce dernier, souriant, lui prononce une phrase qu’encore aujourd’hui Kaveh ne peut pas oublier :

« Et si je la gagnais, comme ça tu peux jouer avec pendant plusieurs jours ? »

Il ne faut pas plus que le sourire du fils pour convaincre de l’inscription quelques jours plus tard. Cette compétition est sur plusieurs épreuves et peu de temps après son début, son père se retrouve très rapidement être le favori. Oh, il n’y a pas à dire, ça fait briller les yeux du petit blond, que son papa soit aussi fort !

…

Et puis, tout s’arrêta soudainement.

La dernière épreuve se déroulait dans le désert de Dasht-e Lut pendant plusieurs temps. Forcément, sa présence manquait à la maison, mais ce n’était que temporaire. Jusqu’au moment où les organisateurs sont arrivés aux portes de la maison pour annoncer la nouvelle. Le décès de son père.

Ils n’ont jamais eu réellement les détails : On leur parle d’un soudain accident dans le désert qui est arrivé, qu’il n’a pas pu être sauvé à temps, qu’ils en sont grandement désolés et que jamais, au grand jamais, les choses n’auraient dû tourner ainsi. Forcément, la compétition est annulée, aucun champion n’est déclaré.

A partir de là, tout change. Sous le choc, sous le désarroi de ce qui vient d’arriver, la maison perd de sa lumière. Faranak tombe dans une profonde dépression, dont elle n’arrive pas à sortir. Elle vient de perdre l’homme qu’elle avait longtemps aimé malgré les débuts difficiles entre eux deux. Elle se retrouvait à devoir s’occuper seule d’un enfant tout en devant surmonter son deuil. Elle passait ainsi les journées dans ses pensées sombres, à ne pas pouvoir réellement en sortir, ou jamais longtemps. Mais qui pouvait l’en blâmer ? Certainement pas Kaveh.

La culpabilité l’a envahi dès l’annonce, sa douleur était restée la même dès lors. Si seulement, si seulement il n’avait pas parlé de ce diadème, n’avait pas vu cette affiche, alors son père serait probablement encore en vie, n’est-ce pas ? Et sa mère continuerait de sourire. Et sa famille serait réunie. Par sa propre demande, cet enfant de 8 ans avait désormais le sentiment d’avoir tout gâché. Mais de tout ça, il refuse d’en parler, même auprès de la psychomage attitré pour l’aider à surmonter la perte de son père. Personne n’a besoin d’être au courant, lui, tout ce dont il est sûr, c’est que plus jamais il n’essayera de demander quoi que ce soit aux autres, qu’il ne se mettra plus en avant. C’est trop de risques qu’il ne veut plus jamais prendre. L’événement l’atteint, le touche en plein cœur et il en retient désormais la leçon.

Eventuellement, les années passent jusqu’à ses 11 ans. Même si sa mère semble être un peu mieux sorti de sa peine, jamais la demeure n’a retrouvé ses grands rires d’antan. Vient alors le moment de choisir l’école dans laquelle il souhaite partir étudier. Il sait déjà une chose : il refuse de rester ici, en Iran. Il sait que sa mère prévoit de partir en France sous peu, après maintes et maintes recherches pour trouver un poste, alors il veut aussi éviter Beauxbatons. Il ne veut pas continuer à être un poids à supporter pour elle.

C’est alors que la brochure d’Ilukaan lui attire le regard. Il la lit et là, miracle : l’école propose un cursus de spécialisation en architecture une fois l’année universitaire atteint. Parfait ! Cela met un peu de baume au cœur de l’enfant qui fait par de son choix.

Le déménagement se fait alors pour tous les deux, la maison de son enfance est vendue et il part dès août avant sa rentrée pour apprendre les bases de l’anglais, tandis que Faranak part pour l’Europe. Après des au revoir et des promesses de s’écrire régulièrement, ils se quittent et Kaveh arrive quelques temps plus tard au Canada. Son dernier cadeau : une petite chouette Butler, qu’il décide de nommer Mehrak.

Malgré la barrière de la langue, Kaveh parvient rapidement à être entouré, ayant décidé de mettre en avant son caractère jovial, cachant derrière un masque toutes ses inquiétudes. Ça fonctionne plutôt bien, étant donné qu’il commence à se lier d’amitié avec pas mal de monde. Le désormais lupy passe désormais sa vie dans son école, même pendant les vacances. Comme promis, il donne des nouvelles à sa mère, pour ne pas qu’elle s’inquiète trop.

Les années passent, il évolue, grandit petit à petit. Il continue de faire des rencontres, parfois se… Sépare d’autres personnes, dont il ne préfère plus parler, mais tout redevient plus calme d’apparence dans sa vie, car jamais son sentiment d’enfant ne l’a quitté. Du côté de Faranak, elle a annoncé avoir trouvé un nouvel homme, reformé sa vie et a même désormais deux petites filles. Deux sœurs pour Kaveh, qu’il n’a, en réalité que croisé peu de fois depuis. Plus il est loin de sa mère, plus cette dernière se reconstruit et c’est bien là tout ce qui compte pour lui désormais.

De son côté, l’architecture est réellement le destin qui l’attend, on pose en lui de grands espoirs et il compte bien prouver de quoi il est capable, de créer un jour le monument qui marquera les temps. Peu importe le prix derrière.

C’est ainsi que les choses resteront.

(c) Ilukaan