Le soleil se fait timide alors que le coréen franchit le seuil de la maison des artistes. Artistes de tous les arts, y compris celui d'être atypique ou dans la clownerie. Pourtant, l'air frais qui vient se glisser dans les poumons du sorcier lui confirme ce que son instinct lui soufflait à l'oreille : la  nature s'éveille lentement pour se parer de ses couleurs les plus vives et les plus chaudes. Elle s'apprête ainsi à leur offrir un spectacle contrastant avec la blancheur de l'hiver canadien et son manteau neigeux. Si l'univers dressait cette toile de maître chaque année, Colton ne peut jamais s'en lasser. Le Violet se trouve même arboré un trait de caractère qui ne lui est propre, à savoir l'impatience. Oui, l'adolescent peut être très patient, mais ne peut résister à l'appel du printemps. Aussi, il descend rapidement les marches pour se diriger vers le parc du campus.

Ce dernier se trouve être très différent des paysages que lui offre l'Eden que constituent les espaces verts de la propriété de ses parents, véritable cocon de réconfort pour le Strixyst. Les essences d'arbres, les plantes et autres, tout s'articule autrement, bien qu'à Ilukaan, tout ne semble à Colton que gazon et autres herbes. Rien de plus logique, ce lieu n'a pas la vocation d'être aménagé pour abriter une certaine beauté florale. Après tout, les serres ainsi que le jardin des quatre saisons sont prévus à cet effet. Non, le parc sert seulement à permettre aux membres de l'école de sorcellerie de pouvoir prendre l'air et de se dépenser comme bon leur semblent. Ce n'est donc pas la partie du campus sur laquelle il est possible de s'imaginer le sorcier, lui qui préfère éviter au mieux toute présence humaine, jeune adolescent encore peu sûr de lui.

Pourquoi les pas de Colton le guident donc dans un tel endroit ? Eh bien, il s'avère qu'en s'essayant à trouver les coins du parc les plus calmes, le coréen a fini par découvrir que quelques plantes peu communes ont décidé de s'y établir. Après en avoir référé à l'un des professeurs de botanique, le métisse avait appris qu'elles ne constituaient en aucun cas un danger, uniquement qu'il fallait les manipuler avec précaution sans jamais les récolter pour les laisser s'épanouir.

Ainsi, le Violet, muni de ses gants et de son casque, se dirige dans la partie est du parc, celle à laquelle le soleil rend visite en premier. Dans cette dernière se trouvent des plantes qui intriguent particulièrement le sang-pur. En effet, certaines semblent présenter des caractéristiques semblables à certains végétaux qu'il a pu voir s'épanouir au pays du matin calme. Aussi s'accroupit-il silencieusement devant le bosquet, son carnet à la main. Son premier objectif est de pouvoir dresser un rapide croquis de l'être végétal. Il ne songe pas un instant qu'il n'est pas tout seul, lui pourtant si attentif aux présences. Personne ne vient jamais visiter ce coin en même temps que lui après tout.

La silhouette trapue du bosquet apparaît peu à peu sous les traits encore maladroits de la Chouette. Sa senestre tremble toujours un peu dans ses gestes, il n'a pas encore acquis l'aisance de l'artiste qui sommeille en lui. Son potentiel est encore au stade de germination, destiné à éclore et fleurir après quelques années de pratique. Néanmoins, le sujet de son dessin reste reconnaissable malgré les détails rudimentaires.

Jusqu'à ce qu'un cri déchire sa bulle de silence, laissant s'abattre un éclair d'adrénaline sur le corps de l'introverti. Un trait trop raide. Une représentation du végétal désormais illisible. Une imperfection dans le  travail personnel du Sang-Pur. Bien entendu, il n'aura qu'à l'effacer avec précaution, comme tant d'autres formes auparavant. Ce n'est pas la première fois que l'adolescent se fait surprendre durant son passe-temps d'artiste. Toutefois, il redoute toujours la manipulation nécessaire de la gomme, d'autant plus si le son qui l'a sorti de sa concentration n'est que le signe annonciateur d'un danger plus important.

Aussi, s'empresse-t-il de refermer avec délicatesse son carnet auquel il accroche son crayon de papier. Il se relève alors pour jeter un coup d'oeil vif aux alentours, cherchant à identifier la source du cri d'alerte. Après quelques secondes, le sorcier s'aperçoit que ce qui vient de troubler sa quiétude n'est autre qu'une silhouette féminine accolée à l'un des arbres voisins. Colton se retrouve soulagé dans une certaine mesure, puisque d'une part il n'est pas la source de la peur et d'autre part l'adolescente à la chevelure d'ébène semble plus avoir été sujette à la surprise qu'à une réelle menace.

Il lui adresse alors un petit sourire gêné, ne sachant pas s'il doit s'approcher pour la rassurer ou bien s'il devrait retourner à ses occupations comme s'il n'avait rien vu. Après tout, chacun possède sa propre sensibilité et sa propre fierté, Colton ne voudrait pas froisser ce bout de femme par maladresse.  

"Excuse-moi, est ce que tout va bien ?"

L'apparence de la sorcière lui rappelle vaguement quelque chose, sans qu'il ne puisse pour autant mettre un nom dessus. Il émet alors l'hypothèse qu'ils partagent la même maison ou bien des cours en commun, le scénario le plus crédible. Si la question lui brûle ses lippes, elle ne franchit cependant jamais leur barrière, attendant de s'assurer que l'inconnue n'est pas en danger.

Colton observe sa camarade reposer alors la créature protectrice auprès de son arbre. Le monde magique réserve bien des surprises, même à ceux baignant dans cet univers depuis l'entièreté de leur existence. Le sorcier pense que la magie possède une forme de vie propre, ce qui la rend imprévisible et insaisissable auprès des hommes. Le Coréen a beau planifier un certain nombre de mesures face à des problèmes potentiels, la vie lui a très vite fait prendre conscience qu'il ne peut échapper à la part imprédictible de la magie. Aussi, il n'est pas surpris de la scène qui se déroule devant lui. Bien qu'au fond de son esprit de sang-pur, il ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'ascendance de la sorcière, par curiosité. En effet, l'effet de surprise lui semble être vite passé pour une élève qui ne lui parait pas très âgée.

Seule la teinte rosée de ses joues reste un peu à l'œuvre, sûrement par crainte de ne pas vouloir troubler en premier lieu le Violet. Cette déduction rend Colton un peu plus à l'aise et dissipe sa volonté de prendre la poudre d'escampette. Finalement, elle semble être venue pour satisfaire une timide curiosité, sans pour autant apeurer l'adolescent.

Lily. Bien joli nom floral arborant un certain prestige malgré le caractère commun du prénom. En jetant un rapide coup d'oeil à la silhouette de la sorcière, Colton n'a nul doute que son prénom lui ira à ravir lorsque son corps aura terminé sa métamorphose adolescente, une beauté en devenir. Cependant, cette information ne l'aide point dans sa quête de reconnaissance. Ses vêtements ne l'arrangent pas plus pour repérer le moindre détail pouvant faire office d'indice; le Coréen n'est pas du genre à aller essayer de s'introduire dans le dortoir des sorcières pour les voir en tenue de nuit. Néanmoins, toutes les couches de pullover de Lily lui donne deux pistes : soit celle qu'elle n'a pas dormi dans son dortoir cette nuit , soit celle que l'adolescente est malade et frileuse. Il espère que ce n'est pas la deuxième option, auquel cas il fera de son mieux pour l'aider. Avant de pouvoir avoir la vérité sur ce style vestimentaire cocooing, le sorcier décide de se présenter, après avoir attendu que Lily ait reposé le Botruc dans on arbre. Il lui serait bien malpoli de ne pas lui donner son nom.

"Je suis Colton Wang. Je suis enchanté de faire ta connaissance, Lily"

Il s'approche alors d'elle pour lui serrer la main, comme cela le lui a été enseigné dans son enfance. Bien qu'il ne soit pas très à l'aise avec les coutumes occidentales, en particulier les couverts, le Strixyst fait de son maximum pour se fondre dans la masse de cette école d'Occident.

"Les Botrucs sont des êtres fascinants mais discrets. Ils n'ont rien de particulièrement aggressifs, ils cherchent seulement à protéger leur arbre."

Dans un certain sens, Colton est un Botruc pour qui a l'occasion de bien le connaître et de faire le parallèle.