Dix-neuf heures. Les vitres du vieux bâtiment donnaient sur des élèves qui revenaient des cours. La brune y jetait parfois un coup d'œil, se disant que ces quelques théoriciens, bien souvent plus âgés qu’elle, n'avaient aucune idée de la chance qu’ils avaient de vivre dans ce campus. L’astre du jour ne se reflétait plus depuis un moment sur le sol recouvert d’une épaisse couche blanche qui savait le faire d’habitude avant tant d’élégance. Il faisait sombre. Peut-être un peu trop pour l’heure. Cependant, elle était loin de s’en soucier. C’était presque une habitude pour elle, maintenant. Après tout, le Canada était loin d’être quelque chose d’inconnu pour lui, bien que, le changement de province pouvait parfois lui donner un mal du pays qui pourrait se rapprocher du sentiment que certains de ses camarades de dortoirs peuvent ressentir.

Un soupir. Simple. Celui de quelqu’un qui n’avait plus rien à faire de sa journée.

Elle vit alors un des élèves de la maison aux couleurs écarlate. Une aubaine peut-être. Un cadeau du ciel, venu lui apporter le miracle d’une distraction non négligeable. Il n’était pas surprenant qu’un lourdaud - elle était du genre à stigmatiser, de la maison des canidés ne sache pas qu’il y avait un autre moyen, bien plus simple de trouver un livre. Elle se demandait combien de temps allait-il prendre pour trouver son livre. S’il savait que la section pour sa recherche, sûrement des sports qu’elle qualifiait de stupide, était bien loin de ce rayon.

Cependant, à sa grande surprise, ce n’était pas un mais, plusieurs bouquins qui finirent dans ses mains. Ah, sûrement un trouble-fête. Quelqu’un qui est venu pour s’amuser à colorier dans les bouquins ou pire encore, pour les ranger dans des rayons qui n’étaient pas les leurs. Elle ne pouvait pas laisser faire ça, encore plus qu’elle reconnaissait certains de ses bouquins préférés. Ceux qui parlaient de la misère du monde. Ceux qui parlaient de problèmes que, même à son âge, elle voulait régler. C’est ainsi qu’elle était éduquée.

Elle hésita un moment. Qu’allait-elle pouvoir dire pour l’empêcher de faire ce genre de malheurs ? Elle ne savait pas vraiment. Elle ne savait pas du tout. Cependant, quelque chose en elle, l’adrénaline, était bien trop présente pour qu’elle laisse ce genre de comportement passer. De la table où elle était installée, elle finit par rejoindre le fameux coin dans lequel ce dernier s’était étalé. Sûrement une base, un repère, où il s’était mis à l’abri des jugements pour s’amuser à faire des avions en papier avec les pages des livres.

Une fois face à lui, ce fut la surprise. Il savait lire. Encore plus surprenant, il n’était pas en train de baver partout sur la couverture. Peut-être que son observation des Lupy n’étaient pas forcément une généralité qu’elle devrait continuer d’intégrer à son quotidien. Surprise et presque désolée d’avoir pu penser à ce genre de choses, elle ne savait pas spécialement quoi faire pour le moment. Elle ne pouvait cependant pas reculer, car de toute façon, elle était clairement visible. Elle fit un signe, assez simple, avant de s’avancer vers le blond en l’interpellant.

“Bonsoir. Tu lis quoi ?”

Ah. Elle doit l’admettre, elle était loin de s’attendre à ce genre de comportements de la part de l'élève originaire de la maison Lupy. Elle regrettait un peu ses pensées précédentes. Bien entendu, loin de là l’envie de s’excuser - ou plus généralement de montrer n’importe quel signe qui pourrait signifier de la faiblesse. Après tout, personne ne l’avait entendu. Du moins, elle espérait ne pas avoir susurré ses mots à voix haute dans un moment où elle phasait. Il ne semblerait pas. Du moins, elle espérait. Une raison plus légitime de s’excuser était d’avoir dérangé le jeune élève bien trop paniqué à l’histoire de devoir discuter.

- Non, non. Je suis simplement curieuse. Tu as beaucoup de bouquins, je dois admettre.

Elle prit son temps pour se recoiffer un moment. Passant ses mèches derrière ses épaules, elle prit son temps avant de reprendre. Du moins, c’est ce qu’elle comptait faire mais la probabilité assez élevée que son interlocuteur fasse une syncope et qu’elle doive s’expliquer avec les membres du corps enseignant lui fit reconsidérer la chose. Elle devait s’y prendre avec des pincettes, ou plutôt, elle devait se montrer rassurante et sociable. Quelque chose qu’elle n’avait pas l’habitude de faire, pour être honnête. Elle déglutit avant d’essayer de lui sourire. En mettant l’emphase sur le terme “essayer”, parce que n’importe qui qui s’y connaissait un peu pourrait voir qu’elle a des difficultés à le faire.

- Ce n’est rien. Je m’appelle Sydney, et toi, c’est quoi ton nom ?

C’était ce qu’elle pouvait produire de mieux, du moins, pour le moment. Elle doit admettre que, bien que son attitude ne le montrait pas, elle était loin d’être la plus à l’aise. Elle espérait ainsi que ce genre de commentaires un peu rassurants puisse éveiller une confiance, une meilleure ambiance entre les deux. Les hésitations et autres peurs du blond pouvaient s’entendre dans sa voix et jouaient dans l’esprit de Sydney une symphonie de mauvaises notes et elle espérait briser la glace en marquant le requiem de ses inquiétudes. Une mort qu’elle espérait ne pas se faire en différents actes, à vrai dire. Son sourire, avec le temps, devint un peu plus naturel. Presque amical, même. Comme pour se rassurer, un moyen littéral et mental de prendre appui, elle passa sa main sur sa hanche.

- Le sujet m’intéresse pas mal, mais… Je ne sais pas si je te dérange, actuellement ? Si c’est le cas, dis-le moi, ce n’est rien.

Clairement, elle remarque assez aisément les difficultés de son interlocuteur à se détendre. Elle doit l’admettre, elle est loin de pouvoir se dire “détendue” de son côté aussi. Cependant, elle, de son côté, ne le montre pas. Simplement parce qu’elle est ainsi. Du moins, elle a appris à être ainsi. Une personne qui ne montre pas ses faiblesses. Du moins, c’est ce qu’elle pensait. La manie qui venait avec ce genre de personnalité se traduisait par le triturage d’une de ses mèches qu’elle faisait avec sa main gauche, sans réellement le réaliser. Un détail qu’on ne lui avait pas encore fait remarquer, bien que certains de ses proches savaient ce détail sur elle.

- Owen Knight. Je retiens. C’est d’origine britannique, c’est cela ? Je crois reconnaître un accent, mais je n'en suis pas certaine.

Ah. Une certaine amélioration. Du moins, à la surface. La pression chutant donc, la glace désormais brisée, elle pouvait se permettre de relâcher un peu ses épaules, du moins, figurativement. Alors vient le moment de s'asseoir à son niveau. Elle déglutit, légèrement, peut-être pas encore préparée à s’installer sur le sol non plus. Elle se rassure, se disant que, de toute manière, rien ne peut être plus propre qu’un sol nettoyé grâce à la magie et que de toute façon, un sort pourrait régler la totalité de ses problèmes.

- Tu lisais sur quel sujet en particulier, du coup ?

Elle prit enfin son courage à deux mains et finit par s’installer, de manière un minimum confortable, sur ses genoux. Ah, elle n’était pas à l’aise à cette idée, mais elle devait l’admettre, elle avait besoin de se faire un peu plus de connaissances et surtout d’amis, car ce n’était la chose la plus aisée pour elle.