Kanao ne saurait dire avec précision depuis quand elle traînait au gymnase. En ces lieux, elle tendait effectivement à ne plus saisir l’écoulement du temps. Et aujourd’hui, elle avait choisi de s’exercer sur la réalisation informulée de son patronus. Audacieuse entreprise, n’est-ce pas ? Mais encore faudrait-il que cela soit possible et réalisable. La demoiselle à l’allure florale, du fait de ses multiples troubles, avait témoigné une facilité dans l’apprentissage des sortilèges informulés. Toutefois, ce projet demeurait encore difficilement abordables pour ce fameux sort de protection qui lui dévoilait un papillon aux airs tout aussi fleuris qu’elle, et elle comprenait qu’elle avait encore bien des efforts à faire pour y parvenir. 

La jeune Tsuyuri ne savait même pas si c’était possible, mais après tout, elle ne perdait rien à essayer.

Je gagnerais en rapidité … je dois réussir. 

Elle manifestait une aisance et une agilité admirable par le biais de sa gestuelle : les pieds fermement plantés dans le sol, les mains répondant à une précision sans faille, elle ne s’autorisait plus le moindre écart. Et dans une énième manœuvre habile, Kanao finit par croiser ce regard qui semblait s’être posé sur elle depuis quelques minutes. Peut-être avait-elle fait mine de ne pas y prêter attention plus tôt - le fait était que la Cervirald avait bien senti qu’on l’observait depuis un petit moment. Finalement, elle décida de s’interrompre, pour mieux apercevoir cette personne dont elle avait attiré l’attention.   

Une impression de déjà-vu la saisit, lui donna une sensation de flottement une brève seconde.

Elle discernait toujours sa présence, furtive et délicate, qui lui rappelait celle d’un flocon perpétuellement accroché à un paysage enneigé. Qui s’en détachait quelques fois et qui lui échappait aussitôt avait-elle tenté d’en saisir les contours. 

« …………… ? »

Elle ne connaissait même pas son prénom … 

Ses iris se verrouillèrent avec les siennes, calmes et apparemment imperturbables, mais qui laissèrent transparaitre une agitation qui lui était inhabituelle.

« …………… »

Elle ne savait absolument pas quoi dire ! Antarès n’avait pas des airs de mauvaise personne. À dire vrai, elle ne ressentait pas le moindre malaise en sa présence, même avec ce regard impénétrable qui paraissait la sonder jusque son âme. Elle aimerait se saisir de sa pièce, pour peut-être savoir si elle pourrait lui poser la question elle-même mais … elle demeura ainsi, à fixer Antarès sans laisser le moindre mot s’échapper de ses lèvres. Plus l’ombre d’un sourire ne guettait ses lèvres, ni même cette risette perpétuelle qu’elle affichait comme un masque. 

Non, juste de la confusion et une curiosité grandissante.