Le geste rassurant de son ami lui redonna un peu de certitude. Ils étaient deux dans cette aventure ! Deux fois moins de chances qu’il leur arrive des broutilles. C’était bien comme ça qu’on devait raisonner, n’est-ce pas ?

Comme pour toutes les autres pièces jusqu’ici, le jeune Italien ne s’y aventure pas vraiment tant que son ami n’est pas entré. Il reste quelques secondes interdit sur le pas de la porte, jusqu’à ce que Genji ait progressé dans la moitié de la chambre. Alors enfin le cadet des deux Stryxist se permet d’ébranler la tranquillité décennale, voire centenaire, de la pièce.

Le noiraud faisait glisser son doigt sur la commode, afin de dessiner des petites fleurs dans la couche de poussière qui recouvrait le meuble, quand celui de vert chevelu l'interpella à nouveau. Depuis l’entrée, il ne se serait pas douté que cette chambre donnait aussi l’accès à une salle de bain. En même temps, il se demandait s’il n’avait juste pas remarqué que Genji avait quitté la pièce, ou s’il s’était caché dans l’armoire de l’autre côté. Car oui, il pensait que Genji était capable de faire ça. Il aurait pu lui ficher la trouille en sortant d’un coup du meuble lorsqu’il serait passé juste devant.

Le jeune urbexeur -si tant est que ça se dit- dut faire le tour du lit à la mauvaise mine pour pouvoir rejoindre son camarade et guide d’exploration, et le rejoindre dans cette nouvelle pièce qui s’offrait à eux. Et, en effet ! Cette salle de bain en jetait ! Le sol était recouvert de grandes dalles en carreaux noires et blanches, et les murs étaient sobrement peints en blanc. Mais rien que la baignoire devait être plus chère que plusieurs salaires de sa mère, aux vues de son apparence. Carrément elle avait des pieds ! Le miroir au-dessus du lavabo, qui avait aussi un aspect très noble, avait un cadre avec plein de dorures et détails sculptés, certainement dans un bois noble.

“Ah ouais purée, ils déconnaient pas ces gens !” s’exclama-t-il après une seconde. Sa voix résonna contre la porcelaine de la baignoire. Il s’approcha de celle-ci et pencha sa tête par-dessus avant de répéter à plusieurs reprises “Echo ! Echo !” pour tester la résonance, avant de rigoler. “Ça doit faire bien longtemps que personne n’a trempé ses fesses ici,” fit-il remarquer à son camarade.

Comme Niccoló n’avait pas vraiment de comparatif – c’était sa toute première d’expérience d’urbex après tout, et ce n’était pas le genre de vidéo qui lui plaisait le plus sur Witchnet – il ne réalisait pas à quel point cette pièce était une mine à trésors pour son camarade et lui. L’état de conservation des produits dans les meubles de cette salle de bain aurait pu leur permettre de dresser un inventaire très conforme à la réalité des habitudes sanitaires du couple parental de la dernière famille à avoir vécu en ces lieux. Les crèmes de jour, les soins capillaires … Bien que certaines bouteilles et certains flacons soient entamés, ils avaient été préservés de la lumière et des intempéries, les étiquettes de composition des produits étaient quasi complètement lisibles.

“Oh ouais ! Let’s go, attends je prends une pose.”

Le noiraud s’allonge alors dans la baignoire et croise les bras sur son torse, imitant la pose dans laquelle les momies étaient embaumées, en des temps lointains. Il ferme les yeux et prend un air grave, digne dans sa pseudo-mort. Le subterfuge aurait été parfait, si ce n’était pour sa tenue bien trop moderne pour l’époque dans laquelle le manoir avait été délaissé.

L’Italien est interpellé par le mouvement de recul soudain de son camarade, mais se détend bien vite. “Comme dirait ma nonna : c’est pas la p’tite bête qui va manger la grande !” lui répond alors le plus jeune en exagérant un accent italien presque cliché. Il imitait sa grand-mère.

Allongé dans cette baignoire, il pouvait admirer le lustre au plafond. Il devait certainement être plus modeste que celui qui devait les attendre dans le hall principal du manoir, mais ces longs fils décorés de mini-verres sculptés – à moins que ce ne soient de véritables diamants – couvraient le plafond de reflets scintillants avec les reflets des derniers rayons du soleil qui traversaient la fenêtre. C’était vraiment très beau.