De tous les cours dispensés à Ilukaan, il y en avait bien un que Camilo n’aimait pas du tout. L’Histoire de la magie. Qu’est-ce que ça pouvait être barbant d’écouter le professeur parler de choses qui s’étaient passées des siècles auparavant… La plupart du temps, notre jeune sorcier essayait tant bien que mal de garder les yeux ouverts, tout en gribouillant sur son cahier. Les professeurs pensaient sûrement qu’il prenait des notes, enfin, ça, c’était ce qu’il pensait. Ils ne sont pas dupes, ils ont été à l’école avant lui, ils savent que c’est du flan.

« On a appelé cet épisode “L'incident Colombien”, mais peut-être que monsieur Madrigal peut nous en parler plus en détail ? »

Camilo releva la tête, puis tout son corps suivit pour se retrouver debout. Mince. De quoi on parlait. De Colombie ? Ah oui ! Sans plus tarder, le jeune sorcier changea d’apparence pour arborer fièrement celle de sa grand-mère.

« Alma Madrigal ! L’une des plus grandes sorcières de Colombie ! », clama fièrement l’adolescent.

Les gloussements de ses camarades cessèrent rapidement quand le professeur reprit la parole. L'incident Colombien faisait référence à un grand conflit survenu en Colombie, une cinquantaine d’années auparavant. Bon nombre de sorciers furent exposés aux yeux des moldus suite à une confrontation dans les rues de la ville de Bogota. Les sorciers n’eurent pas d’autres choix que de fuir le pays et parmi ces gens là, se trouvaient la grand-mère de Camilo. Rapidement le sorcier changea d'apparence pour montrer le visage de son grand père. Il ne l’avait jamais connu, mais il voyait son portrait tous les jours, trônant fièrement dans les couloirs de sa maison.

« De nombreux sorciers fuirent et d'autres, malheureusement, perdirent la vie. Prêts à se sacrifier pour effacer de la mémoire des moldus toute trace de magie. »

Camilo mima une moue triste, avant de prendre la parole à son tour, changeant de visage dès qu’il prononça un nouveau prénom.

« Mon abuela et de nombreux sorciers arrivèrent à Victoria, en Colombie-Britannique, dans l’espoir de trouver un refuge et de se reconstruire après cet incident magique. Surtout qu’elle n’était pas venue les mains vides ! Elle avait ma tía, mon tío et ma mamá à s’occuper !  »

Le professeur coupa rapidement court à Camilo. À vrai dire, ce qui se passait après, ça ne l’intéressait pas trop. Pourtant, c’était la meilleure partie ! Mais encore une fois, ce qui intéressait le jeune homme, n’intéressait pas son professeur. Et voilà qu’il déblatérer à nouveau sur des choses totalement barbantes. Dommage, ce cours aurait pu être intéressant.

« Pssst, Camilo. Qu’est-ce qu’elle est devenue ta grand-mère après ? »

Le sorcier esquissa un sourire, attendit que le professeur ait le dos tourné et…

« Elle a construit elle-même sa casita ! Bon, avec un peu de magie, c’est sûr… et ensuite, elle a élevé ses triplés toute seule, tout en aidant les autres sorciers à s’intégrer dans la ville ! »

« Camilo, on arrête de bavarder. »

Le jeune sorcier se redressa sur sa chaise et attendit quelques minutes avant de poursuivre.

« Une trentaine d'années plus tard, la famille commença à s’agrandir. J’ai deux grandes cousines, ma grande sœur, puis ensuite une cousine qui à quelques mois de moins que moi et enfin, mon petit frère. On est une grande famille et on a la chance de pouvoir tous vivre ensemble. »

Le père de Camilo et son oncle étaient tous les deux des moldus, plongés malgré eux dans le merveilleux monde de la sorcellerie. Ils s’étaient plutôt bien adaptés malgré tout et Camilo avait passé une enfance tranquille, sans fait notable.

« Et ton oncle ? Le troisième enfant de ta grand-mère ? »

Camilo hoqueta de surprise, son visage changea rapidement sans qu’il puisse le contrôler, avant de revenir à la normale.

« Ah non, on ne parle pas de Bruno ! »

Le professeur se tourna vers les deux élèves en train de bavarder pour les rappeler à l’ordre. Son tío Bruno avait disparu depuis une dizaine d’années. Camilo n’était alors âgé que de 5 ans et dans sa famille, personne ne parlait de lui. Il ne savait pas ce qu’il était devenu mais de ce qu’il avait compris, il n’était pas très fréquentable.

« Vous deux ça suffit, -10 points pour Cervirald !  »

Oups. La classe entière se tourna vers Camilo qui esquissa un grand sourire, mi gêné, mi amusé.

C’était la fin du cours, il se dépêcha de ranger ses affaires et de sortir. Il avait encore beaucoup de choses à apprendre, encore faudrait-il être un peu plus assidu.


Enfin la pause déjeuner ! Le moment préféré de Camilo. Installé à table avec ses amis, le sorcier s'amusait à faire rire ses camarades en se transformant et en imitant les professeurs. Même le directeur n'était pas à l'abri.

« Camilo, quand est-ce que tu as su pour ton don ? »

Camilo haussa les épaules.

« Moi j'ai l'impression de toujours l'avoir eu. Ma mère s'en est rendu compte quand j'avais 5 ans. Apparemment je m'étais transformé au parc de jeu et elle n'arrivait plus à me retrouver. »

Il y avait des dizaines d'enfants et plus aucune trace de Camilo. Par contre, il y avait deux Jerry. Deux enfants parfaitement identique l'un à côté de l'autre. Il fallut du temps pour faire comprendre au jeune Madrigal de ne pas s'amuser en public avec son don. Ce n'était pas des plus simple à maîtriser, mais il a toujours fait de son mieux.

« Tu te souviens de la foi où tu avais pris l'apparence du professeur de défense contre les forces du mal ?! »

Camilo rigolait, même si à l'époque, cela ne l'avait pas fait rire. Cela remontait à sa première année à Ilukaan. Il ne maîtrisait pas assez bien son don et, après s'être fait remonté les bretelles, sa tête s'était décomposé et il s'était changé, imitant parfaitement le professeur devant lui. Toute la classe avait rigolé, sauf Camilo. Les Cervirald avaient perdu beaucoup de points, le professeur ayant très mal pris cette "provocation". Mais ce jour là, Camilo avait débloqué un super pouvoir, celui de pouvoir faire rire sur commande. Si pour cela, il devait endosser le rôle du cancre, alors tant pis. Le rire de ses amis n'avait pas de prix !

(c) Ilukaan