Un soleil éclatant, quelques nuages, une douce brise… La journée pourrait être bien, si seulement je pouvais la passer dehors. J’observe le ciel à travers une vitre, l’air nostalgique. Mais non. Ben non. Forcément, faut que, tous les ans, on se tape ce même cycle éternel. La rentrée. Mais encore, ce serait une rentrée lambda, p't-être que ça irait. Là non ! Je me retrouve au Canada, dans une école remplie d’inconnus. Et bordel, y en a tellement, des inconnus ! Ton père serait pas fier d’entendre « bordel » de ta part, Lina. M’en fiche, il est pas là et je le pense, donc il l’entend pas. Tu te fiches de l’avis de ton père ? C’est mal ça ! Rho, tais-toi Orion.

Je baisse la tête vers Rin, assis à mes pieds. Il se fait chier, mais lui observe les gens qui passent. Il a l’air d’aimer ça ou… D’attendre que quelqu’un d’autre pose les yeux sur lui. Mais ça n’arrivera pas, puisque vous n’existez pas. Orion ricane et je lève les yeux au ciel. Bon. C’est pas tout ça, mais j’ai des choses à faire.

La première semaine après la rentrée est toujours catastrophique. Entre les nouveaux qui se perdent, les gens qui se retrouvent, les cris, les bousculades… C’est chiant. C’est sûr que t’as pas tous ces problèmes, toi. Tu retiens bien les cartes, t’as jamais personne à retrouver, tu cries que quand on t’énerve et tu évites de bousculer. Bah oui, et il devrait y en avoir plus des comme moi, au moins sur les deux derniers points. Ahah, ça t’arrangerait bien, hein ? Évidemment ! Je soupire. Bon allez, c’est parti.


J’observe le ciel. Bah oui, maintenant il fait plus si beau. Forcément, puisque je peux sortir. C’est fait exprès, c’est incroyable. Comme si j’aimais déjà pas assez ma rentrée. Pfff. Je soupire en tournant les talons. Bon bah je vais retourner dans ma chambre et aller faire un tour sur Nwer. Ou prendre des notes sur les choses que j’ai vues la dernière fois. Bref, on verra.

Je marche tranquillement vers ma piaule, dans laquelle j’espère me trouver seule. Les autres filles qui partagent la pièce ont l’air ennuyantes à mourir. Comme tout le monde, à tes yeux, non ? Oui certes. Mais tout de même. Je sens une présence se rapprocher de moi, s’arrêter à mon niveau. Je ferme les yeux et lorsque la voix haut perchée de la nouvelle retentit, je lève les yeux au ciel. Elle me parle à moi ou je rêve ? Je me tourne dans sa direction.

Elle est plutôt mignonne, pour une humaine. Ouais. Si tu le dis. J’observe la blonde. Elle a l’air… Extravagante. Elle porte l’ensemble des Cervirald, et m’observe intensément, tout en me posant plusieurs questions. Je soupire.

« Non. »

Tu pourrais faire l’effort de répondre correctement ! Pourquoi ? Dans tous les cas, je partirai. Regarde, je le fais même, là, maintenant. Je tourne les talons et je continue mon chemin. Alors pourquoi je devrais répondre mieux ? Euuuuh… Pour faire un effort ? Non.

Je hausse un sourcil lorsque l’autre fille me salue gaiement en m’appelant « Non ». Elle est sérieuse là ? J’entends Orion se marrer comme un fou dans ma tête alors que Rin se met à ricaner bêtement. Et moi je souffle sans le cacher.

« Et ça t’apprendra à pas vouloir sociabiliser, Non ! »

Je préfère toutefois ne pas répondre à l’autre et me contente d’avancer pour qu’elle me foute la paix et en espérant qu’elle abandonne l’affaire. Je n’ai pas envie de sociabiliser, fichez-moi la paix ! Y a plein d’autres gugusses dans cette école, alors pourquoi moi ? Je sens des pas derrière moi, un regard posé sur mon dos. Tu ne seras jamais tranquille Lina ! Il semblerait que les gens sociables t’apprécient. Je jette un œil à Rin, qui observe derrière moi avec un sourire niais. Ben oui. Évidemment que c’est elle. Si le doute pouvait encore subsister, il vient de mourir lamentablement.

Et là, la blonde se met à croire qu’elle doit trouver mon prénom. Ben voyons. Comme si j’avais envie de m’amuser à ça. J’ai beau penser qu’elle est stupide, je me dis que c’est impossible d’être assez bête pour pas comprendre quand les gens veulent pas vous causer à ce point. Mais qu’est-ce qu’elle veut alors ? Y a des gens dans cette école, on est pas seules au monde, quand même ?! C’est toi qu’elle a choisi. De la même manière que Rin t’a choisie. Nan, mais lui c’est différent. Il profite de moi parce qu’il peut pas rentrer sur Nwer sinon. Et il est trop con pour profiter d’une vie en ermite. Ahah, y a pas grand monde qui en serait capable, ma chère enfant ! Ouais bah des fois je me dis qu’il vaudrait mieux qu’il me laisse. Dit-elle alors qu’elle adorait passer du temps avec son ami imaginaire, enfant. Et ça, c’était avant.

Je grimace lorsqu’elle me propose plusieurs noms, avant de s’enjailler sur le dernier, l’air d’être sûre que je me nomme Emma. Si je lui dis oui, elle va me suivre en me donnant ce nom, ce qui est hors de question. Mais si je lui dis non, elle va continuer à chercher. À moins qu’elle parte ? Je me tourne pour l’observer rapidement. À sa tronche, non, elle me laissera pas. Elle m’aurait pas suivie sinon. Rhaaaaaaa ! Pourquoi les humains sont si chiants ?

« Non. »

Je n’ai rien trouvé de mieux à répondre. Et de toute manière, elle ne mérite rien de mieux ! Je continue d’avancer, tout en espérant qu’elle cesse de me suivre. C’est beau de rêver, Lina. Chut, démon.

La fille semble ne pas vouloir me lâcher la grappe, puisqu’elle continue de me suivre et de me parler. Pour rien dire, visiblement, puisqu’elle constate que je n’abandonne pas le « non ». Je lui lance un coup d’œil en coin, un regard désagréable, mais comme je ne croise pas ses yeux, je me dis qu’elle n’a pas dû voir. Tant pis. Je continue d’avancer, en espérant arriver vite jusqu’à ma chambre. J’aimerais lui fermer la porte au nez pour lui faire comprendre une bonne fois pour toutes que je ne veux pas être son amie. C’est dommage, elle a des mains pour ouvrir les portes. Rho, me le rappelle pas, steuplaît. Pardon mam’zelle !

Je ne tourne même pas la tête vers la blonde quand elle arrive à ma hauteur, après avoir pressé le pas. Mais elle abandonnera jamais ? Je sais pas ce qu’il lui faut de plus pour qu’elle comprenne que je veux pas faire copain-copain ! Montre-lui que t’es folle, elle fuira peut-être. Sûrement que non. Oui bon… Sûrement que non, en effet. Mais je croyais que tu nourrissais l’espoir qu’elle parte ? Certes, mais pas à ce point. Elle rouvre la bouche pour me faire un commentaire sur mon comportement et je hausse les épaules de manière négligée. C’est bête : j’m’en fous. En attendant, elle connaît ton prénom, malgré qu’elle l’a demandé. Ça prouve qu’elle a au moins une bonne mémoire, pour se rappeler de ça. Ça compense son manque de jugeote.

« Bah alors, Lina, on veut pas se faire de nouveaux amis ? C’est pas gentil tout ça, pas très poli ! Où sont les bonnes manières que ton père t’a apprises ? »

J’exécute quelques gestes rapides pour ordonner à Rin de se taire, sans regarder la fille, ni chercher à savoir si elle l’a remarqué. J’m’en fiche en fait. Et si elle l’a compris, j’m’en fous aussi. Que tu es malpoliiiiiie ! Je sais. Et tant pis. J’ai juste pas envie de sociabiliser. Elle l’entend pas de cet avis. En effet. Après un rapide regard en coin, je la vois, bras croisés dans le dos et menton levé, l’air fier comme un coq. Je lève les yeux au ciel. Sa voix de casse-noisette revient alors hanter ma cervelle, me vantant les bienfaits d’avoir des amis. Super. Et si je ne veux pas de ces soi-disant « bon souvenirs » ? Et puis son jeu est stupide. J’ai bien d’autres réponses en tête, si elle veut que je lui cause. Par contre, pas sûr que ça lui plaise mieux.

« Des bons souvenirs d’“amis”, j’en ai pas et j’en veux pas. »

Je tourne la tête vers elle, sans sourire, sans rien, avec juste un visage neutre et sans émotion.

« Pourquoi moi ? Qu’est-ce que tu me veux ? Y a plein d’autres filles de notre âge, des Cervirald, j’suis pas la seule. Je veux juste être tranquille. Alors pourquoi c’est moi que tu viens voir ? »

Parce que toi t’es toi ! Et toi tais-toi. C’est à elle que je cause. Je me suis même arrêtée pour lui parler. Je veux une réponse franche, pas un mensonge. De toute manière, au premier mensonge elle aura perdu. Déjà que je veux pas être son amie en général, ce sera pire, oui.

Je vois la fille sourire alors que je réponds à sa question. Qu’est-ce qu’elle a encore ? Elle est heureuse que je lui fasse la causette ? Elle va vite déchanter : je ne veux pas rester trop longtemps avec elle. Je la tolère pour le moment. Difficilement, certes, mais je la tolère. Elle s’exclame que la longueur de ma phrase est un miracle et je ne retiens même pas une grimace d’agacement. Parce que oui, je suis agacée. Comment ne pas l’être ? On dirait qu’elle se fiche de ma gueule, après avoir essayé de se rapprocher de moi.

Je retiens un grognement. Les humains sont tous les mêmes, de toute manière. J’ai bien fait de ne pas me laisser amadouer par son énergie et sa joie. Je me retourne donc sèchement pour lui demander pourquoi moi, sans encore passer au vif du sujet. Elle veut parler ? D’accord, mais je ne garantis pas que ça va lui plaire. Ça y est Lina, tu vas mordre ? Tais-toi Orion. Je la fixe de la même manière alors qu’elle vient tapoter sa joue avec son doigt. Donc ça doit réfléchir maintenant ?

Et puis elle lève la main, tout en énumérant ses raisons. Mon air stoïque vire rapidement à l’incompréhension, les sourcils froncés dans une mine incrédule. Attends… J’ai « l’air gentille » ? Depuis tout à l’heure je fais tout pour être désagréable, je suis désagréable et… Et j’ai l’air gentille ? Et ça te surprend tellement que t’écoutes même pas la fin. Ouais. Donc elle a fait connaissance avec tout le monde et elle veut pas m’exclure. Dommage, moi je le veux.

Et puis d’un coup, la fille change de sujet, me demande pourquoi je ne veux pas d’amis, me présente son hamster et me demande si j’ai un animal de compagne. Je soupire avant de reprendre mon chemin. Enfin, reprendre est un mot rapide. J’ai décidé de changer de chemin, de faire un tour. Pas pour me taper la discute avec elle, j’espère toujours qu’elle va s’en aller. Mais au moins, je peux encore essayer de lui cacher ma chambre.

« Je n’arrive pas à savoir si tu mens ou si tu es bête. Depuis le premier mot, j’essaie de te repousser, d’être désagréable, et toi tu me dis que j’ai l’air d’être une gentille gamine qui veut se faire des amis. »

Que ça lui plaise ou non, je m’en fiche. De toute manière, il y a bien longtemps qu’elle a franchi mon espace vital et qu’elle est rentrée dans le mur.

« Je ne veux pas sociabiliser et me faire des amis parce que je déteste l’être humain et je suis pas du genre à me rapprocher de choses que j’aime pas. Contente, tu sais pourquoi je veux que tu partes ? »

Je ne sais pas si j’ai encore l’air assez gentille, mais elle me pousse dans mes retranchements. Elle aurait mieux fait de partir la première fois. Même Rin et Orion ont arrêté de rire et de se moquer. Moi j’attends, c’est tout.

« Alors maintenant, si tu pouvais partir, ça nous arrangerait toutes les deux. »

J’aime pas les gens, et ça ne changera pas pour elle.

Lorsque je vois sa mine pâlir à mes dernières paroles, je retiens un sourire satisfait. Si elle fait cette tête, c’est qu’elle a des limites dans son envie de faire connaissance et qu’elle se rend compte que je suis pas aussi gentille qu’elle le dit. Je me contente de l’observer du coin de l’œil sans rien dire de plus, attendant qu’elle s’en aille. En espérant qu’elle n’ait pas la tête aussi dure que toi. C’est difficile, ça ! Mais ça doit exister. Certes.

La fille respire fortement, l’air de vouloir se contrôler. Je tourne le regard, dans un geste presque dédaigneux. En vrai, j’ai juste pas envie de la regarder. Certes, je suis contente de la penser proche de l’abandon, mais… bref. Un « bon » s’échappe d’elle et je fronce les sourcils. Qu’est-ce qu’elle veut… ? Je me stoppe à l’instant où elle s’arrête devant moi, après avoir fait plusieurs grands pas. Rhooo, c’est pas fini ?! Elle pose ses mains sur ses hanches dans une position de coq fier casse-pieds, avant de commencer à déblatérer un grand nombre de mots à la minute.

C’est difficile quand on vient violer mon espace vital sans ménagement, oui ! Et donc si elle ment pas, c’est qu’elle est bête ! Fantastique, je suis heureuse de savoir ça. Et… comment ça « je ne le pense pas » ? Oui bon, elle est définitivement idiote. Génial. Et puis… La « moindre des choses » ? Je ne lui dois rien, il n’y a pas de « moindre des choses » ! Je la regarde croiser les doigts alors que mes sourcils sont froncés et que mon air neutre est devenu une grimace. Le regard de son rongeur sur mon épaule me fait tiquer.

Oh oui, c’est vrai. Je dois rester calme. Ma grimace disparaît et laisse une moue presque hautaine apparaître, tandis que l’autre se remet à parler. Gnagnagna, oui, j’avais vu que tu ne voulais pas disparaître de ma vue. Je retiens une remarque à ses derniers mots. Si elle n’aime pas les gens seuls, alors qu’elle cesse de m’importuner et d’essayer de m’aimer. Je préfère son ignorance.

Mais non. J’ai retrouvé un certain calme. Je l’observe dans ce nouveau calme avant de faire un choix rapide. La supporter mille ans tandis qu’elle braille ou bien lui donner ce qu’elle veut et la voir partir ? Désormais, c’est clair comme de l’eau de roche.

« Je m’appelle Lina Seraphina Grimm, j’ai bientôt douze ans, je suis née le deux décembre deux mille trois et je suis du signe Serpentaire. Je suis née en France, on est venus vivre ici avec mon père à cause d’Ilukaan. Ma mère est partie il y a quelques années à cause de moi et je le vis parfaitement bien. Je suis méchante, solitaire, et uniquement là pour étudier. »

Mon air est moqueur, comme mon ton. Elle veut faire connaissance ? Elle pourrait apprendre toute ma vie en deux minutes que déjà elle voudra plus me parler. Hé bien faisons connaissance !

« Ma couleur préférée c’est le rouge, mon chiffre fétiche c’est le quatre, mon animal préféré est la chouette. Oh et d’ailleurs j’en ai une et elle s’appelle Mewdrak. Comme elle aime bien manger des rongeurs, je te déconseille de laisser traîner ton hamster vers elle, on sait jamais. Oh et puis je lui ai appris à mordre les doigts des gens qui l’approchent sans qu’elle les connaisse, donc évite de laisser traîner tes doigts trop près d’elle, hein. »

Je croise les bras, sans changer d’air, même si j’ai carrément un grand sourire qui lui dit « vas-y, essaie de ne pas me croire, approche tes doigts de ma chouette et on verra bien ». Après tout, le seul point qui n’arrivera pas serait de voir Mew' manger le hamster, si sa maîtresse est à côté. Seul, je ne garantis rien, cela dit. J’suis sûr que si tu lui donnes pas à manger, maîtresse ou non, elle essaiera de boulotter le rongeur. Oui, y a des chances, en effet. Mais je ne suis pas méchante avec Mew'.

« C’est bon, t’as assez fait connaissance avec moi ou t’en veux encore ? »

Bien sûr, c’est une question rhétorique. J’aimerais qu’elle me foute la paix maintenant.

Même si la fille semble d’abord heureuse que je lui dévoile tout ça, elle fait rapidement la moue lorsque je parle de Mewdrak. Je souris avec un air moqueur lorsque le hamster se cache, comme s’il avait compris. Héhé. C’est génial comme réaction, il mérite presque mon respect ce p’tit gars.

Sans surprise, la blonde semble tout excitée de mes réponses. Bon, j’avoue que j’espérais qu’elle se fâche et s’en aille, mais j’imagine que c’était un espoir vain, de toute manière. Elle commence à parler de la France, de notre fromage et de son absence dans son pays, le Japon. Je lève les yeux au ciel. Bon, on va faire avec. Elle me demande les coins sympas à visiter avant d’enchaîner sur son père à moitié sourd. Je l’observe d’un air las. Bien, super. Puis elle enchaîne sur sa mère morte — oui, bah « partie au ciel », ça fait très enfantin et j’ai passé cet âge-là, moi ! — puis sur le fait d’être toujours aussi sûre que je suis gentille. Je lève les yeux au ciel, encore. Oui, oui, oui, je sais.

Et lorsqu’elle prend une pause, j’ose encore espérer qu’elle se taise et s’en aille, mais c’est pour mieux reprendre sur la peur de son rongeur, la classe de ma chouette, ainsi que nos couleurs favorites qui sont — malheureusement — les mêmes. Mais lorsqu’elle m’apprend que le chiffre quatre se prononce comme la mort en japonais, j’ose un ricanement. Drôle de coïncidence. Elle retourne sur le sujet de la chouette et me pose davantage de questions, avant de repartir encore une fois. Cette fois sur les rongeurs et les poissons, et encore, toujours, des questions. Je soupire. Elle semble heureuse, les mains sur les hanches et un immense sourire niais sur le visage. Elle est bête, disons-le une bonne fois pour toutes. C’est ce que tu fais depuis votre rencontre. Certes.

Quoiqu’il en soit, elle termine en disant qu’elle n’a pas assez fait connaissance et qu’elle ne me laissera pas, ce qui me fait soupirer. Et comme depuis le début, elle ose dire qu’elle pense que je suis gentille, ce qui me fait lever les yeux au ciel. Bon sang, c’est qu’elle est bornée dans sa bêtise ! Je soupire.

« Non, j’ai pas masse de choses à raconter, j’ai douze ans et j’ai pas vécu grand-chose. »

Ce n’est pas tout à fait faux en soi. Cela dit, elle ne me laissera pas tranquille tant que je n’aurais pas répondu à sa question. Et ce, même si ça m’énerve.

« J’ai découvert ma magie par hasard. Tous les jours, j’essayais de faire léviter des choses et j’ai réussi sans le vouloir, c’est tout. »

Je fais la moue.

« J’aimerais bien aller me reposer par contre. »

J’ai quand même le droit d’espérer qu’elle me foutra la paix si je lui dis ça. Je crois que c’est toujours vain. Oui. Je crois l’avoir compris, ne serait-ce qu’avec le rire non contrôlé de ce chat débile. Ah bah, faut croire que l’espoir rend drôle.

Elle tente de me faire signer qu'en douze ans, je peux avoir des choses à dire, et je me contente de lever les yeux au ciel. Certes, mais je n'en ai pas envie, là se trouve la nuance. En même temps, de base, tu veux pas causer, donc c'pas spécialement étonnant. Exactement, mais elle n'a pas l'air de vouloir le comprendre. Enfin bon, tout le monde ne peut pas savoir comment se comporter avec tout le monde. Je lui répond tout de même comment j'ai eu mon premier signe magique, sans lui demander le retour. En fait, je m'en fiche de savoir quelle est tombée et qu'elle a eu peur en cramant tout ce qu'il y avait autour d'elle. Ou qu'elle a voulu sauver sa meilleure amie de la noyade. Ou n'importe quelle autre explication d'ailleurs. Je lui annonce être fatiguée, dans l'espoir qu'elle me laisse tomber, et elle semble, pour une fois, attentive à ce que je veux. Oh, donc c'est possible ? Surprenant ! On dirait qu'elle est le genre de gamine égoïste à tes yeux. Étant donné qu'elle tenait à me forcer à causer pour son plaisir personnel, un peu, oui. Enfin.

Elle s'écarte finalement avec une moue presque boudeuse et je la dévisage sans état d'âme. Bien ! Elle me laisse donc enfin tranquille ? Fabuleux ! Elle m'annonce cependant qu'elle ne me laissera pas aussi facilement la prochaine fois et je hausse les épaules. Faudra que je me tienne loin d'elle, dans ce cas.

« Si ça peut te faire plaisir. »

Je commence alors à marcher en direction de la chambre, ignorant ses grands yeux bleus qui semblent me demander de changer d'avis. Certes, seuls les idiots ne changent pas d'avis, mais là, je préfère être une abrutie. C'est vraiment dommage. Mais bon. Dommage de ? D'être volontairement rendue bête ? Ouais, en partie. Si tu le dis.

« T'es pas très gentille Lina, regarde-la, elle est toute mignonne et elle veut être ton amie. »

C'est ça oui. C'est facile ça. Enfin bref. Je ne réponds pas à Rin, me contente de jeter un signe de main désinvolte en direction de la blonde. Je suis peut-être pas gentille, mais au moins je suis polie : je dis au revoir. Félicitations Lina.