Les jeux-vidéos, c'était pas trop le truc d'Arthur. Alfred était le proche qui faisait le plus trempette là-dedans, et c'est sans doute un de ses arguments pour annoncer que « c'est plus une perte de temps ». Ben des fois, perdre du temps, ça fait du bien. Car oui : même un type studieux et trop sérieux comme Arthur peut parfois se retrouver aux arcades de Bloombury. Ici, là, où ça joue et ça vend du rêve. En revanche, pas comme beaucoup il ne connaissait le gérant et sa réputation de gamer. Déjà, parce qu'il s'en fichait, et ensuite, parce qu'il s'en foutait.

La rentrée approchait, et pendant l'absence de son petit-ami, Arthur devait s'occuper. Pas comme s'il ne savait pas quoi faire lorsque la grenouille n'était pas dans les parages. C'est juste que ce mois-ci avait été différent des autres de sa vie, suite à... tout ça... Alors, voir Francis rentrer chez lui un temps, ça lui rappelait qu'il était célibataire il y a tout juste un mois.

Comme dit, donc, Arthur n'est pas très calé jeux-vidéos. Pourtant, ça lui arrive d'en jouer. Un peu avec Kiku, par exemple, mais moins souvent avec Alfred. Trop fort, et Arthur n'aime pas perdre. Grosse sainte horreur de la défaite qu'il avait, il était bon joueur, bon compétiteur, mais très, très mauvais perdant. Ça n'était jamais de sa faute, et quand bien même il ne veut pas se dégonfler, il n'ira jamais crier à la triche – car il sait pertinemment que perdre, c'est aussi humain que lui.

Arthur profita donc des derniers jours du festival et des vacances pour se promener dans des lieux qu'il visitait rarement. Le Two Player Game en faisait partie. Passant devant de nombreuses arcades, il s'arrêta devant une qui lui faisait de l'oeil... puis une autre... puis une autre... En fait, se retrouver face aux manettes et écrans libres, ça donnait tout simplement envie d'essayer. Mais la plupart des jeux qui lui faisaient ça, c'était ceux qui offraient de la compétition entre deux joueurs au moins. Et là, il était seul.

Un peu perdu dans ses pensées, il s'arrêta devant une borne à laquelle personne ne touchait en ce moment même. Un adversaire qui tomberait, là, tout de suite, rendrait la chose vachement tentante.

Arthur se surprit, au bout de plusieurs minutes, à rêvasser devant la même arcade. Lorsqu'il s'en rendit compte, il cligna plusieurs fois des yeux comme s'il venait de se réveiller. Alors qu'il pensait se détourner complètement du jeu et peut-être même partir, le Lupy croisa le regard d'un de ses congénères... Keehl, en fait.

Arthur ne le connaissait que par des rumeurs et autres retours des professeurs comme de certains élèves. De ce qu'il entendait, la tête blonde apportait parfois son lot d'inquiétude vis-à-vis du bon comportement à adopter, parallèlement à ses notes qui s'avèrent au-dessus des attentes qu'on lui accorde. Il se souvient encore de sa première année à Ilukaan, où il entendait souvent de ceux de la même année que Mihael qu'il s'était « encore » enfui. Visiblement, ça s'était calmé, mais Arthur avait déjà assimilé à l'époque qu'il n'était pas quelqu'un de fréquentable... Et par « pas fréquentable », on entend là bien sûr un autre niveau de ce qu'il appelle souvent « pas fréquentable ».

De Francis, à l'époque, il disait qu'il n'était pas fréquentable.
Keehl, c'était un autre genre. Il avait l'air de toujours chercher la bagarre ou juste d'avoir des soucis qu'il adorait provoquer.
En plus, il s'appelait Keehl... « Kill », en phonétique, ça faisait un peu bizarre, sur le coup.

Et Arthur sait pertinemment qu'il n'y a pas d'assassins dans l'école, alors pourquoi KEEHL le regardait comme tel ? Le Britannique baissa un instant les yeux vers le sol, incertain, avant de les relever. Si ça se trouve, ce n'était pas lui qu'il fixait. Il chercha alors, pour être sûr, ce qui pouvait attirer l'oeil du garçon plus âgé que lui... avant de se tourner à nouveau vers le concerné.

Pas de bol, on dirait vraiment que c'est lui qu'il regarde. Arthur fronça les sourcils : si on commençait à vouloir le raquetter, ça allait encore mal se finir.

- Tu veux ma photo, Keehl ?

Parce qu'Arthur n'était pas forcément poli en toutes circonstances. Il n'aimait simplement pas comment son aîné Lupy le fixait. Même si Arthur préférait ne pas être mêlé à quelconque bagarre du genre, il serait prêt à se défendre, quoi qu'il en coûte. Enfin, du moment que ça n'entre pas dans les excuses à devoir le rappeler à l'ordre à l'école... Niveau comportement, il a presque toujours eu une attitude irréprochable aux yeux de l'administration, alors ça l'arrangerait de ne pas avoir à tout foutre en l'air.

« Ta photo ? Non, je suis pas encore désespéré à ce point. Mais dis-moi, Kirkland... T'as l'intention de jouer seul, à ce jeu à deux joueurs ? »

Arthur se retourna à nouveau vers l'arcade pour rajouter illustration à ces mots. L'écran passait en boucle la même démo, avec un « insert coin » répétitif et clignotant en plein centre. Un jeu de parcours assez classique, pour le monde sorcier. Deux balais, deux écrans. À deux, ils pouvaient faire la course. Arthur n'a pas beaucoup pratiqué le balais volant depuis ses derniers cours de Vol, à l'école. Non pas qu'il était devenu une vraie potiche à cela ensuite, mais il passait plus de temps sur terre que dans les airs.

Et en même temps, Arthur maniait le balais comme n'importe quel sorcier confirmé pour en faire. Il ne jouait pas au Quidditch et s'intéressait un minimum à ce sport, mais voilà : voler, il sait faire. La dernière fois qu'il avait profité d'une promenade comme celle-ci, c'était quoi ? En... quatrième année ? Début de la cinquième ? Il a oublié. Faut dire qu'à partir de là, les BUSEs l'occupaient beaucoup. N'ayant cette fois pas d'examens finaux trop « importants » comparés à l'année précédente, peut-être profitera-t-il d'un week-end pour faire ça ?

Ce serait sympa, tiens.
Mais bon, là, il était question d'une arcade. Pas de vrais balais. Ceux-ci étaient factices.

Il tourna la tête vers Mihael, qui semblait attendre une réponse alors qu'aucun des deux n'avait dit « bonjour » ou « merde » à l'autre. Il aurait peut-être dû partir avant de se faire abordé de la sorte. Quoique... il l'aurait mal prit, si son aîné aurait cru à une fuite. Rien que d'y penser le plongea dans l'idée comme quoi refuser de jouer (car c'est clairement ce qu'il implique, non ?) le ferait passer pour une poule mouillée. Et ça... il en était hors de question.

- Ben... on dirait que j'ai un adversaire, maintenant, non ?

Et il osait lui sourire en coin, avec ce petit rictus arrogant et bourré de confiance en soi. Se frotter à Arthur comme à Mihael semblait donner le même résultat, au final. Car si c'est la compétition que cherche le Russe, il va la trouver.

- À moins que tu ne fais que de te pavaner et qu'en fait, tu préfères trouver encore plus jeune que toi ?

Keehl lui avait à peine sonné les cloches, et pourtant, Arthur répondait encore plus fort.

Arthur n'aimait pas provoquer gratuitement. Il aimait provoquer les types qui le regardaient de haut gratuitement. La réputation de Keehl, son répondant, ses sous-entendus... tout était là pour pousser Arthur à se montrer comme le plus malin, le plus fort, le plus truc.

Et c'est effectivement lorsque le Russe se mit à insinuer encore plus la soi-disante faiblesse d'Arthur que ce dernier décida de vraiment participer au jeu. De toutes façons, il se refusait clairement à tourner les talons, le dos, et le laisser penser qu'il avait peur. C'était qu'un bête jeu-vidéo, après tout, pas de quoi flipper ! Et même si ce n'est pas l'un des passe-temps du Britannique, il peut clairement s'accommoder d'un balai factice pour remporter la victoire !

« Alors, dis-moi Kirkland... Est-ce que tu as peur, ou est-ce que tu te lances ? »

Le Lupy l'imita et se mit à cheval sur le second balai, un sourire moqueur en coin.

- Ferme donc la bouche, le sucre entre tes dents va attirer les mouches.

Et, afin d'être le « maître » dans cette partie, Arthur se hâta de plonger une pièce dans la machine et de sélectionner le premier balai indiqué sur l'écran. De ce fait, il était désormais aux commandes de l'arcade et allait décider, lui, du mode de jeu. C'était puéril et ridicule, comme comportement, mais oh bon sang... ça restait quand même jouissif, un peu, non ?

Arthur prit son temps pour choisir. Déjà de base, il volait rarement sur un balais. Et quand il le faisait, c'était généralement pour se promener, prendre l'air tranquillement, généralement seul. Quand il était un peu nostalgique du temps où il passait ce dernier dehors en Écosse. Ou alors durant ses deux premières années à Ilukaan, où il était encore émerveillée de choses aussi magiques que grandioses. Et la troisième année ! Parlons-en, de la troisième année, et de son entrée en option « Créatures magiques » !

Enfin, l'heure était pour le moment à la guerre.
Il appuya sur le cadre « Course VS ».

- J'espère pour ta dignité que tu es rapide.

Le Britannique laissa la machine choisir aléatoirement le parcours. Puis, Arthur sélectionna soigneusement son balai.Un Nimbus ? Un Turbo ? Un Comète ?
Il choisit le Lancechêne 79, qui devait durer pour une course, même en cas de coups bas de l'adversaire.
Mieux valait être stratégique.

Une fois la course commencée, Arthur ne prêtait plus aucune attention au Mihael qui se trouvait physiquement à côté de lui. Tout ce qui importait, maintenant, c'était ce petit avatar virtuel que les bords de son écran pouvaient avertir en cas d'approche. Et justement : à peine les deux balais lancés que déjà le Stryxist tenta un coup bas odieux. Quel lâcheté ! Heureusement, Arthur n'était pas encore trop dans la course pour se laisser distraire tout de suite ; le goujat aurait pu attendre un peu avant de venir le bousculer !

- Ha ! lança-t-il en s'adressant plus au Mihael de l'écran qu'au vrai. Ben alors ? On a si peur de perdre que déjà on essaye de me rentrer dedans ?

Arthur y ajouta un rire moqueur. Ce Keehl semblait avoir réputation à foncer parfois tête baissée ; peut-être allait-il pouvoir user de ça à son avantage. Si en fait l'aîné n'était pas si fort à la course et que tout résultait en ses coups bas dès le début de la partie, alors il suffisait à Arthur d'être prudent pour gagner les doigts dans le nez.

L'Écossais pensa en plus que c'était une bonne idée, de rajouter une pique par-dessus :

- Je sais bien que ce sont les Lupy, les plus vifs, mais tu pourrais au moins faire un effort.

Se moquer gratuitement d'un Russe et se lustrer l'ego en faisant d'une pierre deux coups, ça, c'est fait. C'était aussi indirectement se moquer de la maison d'un de ses frères, mais bon, il n'avait rien à voir là-dedans, hein.

Arthur prit donc de la vitesse, dépassant son adversaire. Le balai de l'arcade se pencha légèrement vers l'avant pour le prouver. Arthur craignait quelque peu de devoir déjà connaître une certaine maîtrise de la vitesse sur un véritable balais, pour faire ça. Mais sur un jeu-vidéo, la technique était beaucoup plus aisée à prendre en mains.

Alors qu'il s'engouffrait dans une partie de la forêt plutôt dense, le Britannique lorgna sur une icône qui indiquait sa possibilité à jouer un tour à l'ennemi. Les mains sur le manche factice, Arthur appuya alors sur un bouton. Apparu alors une baguette sur son écran, et un viseur que le Lupy dût maîtriser très vite afin de regarder à nouveau uniquement la « route » ; histoire de ne pas se prendre un arbre quand il cherche à le faire pour Keehl.

En effet, il envoya un sortilège sur un des nombreux arbres qui était sur le chemin, et celui-ci s'écroula comme un immense bâton raide devant l'autre blond.

Dé du destin:

Souvent, quand Arthur prend la confiance, ça lui est fatal. En attendant, ça lui procure un bien fou. Ce n'est pas plus mal, ainsi peut-être qu'il prendra mieux la perte de vitesse soudaine ?

« Je te préviens, mon petit ! Cette course, c'est moi qui vais la gagner ! »

Ne voulant pas se laissé démonter par une telle insulte que celle d'être « petit », il perdit un peu de sa concentration et ne remarqua pas les signaux d'avertissement qui indiquaient l'approche de boules de feu factices. Une vibration sur le balai lui fit comprendre que l'arrière était justement touché, et ainsi il se retrouva avec un handicap temporaire qui le fit ralentir.
Serrant les dents, Arthur observa avec rage son adversaire diminuer la distance qui les séparait. On aura tendance à dire qu'il n'est jamais bon de provoquer son adversaire, mais où serait passé le fun du challenge, dans ce cas ?

Lorsque le Britannique put reprendre de la cadence, Mihael et lui se retrouvèrent à nouveau au même niveau. Dire qu'il était fier de l'avance qu'il avait prit sur lui ! Il se prend pour qui... Les mots étaient à la limite de franchir ses lèvres. Mais puisque Keehl avait eu l'audace de ne même pas réagir tout à l'heure, il valait peut-être mieux préserver encore sa dignité et devenir plus sérieux encore.

Mais certainement pas au point d'être sage, trop sage... Il fallait être joueur sans pour autant donner l'impression d'avoir peur pour soi. Prendre des risques qui pimenteraient le jeu et lui feraient gagner des points dans la foulée. Arthur décolla alors ses yeux un bref instant de l'écran pour mesurer au hasard la distance entre les deux balais.
On pouvait se pencher à gauche comme à droite, mais les faux balais étaient trop éloignés l'un de l'autre pour permettre aux joueurs de se cogner les coudes. Peut-être que...
Arthur tenta une descente en piquée directement vers son adversaire.
Son avatar bouscula l'autre. Ça marche.

Sans scrupules, Arthur continua, veillant à maintenir son équilibre dans le jeu... comme sur l'arcade.

Dé du destin: