☼ Ophélie a grandi en Belgique dans un immense manoir familial qui regroupe toute sa famille, proche ou éloignée.

☼ D’un naturel solitaire, elle a pourtant toujours été fortement encouragée à prendre soin des plus jeunes. Cependant c’est de son grand-oncle et parrain, une autre vieille âme tout comme elle, dont elle s’est toujours sentie la plus proche.

☼ C’est lui qui a pris la décision de l’inscrire à Ilukaan en réalisant qu’elle ne s’épanouirait jamais pleinement si elle restait au milieu de ces responsabilités imposées et dans sa zone de confort.

☼ Ophélie a ressenti un mélange d’appréhension et d’impatience à l’idée de rejoindre Ilukaan, curieuse de ce qui pouvait bien l’attendre.

☼ Une fois là-bas, elle a passé tranquillement ses premières années. Elle se fait peu d’amis parce qu’elle ne les cherche pas nécessairement. Elle se prend néanmoins de passion pour ce qu’elle appelle ses lectures – elle choisit des objets n’appartenant à personne pour y lire les souvenirs forts qui y sont rattachés.

☼ Elle rêve d’ouvrir un musée dont l’exploration reposerait sur la mémoire des objets.


Elle conservait quelques artéfacts précieux dans sa chambre. Bien à l’abri dans un coffre qui lui était réservé étaient disposés des accessoires dont les liens semblaient épars. Pourtant, à ses yeux, ils ne pouvaient être plus liés les uns aux autres. Une tasse de thé enveloppée dans du papier journal. Un vieux livre de légendes sur les sorciers de Belgique. Une paire de lunettes cassées. Un sac à main tout neuf. Chaque soir, Ophélie enlevait délicatement les gants qui protégeaient ses mains de souvenirs intrusifs et laissait glisser ses doigts sur le coffre avant de saisir un à un, pour quelques secondes, les objets. Les yeux fermés, les sens ouverts, elle se laissait consumer par la nostalgie.

De la tasse de thé émergeait encore une feinte odeur de thé noir – ou bien n’existait-il que dans l’imagination d’Ophélie ? Il s’agissait de la tasse dans laquelle son père buvait lorsqu’il avait appris la naissance future du petit frère d’Ophélie. Lorsqu’elle l’effleurait, elle pouvait revivre ce moment encore et encore, indéfiniment. La toute jeune fille qu’elle était l’avoir alors chapardée, déjà consciente du bien-être que lui procurait l’objet. Elle l’avait gardée cachée toutes ses années, bien à l’abri dans ses effets personnels. Aujourd’hui, elle ne procéderait plus à ce genre d’opération. Cependant, l’objet lui avait appartenu si longtemps qu’elle le considérait comme sien.

Le vieux livre de légendes, quant à lui, dégageait une vague de peine au creux de son cœur. Elle l’avait reçu en cadeau de son grand-oncle à l’issue de sa première année à Ilukaan. Cependant, lorsqu’elle l’avait effleuré du doigt, une vision de la détresse de son grand-père, en proie aux larmes suite à son absence, l’avait assaillie sans crier gare. Elle avait mis plusieurs années avant d’oser toucher de nouveau l’ouvrage mais désormais elle le faisait régulièrement afin de revoir le visage de l’un des êtres qu’elle appréciait le plus.

La paire de lunettes cassée aurait aisément pu être réparée grâce à un sort mais Ophélie n’avait jamais trouvé le courage de le faire. Il était associé à l’une des journées les plus drôles qu’elle ait jamais vécu en compagnie de sa famille, le jour de son anniversaire. La paire avait été brisée lors d’une séance de jeu avec les plus jeunes de la famille mais avait été sitôt remplacé par ses nouvelles lunettes, enchantées, dont la couleur s’adaptait en fonction de ses humeurs. Aussi n’avait-elle pas pris le temps de les réparer, mais elle ne le souhaitait plus désormais.

Le sac à main, quant à lui, était un cadeau qu’elle avait obtenu lors de sa dernière visite en Belgique. Sa tante et marraine Rosaline, de laquelle Ophélie n’avait jamais été particulièrement proche, le lui avait offert en gage d’affection. Bien que le cadeau correspondît bien peu à la jeune fille peu férue de mode, elle chérissait tout de même le souvenir qui y était rattaché. En effet, l’été dernier avait été l’occasion pour elle de se rapprocher plus que jamais de sa tante. Pourquoi ne lui avait-elle jamais vraiment parlé ? Ophélie supposait qu’il s’agissait de l’exubérance de la dame qui l’avait effrayée mais au fond elle n’en était pas sûre. Elle regrettait, d’autant plus que sa tante qui avait désormais emménagé en Nouvelle-Ecosse était son point d’ancrage le plus proche désormais.

(c) Ilukaan