On aurait dit qu'une tornade était passée dans la pièce. Et pour cause : Caleb, sous les traits de Cybèle, avait retourné littéralement toute la salle. Des papiers traînaient dans tous les coins, des gobelets de café s'étaient renversés sur le bureau, tandis que des stylos gisaient sur le sol. Elle releva la tête, et souffla avec un grand agacement. Où avait-elle pu poser sa chaîne, celle où elle avait accroché les bagues de fiançailles ? Cette chaîne qui à ses yeux, comptait plus que tout, plus même que sa propre vie ? Elle lâcha un cri d'énervement, ou de désespoir, peut-être un mélange des deux, tandis qu'elle tapait du pied dans la poubelle. Elle s'était endormie là la veille, sur ses copies, et maintenant, elle ne parvenait pas à retrouver son bijou. C'était quand même incroyable ! Finalement, elle se décida à sortir : elle l'avait sans doute laissé autre part. Peut-être était-il chez elle ? Elle en doutait, étant donné qu'elle ne s'en séparait jamais… Et soudain, Cybèle vit : elle aperçut la petite silhouette du Niffleur qui se glissait dans l'ouverture de la porte. Elle remarqua la chaîne d'argent dans sa main. Elle ignorait d'où il venait, tout comme elle ignorait comment il avait réussi à être si discret alors qu'elle avait fouillé chaque recoin de la salle. Mais ce qu'elle savait, c'est que la créature n'allait pas s'en sortir si facilement.

- Arrêtez ce Niffleur ! cria-t-elle dans le couloir.

Évidemment, si tôt, il ne fallait pas s'attendre à ce que quiconque se promène dans le bâtiment administratif. Elle avait beau ne pas vraiment avoir idée de l'heure, les rayons du soleil peinait à éclairer l'immense bâtisse, ce qui était quand même un bon indicateur de l'horaire extrêmement matinal. Elle espérait n'avoir dérangé personne… et se remit à poursuivre la créature, qui s'était arrêtée plus loin, comme pour la narguer. Si elle espérait lui échapper, c'était peine perdue – ses bagues, elle les récupérerait coûte que coûte. Elle pourchassait le Niffleur, le suivait avec attention sans le lâcher du regard. Ils traversèrent le bâtiment administratif, puis le bâtiment de cours, et finalement, Cybèle se retrouva à suivre, pieds nus, la créature jusqu'aux enclos. Heureusement qu'elle n'avait pas enfilé une robe longue la veille, mais un pantacourt ample et bouffant, ce qui avait nettement facilité sa course, malgré l'absence de chaussures. Elle s'arrêta un moment pour reprendre sa respiration. Il n'irait sans doute plus très loin maintenant – les enclos devaient être le lieu où se trouvait son terrier, ou son nid, ou peu importe quel était le genre d'endroit qu'habitaient les Niffleurs.

Néanmoins, lorsqu'elle releva la tête, elle eut un temps d'arrêt. Elle cligna des yeux plusieurs fois. Est-ce que c'était la professeure de Soins aux Créatures Magiques qui venait littéralement de se matérialiser devant ses yeux ? Ou est-ce qu'il s'agissait bel et bien de l'oiseau qui semblait vouloir atterrir, à peine quelques secondes plus tôt ? Cybèle observe madame Vega, qui s'incline devant un oiseau-tonnerre.

- Vous êtes Animagus ?

Oups. C'était sorti de sa bouche avant qu'elle n'y pense, avant qu'elle ne réfléchisse. Mais elle n'était pas du genre à réfléchir, plutôt à foncer – une vraie Gryffondor, dit une voix dans sa tête, vaguement semblable à celle du Choixpeau Magique. Elle cligne des yeux un instant, puis se souvient de la raison de sa visite. Ou plutôt, de la raison pour laquelle elle s'est retrouvée ici.

- En fait, cette question peut attendre. Un de vos Niffleurs a volé ma chaîne ! Et les bagues qui vont avec ! Elles sont extrêmement précieuses pour moi…

Oh non. Oh non, elle sentit les larmes poindre dans ses yeux. Elle ne pouvait pas pleurer maintenant, ce serait gênant ! Malgré elle, elle sentit un sanglot la parcourir. Si près du but, c'était stupide. En fait, c'était peut-être simplement l'adrénaline qui retombait – pendant un instant, elle s'était persuadée qu'elle ne les récupérerait pas.

- Je, je ne voulais pas accuser votre Niffleur… snif… de voleur, j'ai passé une mauvaise nuit et je veux juste récupérer les alliances…

Elle essuya sa joue avec sa main. Elle devait avoir l'air vraiment idiote et émotive pour rien.
 

  En entendant le cri de madame Vega – comme toute réponse à sa question – Cybèle sursauta à son tour, surprise par cette réaction. Mais le temps n'était pas aux interrogations de ce genre, de toute façon. Elle mit un moment à se remettre, ne prêtant aucune attention à l'oiseau-tonnerre et aux murmures de l'autre femme. En fait, peut-être lui aurait-elle laissé plus de temps si elle avait connu ce genre de créatures, mais l'option Soins aux Créatures Magiques ne faisait pas partie des options qu'elle avait choisi durant ses années à Poudlard. … qu'il avait choisi à Poudlard. A cette époque, Cybèle n'existait pas encore. C'était parfois bizarre de se dire qu'elle était finalement née plusieurs années après Caleb… Mais peu importait, pour le moment – le sujet important restait celui du Niffleur qui lui avait volé ses bagues, et elle se reprit vite. Elle expliqua la raison de cette « visite » si matinale. Elle se trouva un peu trop acerbe de si bon matin, et encore peu réveillée, avec l'adrénaline qui retombait, puis l'impression qu'elle venait de traiter une petite créature de voleur, elle se mit à pleurer. Quelle horreur cette émotivité, qui les possédait elle et Caleb à tout instant, même s'ils tentaient vaguement de ne pas le montrer en temps normal…

Au moins madame Vega était gentille. Elle prit le mouchoir, venant le placer doucement sous ses yeux pour essuyer ses larmes, remerciant sa collègue dans un murmure. Elle avait un ton apaisant, même si elle semblait un peu soucieuse. Cybèle se sentit rassurée lorsque madame Vega lui assura qu'elles allaient finir par retrouver sa chaîne et ses bagues. Elle rendit le mouchoir à l'autre professeure, et vint croiser ses bras contre elle. Le vent se levait, et dans la hâte, elle n'avait pris qu'une simple veste. Maintenant qu'elle avait fini de courir et que ses muscles se refroidissaient un peu, elle prenait conscience de la morsure du froid canadien. Elle fut surprise lorsque madame Vega cria à nouveau, mais cette fois en s'adressant à l'oiseau-tonnerre. Mais cette fois, cela la fit sourire. Elle n'aurait pas imaginé sa collègue crier sur qui que ce soit, mais elle semblait bien plus à l'aise avec ses créatures. C'était un peu amusant. Elle pouvait comprendre – elle aimait le contact humain, elle adorait être entourée, mais d'un autre côté, les animaux étaient sans doute plus sincères, plus doux.

Lorsqu'elles entrèrent dans les enclos, quelques bestioles vinrent vite la renifler, ce qui la fit rire légèrement. Elle n'avait pas vraiment l'habitude des animaux, mais elle ne les détestait pas. Elle voulut se baisser pour en caresser quelques-uns, mais le fait que madame Vega grondent quelques petites bêtes qui s'approchaient trop la firent s'abstenir. Elle devait bien savoir ce qu'elle faisait – la sécurité avant tout. Elle s'en voudrait de ne pas pouvoir assurer ses cours ou même simplement de s'occuper de son fils si jamais c'était une blessure plutôt grave. Il faisait plus chaud aussi, et elle laissa ses bras retomber à ses côtés. Elle faisait cependant attention aux endroits où elle marchait, étant donné qu'elle était toujours pieds nus – même si elle était déjà certaine qu'elle allait prendre une bonne douche dès qu'elle serait partie d'ici. Cybèle regarda madame Vega se baisser vers un terrier, pour un tirer un Niffleur. Ils vivaient donc dans des terriers – noté. Lorsqu'elle se retrouva avec la créature dans les bras, sa première réaction fut la surprise. Que ? Ignacio, très bien. Elle suivit les consignes de madame Vega, comme une élève studieuse.

- Bonjour Ignacio. Est-ce toi qui a pris mes bijoux, hm ?

Elle avait un ton doux et un peu amusé. Elle prit le Niffleur par la patte arrière, veillant à bien le tenir – pour éviter de lui faire mal en serrant trop fort, pour éviter de lui faire mal en le lâchant. Elle ne voulait clairement pas blesser la petite bête – c'était un bébé, en plus… Elle mit sa main dans la poche, en douceur. Ignacio vint saisir sa main, et cela la fit rire. Néanmoins, elle se dégagea un peu vite, pour continuer à chercher. Mais à part des Noises et de petites boucles d'oreilles, sans doute perdues par des élèves durant les cours, elle ne trouva rien. Elle garda le Niffleur dans ses bras, qui vint se lover contre elle. Elle caressa un peu son crâne. Trop adorable. Cependant, elle ne perdait pas son objectif de vue.

- Vous trouvez quelque chose ?

Elle espérait vraiment que le Niffleur était simplement retourné au nid et que la recherche serait simple.
 

  Elle regardait la scène, en gardant Ignacio contre elle. Elle imaginait bien que si madame Vega avait encore besoin d'elle, elle lui demanderait – et aussi, elle avait bien retenu que le Niffleur qu'elle avait fouillé était plus jeune que les autres et qu'elle risquait moins les morsures. Pas qu'elle en ait particulièrement peur (elle avait vécu plus de quinze ans aux côtés d'une vampire, après tout) mais elle savait que madame Vega ignorait ce détail. Ce n'était pas comme si elle l'avait crié sur tous les toits : elle avait toujours fait attention à garder sa vie privée, et bien… privée, justement. Elle demanda à sa collègue si elle trouvait quelque chose, et la réponse fut négative. Bien que madame Vega tente de la rassurer, la nervosité remontait peu à peu, et elle berçait Ignacio, niché dans ses bras, plus par nécessité de bouger qu'autre chose. Un couinement manqua de la faire sursauter, mais elle remarqua bien vite qu'il venait d'un Niffleur visiblement mécontent de s'être fait tirer de son terrier.

Cybèle sourit légèrement en entendant la remarque de madame Vega envers le Niffleur. Elle semblait… énorme. Elle regarda avec un étonnement grandissant la quantité de choses scintillantes qui tombaient de la poche de la bestiole. Les bijoux et les pièces ne la surprirent pas outre mesure : le bébé qu'il tenait dans les bras en avaient aussi, il faut dire. En revanche, lorsqu'un petit cadre, puis une statuette chutèrent également, elle observa ceci les yeux ronds. Elle concevait que le Niffleur en question n'avait pas l'air des plus minces, mais tout de même, où avait-il réussi à cacher cela ? Est-ce que leurs poches fonctionnaient comme ces sacs ensorcelés pour ne pas avoir de fonds ?

Son interrogation fut interrompue par madame Vega. Elle semblait… vraiment à son aise avec la créature qu'elle tenait toujours. Cybèle comprit seulement, à l'évocation du nid, qu'il devait s'agir d'une femelle enceinte. Oh. Elle s'en voulait un peu de l'avoir pourchassée à travers toute l'école, maintenant. Mais juste un peu ! Car elle n'oubliait pas ce qu'elle lui avait probablement subtilisé. Le ton de sa collègue était joueur, et un peu maternel – en fait, elle avait totalement le ton d'une maman qui parlait avec un bébé ou un enfant en bas âge. Ou sa façon à elle de parler avec son fils, en fait. Ça l'amusait un peu,et l'attendrissait. Elle avait bien compris que madame Vega était plus à l'aise avec ses animaux qu'avec les humains. Et si elle se demandait pourquoi, il était cependant hors de question qu'elle lui pose la question. Elle gratta un peu machinalement le crâne du Niffleur dans ses bras, passant ses doigts dans la fourrure toute douce du bébé. Elle se demanda un instant si elle serait autorisée à revenir le voir.

Et soudain, un cri victorieux. Cybèle manqua de lâcher Ignacio, mais eut la présence d'esprit de le mettre sur son épaule, avant de tendre les mains pour récupérer son précieux. Son trésor. Les bagues de fiançailles. Elle les accrocha directement à son cou. Pourquoi attendre davantage, après tout. Elle se sentit mieux aussitôt, comme si ces bijoux avaient l'incroyable pouvoir de la calmer. … à bien y réfléchir, ce n'était peut-être pas si faux que ça. Ce n'était pourtant pas le seul souvenir qu'elle avait d'Alma, mais c'était sans doute celui qui avait le plus d'importance. C'était la marque de leur amour, et elle ne pouvait se résoudre à laisser cet amour se flétrir. Elle l'aimerait toujours. C'était certain. Elle remarqua à peine, du coin de l'œil, madame Vega regarder un bijou en particulier. Elle n'entendit guère son murmure. Elle se décida à briser le silence – à remercier sa collègue.

- Je ne pourrai jamais vous en être assez reconnaissante. Que puis-je faire pour vous remercier ? Voudriez-vous que je vous aide avec tout ce bazar ?

Ça ne la dérangeait vraiment pas, et ça se voyait. Ignacio se réveilla et agrippa sa chaîne. Elle mit une légère tape sur sa petite patte, comme elle l'aurait fait avec un enfant, et finit par le reposer sur le sol. Courir après un Niffleur, une fois, certainement pas deux.

- J'ignorais qu'il y avait des Niffleurs ici… en fait, il semble y avoir beaucoup d'animaux ! Est-ce vous qui vous chargez d'eux tous ? Ce doit être un long travail. Peut-être pourrais-je vous aider avec ça aussi aujourd'hui !

Elle n'avait certes pas l'habitude de s'occuper de créatures, mais ça ne devait pas être beaucoup plus difficile qu'avec des enfants, hm ?
 

  Cybèle avait rarement été aussi reconnaissante pour quelque chose. Perdre ses bagues aurait été horrible. Aussi était-elle disposée à aider madame Vega de n'importe quelle manière. Les rougissements de cette dernière ne lui avaient pas échappés, mais elle avait compris que sa collègue était une personne timide. Elle avait donc pris les devants en proposant quelque chose qu'elle pouvait faire, comme l'aider à ranger. Son sourire, déjà présent, s'élargit lorsque la professeure de Soins aux Créatures Magiques accepta son aide. Elle prit le sac qu'on lui tendait, et commença à ramasser les objets laissés à terre, tandis que les Niffleurs essayaient de se frayer un chemin pour piquer quelques petites pièces brillantes. Infernales, ces bestioles… mais Cybèle ne pouvait pas dire ne pas s'y être un peu attachée – ou du moins, à Ignacio. Elle décida de faire un peu la conversation, posant quelques questions. Son côté curieux reprenait le dessus, maintenant que l'adrénaline était retombée et qu'elle était plus calme.

Elle l'écoutait presque religieusement, sans rien dire. Elle n'avait aucune idée de ce qu'était le COMEUDA, mais elle devinait à la façon de parler de madame Vega qu'il devait s'agir d'un organisme ou quelque chose dans ce genre, si des associations en sortaient. Elle avait néanmoins quelques petites réactions, comme des hochements de tête ou un « Deux dragons ? » avec un ton légèrement surpris. Elle sourit avec beaucoup de douceur lorsque sa collègue avoua être plus à l'aise avec les animaux, même si elle l'avait déjà bien compris, mais n'ajouta rien. Elle refusait son aide pour s'occuper des créatures ce jour-ci, mais n'excluait pas la possibilité qu'elle vienne un autre jour. Elle sourit en lui tendant le sac qu'elle avait rempli.

- Bien sûr, j'en serais ravie ! Je ne connais pas beaucoup les créatures magiques mais… c'est la matière que vous enseignez, alors je serai entre de bonnes mains ! J'espère être une bonne coéquipière !

A nouveau, elle lui offrit un sourire. Elle ne savait plus si c'était simplement de la reconnaissance ou si madame Vega l'attendrissait un peu. Sans doute un peu des deux. Elle pourrait peut-être essayer de s'en faire une amie. Pour le moment, elle n'avait réussi à s'approcher que de Pastora et de monsieur Black, après tout. Ce serait une bonne opportunité.
D'ailleurs, sa collègue reprit la parole, pour admettre qu'elle était bien Animagus. Elle semblait vouloir garder le secret, néanmoins. Combien de dons secrets allait-elle finir par connaître ? Elle était bien curieuse. Entre monsieur Black le vampire et madame Vega l'Animagus…

- J'allais dire « moi je suis métamorphomage, nous sommes à égalité » mais ce n'est un secret pour personne.

Elle ponctua sa phrase d'un léger rire. Qui se calma lorsque madame Vega reprit la parole. Elle lui lança un regard curieux, mais sa collègue s'interrompit et son visage blêmit soudainement. Cybèle s'en inquiéta un peu, mais la raison ne tarda pas à venir. Un petit « oh… » s'échappa de ses lèvres, mais elle comprenait bien. Elle hocha la tête.

- Bien sûr, allez-y, je ne vous retiens pas davantage ! Et je reviendrai bientôt, dans ce cas. Bonne journée madame Vega.

Elle sortit de l'enclos à sa suite, puis retourna vers l'école. Prendre une bonne douche chaude, manger un peu, et passer le reste de la matinée à attendre ses cours de l'après-midi semblait être un bon programme. Et c'est exactement ce qu'elle allait faire.