L’oiseau s’envole sous son nez et il se contente de le regarder filer loin de lui avec un air semi-triste. Il ne s’autorise des moments de déprime qu’une fois perché en hauteur, dans les arbres du petit parc d’Ilukaan. Ici, il est tranquille pour se laisser aller à ses états d’âme. Il peut observer les gens se balader autour de lui sans se douter qu’il les voit. C’est reposant, comme faire partie du truc sans pour autant y être véritablement. Observateur extérieur… pour une fois physiquement représenté. Lui qui ressent souvent cette impression, c’est presque apaisant de vraiment le vivre.

Il prend son téléphone et regarde l’heure. Il a rendez-vous avec son super Sindibad, il a pas envie d’arriver en retard, alors il surveille. Mateus lui a envoyé un message, ça lui fait bondir le cœur. Il l’ouvre, c’est juste un petit selfie et des encouragements pour la fin de la journée de cours. Mateus n’a pas encore retenu qu’il n’avait pas cours l’après-midi ce jour-là… Genji soupire et lui envie un petit selfie aussi avec un sourire chaleureux avant de ranger son téléphone, le corps lourd. Il s’adosse à son tronc d’arbre et repose son regard en contrebas avant de soupirer encore.

Il a pas franchement envie d’aller voir son ami en fait. Il sait qu’il a peut-être réagit trop impulsivement la dernière fois, mais ça a été plus fort que lui. Il soupire et regarde à nouveau son téléphone. Pas de réponse de son copain. Pas étonnant, il doit être en cours… Est-ce qu’il met aussi longtemps à répondre à Nathan ? Il est sûr que non, mais… Il faut qu’il arrête de se torturer avec ça.

Il se secoue et attrape une branche pour se soutenir tandis qu’il se redresse avant de sauter sur celle d’en dessous et descendre de l’arbre comme un singe, à l’aise. Il atterrit sur l’herbe encore verte souplement. Il prend le chemin de Bloombury en trainant un peu la patte, ce qui détonne avec son énergie et sa motivation habituelle.

Il traverse le parc d’Ilukaan, et les rues de la petite ville insulaire en observant les gens, retardant au max ce moment. Il déteste se battre avec les gens qu’il aime. Il n’a pas envie que ça aie lieu, encore pire si c’est genre… prévu par un rendez-vous. L’angoisse qui parcourt son corps est quasi invisible. Micro-crispation au coin de sa bouche souriante tout au plus, même ses yeux mentent sa joie de vivre au regard des gens.

Il aperçoit enfin Sindibad à travers les vitres du Stardust et inspire longuement pour se donner du courage avant d’y entrer. Il se prend un pumpkin spice coffee et un cheesecake avant de rejoindre son ami.

« Hey beau gosse ! Tu m’attends depuis longtemps ? » Il demande en avisant d’un air critique les contenants vides et l’assiette dépourvue de pâtisserie. « Tu aurais dû me dire de venir plus tôt ! » Il s’exclame en se posant, à l’aise, sur la chaise en face. Il replie une jambe sous ses fesses, incapable de s’asseoir correctement nulle part.

 

 

A peine arrivé et salué qu’il est déjà abandonné par Sindibad. Il plisse les yeux et l’observe. Il n’est visiblement pas le seul à ne pas vouloir aborder cette conversation. Il se contente donc juste d’attendre son ami, trépignant sur sa chaise et sortant son téléphone en boucle pour vérifier s’il n’a pas reçu de messages. Mais non, Silence radio côté Mateus. Il en faut peu pour l’inquiéter alors… il s’inquiète. Ça lui donne autre chose sur lequel se concentrer que son ami qui passe commande un peu plus loin au comptoir. Ses doigts tapotent le plexiglas se la table et il décide d’envoyer un petit message mignon à son copain avant de relever les yeux pour accueillir d’un sourire le perse.

Il prend une bouchée de cheesecake et une gorgée de pumpkin spice coffee avec un soupir de bien être. La reprise des cours ? Hum, quoi dire là dessus ?

« Pas grand-chose. La routine. Je déteste être enfermé dans une salle de classe, j’avais pas fini mes devoirs de vacances, je suis un mauvais élève et bla bla bla ! » Il éclate de rire. « Les profs me détestent mais bon, je fais ce que je peux moi ! » A gambader dans la classe pour retenir ne pas s’en enfuir par l’esprit et rester concentré. Tout un programme, qui lui permettait de rester dans le top 10 de sa promo, malgré son air de mauvais élève.

« Et toi ? Comment as-tu illuminé ta salle de classe depuis le retour ? »

Il repousse l’échéance au mieux lui aussi, même s’il prépare déjà ses propos si besoin. Il anticipe, il déteste faire ça, mais parfois c’est nécessaire. Il remonte sa jambe sur l’assise de la chaise et l’entoure de son bras en reprenant un peu de sa pâtisserie. Il écoute son ami quand même, son regard attiré comme une pie sur les reflets brillants de ses bijoux, comme toujours quand ils sont tout les deux.

 

 

Il rit et colle son dos au dossier de sa chaise.

« Oh bah oui, tu sais bien ! Moi ça gère ! » Il lui fait un clin d’œil et rit. « Tu es tellement éblouissant, je n’en doute pas mon beau ! »

Il boit son café, un peu hilare, un poil plus détendu. Mais cette détente est de courte durée, puisque le garçon face à lui commence à aborder la vraie raison qui les amène ici. Le japonais garde les yeux rivés sur les mains de son amis ornées de bagues et de bracelets, il écoute simplement, il attend qu’il ait fini.

Enfin, il soupire en relevant les yeux. « Je sais, je m’en suis rendu compte. » Il ne va pas chercher à esquiver sa responsabilité non plus. « Excuse-moi pour ça. » Il joue avec sa tasse pour occuper ses mains, pas forcément par nervosité, il fait ça tout le temps. Il prend le temps de rassembler ses idées pour répondre.

« Nico a réalisé il y a très peu de temps qu’il était attiré par les hommes. » Il répond doucement. « Ce n’était pas vraiment difficile à comprendre, hein... » Il sourit et fait un clin d’œil malicieux à Sindibad. « Un peu comme toi. Mais du coup… Je suis un peu celui à qui il vient en parler en général, ou Taynara. J’ai juste eu peur. Tu as mille fois plus d’expérience que lui, sur le coup ça m’a… inquiété. »

Il laisse planer un silence où il mange un peu de chessecake et boit son café.

« Mais je sais que tu ne lui feras pas de mal… volontairement. Comme n’importe qui. J’ai été surpris et… je sais pas… Il me donne souvent la vibe que je suis son grand-frère et j’ai eu une mauvaise réaction de grand-frère. Je suis désolé de ça. Tu sais très bien comment je peux être… impulsif. » Il hausse les épaules.

« Je suis désolé de t’avoir blessé, Sin. » Il le regarde dans les yeux, sincère.

 

 

Il hoche la tête, il s’en veut déjà assez pour ça. Il comprend le point de vue de Sindi, mais il ne compte pas revenir sur son avis, pour lui, ce qui l’inquiète avec son bébou gay qui se découvre à peine, c’est l’âge et l’expérience de son ami. Et oui, ça lui a fait peur sur le coup. Il détourne le regard, observant les gens entrer et sortir. C’est rare qu’il soit si peu souriant, mais la conversation s’y prête peu. Il ne veut pas non plus donner à Sindibad l’impression qu’il se moque de lui, ce qui n’est pas le cas.

« Je sais tout ça. » Oh ça oui, il le comprend. « Nico a une éducation semblable à la tienne, très catholique je crois. Très religieuse, et… il niait son homosexualité à cause de ça, pendant un moment... » Donc il sait en soit que son ami perse pourrait comprendre, ça n’empêche qu’il va garder un œil sur eux, parce qu’il tient aux deux et qu’il veut éviter les problèmes. Et aussi parce que c’est une commère qui aime voir ses amis heureux.

« Essaie aussi de juste… être toi sans te soucier de l’âge. » Il sait comme ça peut être compliqué. Il le vit actuellement avec Mateus. Parfois, il le ressent mais… le reste importe peu. Il pose sa tête entre ses mains.

« J’espère que ça va bien se passer entre vous. » Il sourit. « C’est mignon, de juste se tenir la main. En vrai, vous êtes mignons, tout les deux, je suis content pour vous. » Il soupire. « Je vous souhaite de vous aimer réciproquement en tout cas, si ça va jusque là, votre histoire. » Il ajoute plus doucement, avec une pointe de regret qu’il ne cache pas vraiment.

 

 

Il sait, et il voit comme ça dérange Sindibad de parler de ça, alors il ne cherche pas à en rajouter une couche. Il hoche la tête doucement, il se doute que son ami ne manipulerait pas Nico. Il a un petit rire.

« Je te crois. » Il sourit en analysant les expressions de son vis à vis. Il comprend qu’il est honnête et qu’il tiendra promesse. Ce sourire qui étire ses lèvres, la douceur de son visage alors qu’il parle de Nico… Genji a grâce à ça largement assez d’informations.

Il décide d’y croire, et de rester pour que ses amis soient heureux, quitte à les défendre becs et ongles. Il prend ses mains dans les siennes quand le garçon les tend et les serre avec un sourire content.

« Je ne crois pas au destin. Mais je sais que ça va bien se passer ! » Il rit un peu et fait un petit baise main à Sindi. « Toujours aussi beau, mon chou. Rien qu’avec ça, on roule sur le monde ! »

Il préfère retrouver ce sourire, cette ambiance légère et un peu folle qui les entoure en général lorsqu’ils sont ensemble. Cette confiance mâtinée de bêtise, d’une aura un peu séductrice et pleine d’énergie. C’est ça qu’il aime dans sa relation avec le perse et il ne compte pas gâcher ça avec une réaction bête et impulsive qu’il a pu avoir une fois.

« Sans rancune ? » Il demande pour être sûr, sans décrocher son sourire. Il veut juste être sûr. Il n’a pas envie que leur amitié soit entachée par ça sur la durée. Ça lui briserait un peu le cœur, même s’il assumerait sa connerie malgré tout. Genji a beaucoup de défaut, mais nier ses bêtises, quand il sait qu’il est vraiment responsable, il ne le fera jamais. Il a trop d’ego et d’honneur pour ça.

Il relâche les mains de Sindibad pour reprendre son café et le finir, ainsi que sa pâtisserie.