- J'en ai rien à foutre de ce que tu peux me dire ! T'es pas mon père !

La conversation fut achevée par le bruit d'une porte claquant violemment alors que le jeune brésilien était parti s'enfermer dans sa chambre pour décolérer. Cette situation n'était pas rare dans le foyer Da Costa. Oui, vous avez bien entendu, Da Costa et non Da Silva. Depuis que sa mère s'était remariée avec son beau-père, il était le seul dans la famille à avoir un nom différent, celui de son géniteur. Sofia, sa mère, s'était mariée dès sa majorité avec un homme lui faisant tourner la tête, mais cette idylle s'était vite transformée en catastrophe et s'était terminée dans des bruits de vaisselles. Pourtant, de cet amour éphémère naquit Luciano un beau jour de septembre. Le jeune brun ne se souvenait absolument pas du divorce de ses parents ni de leurs disputes, il n'avait que trois ans à cette époque-là. Il voyait toujours son père génétique, mais cela était déjà plutôt rare quand ce dernier était encore au Brésil, alors depuis que son géniteur était parti en Europe pour le travail, ses visites devinrent encore plus exceptionnelles. Heureusement que les réseaux sociaux leur permettaient de rester vaguement en contact.

Par contre, ce que le jeune sportif se souvient très bien, c'est le jour où sa mère lui avait présenté son « nouveau papa ». Une manoeuvre surement un peu maladroite de la part de la jeune femme qui ne savait pas comment annoncer l'arrivée d'un nouvel homme dans sa vie à son fils. Luciano avait huit ans ce jour-là, et savoir qu'un homme allait remplacer son père en plus de lui voler l'amour de sa mère ne lui plut pas du tout. Depuis ce jour, une grande guerre se livrait entre les deux hommes de la maison. Ils se bataillaient continuellement à propos des notes de l'enfant, de son comportement... Et de son côté, le jeune brésilien faisait tout pour faire enrager son beau-père dans le but de le faire partir de sa vie, et par la même occasion de celle de sa mère. Il se battait à l'école, il faisait des crises de colère dans les lieux publics pour foutre la honte à cet homme... En grandissant, il s'était même mis à fumer.

Mais rien n'y faisait, aujourd'hui son beau-père était toujours avec sa mère. Luciano était même devenu grand frère de deux petites sœurs et d'un petit frère qu'il adorait autant qu'il les détestait. Julia, Ana et Luiz étaient trois gamins adorables, courant de partout et souriant à tout va, donnant vie à la petite maison dans laquelle ils habitaient. Mais maintenant qu'elles étaient là, il avait encore plus l'impression d'être une pièce rapportée dans cette grande famille recomposée, la cinquième roue du carrosse. L'intrus, le seul Da Silva parmi les Da Costa, une erreur de jeunesse de sa mère qu'il faudrait effacer du tableau. Entre les disputes avec son beau-père et l'ombre qu'il faisait sur la famille parfaite et rêvée de sa mère, il avait juste envie de retourner en cours, à Ilukaan. Oui, parce que Luciano vivait la plupart du temps en internat, ne retrouvant sa famille que pour les vacances.

Alors en ce chaud été de l’année 2017, il souhaitait juste que les cours recommencent pour qu’il puisse retourner à l’école pour sa cinquième année et être tranquille. C’était quand même le comble pour un cancre de vouloir écourter ses vacances. Puis bon, il fallait dire aussi qu’il passait ses étés à aider sa mère à gérer la petite épicerie familiale, alors autant être à l’école si c’est pour travailler. Il fallait dire aussi qu’une deuxième paire de bras à la boutique évitait d’engager un remplaçant quand le seul employé partait en congé, et cette petite économie mettait un peu de beurre dans les épinards, aidant à financer l’école au Canada où étudiait Luciano, même si c’était la bourse qui lui permettait vraiment d’aller étudier si loin.

Parce qu'il y en avait une d'école de magie au Brésil, mais non, son beau-père voulait l'envoyer dans un établissement renommé pour améliorer le comportement du jeune garçon. Ah, je ne vous avais pas dit que Luciano était un sorcier ? Il a failli rendre folle sa mère pendant son enfance, à faire bouger des objets sans les toucher ou à faire exploser des choses. Sofia, très croyante, avait cru sa maison hantée et avait même fait venir divers professionnels de l'occulte pour tirer cette histoire au clair, ce n'est qu'en apprenant aux onze ans de son fils son statut de sorcier qu'elle fut enfin rassurée. Mais enfin bref, revenons-en à l'école de notre petit sportif. Luciano soupçonnait son beau-père de l'envoyer si loin pour se débarrasser de lui, mais au final, était-ce vraiment plus mal ? Il s'était fait de nombreux amis dans cette école, dont Alfred, le meilleur des meilleurs amis que le monde pouvait lui offrir. Entre Lupy, ils avaient enchaîné les bêtises. Bon, les notes de Luciano étaient plutôt basses même s'il avait plutôt un bon niveau en pratique, mais il se plaisait mieux à Ilukaan que chez sa mère. Puis franchement, aurait-il eu une si bonne équipe de Quidditch avec qui jouer s'il avait été dans une autre école ? Alors vivement la rentrée prochaine, qu'il mette la pâtée aux autres maisons dans son sport préféré.

(c) Ilukaan