Elle avait hésité environ mille ans sur la tenue à porter - du moins, c’était l’impression que ça lui avait donné. Elle regardait avec attention chacune des robes, notant dans sa tête les avantages et les inconvénients de chacune. Mais Owen ne l’avait vraiment pas aidé, en lui disant juste de bien s’habiller. Elle était toujours bien habillée ! Ce qu’elle avait voulu savoir quand elle lui avait demandé ce qu’elle devait mettre, c’était plutôt si le date allait être posé, s’ils allaient bouger, s’ils allaient danser ou se promener, ou même faire du shopping, on ne sait jamais ! Mais là elle était en plein doute. Au pire des cas, elle prendrait deux tenues, et se changerait par magie. Oui, c’était un bon plan. Ceci décidé, elle plia une robe dans les mêmes tons que celle qu’elle allait mettre, récupéra une paire de chaussures confortables, et rangea le tout dans son sac à main après avoir miniaturisé sa tenue de secours. Elle récupéra ensuite sa longue robe fendue, de couleur bordeau, avant d’aller se préparer.

Une bonne heure plus tard, c’est-à-dire, à peine dix minutes avant de devoir retrouver Owen, elle était prête. Sa longue robe laissait apparaître sa jambe gauche jusqu’à mi-cuisse - elle estimait que ça restait acceptable. Ses chaussures étaient dorées, rappelant la couleur des bijoux qu’elle portait. Pour une fois, au lieu de porter ses indémodables demi-tresses qui se fondaient dans sa chevelure, elle avait opté pour un chignon flou, quelques mèches s’en échappant pour encadrer son visage. Elle portait une poudre dorée sur le visage, plus accentuée autour de ses yeux, et un rouge sombre sur les lèvres. En clair, elle avait mis le paquet. Elle attrapa son flacon de parfum, laissant l’odeur de cannelle et d’encens l’entourer. Elle rangea un miroir de poche et quelques accessoires supplémentaires dans son sac, attrapa son châle, et partit enfin retrouver son partenaire pour cette soirée.

Lorsqu’elle l’aperçut, devant le portail de l’école, elle s’arrêta un instant pour le contempler. Il avait fait les choses bien… Si elle pouvait dire ça rien qu’en le voyant, en tout cas. Elle reprit sa marche jusqu’à être un peu plus proche de lui, et colla un baiser sur sa joue. Elle pouvait bien se permettre, et elle devinait sans peine que ça ne dérangeait pas du tout Owen.

- Bonsoir. Je ne t’ai pas trop fait attendre ? En tout cas, tu es très élégant. J’espère que ma tenue convient à la soirée ? Et si ce n’est pas le cas, tu n’avais qu’à être un peu plus précis.

Alterner le chaud et le froid, les compliments et les reproches, était quelque chose qu’elle faisait souvent dans les premiers temps d’une relation. Parce qu’elle était toujours comme ça, en recherche de perfection, elle exagérait parfois un peu volontairement le trait pour faire fuir rapidement ceux qui ne supporteraient pas son caractère au quotidien.

- Où est-ce que tu m’emmènes, alors ? Au Pasta Kedavra ?

Elle ne pensait pas. Owen était trop bien habillé pour ça - trop bien habillé pour qu’ils restent même à Bloombury. Elle était un peu impatiente de voir où il allait bien pouvoir l’emmener pour ce date. Elle n’aimait pas tellement laisser la main aux autres, préférait tout préparer pour être sûre que tout se passerait bien, qu’il n’y aurait pas le moindre problème. Elle espérait ne pas regretter d’avoir laissé Owen faire.

Elle eut un mal fou à ne pas glousser quand il vint chercher sa main pour y déposer un baiser. Ahava avait l’habitude de ce genre de gestes ; pas tellement de la part des garçons de l’école, mais plutôt des vieux messieurs que rencontrait parfois son père pendant ses dîners d'affaires ou de ceux à qui sa mère faisait visiter sa galerie d’art. Elle le prenait toujours bien, sachant qu’il n’y avait aucune mauvaise intention derrière ce geste, simplement un genre d’hommage à la fille - très jolie - de leurs hôtes. Mais avec Owen, ça avait un sens tout à fait différent, et elle ne pouvait s’empêcher de l’apprécier. Peut-être un peu plus qu’elle ne voulait bien le montrer.

Et les louanges de l’homme, alors qu’elle venait de lui lancer un reproche déguisé après un compliment, lui tirèrent un sourire rayonnant. Il avait raison de ne s’arrêter que sur le positif dans ses paroles, de toute façon. Elle releva légèrement sa robe pour ne pas marcher dessus avant de prendre le bras d’Owen. Elle lui demanda s’il l’emmenait au Pasta Kedavra, et comme elle s’y attendait, il nia. Il l’emmenait quelque part qui serait à sa hauteur. Elle imaginait déjà le luxe des grands restaurants de New-York, de Tokyo ou de Rome. Ce ne fut pas l’endroit où ils atterrirent après le Portoloin.

Elle entra dans la limousine qui les attendait, précédant Owen. Si ce n’était pas la première fois qu’elle entrait dans ce genre de voiture, ce n’était tout de même pas un luxe qu’elle se permettait tous les jours, et elle regarda son partenaire de cette soirée avec étonnement, mais il ne voulait rien lui dire, malgré une certaine insistance de sa part. C’est quand ils arrivèrent devant le restaurant qu’elle se rendit compte qu’ils étaient à Paris, et que l’hôtel qu’il avait choisi pour le dîner était l’un des meilleurs. Elle avait souvent voulu se rendre ici, mais n’en avait jamais eu l’occasion. Elle souriait si fort qu’elle en avait mal aux joues. Elle regardait les lumières de la Tour Eiffel, et celles qui jouaient sur la Seine en contrebas.

- C’est très beau, en effet, répondit-elle simplement avant de prendre sa carte.

Elle remarqua directement qu’il n’y avait pas les prix sur son menu, et elle leva les yeux vers Owen.

- Ça me montre surtout que tu as beaucoup d’argent et un peu de jugeote. Ce qui est déjà un bon point - le dernier, pas le premier. Encore qu’avoir un petit ami riche n’est pas une mauvaise chose, nous pourrions ainsi mutuellement nous couvrir de cadeaux. Peut-être que tu fais quelques pas dans cette direction.

Elle regardait avec attention les repas et les indications - elle ne mangeait kasher que chez sa mère, mais elle avait tout de même l’habitude d’éviter certains aliments. Exit les crustacés et le porc, ainsi que les sauces lactées qui accompagnaient la viande. Elle finit par arrêter son choix sur un beau morceau de poisson blanc accompagné d’une fondue de poireau et de riz. Elle n’allait pas faire la difficile sur le vin, en revanche.

- Choisis quelque chose qui se marie avec un vin blanc. Je peux payer la bouteille, si tu veux.

Elle se saisit d’ailleurs de la carte des vins afin de faire son choix. Une bouteille serait bien suffisante pour la soirée, et elle hésitait même à n’en prendre qu’une demie, mais décida de rester sur sa première idée. Elle lança un nouveau regard à Owen, lui sourit, et attendit que le serveur arrive pour prendre leur commande. Une fois qu’il fut reparti, elle croisa ses mains sous son menton pour observer son prétendant.

- Un restaurant parisien, alors ? Tu ne fais pas les choses à moitié, je dois l’admettre. Pourquoi est-ce que tu as choisi cet endroit ?

Elle voulait savoir tout ce qui était passé par la tête du cycliste quand il avait pris en main la préparation de ce rendez-vous.