C’est sous le doux soleil d’automne libanais de Zahlé que Respen naquit en 2003. Deuxième enfant de la famille, il s’agissait du seul fils de Sihnion et Khara Enneiros. Bien qu’il avait peu de souvenirs de son enfance, Respen se souvenait cependant du fait qu’au sein du noyau familial, personne ne démontrait d’affection propre à ce qui devrait exister dans une famille classique. Après tout, ses parents étaient tous les deux sang-purs et, comme cela pouvait souvent se faire, leur mariage avait été arrangé. De cette union, trois enfants virent le jour : Ishtar, Respen et Nairah, avec deux ans de décalage entre chaque naissance. Le foyer possédait un revenu plus que confortable et un très bon patrimoine. Khara Enneiros était en effet la Grande Prêtresse d’un culte païen propre à la région qui comptait plusieurs fidèles sorciers. Quant au patriarche, il était à la tête d’une entreprise marchande d’artefacts magiques.

Enfant plutôt calme, sage et adorable, oui, vous ne rêvez pas, Respen ne manquait de rien. Enfin, matériellement. Seul garçon, il devait a priori hériter de l’entreprise paternelle ainsi que du domaine familial, son ainée étant davantage investie dans les affaires religieuses de leur mère. Mais voilà où était le problème : les Enneiros étaient riches en possession mais pauvres de cœur. C’était, sans aucun doute, la raison du changement drastique chez Respen qui, peu à peu, par manque d’amour, d’affection, d’attention, se transforma en un jeune adolescent arrogant. Celui que l’on pouvait catégoriser comme étant "ce fils de bourge". Doté d’une bonne éducation intellectuelle, il s’était toujours servi de ça pour avoir l’ascendant sur les autres enfants de son âge. Pour autant, cela ne se passait pas extrêmement bien à la maison malgré les apparences. D’abord, un manque profond d’empathie entre les membres de cette famille dysfonctionnelle, comme dit précédemment. Mais surtout un réveil de la magie chez le fils qui fut particulièrement tardif. A tel point qu’on le prit pour un cracmol. Quelle honte c’était pour le père et la mère alors que leurs deux filles avaient réveillé leurs pouvoirs si tôt ! De plus, elles étaient brillantes. Surtout Nairah, la benjamine, qui plus tard récupéra le titre de future héritière à la place de Respen. L’absence de pouvoir magique chez le garçon eut un effet terrible sur la façon dont son père le traita : plus froid et violemment qu’habituellement ; sa mère, elle, était pour la plupart du temps muée dans un silence qui en disant long ; quant à ses sœurs…Ishtar ne lui prêtait guère d’attention, mais Nairah devint une véritable peste à son égard. Oh, cela n’empêchait pas Respen de se défendre, bien sûr. Il avait une certaine fierté après tout. Mais les bases déjà si fragiles de leur famille s’effritaient davantage.

Un jour, cependant, le miracle eut lieu puisqu’aux 11 ans de Respen, ses pouvoirs magiques se déclenchèrent et, avec eux, la possibilité de l’inscrire dans une école pour sorciers. Il n’était donc pas qu’un insecte inutile finalement ! Ishtar avait été envoyée dans une école proche de chez eux. Le fils, lui, sera donc envoyé le plus loin possible : à Ilukaan. "Pour parfaire son éducation à l’international et aider à développer le réseau de notre famille", avait déclaré Sihnion. Pour couronner le tout, il fut (et est toujours à ce jour) fiancé à une autre sang-pure. Si vous lui demandiez un jour son nom, pas sûr que Respen vous répondrait puisqu’il ne tenait guère compte des choix que ses parents faisaient pour lui.

Cependant, il devait bien admettre que la sélection d’Ilukaan fut peut-être la seule chose "bénéfique" (à ses yeux) que ses parents lui avaient donné : il était loin du Liban, loin de sa "maison". Il pouvait faire ce qu’il voulait ici. Au fil des années, son envie de se libérer des chaînes familiales s’intensifia et se traduisit par de nombreuses actions plus loufoques les unes que les autres : changement de style, libération sexuelle, comportement provocateur et loin des standards sang-purs. Autant dire que son géniteur se cacha bien de décrire l'oisiveté dont faisait preuve son descendant auprès de la famille de sa fiancée. Plus le temps passait, cependant, et plus il semblait bien difficile de ramener Respen "sur le droit chemin". Il était une honte et il le resterait.

Et ça, Respen se gardait bien de le dire à quiconque. Beaucoup ignorait ce mal-être qu'il avait, au fond de lui. Mais en même temps, paraître aussi faible devant les autres le désarmait et ce n'était pas leurs affaires ! Pour affronter le monde, il lui fallait toutes les armes possibles et son corps, son apparence, ses mots et ses mensonges constituaient en ce sens ses principaux atouts.

(c) Ilukaan