L’italien avait presque oublié son rendez-vous avec l’espagnol. Faut dire qu’un message reçu vers 23h auquel il avait répondu –presque immédiatement- par pure flemme de se faire harceler si jamais il décidait d’ignorer l’ursirre, ça s’oubliait bien vite. D’autant plus que Lovino avait passé une de ses meilleurs après-midi de juillet. C’était le début du mois mais merde ! C’était quand même le meilleur pour le moment.

Le brun l’avait passé au coté de Charlotte. Ce n’était pas pour se rattraper des évènements du bal. Il avait le droit de danser avec qui bon lui semble et si Charlotte avait le droit de faire passer Gil avant tout alors Lovi avait le droit de faire passer Raiponce avant sa copine. D’autant plus que la belge était partie se coucher. Non, Lovino avait décidé de passer une après-midi avec sa petite amie par pur envie. A faire les boutiques avant les vacances, histoire de lui offrir quelques robes. Et des fleurs. Et aussi une place de théâtre même si ça, c’était plus pour son propre plaisir.

Le théâtre… c’était sans doute cette partie de la journée qui lui avait le plus plu et qui avait aussi, par ailleurs, causé son retard. Pourtant, le brun avait toujours eu tendance à être en avance. Pour le simple plaisir de pouvoir se plaindre du retard des autres. Tant pis pour ce soir. Antonio se prendrait un italien de bonne humeur et sans aucune raison de se foutre en rogne contre quoi que ce soit, si ce n’est le fait de n’avoir rien sur quoi se défouler. A n’en pas douter, l’ursirre ferait quelque chose de travers dans la soirée de toute façon.

Le lupy avait fait un détour par un caviste de Bloombury pour être sûr d’avoir quelque chose de potable et pas une merde vendue en grande surface.

La plage était en vu. Sans vraiment faire attention à ses gestes, l’italien vérifie les plies de sa chemise cintrée. Rien ne dépasse de son pantalon à pince. Oui, sa tenue est trop classe pour une sortie à la plage mais après tout, il revient d’une date. Lovino prend le temps d’enlever ses chaussures avant de poser les pieds sur le sable. Hors de question de ruiner leurs cirages. En apercevant Antonio, il crie de l’autre bout de la plage

« T’as intérêt à avoir de la bouffe ! J’ai pas encore mangé, putain ! » C’est faux, il s’est tapé un restaurant juste avant la pièce mais Lovino peu manger autant qu’il le souhaite et à toutes heures.

L’italien accord 5 sec de câlin à Antonio avant de le repousser d’une main. « Qui t’a autorisé à me toucher ? Vire tes sales mains » Les mains qui, en l’occurrence, étaient allé cueillir les tomates spécialement pour lui, en portent encore la trace si ce n’est l’odeur. Les pieds de pomodoro laissent toujours ce petit dépôt sur la peau dont il est difficile de se débarrasser. Lovino s’efforça de concentrer son attention sur autre chose. C’est un senteur certes agréable mais un peu trop agréable…

« T’as juste amené des tomates ? » L’italien lève un sourcil. Il se demande si Antonio se fout de sa gueule comme à chaque fois que l’ursirre est en charge du pique-nique. Il ne faut pas se méprendre. Lovino est ravi du choix de son ami mais il sait aussi qu’un panier de ces fruits rouges ne constitue pas un repas. « T’as bouffé autre chose au moins avant de venir ?! Crétin » Même si le brun envoie sa phrase comme un pique, en réalité, il s’inquiète un peu. Le vin n’a jamais fait bon ménage avec un ventre vide et merde ! Il est totalement en capacité de préparer, en un rien de temps, un truc plus que potable à bouffer.

Le lupy dépose la bouteille et jette un coup d’œil aux verres. « Au moins, t’as les verres. Je vais compter ça comme un bon point. Maintenant dégage de ma vue, tu caches le soleil, et viens t’assoir, putain »

La vision qui se reflète dans les yeux olives est bien différente de ce qu’il laisse entendre. Le couché du soleil passe à travers le tissu de la chemise ample de l’espagnole, révélant les contours de son corps. Pff, y avait pas idée d’être aussi bien foutu … Ce stupide bâtard a surement choisi avec soin sa tenue. Lovino le sait. Antonio prend ce soin à chaque soirée passé exclusivement à deux. C’est pas pour lui déplaire mais c’est pas comme s’il allait souligner les efforts de l’espagnol pour l’encourager à continuer dans le bon sens.

Légumes et alcool ne faisait pas bon ménage. Comment étaient-ils sensés tenir la soirée avec juste une bouteille et un panier de tomates ? L’un allait forcément prendre le pas sur l’autre et à n’en pas douter, ça serait le vin.

Lovino avait gardé son regard braqué sur l’eau. La silhouette de l’espagnol s’étant déplacé, se retrouvait maintenant face à lui une boule orangé, glissant doucement derrière l’étendu noir et lisse de la mer. Lorsque l’astre atteindrait la ligne d’horizon, les remous des vagues se teindraient de rouge et d’or pendant quelque second. Aussi attirant qu’était l’espagnol à ses côtés, le lupy ne voulait pas louper cet instant.

Il lui restait encore quelques minutes.

Le brun s’empara de la bouteille et entreprit de l’ouvrir d’un tour de main expert, sans l’aide de la magie. Qui sait ce que les influences que cette dernières pourrait avoir sur le goût du breuvage, bordel de merde?! Hors de question de gâcher un aussi bon cru !

Lovino remplit les verres.

« Aux vacances et à ma putain de campagne ! » Même si le brun ne s’était engagé sur la voie de la présidentielle que dans le but de rentrer en concurrence avec Karkat et le pousser à se dépasser, il avait fini par vraiment s’impliquer dans l’affaire. Une partie de lui savait qu’il serait difficile d’obtenir ne serait-ce qu’un quart des votes de l’école -d’autant plus que l’italien n’était pas connu pour son altruisme- mais merde ! On ne pouvait pas laisser le cervirald obtenir un post aussi prestigieux sans avoir démontré qu’il le méritait.

Le brun gardait prudemment son regard au loin. Il n’avait pas voulu porter un toast à ce moment, à leur soirée passée à deux. Le genre de soirée qu’ils n’avaient plus eux l’occasion de partager depuis quelques mois. Ca lui avait manqué ? Evidemment. En avait-il parlé à son ami ? Bien sûr que non ! Et puis quoi encore ?! Lui montrer qu’il pouvait avoir une quelconque importance dans sa vie ?!

La prise du jeune homme se resserra autour du pied du verre. Quelque chose, en cet instant, était bien plus agréable qu’il n’aurait dû l’être.

L’italien porta à son tour son verre à ses lèvres. Appréciant la souplesse du breuvage. Il ne répondit pas immédiatement à son compagnon de soirée. Il ne répondait presque jamais immédiatement à Antonio, si ce n’était par une petite moue du visage.

Cette fois ci, ses traits restèrent parfaitement détendus, toujours tournés vers l’horizon déclinant. Il réfléchissait. A sa réponse. A ce qu’il avait envie de révéler. A ce qu’il préférait garder pour lui. Pour éviter les complications dans sa vie encore et toujours si mouvementée. Merde, est-ce que tous les adolescents passaient par ce genre de phase. Ces moments où tout paraissait emmêlé au point qu’il semblait qu’on ne puisse plus jamais s’en soustraire.

« Qui aurait hâte de voyager dans un stupide train ? Enfermé avec toute l’école pendant 3 jours chaque semaine, sans pouvoir y échapper ? Seules les destinations m’intéressent. » La vérité pure et dure. Au final, Lovino n’avait pas besoin de prendre des pincettes avec Antonio. Il savait qu’il accepterait sa vision des choses quelle qu’elle soit. C’était vraiment idiot de se prendre là tête lorsque l’on conversait avec un simple d’esprit. L’italien ricana légèrement à cette pensée. Non, Antonio était plus que ça. Il aimait juste le rabaisser pour observer cette réaction si spéciale à mi chemin entre la peine et la joie. Comme si le brun était fier de recevoir l’attention de l’italien mais triste que ce dernier soit si rude envers sa personne.

Le lupy posa son verre à côté des tomates et se saisi d’un des fruits, le tournant entre ses doigts. «J’ai … jamais voyagé seul » Bien sûr, il y avait eu l’été dernier. Mais la Sicile était aux portes de chez lui, peu éloigné de ses figures parentales. « C’est mon premier été, libre. » De toutes contraintes, d’autant plus qu’il pourrait faire usage de la magie quand bon lui semblerait, putain !

Lovino se tourna vers Antonio, la tête penchée sur le côté, se demandant s’il avait saisi tout ce que cette simple phrase impliquée. Le soleil choisi ce moment pour éclairer l’espagnol et l’océan de ses derniers éclats rougeoyants. La peau brune se transforma en or pendant ce qui sembla une seconde, figée dans le temps.

Stupide espagnol ! On devrait lui fournir un putain de pare-soleil ! Bien sûr que non, il n’était pas beau ! C’était juste … c’était juste le soleil OK !

Le lupy aurait pu parier que l’île tortue serait la seule destination dont Antonio se souviendrait. La lubie de l’ainé ne lui était pas inconnue. Parmi tout ce qui leur serait donné de voir, c’était pourtant de loin, le seul lieu digne d’intérêt. Lovino avait particulièrement hâte de voir Excalibur pour la première fois -sans doute parce qu’observer une belle bande d’abruti tenter de retirer l’épée de son rocher serait un spectacle amusant-  et de visiter les Jardins Suspendus de Babylone.

« C’est pas parce qu’on sera débarqué que ça m’autorisera à me relâcher putain ! Je porte les attentes de mes co-listers, je pourrais pas juste m’assoir et me tourner les pouces. Au contraire, ça sera le moment de discuter avec d’autres élèves, de se révéler à eux  ou une merde du genre.» Ou de jouer parfaitement la comédie en se faisant passer pour le parfait futur président bien qu’il n’en pense pas un mot. L’italien n’en était pas à son coup d’essai. C’était épuisant comme pratique mais bien utile. L’italien ne la maitrisait cependant pas à la perfection. Difficile de cacher son dédain lorsqu’on se trouvait face à des débiles profonds.

Cette histoire de conseil prenait trop d’importance. Lovino savait qu’il se mettait bien plus de pression que ce qu’exigeait la campagne. Il n’avait pas encore mis le doigt sur le pourquoi mais il se rendrait assez vite compte que l’air suffisant d’Arthur et l’arrogance de Luciano lui tapait sur les nerfs. Très bien putain ! De base, il ne s’était pas engagé sur cette voie pour gagner mais merde ! Il allait juste leur mettre la misère ! S’approcher le plus près de la victoire qu’il pouvait puis leur balancer la vérité en pleine gueule juste avant les votes.  

Parler de la campagne était sur le point de le sortir de son week-end. Mentalement parlant. Le brun croqua doucement son premier fruit, celui qu’il avait gardé à la main tout ce temps, rapidement suivi par un second puis un troisième. Le goût caractéristique, légèrement sucrée et leur odeur lui permirent d’oublier ce début de discussion fort peu approprié à l’ambiance, de son point de vu. « On pourra passer du temps ensemble si t’es pas trop occupé par tes connards de potes à foutre le bordel » Bien qu’un petit sourire soit née sur ses lèvres, ses sourcils, eux, se sont légèrement froncés. Parfois, il donnerait tout pour que l’espagnol ne soit pas ami avec Francis et Gilbert. C’était si simple pour eux de passer du temps avec Antonio comme si de rien n’était et de s’amuser. Il voulait ça lui aussi. « Mais compte pas sur moi pour te courir après. J’ai d’autre chose à foutre. T’es pas mon seul ami »

Faussement boudeur pour des évènements qui n’avaient pas encore eut lieu et qui n’arriveraient sans doute jamais, Lovino détourna la tête et récupéra son verre ainsi que la bouteille. Le liquide vient remplir de nouveau le récipient.

La nuit allait tomber, dans quelques minutes si ce n’est quelques secondes. Alors seulement l’italien se permettrait de regarder de nouveau vers l’ursirre. Lorsqu’il ne serait plus auréolé de son putain d’aura divin sorti du cul des derniers rayons de soleil. Alors, peut-être que tout serait de nouveau parfait et que la soirée serait de retour à la normale. C’est-à-dire, une soirée où Lovino pourrait se permettre de crier sur l’espagnol sans que ça ne semble briser quoi que ce soit.

Dans l’obscurité grandissante, les mouvements de Carriedo ne lui parvenaient qu’avec cette vague sensation que cette fois ci, c’était différent et qu’il n’y pouvait pas grand-chose, si ce n’est profiter.

Profiter c’était agréable mais il ne faudrait pas non plus oublier toutes les stupides règles de société que le brun essayait de suivre au mieux sans en comprendre toutes les subtilités. C’était encore plus frustrant de s’y contraindre lorsque l’on n’en comprenait même pas l’utilité. En attendant les deux amis étaient seuls… Il n’y avait donc aucune putain de raison de se conformer à quoi que ce soit, si ?

Oui, peut-être que Lovino avait joué avec Carriedo toutes ses années, mais ce jeu, il l’appréciait. Et Antonio venait de lui donner une tournure légèrement embarrassante. Ou excitante ? L’italien risqua un coup d’œil dans sa direction à la prononciation de son nom. Ses yeux parcouru calmement l’espagnol bien que son cœur s’était mis à battre à tout allure au simple contact de leurs mains. Glissant silencieusement le longue de la silhouette, les yeux, l’arrête du nez, la bouche. Peut-être que le jeune homme s’attarda un peu sur cette partie mais il n’en eu pas conscience car déjà, son regard glissait le long du bras de l’ursire pour s’arrêter définitivement sur leurs doigts que plus rien ne séparaient.

« Parce que tout le monde fini par s’arrêter. » Lovino n’aimait pas s’exprimer sur ce gens de faits qu’il tenait pour réel. Il n’aimait pas s’exposer en règle générale. Evidemment … Ca finissait toujours pas arriver. Il se mettait à crier sur tout le monde en leur balançant ce qu’il considérait comme vrai à ce moment là. Et il déballait tout sans pouvoir s’arrêter. Le brun ne se souvenait pas d’une seule fois où il avait réussi à garder quelque chose pour lui. Excepté sa cicatrice.

L’italien releva les yeux pour rencontrer de nouveau ceux de Tonio. « Tu t’accroches juste un peu plus » Et il aimait ça. Savoir qu’il comptait pour quelqu’un au point qu’il pourrait le repousser, le faire chier et lui foutre la misère autant qu’il voulait, cette personne serait toujours là.

Les profondes pupilles émeraudes étaient presque aussi lisibles que si l’espagnol avait formulé ses pensées à voix haute. Lovino s’approcha un peu, sans vraiment y faire attention. « Je sais tous les putains d’efforts que tu fournis pour attirer mon attention. » L’italien reprit du vin. « Essaie encore plus~ Peut-être que … »

Le lupy n’avait aucune idée de ce qui venait après mais Antonio avait l’air tellement désespéré… Ca lui semblait plus excitant de voir ce qui viendrait après ce ‘’peut-être’’ que d’offrir quoi que ce soit de concret à ce stupido bastardo.

Laisser faire. Profiter. Apprécier et recommencer.

L’italien avait deviné que ça arriverait bien avant de sentir le souffle d’Antonio se mêler au sien. La main qui avait fondu sur sa joue portait déjà tous les signes du futur baiser. La chaleur, qui faisait barrière à la température extérieur et l’enfermait dans une bulle protectrice. La rugosité, comme si les lèvres de Carriedo n’était qu’un prolongement de ses mains et que les deux n’étaient destiné qu’à marquer le contraste avec la peau souple et lisse du lupy. Le contact, constitué de plein de petits picotements, d’échanges d’énergie entre les deux corps.

Culpabiliser, oublier, prolonger.

Lovino resta quelques instants sans bouger. Lèvres contre lèvres. Un message essayait de lui parvenir depuis les tréfonds de son cerveau embrumé de vin. Qu’importe, la logique n’avait pas sa place dans cet instant enivrant. Est-ce si spécial parce que c’était Antonio. Ou bien l’est-ce parce que c’était interdit ? L’italien sourit en se détachant. Dans tout les cas, c’était agréable « Mauvais tactique~.»

Le brun s’étira pour attraper un des fruits rouges qui restait au fond du panier. Il le porta à sa bouche, prenant un malin plaisir à rendre son geste suggestif avant de rire. L’ursire avait l’air à mille lieux de là. Sa main reposait toujours sur les pommettes du méditerranéen et fut rejointe par sa jumelle. Lovino caressa doucement la peau, suivant le tracer des phalanges jusqu’au poigner. Recommençant pour chaque doigt.

Douter. Continuer.

L’italien n’osait pas prendre les devant et retourner à des échanges plus sulfureux. Il aurait beau vouloir apercevoir une nouvelle fois la lueur de plaisir qu’il avait vu exploser aux fonds des pupilles vertes de son compagnon de soirée, son corps, lui, refusait le contact. Une barrière psychologique dont le brun se serait bien passé. Changeant ses objectifs, et aidé par l’alcool, Lovino décida qu’il devait pousser l’espagnol à recommencer. Ca semblait … plus acceptable. Un rire lui échappa encore. Il n’était pas sûr de son choix mais qu’importe.

Olives contre émeraudes. Lesquels étaient les plus flous ? Entre ceux d’Antonio qui semblait ne plus pouvoir fixer autre chose que l’italien et ceux de Lovino qui avait du mal à rester poser sur un seul et unique détail du corps de l’espagnol, rendus incertains par le vin. Ils devaient trouver une faille, quelque chose qui leurs indiquerait clairement que les deux êtres se trouvaient toujours sur la plage et non dans un rêve.

Ne trouvant pas, Lovino se décida enfin à poursuivre. Il récupéra la main de l’ursire pour s’en détacher et se rapprocher. Encore un mouvement supplémentaire et le jeune homme se retrouva entre les jambes de l’espagnol. Face à face. « T’as l’air ailleurs »Comme si Carriedo était le seul dans ce cas. L’italien n’avait plus conscience que de la présence chaude de son ami. De ses propres mains sur ses cuisses. De ce jeu plus dangereux que jamais maintenant qu’ils avaient dépassé les limites auquel il voulait continuer à jouer.