Assise sur le rebord de la fenêtre, elle observait le ciel étoilé s'étaler devant ses yeux jaunes. Un léger vent tranchait avec l'habituelle chaleur moite qui les accompagnait depuis le début des vacances. L'Egypte était passé en un éclair, un battement de cil et les voilà arrivés en Inde. Tant de choses en si peu de temps, son esprit peinait à tout assimiler, à accepter. Son coeur aussi, il battait dans sa poitrine fine, faisant fonctionner cette merveille de la nature pourtant maudite par un ancêtre quelconque. Nagini ne pouvait s'empêcher de lâcher parfois de légers soupirs à mesure qu'elle voyait le temps défiler. Pourquoi rien ne restait figer ? Pourquoi ne pouvait-elle pas, juste une fois, avoir l'âme apaisée et sans toutes ces questions qui tourmentaient tout son être ? Pourtant, de l'extérieur, la jolie demoiselle ressemblait à une statue taillée dans une pierre si blanche que ses veines ressortaient. La cascade noir qui cachaient son dos semblaient en accord avec le côté longiligne de sa silhouette.

Sans même s'en rendre compte, l'adolescente resta presque toute la nuit ainsi cachée des autres. Elle n'avait envie de voir personne, ni ses colocataires - qui avaient pu avoir l'idée saugrenue de la coller avec Harry Potter ? - ni ses amis, ni même celle qui était devenue sa copine en un battement de coeur. Nagini aimait la solitude, privilège de fille unique, pour faire un point, pour statuer sur des décisions parfois anodines, des fois terriblement importantes. Avait-elle réellement bien fait de s'autoriser à se lier avec quelqu'un alors qu'elle savait parfaitement quelle allait être la finalité de sa vie ?

Cette pensée la fit soupirer une énième fois alors que le soleil commençait à chasser sa copine la lune. Préférant encore esquiver le monde, la jeune femme décida de quitter son perchoir improvisé pour aller dans le hall de ce nouvel hôtel. Elle enfila la tenue officielle de sa maison de quelques jours et après avoir chassé magiquement les pièces qui faisaient un tintamarre d'enfer, elle erra un moment dans les couloirs, perdue. Tout ceci semblait étrangement ressembler à sa vie, non ? Cette idée la fit glousser, bien consciente du ridicule de la situation. Mais finalement, au détour d'un angle, elle découvrit l'entrée du lieu choisi par le directeur. Nagini se dirigea vers l'accueil occupé afin de poser une question lorsqu'elle se retrouva le cul par terre. Éberluée par la surprise, elle leva les yeux vers la source de ce choc et y trouva un indien visiblement énervé ?

Elle ne comprenait que quelques mots de ce que l'homme vociférait mais cela suffisait pour faire battre son coeur à tout va. Automatiquement, sa main ne put s'empêcher de saisir sa baguette fermement, prête à toute éventualité. Sauf une. Après un geste plus vif qu'un autre de la part de l'indien, elle sentit ses tripes se retourner. Oh non. Nagini n'eut même pas le temps de faire quoi que ce soit que déjà, elle sentait les écailles s'étendre, sa vue se changer et son ouïe devenir plus vif. Son corps s'étira longuement, ses os changèrent de place dans cette douleur maintenant habituelle. Et devant l'inconnu qui maintenant avait aussi peur qu'elle, se tenait un boa impressionnant, coincé par endroit dans les vêtements qui jadis, épousaient parfaitement le corps de la demoiselle.

Et merde. Son premier réflexe fut de fuir, tout simplement. Elle serpenta dans les couloirs qu'elle venait de quitter sous sa forme humaine pour tenter de se réfugier quelque part. Pas sa chambre, surtout pas. Tom n'était pas là non plus. Aryu. Elle avait besoin de se sentir en sécurité et dans la panique de l'instant, le visage impassible de son ami s'imposa à son esprit. Mais, cette fois, ils n'étaient pas de la même maison et ça, elle l'avait occulté. Coincée devant la porte d'entrée, elle siffla un peu, totalement perdue et finit par se glisser dans un coin, recroquevillée sur elle-même. Mais, on ne pouvait voir que ça. Un boa dans la taille haute, même entre-pétré dans son propre corps, ça ne pouvait passer inaperçu, à son grand damne. Surtout qu'elle entendait les pas précipités dans l'escalier. Et les cris. Un serpent qu'ils hurlaient, réveillant probablement tout l'hôtel en prime. Elle était sérieusement dans la merde, là.

Ces hommes faisaient tellement de bruits. Ils n'arrêtaient pas de hurler et d'insulter la pauvre maledictus. Ok, elle ne parlait pas du tout indien mais vu le ton qu'ils prenaient, ils ne lui disaient pas qu'elle avait de belles écailles. Alors, forcément, elle flippait franchement, la pauvre Nagini, prostrée dans un coin. Pourquoi n'était-elle pas dans la même maison que son ami comme le reste de l'année ? Franchement ! À croire que c'était fait exprès.

Alors, belle aubaine quand ce dernier sortit de sa chambre. À croire que les dieux avaient entendu les plaintes silencieuses et sifflantes de la jeune femme qui se retrouvait dans une situation fort compliquée. Elle essayait pourtant de se faire la plus petite possible mais bon, deux mètres cinquante, forcément, ça avait franchement du mal à tenir dans une valise. Elle remercia un peu le ciel de l'intelligence de son ami qui la fit sortir presque aussitôt. De l'air. DE L'AIR ! Elle siffla de contentement après s'être recroquevillée juste à côté d'Aryu.

Nagini avait un peu honte de sa propre connerie. Se transformer devant la réception n'était clairement pas la chose la plus intelligente à faire. Elle poussa un soupire sifflant avant de sentir son corps redevenir humaine. Et nue, forcément. Sinon, quoi de plus drôle, hein. Elle resta allongée au sol sans trop bouger, position foetus pour tenter de se calmer. « Ils ont vu un serpent devant l'entrée de l'hôtel. » Que dire de plus ? Elle avait une envie très forte de chialer comme une idiote. Quel enfer. Elle inspira longuement, tentant de ravaler ses larmes par fierté. C'était sans doute ce qui la blessait le plus dans le maledictus. Le fait que les ignorants la chassaient sans même savoir. « J'espère qu'ils ont pas jetés mes affaires... »

Aryu semblait, comme toujours, bien loin de se préoccuper de toute l'agitation qui régnait encore dans les couloirs de l'endroit où ils avaient échoués pour leur prochain séjour. Elle soupira un peu, attrapant la veste pour l'enfiler et la refermer sur son corps longiligne, comme un doux réconfort pour son âme. Elle se contenta de hausser les épaules. Il n'avait pas tord, forcément, mais elle ne pouvait pas se contenter de faire comme si. C'était sa vie qui semblait aussi chaotique que ses transformations, ces derniers temps.

« Tu dis ça comme si ça n'avait jamais de conséquence. Comme si ça ne devait pas me blesser de me faire insulter et chasser pour quelque chose que je ne maîtrise pas. » Elle souffla longuement avant de tenter de se faire un chignon et de se rappeler qu'elle n'avait pas d'élastique sous la main. Nagini laissa tomber sa chevelure noire au sol, ramenant ses jambes contre elle et posant sa tête sur l'épaule de son ami.

Elle écouta les paroles de l'homme tout en observant un papillon qui virevoltait non loin de son visage. Il avait le même discours que Tom, ce même discours qui l'avait tant de fois rassurée, planquée dans les toilettes des filles. Elle sourit un peu, encore une fois calmée par la force des mots. « C'est compliqué en ce moment, je me transforme pour un rien. J'ai l'impression d'être empotée et ça me fait un mal de chien. » Elle soupira encore, immobile comme un serpent avant de rajouter. « T'as conscience que je ne suis pas la seule personne touchée par cette malédiction ? Je ne suis pas unique mais disons qu'on est peu nombreuses. Je me demande si tu me tiendrais le même discours si j'avais été autre chose qu'un serpent. »

Nagini le fixa un moment, emmitouflée dans son gilet rassurant. Elle finit par soupirer légèrement et hausser une nouvelle fois les épaules. Tout semblait tellement simple lorsqu'il parlait. Pourtant, tout semblait insurmontable pour la jeune maledictus. Pourquoi n'arrivait-elle pas à se détacher de ce sentiment étrange ? Nagini mourrait d'envie de libérer son esprit de tout ça. D'être... Comme Aryu. De ne ressentir que ce qu'elle choisissait. Mais, elle n'était pas Aryu. « Parfois, j'envie vraiment ta manière de penser. Mais, j'en suis purement incapable. Devoir fuir devant des moldus juste parce que je suis moi, ça n'aide pas mon orgueil ou mon amour propre. »

Elle suivit son regard et observa le ciel un moment. L'Inde était un beau pays et elle s'y sentait presque comme chez ses grands parents. Peut-être était-ce pour ça qu'elle baissait tant la garde ? Jamais Nagini ne se serait transformée comme ça sans réelle raison à Ilukaan. Elle se pinça l'arrête du nez avant de légèrement grogner. « Ça fait combien de temps qu'on se connait ? Pourtant, je n'arrive pas à croire que tu ne sois pas réellement toucher par les gens ou les évènements. Et en même temps, c'est rassurant de savoir que tu gardes la tête froide quand je viens me plaindre. » Elle se tourna vers lui et l'observa un long moment pour tenter de deviner réellement ce que cachaient ces yeux qu'elle connaissait par coeur. Sans jamais y trouver de réelles réponses, en vérité.