Le monde ne semblait jamais s’arrêter de tourner. Il y avait toujours quelque chose à faire. Peu importe le jour ou la date, il n’y avait jamais réellement de pause. Toujours à devoir courir partout pour x ou y raisons Depuis la rentrée, Anya n’avait pas arrêté. Elle qui aimait traîner, larver et ne rien faire de ses journées. Elle avait été bien déçue. Elle avait pris la bonne -ou plutôt mauvaise- résolution d’essayer de moins procrastiner pour les cours. Quelle idée ! L’an passé avait peut être été parfois stressant et les révisions comme les devoirs avaient toujours été faits à la dernière minute, mais au moins, elle avait l’impression d’avoir du temps pour elle. Seulement deux mois avaient passé, et elle était épuisée de ce métro-boulot-dodo qui était devenu son quotidien. Elle ne tiendrait clairement pas toute l’année comme ça. Il était peut-être temps de reprendre les vieilles habitudes et de remettre au lendemain ce qu’elle avait à faire.

Pourquoi n’y avait-il pas plus de vacances ? Pourquoi les élèves n’avaient-il pas eu droit à ne serait-ce qu'une semaine de repos au mois d’octobre ? Ça aurait été la moindre des choses pour les remercier de leur travail acharné ! Deux mois de travail, c’était bien trop éprouvant et fatigant. Et nous n’étions qu’à la moitié avant les congés d’hiver. Comment allait-elle pouvoir garder ce rythme insoutenable ? La petite sorcière avait d’autres chats à fouetter, après tout ! Avec toutes les distractions environnantes, il était certain que la procrastination reviendrait en force.

Anya avait tout un tas de devoirs à faire en cette fin de semaine. Elle avait encore beaucoup de travail polur le week-end, et elle aurait dû s'y mettre rapidement. Et si elle avait suivi la résolution qu’elle avait prise pendant l’été, elle serait actuellement à la bibliothèque, lieu pour le moins déprimant à ses yeux, à essayer du mieux qu’elle le pouvait de ne pas s’endormir sur ses fiches, cours, et bouquins. Travailler était tellement ennuyeux. Elle restait pantoise face aux élèves si sérieux qui passaient leur temps dans ce bâtiment à travailler. A croire qu’ils aimaient souffrir ainsi !

Depuis le dortoir des Strixyst, il n’y avait pas cinquante chemin pour aller jusqu’à ladite bibliothèque. A vrai dire, il n’y en avait même que deux. Et les enclos d’Ilukaan ne se trouvait sur aucun des deux. Ils étaient même à l’opposé. Alors comment la jeune faignante s’y était retrouvée était un véritable mystère. Elle ne se rappelait même pas avoir pris ce chemin, lézardant totalement, le nez en l’air à regarder les nuages défiler, tout en traînant des pieds. Son inconscient avait pris le dessus, et il n’avait clairement pas envie de se retrouver plongé dans divers livres d’Histoire de la Magie ou d’Etude des Moldus. Des cours comme la Défense contre les Forces du Mal avaient au moins le mérite d’avoir un peu d’action. La théorie, ce n’était vraiment pas fait pour elle.

Anya ne prêtait vraiment pas attention à là où elle marchait. Errant sans réel but, elle regardait autour d’elle, et ne savait pas vraiment elle-même comment elle était arrivée jusqu'ici. Elle entendit le hennissement des deux hippogriffes dans leur petit enclos, en train de se cabrer tout en se donnant de léger coup. Rien qui semblait inquiétant pour deux animaux sauvages. Elle s’approcha, admiratrice des créatures. Voilà une belle excuse pour repousser un peu plus l’échéance des devoirs. Elle remarqua, tardivement, qu’elle n’était pas seule. Son esprit était tellement vide qu’elle n’avait pas vu Shinji plus tôt. Elle s’approcha un peu plus de lui. Ces errances lui avaient amené le divertissement parfait : des animaux et un ami.

- Salut Shinji !

Sa voix guillerette masquait son manque de motivation. Son regard vert se posa à nouveau sur les deux créatures majestueuses. Elle n’avait pas encore eu l’occasion de les étudier, mais elle savait que c’était au programme de son année.

- Ils ne vont pas se blesser, hein ?

- Je vais bien. Mieux qu’eux en tout cas.

Les hippogriffes ne semblaient vraiment pas ravis de la présence de l’un l’autre dans le même enclos. Anya escalada la petite barrière pour pouvoir les observer un peu mieux, sans pour autant se mettre en danger. Elle pouvait la comprendre. Cette sensation désagréable lorsqu’une personne que l’on n’appréciait pas spécialement était toujours présente au même endroit que nous. Elle le vivait constamment lorsque Bob était dans les pâtes de Gen, après tout. Pourtant, il ne lui était strictement jamais venu à l’esprit de se battre avec lui pour la dominance d’un territoire. Elle regrettait un peu que son don de legilimens ne s’appliquent pas aux animaux. Après tout, elle aurait pu savoir ce qui se passait et les aider du mieux qu’elle le pouvait.

Elle secoua discrètement la tête pour sortir cette pensée de son esprit, et détourna le regard des deux créatures magiques pour le poser sur Shinji. Elle n’était pas vraiment du genre à juger les personnes sur leur aspect physique. Son don l’avait toujours guidé, aussi, la personnalité et les pensées comptait à ses yeux bien plus que l’image qu’il renvoyait aux autres. Elle n’était pas impressionné ou effrayé par l’Ursirre, comme pouvait l’être d’autres élèves, parfois même plus vieux qu’elle. Elle l’écoutait donc théoriser sur ces deux hippogriffes qui ne s’appréciaient pas et le montraient aux yeux du monde.

- Oui, j’ai pris l’option.

Elle se concentra à nouveau sur la scène qui se jouait dans l’enclos, le regard légèrement perdu dans le vide.

- J’aime beaucoup les animaux. Alors je me suis dis que c’était une bonne idée. Et puis, comme mon chien, Bond, me manque, ça me permet de chouchouter d’autres boules de poils pour pas être trop triste.

Elle savait pertinemment que les hippogriffes étaient au programme de son année. Elle les pointa paresseusement du doigts.

- Mais j’ai pas encore travaillé avec eux.

Elle ne regrettait pas une seule seconde d’avoir choisi cette option. Contrairement à l’étude des moldus, où elle devait toujours traîner des pieds. Elle s’était dit qu’ayant vécu une partie de sa vie en orphelinat moldu, ç’aurait été une option facile et qui ne lui demanderait pas trop d’effort. Mais elle avait vite réaliser que finalement, elle ne connaissait pas grand chose à ce monde, et qu’elle avait intégré le monde des sorciers parfaitement naturellement.

- On fait ça avec les chats ?

Elle s’en étonna, se demandant toujours qu’elle était l’intérêt de frapper l’autre pour montrer une sorte de dominance quelconque. Peut-être devait-elle un jour montrer à Bob qui dirigeait de cette manière là ? Les choses marcheraient-elles mieux ? Probablement pas. Et en plus, Gen lui en voudrais. C’était une idée parfaitement stupide. Ce qui voulait dire que la nature avait parfois des idées parfaitement stupides.

- C’est beaucoup d’effort pour pas grand chose tout de même. Si ils s’aiment pas, ils peuvent chacun aller dans un coin de l’enclos et arrêter d’embêter leur monde. C’est pourtant pas compliqué, d’ignorer quelqu’un. Et en plus, c’est moins fatigant !

Ca faisait du bien, parfois, de faire une pause dans la vie. De simplement se poser devant un enclos et de laisser libre cours à ses pensées. De discuter de sujets sans grande importance avec des personnes sur la même longueur d’ondes que nous. Elle se laissait porter par cette discussion qui n’allait nulle part, mais qui ne lui demandait pas beaucoup d’efforts tant elle était naturelle.

Elle détourna le regard des hippogriffes juste quelques secondes, pour sortir son téléphone, et montrer son fond d’écran, sur lequel on pouvait voir la voir avec Bond, à Shinji, tout en lui répondant gaiement :

- Bond, comme Bondman ! L’agent secret du dessin animé ! Même si aujourd’hui, elle était un peu plus grande, et ne regardait plus forcément les dessins animés pour enfant à la télé, Bondman aurait toujours une place dans son cœur. Et c’est un patou !

Elle rangea ensuite son téléphone dans sa poche, pour se focaliser à nouveau sur les animaux, tout en écoutant les explications et théories que son aîné pouvait lui offrir. Comme elle aurait aimé pouvoir utiliser son don pour pouvoir lire dans les pensées des animaux aussi bien qu’elle lisait dans les pensées de ses camarades. Elle était persuadée que certains avaient énormément de choses à raconter, et qu’elle aurait pu les aider du mieux qu’elle le pouvait. Malheureusement, on lui avait expliqué que les animaux ne fonctionnaient pas comme les humains, et que sa légilimencie ne pouvait être utilisée que sur ses pairs.

Lorsqu’il posa sa dernière question, elle secoua finalement la tête, en signe de négation. C’était paradoxal, par rapport à ses propos précédents, mais elle avait toujours beaucoup de mal à ignorer les gens autour d’elle, même lorsqu’elle essayait de toutes ses forces. Il faut dire que pouvoir entrer dans leur tête sans y être invité, et parfois sans même le vouloir, ça n’aidait pas beaucoup. Mais elle faisait du mieux qu’elle le pouvait pour ne plus se retrouver dans les mêmes situations que lorsqu’elle était enfant. Et même si, elle attirait l’attention sur elle, parfois malgré elle, elle ne voulait plus qu’on lui reproche son comportement envers autrui. Elle se rappelait parfaitement, lorsqu’elle était encore en primaire, avoir frappé Damian en pleine figure.. Et même s’il l’avait entièrement mérité, ça ne l’avait pas aidé par la suite.

- J’essaye, en tout cas. Mais j’y arrive pas toujours. Ca m’est déjà arrivé de me battre comme eux, moi aussi. Elle montra les hippogriffes d’un coup de menton. Mais ça aide pas. Et c’est fatigant de devoir se justifier, après. Même quand on a de bonnes raisons.

Songeuse, et toujours un peu perdue dans ses pensées, elle s’installa en tailleur au sol, le regard toujours perdu sur les deux créatures, qui tentaient de montrer à l’autre qui dirigeait. Et même si elle ne les comprenait pas vraiment, et qu’elle s’inquiétait un peu de les voir se disputer ainsi, elle se perdait dans leur mouvement, oubliant petit à petit ce qu’elle était censé faire normalement, à savoir,  travailler sur ses devoirs, réviser ses cours, et s’améliorer en magie.

Rangeant son téléphone dans sa poche, elle hocha simplement la tête pour confirmer que c’était une race de chien. Elle n’aurait pas pu entrer plus dans les détails, puisqu’elle se contentait de connaître le nom, et de montrer des photos de Bond pour illustrer ses propos.

Elle réfléchit ensuite à la question que lui posait le jeune homme. Souvent était peut être un grand mot, mais elle s’était retrouvée dans des situations complexes plus d’une fois, qu’elle n’avait pas toujours résolu en réfléchissant autrement qu’avec ses poings. Après tout, Anya était une jeune fille impulsive.

- C’est arrivé plus d’une fois. Mais jamais rien de très grave. Je me suis juste pris des mots et des points en moins…

Elle le prenait un peu à la légère. Elle s’était toujours excusée après coup -parce qu’on l’avait en quelque sorte forcée, certes- et elle passait à autre chose par la suite. Et puis, ce n’était pas entièrement sa faute, mais encore une fois, celle de sa légilimencie, même si cela, elle n’en dirait rien.

Elle ne comprenait pas vraiment le soudain intérêt que portrait Shinji à toute cette histoire, n’ayant pas remarqué qu’il s’inquiétait d’un potentiel harcèlement. D’autant qu’elle se rapprochait parfois plus de la bully que l’inverse. Bien que ces actions étaient toujours plus ou moins justifiées. Elle ne pouvait pas vraiment utiliser l’excuse de “je l’ai lu dans ses pensées” à chaque fois qu’elle se disputait avec quelqu’un. Et puis, ce n’était un argument utilisable qu’avec les personnes connaissant son don. Hors de question de l’utiliser avec ceux qui ignorait tout de ses capacités.

- On m’embête pas vraiment. Enfin si on m’embête, j’y mets fin rapidement… C’est bien ça qui m’attire des problèmes. Une fois, j’ai collé un gros pain à un autre garçon de mon âge… C’est pas très bien passé… Il l’avait cherché pourtant ! Mais a priori, on m’a expliqué que la violence n’était pas la solution.

Et puis, avec Damian, c’était toujours un peu particulier, de toute façon. Elle avait, encore aujourd’hui, du mal à tout cerner. Ils étaient toujours tous les deux en tort, et elle ne pouvait pas vraiment faire porter l'entièreté de la faute sur lui. Elle secoua la tête, pour répondre à la négative à cette dernière question.

- Oh non, ne t’inquiète pas ! Je n’ai aucun problème ici.

Et puis, elle était entourée par bien trop d'adultes à Ilukaan pour qu’on lui cherche des noises aujourd’hui. Même si ses relations avec le fils Desmond étaient toujours tendues, il n’y avait rien d’alarmant. Elle pointa simplement du doigt les deux hippogriffes, qui semblaient se calmer.

- Dans tous les cas, à eux, on leur dit rien.