"Choix compliqué. »

Les cours terminés pour la journée, Karamatsu s’autorisait cette fois-ci à sécher les clubs avec beaucoup de remords ; il craignait que les présidents soient mécontents mais c’était la première fois qu’il se permettait une absence. Pour une fois, cela n’était pas due à ses frères qu’il avait à surveiller de temps en temps mais tout simplement parce qu’il se devait de se promener en ville. Il travaillait trop ces derniers mois et en était conscient ; il avait même réussi à pleurer dans les bras de son cadet, lui qui avait pourtant tendance à tout garder pour lui, à sourire, quitte à jouer le personnage insupportable qu’il aimait présenter pour cacher sa timidité. Se reposer, c’était ce qu’on lui avait dernièrement conseiller, lui qui enchaînait les clubs, à veiller sur ses frères, le travail, les entraînements personnels, tout ça dans le seul et unique but de réussir à devenir un jour le comédien. Il allait devoir peut-être un peu se relâcher, cela non sans difficulté, lui qui s’était habitué depuis un bon moment à respecter du mieux qu’il pouvait un rythme compliqué.

Se changeant pour rejoindre ensuite la ville, le sorcier envoya un message à ses cadets pour les prévenir que si jamais ils avaient besoin de son aide, il se trouverait en ville ; avec un peu de chance, l’un d’eux viendrait le rejoindre et ils passeraient un petit moment ensemble. Hélas, il savait que cela n’était qu’une rêverie, que jamais l’un d’eux bougerait pour lui hormis peut-être Jyushimatsu qui l’avait vu pleurer. Est-ce qu’il avait prévenu les autres de ce qui était arrivé ? Il espérait que non puisque l’image du fort et charismatique Karamatsu était important aux yeux de ce dernier qui avait supplié le jaune de garder le secret. Gardant ses lunettes de soleil et pour une fois ne se promenant pas avec sa guitare, il arpenta les rues, s’arrêtant devant quelques vitrines, déjà à la réflexion d’un cadeau de noël pour ses proches. Il ignorait ce qui pourrait bien plaire à ses rares amis même s’il savait que c’était le geste qui comptait. Peut-être devrait-il acheter un petit truc pour Eli aussi, vu qu’il l’aidait ? Et à Mason ? Non, peut-être qu’il devait agacer de pauvre enfant qui, pendant une année entière, a eu le droit à un camarade de chambrée qui venait le border tous les soirs. Finalement, peut-être qu’il était mieux avec Eli comme colocataire ? Enfin, à voir s’il ferait comme Bill l’année suivante, à le repousser…

Cette pensée lui fit grincer les dents tant ça lui avait fait mal avant de finalement rejoindre l’animalerie ; au départ il hésita, se demandant si l’achat d’une chouette ou d’un hibou ne venait pas plus à du caprice qu’autre chose, mais cela faisait déjà des semaines qu’il avait réfléchi et maintenant qu’il avait embêté le pauvre Eli avec toutes ses interrogations et avoir affirmé à ses frères qu’il allait avoir un nouveau membre dans la famille, il ne pouvait pas faire marche arrière, d’autant plus qu’il savait qu’il avait besoin d’une compagnie. Puis la nuit, il était souvent sur les toits à composer, donc il pouvait très bien s’occuper d’un rapace lorsque tout le monde était enfin endormi. Le japonais entra dans la boutique, quelque peu surpris par l’odeur de sciures de bois qui tapissaient les cages et celle du sable au fond des volières. Ce n’était pas quelque chose de désagréable mais lui qui n’avait pas pour habitude d’entrer dans une animalerie -si ne fut qu’il y a été une fois pour acheter un collier pour chien à Jyushimatsu, ce dernier ayant des délires de fanfurry- se renfrogna un peu avant de saluer poliment le vendeur. Il défit un peu sa veste et son écharpe pour ne pas avoir trop chaud avant de commencer à faire son tour ; il y avait en effet plusieurs animaux et pour tous les goûts, mais il savait néanmoins ce qu’il devait aller chercher bien qu’il prit son temps. Il avait un peu de la peine pour ces créatures, se demandant si finalement elles aimaient vraiment leurs maitres ou si au contraire elles étaient victimes du syndrome de Stockholm… voire même souhaitaient la mort de leurs propriétaires. S’il avait pu, sans nul doute aurait-il acheté tout le magasin pour rendre la liberté à ces pauvres créatures, se mettant à leur place : lui-même n’aimerait pas être sous l’emprise de quelqu’un, niant qu’il était aussi parfois l’esclave de ses frères. Finalement peut-être que c’était une bonne chose qu’il souhaitasse un animal de compagnie ; au moins cela éviterait à ce dernier de tomber sur un sorcier qui le laisserait enfermé H24 dans une cage et qui ne répondrait jamais au moindre de ses besoins si ce n’était que l’eau, la nourriture et basta.

Quelques chouettes et hiboux étaient proposés à la vente et le jeune homme ne put s’empêcher de leur sourire et proposer avec un peu de crainte son doigt comme si les volatiles allaient le renifler à l’instar d’un chien. Quelle petite créature prendre ? Il ignorait comment faire son choix, il avait oublié de poser la question à Eli ! Peut-être devrait-il songer une prochaine fois à échanger son numéro avec son camarade pour l’appeler en cas de doute. Bon, peut-être que c’était comme une guitare, que c’était au feeling, qu’il sentait être plus proche de telle créature qu’une autre. Oui, certains devaient penser à prendre le plus bel individu, mais pour Karamatsu il avait surtout envie d’être proche de son futur compagnon… Voyant une chevêche des terriers qui le fixait comme s’il allait aspirer son âme, le jeune homme s’en approcha, avec un fin sourire.

« Hey coucou toi. »

Il est toujours marrant de voir comme n’importe quel individu ne parle jamais correctement à un animal, et c’était ce qui arrivait à Karamatsu. Après il avait toujours été certain qu’il serait un poil gagatisant avec son futur animal de compagnie. Ah, est-ce qu’il devait la prendre ou non ? Il bougea sa main devant la cage avec un fin sourire enfantin.