Si Simeon était bien certain d’une chose, c’était qu’il aurait préféré passer son jeudi soir ailleurs que devant la porte de la salle de classe du professeur Aizawa. Mais la vie de préfet ne permettait pas toujours de faire ce que l’on voulait et le jeune libanais devait se plier à certaines tâches ingrates, même à contre cœur.

Dès la fin de ses cours, il s’était donc dirigé dans la partie de l’école où se trouvait les salles des professeurs, dans l’espoir de pouvoir tomber sur le directeur des Ursirres. En effet, un peu plus tôt dans la journée, un quatrième année avait décidé de faire n’importe quoi et ça, il ne pouvait pas le laisser passer, surtout que ce n’était pas la première fois que cet élève posait des problèmes aux membres du conseil. Il fallait rapporter son comportement au chef de maison… mais ce dernier semblait occupé pour le moment. Sur la porte de la salle, le cristal soigneusement encastré dans le bois de la porte brillait d’une lumière rougeâtre indiquant que quelqu’un était déjà en train de s’entretenir avec lui. Génial. Il fallait attendre en plus.

Heureusement, le professeur Aizawa, ou du moins, quelqu’un de bien intentionné était passé par là et avait fait installé deux chaises dans le couloir, face à face. De quoi patienter pendant un certain temps sans se casser le dos. Dieu merci.

C’est donc après avoir attendu quelques minutes que le jeune homme se décida enfin à s’asseoir. Dommage, il n’avait ni pris de quoi lire, ni de quoi écrire. Dans sa poche se trouvait bien son téléphone mais.. ce n’était pas une très bonne idée de le sortir maintenant. Chanceux, enfin, doué comme il était, il allait appeler la mauvaise personne au mauvais endroit, au mauvais moment sans faire exprès. Il fallait donc prendre son mal en patience. Afin de faire passer le temps, Simeon se mit à jouer avec la cravate de son uniforme, n’ayant pas eu le temps de se changer avant de venir. Peut être aurait-il dû finalement.

Dans la vie, il y a des instants qui sont d’un ennui des plus profonds. Et puis il y avait ceux qui étaient encore pire. Pire qu’une tragédie russe moderne en huit actes, pire que le moment où dans un parc d’attraction tu arrives enfin au panneau « 3h d’attente » après avoir déjà poiroté un quart d’heure dans la file d’attente, pire que de se trouver à la caisse du super marché derrière une petite vieille qui paye en pièce uniquement.

La situation dans laquelle Simeon se trouvait actuellement en faisant partie de ces derniers cas. Rien à faire, il n’y avait rien.. à.. faire. L’envie de s’enfuir en courant était forte, très forte. Rien ne pouvait être pire à ce moment précis.

..

…

….

Et visiblement il avait pensé trop vite puisqu’au moment où ses yeux fouillaient le couloir dans ses moindres recoins à la recherche de quelque chose d’un minimum intéressant, un jeune homme bien connus du libanais fit son entrée.

Oh non. Comment est-ce que la situation pouvait empiré à ce point ?

Une fraction de seconde. C’est le temps qu’il avait suffit pour que leurs yeux se croisent et qu’ils sachent pertinemment tous les deux que l’autre l’avait également vu. Zut.

Diavolo eu l’air d’hésiter un instant avant de s’installer contre le mur, juste en face de lui. Le silence était lourd. Il semblerait qu’il pouvait toujours attendre pour recevoir la moindre salutation.

Soit. Si il voulait la jouer comme ça, ils allaient jouer.

Simeon le fixa. Longuement. Est-ce que Diavolo le voyait faire ? Peut être, mais au fond il s’en fichait un peu. C’était distrayant et puis finalement c’était un peu la faute de l’Ursirre, il n’avait pas été polit. Pire encore, il s’appliquait à l’ignorer autant que possible : en effet, même si le libanais n’était pas un grand féru de technologie, il était pertinemment au courant que se plonger corps et âme dans son téléphone comme le faisait actuellement Diavolo était un acte délibéré pour se couper du reste du monde.

D’un geste élégant, le plus jeune croisa les jambes. Puis, il porta son poings devant sa bouche et toussota légèrement. Juste assez pour attirer l’attention de son vis-à-vis. Avant même que ce dernier ne réponde, le jeune libanais ouvrit la bouche tout en réprimant assez mal un sourire amusé. L’idée de mettre son collègue espagnol mal à l’aise l’enchantait peut être un peu trop d’un coup.

« Bonsoir Diavolo. »

Oh, le voilà qui daignait enfin lever les yeux de son téléphone. Il ne paraissait pas très sûr de lui en le faisant mais ça, Simeon ne pouvait pas l’en blâmer. Après tout il avait peut être joué un peu bas. Mais son trouble ne dura pas puisque le malaise de Diavolo ne fut que bref, étant vite remplacé par un sourire aussi faux que la perruque du ministre de la magie. Le téléphone fut également rangé… on partait donc sur une attaque frontale, pas de barrière artificielle derrière laquelle se ranger en cas de problèmes. Voilà au moins un acte que le Cervirald pouvait saluer.

Le sourire de Diavolo était de glace, il suintait le mépris. C'était quelque chose avec lequel Simeon avait toujours eu du mal et pourtant, qu’est-ce qu’il avait essayé d’apprécier l’espagnol plus jeune ! Mais sa fausseté à chacune de leur rencontres parvenait toujours à l’insupporter et le jeune homme aujourd’hui encore lui ressortait par les yeux. Pourtant il n’y avait même plus de raison à leur mésentente. Il ne sortait plus avec Lucifer depuis des années. Mais il fallait croire que certaines choses ne changeraient pas avec le temps.

- Bonsoir Simeon ! Comment tu vas ?

Même son ton était faux. Il n’y avait rien à faire.

« Je vais bien. Et toi ? Tu attends le professeur Aizawa aussi ? »

Banalité, que de banalités. Mais ce qui arrivait allait au moins avoir le mérite de rendre l’attente un peu plus supportable. C’était simple : soit la situation prendrait un tour amusant, soit ils étaient tous les deux partis dans une spirale malaisante pour la prochaine demi-heure. En temps normal Simeon ne se serait pas lancé dans un paris aussi hasardeux, il y avait toujours mieux à faire que de chercher des poux à Diavolo. Malheureusement, pour ce dernier comme pour lui même, le couloir était aussi morne que la salle commune d’une maison de retraite à l’heure de la messe.

Diavolo se compose un peu plus. C’est déjà mieux, bien moins agaçant que son sourire forcé. Il paraissait également bien plus à l’aise d’un coup, reprenant le contrôle on dirait. Bras croisés il répondit enfin à la question que lui avait posé son camarade Cervirald.

- Oh, eh bien, je bosse vraiment - énormément - avec mes stages mais ça va.

Les fameux. Ce n’était peut être que le début de l’année mais il faudrait qu’il commence à s‘y intéresser de près lui aussi… Les stages en psychomagie n’étaient pas toujours simple à trouver, les professeurs avaient prévenus les 12ème années dès la réunion de rentrée.

« Oh, c’est vrai ! Tu t’en sors pour le moment ? Pas trop compliqué de jongler entre ça et Ilukaan ? »

Les questions de Simeon avaient été mécaniques, plus motivées par sa politesse habituelle que par une envie réelle de connaître la réponse de Diavolo.

En vérité, il aurait aimé en discuter un peu avec quelqu’un, histoire d’avoir des réponses à certaines de ses questions pour l’année prochaine mais pour le moment il n’était pas si désespéré que ça. Pas au point de demander à Diavolo de toutes les personnes possibles. Peut être devrait il aller vers Lucifer pour se genre de chose. Au moins le stixyst n’arborait pas un air méprisant à chacune de leurs rencontres, lui.

- Mais oui, je cherche le professeur vu que c'est, tu sais, mon directeur de maison.

«Je vois.. C’est lui qui gère toute la paperasse. Bon courage à lui, ça ne doit pas être simple tous les jours au vu du nombre d’élèves... »

Et on repartait sur des banalités… Affligeant.

- Bah tu sais, c’était compliqué les premières semaines mais je m’adapte, c’est ce qui compte.

Pendant un instant, Simeon crut qu’il allait en rester là. C’est ce que sa gestuelle indiquait après tout : nonchalance des mains dans les poches, le regard qui cherche un endroit où se planter… Cependant il fut légèrement surpris en constatant que l’Ursirre poursuivait.

- Et toi, pourquoi tu le cherches ? Des problèmes avec un des sales gosses de ma maison ?

Le Cervirald ne pût contenir un sourire. Un peu plus vrai que les précédant, il faut bien l’avouer.

« Tu as l’air de bien connaître ta maison on dirait. Un groupe de cinq- six élèves de troisième années ont décidés de jouer une partie de quidditch improvisée dans un couloir. Ne me demande pas pourquoi, ni comment ils ont eu l’idée, je ne suis arrivé sur les lieu bien trop tard. Ils n’avaient pas de balais pour leur jeu  mais va savoir pourquoi, ils ont réussis à mettre la main sur un souaffle et un cognard. Comme tu peux t’en douter, un certain nombre de statues ont finies en morceau, pour leur plus grand chagrin d’ailleurs.. Les préfets ont été prévenus un peu tard et on a passé un certain temps à tout réparer. Bref, une partie du groupe vient d’Ursirre d’où ma présence ici. Ma camarade est actuellement chez monsieur Z Rivii pour la même raison. Les points des deux maisons vont prendre un sacré coup, c’est moi qui te le dit... »

Quelques secondes de silences flottent dans l’air tandis que Diavolo le fixe, un mystérieux sourire aux lèvres.

- En parlant de ça du coup…

Il n’aime pas ça. Pas du tout.

- Comment ça se passe ton rôle de préfet ? Tout se passe bien ? J’espère que les élèves ne t’insultent pas trop, je sais comme ils peuvent être.

Merde. Il doit être au courant. Bien sûr que Diavolo est au courant ! C’est le genre de chose qu’il aime suivre. Que répondre ? Après tout il est presque certain qu’il le repérera si il ment. Mais dire la vérité pourrait s’avérer particulièrement humiliant.

« Et bien… On peut dire que pour le moment tout va bien. L’expérience aide, c’est certain. Quant aux élèves… Disons que c’est difficile de faire l’unanimité, mais ça tu dois le savoir. Pour certains, toute figure d’autorité est bonne à désobéir... »

Pas un seul instant il n’a détaché son regard du sien.