Née dans les montagnes du nord du Vietnam pendant l’hiver 2007, Anh Mai est la fille unique de deux nés moldus, s’étant rencontrés sur les bancs d’une petite école de magie à la frontière entre le Vietnam et le Laos. Son père, élevé seul par sa mère - son père n’ayant malheureusement pas survécu au delà des 40 ans - se destinait à une vie de prêtre d’une religion locale vietnamienne que certains pourraient qualifier de secte car pratiquée par un peu moins de 300 personnes dans le monde, et principalement dans des communautés reculées du Nord du Vietnam. La rencontre avec celle qui deviendrait sa femme a changé la donne et les deux se sont contentés de devenir des croques-morts / conseillers mortuaires sorciers, car il en faut bien, puis de fil en aiguille se sont spécialisés dans lesrituels de purification et exorcismes. Ils s’installent dans la petite ville de Sa Pa en 2005, alors âgés de 20 ans et leur fille naît 2 ans plus tard.

Anh Mai est une petite fille tout ce qu’il y a de plus normal. Elle aime beaucoup les peluches, surtout quand elles sont grosses, mange beaucoup, et préfère sautiller que de marcher dès qu’elle en a l’occasion. C’est un enfant déterminé et facétieux, qui aime que l’on rit avec elle (mais pas d’elle! Elle le dit avec véhémence!). Émotionnellement tout à l’air de se développer normalement, Anh Mai rit, pleure, se fâche comme tout autre enfant. Ce n’est qu’à la nuit tombée que tout change…
Sa première crise survient à 2 ans. 4 heures du matin, Anh Mai sort de son lit, et se place debout sur le lit de ses parents, commençant à leur réciter les noms de ses peluches ainsi que des suites de voyelles. Ses gestes sont moyennement assurés et son regard très hagard. Après un spectacle d’environ 5 minutes elle se tait et se glisse entre les deux, endormie. Aucun souvenir au réveil. Elle vient de faire une crise de somnambulisme, crises qui se répèteront au moins une fois par semaine dans les 13 prochaines années.

A ses 4 ans, ses parents la laissent dans un monastère où sa grand-mère paternelle officie en tant que prêtresse, normalement pour 2 semaines. Une opportunité d’emploi en Europe laissait présager une période d’abondance pour la petite famille. Anh Mai s’y plie, et de fil en aiguille, de mission en mission, elle verra de moins en moins ses parents, emménageant avec sa grand-mère dans le monastère reculé des montagnes. Ses parents lui écrivent régulièrement, reviennent pour son anniversaire ou le nouvel an mais c’est avec tristesse qu’elle quitte sa jolie chambre vert d’eau et l’odeur de la cuisine de sa mère pour des murs de pierre ascètes, une odeur d’encens et le son des cloches rituelles. Elle a quand même pu garder ses peluches, heureusement.

Ainsi commence son éducation religieuse. Anh Mai est loin d’être malheureuse; sa grand-mère la chouchoute, les nonnes bienveillantes se chargent de devenir des mères de substitution (un peu plus de 50 mères donc)  pour cette petite fille aux joues rondes, lui apprenant la beauté de la vie en communauté, ainsi que des qualités telles que la compassion, la gentillesse, la dignité, la piété mais la gardant bien de devenir une dévote. Elle n’est pas la seule des enfants dans le monastère mais est la plus jeune. En un sens, ces 3 aînés (de 3, 5 et 7 ans plus âgés)  deviennent des grands frères pour elle. Auprès d’eux elle apprend à se défendre, à vanner, aussi qu’elle peut être très méchante si elle le veut. Même si les trois garçons ont quitté le monastère (et pour deux d’entre eux le Vietnam), ils s’appellent régulièrement et tiennent à passer le nouvel an ensemble. Ils étaient d’ailleurs là pour sa cérémonie de passage à l’âge adulte.
Contrairement à ses frères, elle se frotte assez vite au monde de la mort, accompagnant constamment sa grand-mère dans toutes ses purifications. Loin d’être effrayée, elle trouve dans ces rituels un but, celui d’éradiquer la souffrance et la peur avant la mort. C’est assez intense pour une gamine de 5 ans, elle en cringe un peu aujourd’hui.

Anh Mai est une petite fille intelligente, qui compte et lit assez vite. C’est assez naturellement que sa magie apparaît aussi, vers ses 6 ans. Elle ne s’en rappelle plus exactement mais de ce qu’on lui a raconté, c’était très beau.

Un après-midi entre la leçon de mathématiques et celle de grammaire, Anh Mai avait pris quelques minutes pour se poser seule sous une arche de la cour intérieure du monastère, regardant la pluie tomber, bercée par les effluves des offrandes florales et d’encens remontées par l’humidité ambiante. Cachée dans l’ombre, Tuyên sa professeure - une nonne érudite qui avait fait d’obscures études avant de rentrer dans les ordres et qui enseignait les bases de l’éducation aux quatres enfants - observe la petite. Poussée par une force inconnue, Anh Mai passe sa main sous les cordes tombantes, qui contre toute attente se mettent à danser au-dessus de celle-ci. Elle passe son bras, puis l’autre, et enfin tout son corps vient se poster sous le dôme d’eau qui virevolte à présent au-dessus de sa tête dans des formes élégantes. La petite fille rit, comme une mélodie sur le bruit de la pluie, enchantée par un phénomène qui lui est inconnu. Elle déchante bien vite quand sa professeure la déloge et que sous le coup de la surprise elle brise son dôme, se retrouvant trempée jusqu’aux os.
Les semaines qui suivent, Anh Mai multiplie les manifestations du même type, faisant danser les fumées des bougies dans des formes incongrues, disparaître certains pots dans les cuisines, parle avec le vide (il s’agissait de fantômes) voire même faisant exploser une cloche sous le coup de la colère quand on lui avait demandé de nettoyer un préau. Plus de doutes pour sa professeure, c’est une sorcière. Comme elle.

Contre sa meilleure intuition, Tuyên est bien obligée de mettre la grand-mère au courant et de briser le secret magique…ce qui n’a pas l’air de la choquer le moins du monde étant donné la nature de ses parents. Beaucoup de bruit pour rien!

Ancienne élève d’Ilukaan, Tuyên ne peut que recommander l’école lorsqu’Ahn Mai reçoit les dossiers d’écoles. Le Canada c’est loin, elle parle mal anglais et il y fait froid…mais ses parents sont aux États-Unis. Elle a une chance de s’en rapprocher, enfin… Elle débarque donc en Amérique, a 11 ans et demi, après avoir été chaleureusement accompagnée par 53 nonnes jusqu’à l’aéroport, les valises pleines de cadeaux, de pulls et un chaton sphynx à peine sevré en cabine avec elle.
Les premiers mois à Ilukaan sont...conceptuels. Passer de 60 personnes à tout casser à une école de cette taille l’intimide beaucoup. Elle finit par s’y faire, après s’être longtemps cachée dans les jupons de ses camarades plus âgées. L’apprentissage de la magie « conventionnelle » en revanche reste très compliqué. Il a fallu au moins 1 mois avant qu’Anh Mai accepte de tenir une baguette et 2 de plus pour que ses sorts marchent à peu près. Encore aujourd’hui elle déteste utiliser la baguette, ce qui se ressent parfois sur ses notes. C’est dommage car c’est une bonne élève mais si têtue…

En dehors de l’école, cela dit, Anh Mai apprend vite et elle apprend bien. La magie dispensée par sa professeure lorsqu’elle revient pour l’été est bien éloignée de la magie occidentale, privilégiant l’utilisation des mains et de son environnement à celle des baguettes,dont elle s’était débarrassé en revenant au pays. Elle lui enseignera beaucoup de magie utile, aussi bien domestique que défensive. Ayant exprimé vouloir devenir prêtresse, Tuyên commence à lui inculquer des rudiments de théorie magique sur les malédictions et les purifications à son premier retour, entre la 1ere et la 2e année. Anh Mai veut en savoir plus, toujours plus. C’est alors qu’elle commence à fouiller dans ses livres, d’abord avec la permission de son institutrice...puis sans. Elle découvre sans vraiment saisir la technique des arcanes interdites, des sorts qui promettent richesses, pouvoir et asservissement des masses, des sorts pour tricher la mort, et nombre d’autres sorts qui n’ont rien à envier aux sorts impardonnables, dans un grimoire cadenassé aux pages déchirées. Certaines pages sont annotées, remplies de remords et d’excuses, prenant conscience que sa chère professeure a peut-être un passé plus sombre que celui d’une étudiante canadienne.

Anh Mai se fait bien évidemment prendre la main dans le sac. N’ayant plus nulle part où se cacher, Tuyên lui raconte tout, sa scolarité, de mauvaises rencontres, son passé de mage noir, sa tentative d’attentat ratée puis la chute, les regrets, la fuite, la nouvelle identité cachée dans un monastère vietnamien. Anh Mai comprend que c’est grave et qu’il ne faut jamais, au grand jamais, faire ce qu’elle a fait. Elle promet, d'elle-même, d’utiliser la magie et ses arcanes les plus sombres uniquement comme une connaissance et jamais un pouvoir, promesse qu’elle tient toujours à ce jour. Naturellement elle cache aussi l’identité de sa professeure.

Aujourd’hui Anh Mai essaie de se faire plus d’amis, voguant de cours en cours, avec comme but ultime la connaissance académique des pratiques folkloriques de la magie blanche…et noire. Et il semblerait que s’être mis Magnus Nordskov dans la poche l’aide grandement dans ses objectifs. Elle ne posera pas de problèmes par ses actes mais ses connaissances - et surtout sa curiosité maladive - pourraient faire d’elle une personne à surveiller.

Ses parents ont très peu de temps pour la voir et d’années en années, elle finit par se décourager, n’essayant plus de les voir d'elle-même. Détrompez vous, cher lecteur, ses parents l’aiment beaucoup, mais ils travaillent aussi d’arrache pied, et ce découragement est là plus le résultat d’une crise d’adolescence mêlée à un déracinement qu’à un vrai ressentiment.

(c) Ilukaan