La journée avait pourtant bien commencé. Il s'était réveillé dans les bras de Luciano, s'était levé de bonne humeur, et avait eu des cours intéressants. Il faisait beau, il avait plaisanté et ri avec ses amis... Et voilà. Il avait croisé Oliver. Même si son petit ami lui avait fait la leçon, et même s'ils s'étaient accordés sur une potentielle sortie pour faire les magasins, il ne pouvait pas le supporter, c'était viscéral. La simple vue de son visage suffisait à lui gâcher au moins les dix minutes suivantes. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il ne pouvait même pas vraiment l'éviter ; ils n'étaient certes pas dans la même maison (et encore heureux), mais étant de la même année, ils avaient des cours en commun. Et il aurait été difficile de sécher tous les cours où il était susceptible de le voir, évidemment.

Au moins, ce n'était pas comme s'il le voyait vraiment en dehors de ces heures-là. Puis du moment qu'il restait suffisamment éloigné de lui, ça allait. Il soupirait peut-être un peu exagérément quand Luciano allait le voir, mais rien de vraiment grave en soi. Ce n'était pas comme s'il allait le frapper – et ce n'était pourtant pas l'envie qui lui manquait. Mais se faire punir par un professeur parce qu'il avait répondu à l'une de ses pulsions stupides le tentait moyen. Il n'était pas encore une bête sauvage et débile.

Ou du moins, ç'avait été la situation jusque-là ; ils évoluaient dans une sorte de statu quo qui avait fini par devenir une habitude. Mais Oliver avait décidé de poster un montage débile. En réalité, il s'était retrouvé sur le compte Pentagram d'Oliver en voyant des commentaires sur celui de Milo. Et ce montage... c'était la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Alfred l'avait mal pris – il se sentait moqué, et il détestait cette sensation. Comme il savait que Luciano appréciait Oliver, il avait décidé d'attendre l'occasion de pouvoir le prendre à part pour « discuter » avec lui. Aussi, lorsque Luciano décida d'aller fumer après un cours, il sauta sur l'occasion. Il avait attendu un peu plus loin dans le couloir que le Strixyst sorte à son tour, les bras croisés.

Leurs regards se croisèrent et Alfred le vit faire demi-tour. Il n'allait pas le laisser s'échapper si facilement. Il resta à une distance plus ou moins raisonnable, jusqu'à ce qu'il puisse le coincer. Il attrapa son bras, sans douceur mais sans trop de rudesse non plus, juste pour qu'il s'arrête. Oliver avait au moins pour lui une apparence fragile – cela empêchait Alfred de se montrer trop brut avec lui. Il se contenta de le regarder de haut en bas un instant. Son visage était vraiment froid et fermé – ce n'était pas une expression qu'Alfred arborait habituellement.

- Ça t'amuse, de faire des montages stupides ?

En fait, tout un tas de remarques lui venaient en tête. Est-ce qu'il ne pouvait pas passer son temps à faire autre chose qu'embêter Milo ou que de l'embêter lui ? Pourquoi il ne s'occupait pas de sa stupide musaraigne au lieu de faire chier les autres ?

- Pourquoi tu fais ça ? T'as rien de plus constructif à faire ?

Son visage s'était assombri, et il avait les sourcils froncés. Il soupira. Ne pas le frapper, répétait une voix dans sa tête. Une voix qu'il tentait d'écouter, pour une fois.