À Boston, les hivers sont souvent accompagnés de neige et d’un vent océanique qui glace jusqu’à l’os, et les étés apportent une chaleur étouffante qui pèse comme une chape de plomb sur les épaules. C’est dans cette ville côtière du Massachusetts aux Etats-Unis que Berwald est né et a grandi : fils de deux immigrés suédois de première génération, il n’a cependant jamais mis un pied sur la terre natale de ses ancêtres, et n’a connu pour ainsi dire que la banlieue de grande ville américaine. Pendant plusieurs années, il a vécu comme n’importe quel autre enfant non-maj, fréquentant l’école de quartier et se réjouissant des passe-temps classiques (jeux vidéos et sports).

Lorsqu’il eut sept ans, en revanche, la petite vie parfaite de la famille Oxenstierna prit une tournure inattendue - et fort malheureuse. Non, il était peut-être malavisé de dire “inattendu”. Cela faisait déjà quelque temps que Mme Oxenstierna n’était plus elle-même. Bipolar Personality Disorder, avaient dit les médecins. Le diagnostic était sans appel : l’affection était trop profonde, trop ancré dans son esprit malade pour qu’elle puisse espérer vivre une vie normale. Ce fut cependant quelques temps après son septième anniversaire que la mère de Berwald fut internée pour une durée indéterminée à l’hôpital psychiatrique le plus proche, après avoir tenté de tuer son mari dans un délire paranoïaque impliquant le gouvernement et d’autres organisations du même acabit. Pourtant, Berwald garde un souvenir très flou de cet événement. Caché dans la baignoire, recroquevillé en position foetale en attendant que la tempête passe, il avait fallu que les policiers viennent le déloger pour qu’il daigne bouger de là.

Un enfant ne peut pas comprendre qu’on puisse lui retirer sa mère. Pour lui, elle n’était pas dangereuse. Différente, imprévisible, mais dangereuse ? Jamais avec lui. Elle le prenait toujours dans ses bras, lui chantait des berceuses, lui préparait à manger et venait le border chaque soir. Et pourtant, elle n’était plus elle-même, ce soir où elle a brandit le couteau. Malgré les semaines de thérapie, Berwald n’a jamais vraiment retrouvé sa candeur d’antan. Il est devenu adulte, ce jour-là. Bien plus tôt que ses autres camarades de classe. C’est certainement ce traumatisme qui explique son caractère plutôt taciturne, au risque de faire un euphémisme.

Il ne peut cependant pas dire qu’il ait eu une mauvaise vie. Son père, propriétaire d’une épicerie scandinave en ville, faisait tout pour lui offrir une enfance la plus heureuse possible, et Berwald ne peut que lui en être reconnaissant. Lorsqu’il eut neuf ans, sa magie se manifesta pour la première fois de façon plutôt discrète : il avait acheté de nouvelles plantes pour le rebord de sa fenêtre (ayant toujours eu une certaine attirance pour la botanique et ses usages divers), mais celles-ci semblaient presque immortelles. Même si elles commençaient à piquer du nez, il suffisait que le jeune garçon rentre de cours et viennent les observer pour qu’elles se redressent, presque à vue d’oeil. Bien sûr, cela n’attirait pas tellement la curiosité : ce ne fut que lorsque l’incident survint à l’école que M. Oxenstierna et son fils se mirent à soupçonner que peut-être, ce dernier n’était pas tout à fait un enfant comme les autres.

C’était un jour comme les autres à l’école de quartier St Dymphna, pendant la récréation : Berwald s’était interposé dans une dispute entre deux élèves, l’un tyrannisant l’autre, et avait, selon le témoignage de plusieurs autres enfants, brisé le bras de la brute sans le toucher. Il lui avait suffi d’un regard et d’un geste de la main. Forcément, l’explication n’était pas très bien passée auprès de l’administration, et il avait reçu une semaine de suspension. Même son père était plutôt sceptique - enfin, jusqu’à ce qu’ils reçoivent la visite des agents du MACUSA. À partir de là, tout se mettait plus ou moins en place. Même si ç’avait été un choc pour la famille Oxenstierna, cela soulageait au moins la conscience de son paternel de savoir que son fils n’avait pas d’accès de violence dangereux… Étant donné son ascendance.

C’était le discours inclusif d’Ilukaan qui les avaient poussés à choisir l’école. Bien que tout nouveaux dans la communauté magique, il leur avait fallu peu de temps avant de réaliser que les nés-non-majs n’étaient pas forcément bien considérés par tout le monde. L’école était loin, mais semblait accueillante et Berwald était excité à l’idée d’enfin trouver sa place. C’est au sein de la maison Ursirre qu’il fait aujourd’hui ses études, entouré de quelques amis proches et surtout d’un certain Danois dont il a, il ne sait comment, réussi à s’enticher. Motivé par l’ambition de devenir apothicaire, il souhaite entrer dans le cursus de médicomagie (malgré sa phobie des hôpitaux qu’il compte bien surmonter) avec une option botanique.

(c) Ilukaan