Le ciel était clair, Nathan, en cette belle matinée d'octobre. C'était pour cela que tu étais sorti faire un tour en balai, hors du campus, pour profiter de ce début de weekend. Le temps passait vite, quand on était président du conseil. Il fallait réussir à jongler entre tes cours, ton rôle, tes passions… Et surtout Mateus. Tu t'étais rendu compte cette année, en cherchant un moyen de tout caser dans ton emploi du temps, que tu ne comptais pas les heures que tu consacrais au jeune homme. Certains diraient que tu étais constamment sur son dos, mais toi, tu savais que tu surveillais Mateus pour son bien. Qui s'occuperait de savoir s'il mange bien, si tu n'étais pas là ? Qui vérifierait qu'il faisait bien ses devoirs ? Qui préparerait son sac de cours ? Qui s'assurerait qu'il ne prévoit pas de faire des bêtises en lisant son journal intime ? Qui sonderait ses émotions pour prévoir ses rechutes ? Tu étais un pilier essentiel de sa vie, tu devais être là pour t'assurer que tout se passe bien et pour soulager un peu ses frères et sœurs. Tant pis si tu volais moins souvent en balai, tu t'effaçais sans regret pour lui, consacrant moins de temps à tes passions.

Mais en ce moment, le brun avait l'air d'aller bien. À vrai dire, depuis quelques semaines, il rayonnait même de bonheur, comme s'il avait hâte que quelque chose arrive. Tu avais eu peur, quelques instants, qu'il prépare une connerie, mais rien dans son journal intime ne laissait présager cela. Alors, tu te disais que c'était sûrement dû à son anniversaire approchant. Tu lui interdisais souvent de faire des choses, sous prétexte qu'il était mineur. Tu savais très bien que dès le 31 octobre atteint, il allait vouloir faire toutes ces choses d'un coup. Tatouage, piercing, boîte de nuit, alcool, inscription sur Only wand… Il allait être intenable, alors c'était sûrement la hâte de ce moment qui le rendait si joyeux.

Tu espérais que Genji arriverait un peu à canaliser tout cela. Cela faisait maintenant environ quatre mois qu'il était avec le japonais, et même si tu désapprouvais cette relation, c'était la plus longue histoire de Mateus. Tu détestais cela, mais tu devais avouer que l'autre homme le traitait bien. Si tu étais totalement honnête avec tes sentiments, c'était uniquement grâce à ton pouvoir d'empathie que tu n'avais pas envie de détruire leur relation. Mateus ne l'aimait pas, tu le sentais, et ça te rassurait. Tu étais si égoïste, tu te dégoûtais de ressentir cela, la petite voix dans ton esprit te susurrait que tu étais comme ton père. Alors tu prenais sur toi pour essayer d'étouffer tout cela. Et c'était pour cela que tu aimais voler. Pour faire taire les émotions des autres et surtout les tiennes. Dans les airs, tu étais seul avec le vent s'engouffrant dans tes vêtements, fouettant ton visage et décoiffant tes mèches blondes.

Toujours est-il que quand tu rentras de ta balade d'aujourd'hui, peu avant le repas de midi, tu ne remarquas pas la présence de Mateus dans le dortoir. Tes lunettes de soleil vissées sur le bout de ton nez, tu ne voyais pas bien dans la pénombre et personne n'avait trouvé utile d'ouvrir les rideaux de la chambre ce matin. Puis surtout, tu avais l'habitude de sonder l'espace grâce aux émotions des autres. Tu ressentais les joies, les peines, les colères… Alors quand tu ne ressentais rien, c'est qu'il n'y avait personne. Tu t'approchas donc de ton lit, jetant tes lunettes de soleil sur ton matelas avant de commencer à ranger ton balai et tes affaires de vol. Tu sursautas en remarquant une silhouette dans le dortoir. Quelqu'un dont tu n'avais senti ni la présence, ni l'arrivée, ni ses émotions. Ce simple constat te terrifiait. C'était… Vide. L'idée qu'on ne puisse rien ressentir à ce point te donnait presque la nausée. Tu allumas donc la lumière, vu que tu étais trop loin du rideau pour les tirer, pour faire face à la coquille vide.

Le choc fut encore plus grand quand tu te rendis compte que c'était Mateus. Comment cela pouvait être lui. Le brun était un petit soleil. Il irradiait littéralement d'émotions, de couleurs.  Il ne pouvait pas être si pâle, si terne… Habituellement, tu le sentais même arriver avant de le voir, tellement ses sentiments étaient puissants. L'inquiétude te prit aux tripes, tu ne repensas même pas à mettre tes lunettes. Pour la première fois, on put lire une émotion dans ton regard, quand tu plongeas tes yeux noirs dans ceux de Mateus. Une peur immense.

- Mateus ? C'est bien toi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu vas bien ?

Tu avais attrapé son bras, le secouant presque, avant d'être un peu apaisé parce que tu réussissais à percevoir son souffle. Il était vivant. Tu avais été terrifié à l'idée du contraire pendant quelques secondes. Il était assis, pourtant, pas effondré comme le serait un corps sans rien pour le retenir, comme c'était le cas ici. Mais tu t'étais quand même fait des films en le sentant aller si mal. Enfin, en ne sentant rien du tout, plutôt. Mais pour toi, l'absence d'émotions était plus criante de détresse que la colère ou la tristesse.

Mateus te répondait. Mateus était vivant. Mais Mateus n'avait plus en lui l'étincelle qui le rendait si solaire. Il était comme léthargique. Enfin, pas physiquement mais… Émotionnellement ? Il était à la fois là et plus là. Une vision d'horreur totale pour toi. Tu devais trouver le problème, le contre-sort, pour que Mateus redevienne le jeune homme pétillant qu'il était encore ce matin même. Tu guettais le monde de ses mouvements, le moindre indice, pour deviner ce qui l'avait mis dans cet état là. Mais c'était compliqué pour toi, de comprendre et d'analyser Mateus sans ton don. Tu n'avais plus les codes pour savoir ce qu'il voulait et à quoi il pensait. Le tourbillon d'émotions qui entourait le brun et que tu avais fini par trouver rassurant, n'était plus là. Tu étais à deux doigts de la crise de panique, mais tu refoulas ton angoisse avec force pour te concentrer sur le jeune de la Cruz. Comme d'habitude, il passait avant toi et tes propres émotions.

Tu le vis prendre une fiole, la reboucher et la ranger dans son sac. Avant que tu ne puisses faire le lien, le Cervirald t'avoua tout seul avoir pris une potion, tout en posant sa main sur ta joue. Ce geste d'affection te calma à peine, vu qu'il n'était pas accompagné des vagues d'émotions habituelles du brun. Pas de joie, pas d'amour… Tu en avais presque la nausée. Mais maintenant tu avais identifié le coeur du problème grâce à cette petite fiole. Il fallait que tu la récupères et que tu l'emmènes avec Mateus à l'infirmerie pour que du personnel compétent découvre ce qu'il avait ingéré. Ils allaient sûrement trouver un antidote, ou un contre-sort. Pour la première fois, tu aurais presque pu encourager le brun à vomir si tu étais sûr que cela pourrait faire disparaître de son corps l'élixir et ses effets. Malheureusement, il avait pris sa potion il y a assez longtemps pour que ses émotions ne soient déjà plus là, alors simplement retirer le produit de son corps à la moldue ne fonctionnerait pas.

- Ce n'est pas toi Mateus, bordel ! Tu es une coquille vide ! Tu n'as plus d'étincelle de vie, plus d'émotions ! Tu ne brilles plus, Mateus ! Quel genre de potion as-tu prise ? Où est-ce que tu t'es procuré cela ? Il faut que tu me donnes le nom pour que l'infirmière puisse chercher un antidote au plus vite.

Toi qui était si calme, habituellement, là, tu contrôlais moins ta voix. On pouvait l'entendre flancher quand ton esprit te susurrait que c'était peut-être trop tard, que le brun resterait peut-être comme cela pour toujours car tu ne l'avais pas assez surveillé. C'est vrai que si tu étais resté dans ta chambre ce matin, à t'occuper de Mateus plutôt que d'aller faire un tour en balai, vous n'en seriez pas là. Tu avais voulu te déconnecter du monde pendant quelques heures, profiter de tes passions, et maintenant tu en payais les conséquences. Tu profitas du fait que Mateus se lève, pour aller s'observer dans le miroir, pour récupérer la fiole qu'il venait de mettre dans son sac et la glisser dans ta poche. Il restait quelques gouttes de liquide au fond du contenant. Tu espérais que ça suffirait à l'infirmière pour identifier ce que Mateus avait avalé. Le plus jeune revient finalement s'asseoir sur le lit, prenant son téléphone pour répondre à un texto. Comme si de rien n'était.

- Dis à Thaïs que toi, comme moi, n'allons sûrement pas manger avec elle ce soir car on va à l'infirmerie. Je ne te laisse pas le choix.

Il n'en avait pas envie, mais ce n'était pas une proposition, c'était une affirmation. Tu allais l'emmener à l'infirmerie, quelque soit sa réaction, qu'il le veuille ou non. Tu avais peur pour sa santé. La potion pouvait peut-être être définitive si on n'administrait pas rapidement un antidote, et cette idée te terrifiait. Tu ne pris même pas le temps de remettre tes lunettes, ce qui était extrêmement rare, attrapant directement Mateus pour le caler sur ton épaule et le guider vers le bâtiment administratif. Ton cœur se serra en sentant qu'il ne se débattait même pas. Habituellement, quand tu l'empêchais par la force de faire une bêtise, il se débattait et faisait tout un cinéma pour que tu le laisses faire sa connerie. Ses scènes étaient dignes de la Commedia Del Arte. Mais aujourd'hui… Rien. Il ne bougeait pas, il se laissait porter sans broncher même si ça n'avait pas l'air de l'enchanter.

Le chemin jusqu'à l'infirmerie fut un supplice, pour toi. Tu sentais ce poids, sur ton épaule, mais aucun sentiment n'en émanait. Tu aurais pu porter un simple sac à patates, ça aurait été la même chose. Un poids mort à transporter. Le seul signe qui te prouvait que le brun était bien vivant, c'était la chaleur de son corps sur ton épaule. Et tu te rattachais à cette sensation Nathan, pour ne pas sombrer, pour ne pas paniquer. Tu devais être fort, pour emmener Mateus à l'infirmerie sans encombre. Tu t'effondrerais après, à l'abri des regards, quand ta mission serait remplie et que tout serait rentré dans l'ordre pour le plus petit. En passant les portes du bâtiment, tu passas aussi le relais à l'infirmière. Elle te fit installer Mateus sur un lit, alors que tu lui expliquais tous les symptômes du Cervirald en détail. Enfin, surtout ceux que tu voyais avec ton don. Cela eut l'air d'intriguer Mateus, qui commença à poser quelques questions mais… Sa santé passait avant tout, tu te promis d'avoir une discussion avec lui une fois l'antidote avalé. Puis tu n'allais pas gêner l'infirmière dans son travail en révélant et expliquant ton don au jeune de la Cruz maintenant. Mais tu ne t'étais pas attendu à ce qu'il perde connaissance une fois le médicament pris. L'infirmière s'assura que tout allait bien pour Mateus, avant de te rassurer toi. Puis elle te laissa seul avec l'endormi, pour vaquer à ses occupations. Tu en profitas pour prévenir ses frères et sœurs avant de laisser tomber ton masque. Le Nathan fort, le Nathan sans failles laissa place au Nathan terrifié, celui qui serrait dans sa main celle de Mateus pour s'assurer qu'il allait bien, que sa paume était toujours chaude et qu'il était toujours en vie.


Thaïs te relaya au côté de son jumeau dès qu'elle arriva, pendant que Rafael te faisait prendre l'air dans le parc. Selon lui, tu étais bien trop pâle et en piteux état pour veiller Mateus actuellement. Il avait un peu raison, quelle piètre image de toi tu allais montrer au petit brun, s'il se réveillait maintenant. Tu fis donc un petit tour avec ton meilleur ami, qui au passage, t'avais rapporté une paire de lunettes de soleil. Puis quand le message de Thaïs fit sonner vos téléphones, vous vous dirigeâtes vers l'infirmerie. Il avait repris conscience. Tu te tins à l'écart, au début, laissant Rafael et Thaïs s'enquérir de l'état de Mateus. Puis finalement, ils s'éclipsèrent pour te laisser seul avec lui. Tu mis quelques secondes à te rendre compte qu'ils vous laissaient de l'espace pour que vous ayez une discussion, car la bêtise de Mateus t'avait bien chamboulé cette fois. Mais, maintenant que tu avais le brun face à toi, tu sentais sa tristesse. C'était horrible à dire, mais tu étais heureux de le voir ressentir, même une émotion aussi négative. Ça te donnait presque envie de sourire.

- Tu vas mieux, Mateus ? Ne refais plus jamais cela.

Comme souvent avec Mateus, il t'avait simplement suffit d'ouvrir la bouche pour dire une connerie. Bien sûr que non, il n'allait pas bien, il était en larmes devant toi. Voir ces perles salées dévaler ses joues te brisait le cœur, mais tu étais à la fois bien trop heureux de le sentir ressentir des choses. Égoïstement, même s'il paraissait au fond du gouffre pour toute personne normale lui accordant un regard, pour toi il semblait vivant. Triste, mais aussi en colère à cause de ton reproche, une pointe d'amour pour toi aussi… Tu voyais de nouveau toutes ses émotions, tu les ressentais. Mateus ne rayonnait pas actuellement de bonheur, mais il irradiait d'émotions, de couleur. C'était un peu comme les gens qui se faisaient du mal pour ressentir quelque chose, c'était horrible mais tu te fichais actuellement de ce que ressentait le brun du moment qu'il ressentait. Il aurait pu éprouver de la haine à ton égard, tu n'en aurais rien eu à faire du moment que tu pouvais voir ses émotions. Ce n'était clairement pas le moment de se réjouir, Mateus était grossier, signe que ça n'allait vraiment pas pour lui. Mais tu étais juste concentré sur le fait de voir ses émotions.

- J'étais inquiet pour toi, Mateus ! Est-ce que tu te rends bien compte de ce que cette potion te faisait ? Tu avais l'air mort à l'intérieur !

Tu n'avais pas l'impression qu'il comprenait. À moins que ce soit toi qui ne te rende pas compte de la détresse qu'il ressentait pour en venir à de telles extrémités. Risquer de perdre toutes ses émotions juste pour oublier un sentiment amoureux… Cela te semblait clairement exagéré. Mais tu laissas quand même le Cervirald déballer son sac et t'expliquer les raisons de ses actes. Comme d'habitude, tu avais l'impression d'être la cause de toutes ses bêtises. Mais pouvais-tu vraiment être tenu pour responsable de son amour pour toi ? Qu'il essaye de te faire réagir en sortant avec moultes personnes plus ou moins recommandables, ou bien qu'il prenne des solutions radicales pour faire disparaître ses sentiments, pouvais-tu vraiment avoir une incidence sur cela ? Tu pouvais au mieux continuer de la surveiller et de le couver comme tu le faisais actuellement. Et au pire… Tu pourrais le laisser tomber, mais ça, tu en étais clairement incapable. Si Mateus savait à quel point ta vie tournait autour de lui, il serait encore plus accro à toi. Alors tu faisais mieux de taire tes sentiments pour lui, au lieu de les crier comme lui le faisait. Même en essayant au maximum de le repousser pour ne pas lui offrir un amour toxique, tu arrivais quand même à bousiller sa vie. Votre situation était une impasse, tu ne voyais aucune fin heureuse pour vous deux. La meilleure solution pour vous, enfin surtout pour Mateus, c'était qu'il finisse par en aimer un autre. Mais pas comme ça, pas avec une potion pour supprimer les sentiments. Tu ne voulais pas que ton petit soleil sacrifie son éclat à cause de toi, tu ne t'en remettrais pas si cela arrivait.

- Il n'y avait pas que moi que tu avais arrêté d'aimer avec cette potion, Mateus. Il y avait aussi ta famille, tes passions, tes amis et même Fricadelle. Tu étais… Si vide. Tu étais devenu fade, Mateus. Ce n'était pas toi. Le Mateus que je connais est pétillant, il déborde toujours d'émotions, bonnes ou mauvaises, mais il ressent des choses. Peut-être que tu te sentais bien, vu que tu ne ressentais rien. Mais une vie, c'est fait pour ressentir. Les moments de bonheur valent mille fois plus que la tristesse, la peur et la colère qu'on ressent. Je préfère m'occuper de toi, que tu me colles et que tu traînes dans mes pattes toute ma vie plutôt que de te voir si terne. Les gens t'aiment parce que tu es solaire, Mateus, parce que tu brilles quoi qu'il arrive, par tes sourires comme par tes colères. Je n'aurais pas supporté d’être celui qui a fait mourir cette étoile.

Tu en avais peut-être trop dit avec cette dernière phrase, tu avais l'impression d'être égoïste à vouloir que Mateus rayonne. Mais c'était normal non, de vouloir le meilleur pour les gens qu'on aime ? Mais est-ce que finalement, le meilleur pour lui ce n'était pas juste de ne plus souffrir ? Ton cœur se serra quand tu le vis étouffer ses sanglots dans l'oreiller. Pour la première fois depuis son réveil, tu te concentras sur ce qu'il ressentait, plutôt que sur le fait qu'il ressentait. Une détresse terrible te prit à la gorge, te donnant presque envie de pleurer alors que tu savais encaisser les émotions des autres habituellement. Était-ce à cause du choc que tu avais subi plus tôt que tu étais si sensible à la tristesse de Mateus, aujourd'hui ? Ou était-elle simplement plus forte ? Tu vins passer ta main dans ses boucles brunes, délicatement, comme pour essayer maladroitement d'apaiser sa peine. Tu avais l'impression que ton geste n'était qu'une goutte d'eau dans l'océan, tant sa détresse était forte, mais tu ne savais pas quoi faire d'autre. En toute honnêteté, tu étais totalement perdu.

- Tu réfléchiras à Genji plus tard, le plus important pour le moment, c'est toi. Il a bien supporté pendant des mois d'être avec toi sans que tu sois amoureux de lui, il peut le supporter quelques jours ou semaines de plus. Pour l'instant, tu dois être ta propre priorité.

Tu aurais réagi pareil que ce soit Genji ou n'importe qui d'autre dans une relation avec Mateus actuellement. Le plus jeune était vraiment un ange, de penser aux autres dans cette situation alors que c'était lui qui était au plus bas. À tes yeux de toute façon, Mateus passait avant tout le monde.

- Tu ne devrais pas te détester, tu es une personne formidable, Mateus.

Ta main rejoignit celles du de la Cruz, sur l'oreiller. Tu serras doucement ses doigts, essayant de lui transmettre comme tu le pouvais un peu de réconfort. C'était toi que tu détestais, actuellement. Le brun aurait mieux fait d'en faire de même, si ça avait pu le rendre heureux. Tu ne lui en aurais clairement pas tenu rigueur, vu toutes les fois où tu avais merdé avec lui. Tu ressentis finalement toutes ses émotions retomber, comme un soufflé, mais il restait toujours en lui cette faible étincelle qui t'assurait qu'il était vivant.

- Le calme revient, après la tempête.

Tu dis cela un peu distraitement, en remettant une de ses mèches bouclées derrière son oreille.

Tu compris ce que Mateus voulait te dire, Nathan, quand il t'avoua que c'était pour Genji et lui qu'il avait pris cette potion. Il l'avait pris dans l'espoir d'être heureux, d'aimer et d'être aimé en retour dans une relation saine. Même si ça te faisait mal, tu pouvais le comprendre sans problème, car tu savais qu'il fallait que tu laisses Mateus partir. Il avait besoin de relations saines et de personnes stables autour de lui, pour aller mieux et briller de mille feux. Tu le savais, c'était la bonne chose à faire de te détacher de lui. Mais tu n'y arrivais pas. Le petit brun ne se rendait pas compte d'à quel point tu étais mordu de lui toi aussi. Et tu te détestais de voir par quelle solution extrême il était obligé de passer pour te sortir de sa tête. Tu ne pouvais pas l'aimer, tu allais juste lui faire encore plus de mal que tu lui en faisais maintenant. Pourtant, tu voyais déjà actuellement que même sans lui rendre son amour, tu détruisais déjà ton petit soleil. Ça te donnait envie de tout casser, mais tu enfouis cela en toi. Tu devrais rester fort et stable pour Mateus. Surtout maintenant, après ce qu'il venait de se passer.

Tu n'aimais quand même pas qu'il te vante autant les qualités de Genji, mais tu savais que tu devais enfouir aussi cette jalousie mal placée. Tu ne pouvais pas rendre à Mateus son amour, alors tu devais au moins laisser les autres essayer de le rendre heureux. Et tu devais être satisfait de voir des gens bien essayer, même si ça t'énervait un peu qu'il les trouve mieux que toi. Tu devais taire ta jalousie autant que tes propres sentiments, le jeune Cervirald était plus important que ce que toi tu ressentais. Il devait être ta priorité. D'ailleurs, quand le brun se recula après ta phrase et lâcha ta main, tu eus un peu mal au cœur. Tu ne lui avais jamais vraiment caché ton don, mais tu ne lui avais jamais dit clairement non plus… Ce n'était peut-être pas le meilleur moment pour qu'il réalise que tu étais empathe, mais ce genre de révélation ne tombait jamais au meilleur moment.

- Mateus, c'est justement pour ne pas que les gens changent leur manière d'agir avec moi, que je ne le dis pas. Enfin, ça ne me gêne pas que tu sois plus honnête avec moi et que tu laisses tomber ton masque, puisque je te vois déjà comme tu es vraiment. Mais tu penses que si je te l'avais dit dès notre rencontre, tu aurais agi normalement avec moi ? Personne n'aime les gens qui peuvent fouiner dans tes émotions, tu m'aurais éviter comme beaucoup d'autres l'ont fait. Donc je laisse les gens autour de moi deviner que j'ai un don, je le confirme quand ils me posent la question, mais je l'avoue rarement de moi-même aux gens.

Tu viens passer à nouveau ta main dans ses cheveux, délicatement, quand il revient cacher son visage dans l'oreiller en paniquant. Tu ne savais pas si ça allait vraiment calmer le brun, vu votre discussion, mais habituellement c'était comme cela que tu le rassurais. Ça ne changeait rien entre vous, qu'il connaisse ton don. Puis ça te permettait aussi de te raccrocher à quelque chose de réel, à lui, de perdre tes doigts dans ses boucles brunes.

- Bien sûr que je sais, Mateus. J'ai toujours su que tu m'aimais et je l'aurais su même sans mon don. Tu as toujours été très explicite à ce sujet. Puis même sans voir tes sentiments, ton comportement me le montrait. Je t'interdis de t'excuser pour cela, par contre. L'amour, ça ne se contrôle pas. J'ai vu tous les efforts que tu avais fait pour essayer de l'arrêter. Tu n'y peux rien pour ce sentiment, alors tu n'as pas à me demander pardon, surtout quand tu fais de ton mieux pour passer à autre chose. C'est même moi qui devrais m'excuser de ne pas pouvoir te retourner cet amour, pas l'inverse.

Tu voyais l'embarras envahir le plus petit, alors tu te rapprochas un peu plus de son lit d'infirmerie, te levant pour le serrer contre toi. C'était un peu ironique de voir que dans cette position, il avait la tête contre ton torse, près de ton cœur. Tu espérais qu'il n'entende pas que les battements de ce dernier s'accélèraient pour lui.

- Ton amour ne me gêne pas, Mateus, bien au contraire. Ça flatte mon égo, de savoir que quelqu'un de formidable comme toi peut m'aimer. Ça a un côté rassurant aussi. Mais ce n'est pas sain de te laisser ressentir cela, sans pouvoir t'offrir en retour une relation stable. Tu mérites le meilleur, quelqu'un qui t'aidera à rester un petit soleil irradiant d'émotions toute ta vie. Alors je dois te laisser essayer d'en aimer d'autres et ne pas te retenir, même si c'est dur.

C'était rassurant, de sentir le corps chaud de Mateus contre le tien. Tu t'assurais qu'il était en vie, même si ses émotions étaient là pour te le prouver, actuellement. Tu sentais l'odeur de son shampoing, tu aurais presque envie de déposer un baiser sur son crâne, au milieu des boucles brunes, mais ça serait dépasser la limite. Mais cette sensation agréable était clairement contrebalancée par la légèreté du corps dans tes bras. Mateus était si fin, tu avais l'impression qu'il pesait de moins en moins lourd malgré tes efforts pour qu'il se nourrisse correctement et cette idée te terrifiait. Tu avais peur qu'il s'envole au moindre coup de vent ou simplement de le casser à chaque fois que tu le touchais. Tu étais l'éléphant, il était le magasin de porcelaine, si tu faisais juste un mouvement brusque envers lui, il pouvait se briser. Si tu ne te contrôlais pas un peu, tu l'aurais clairement mis dans une cage dorée pour que rien ni personne ne puisse lui faire de mal, mais ce n'était vraiment pas la bonne solution vu ses problèmes. Toujours est-il que la pointe d'espoir qu'il ressentit, en entendant tes paroles, déchira de nouveau ton cœur meurtri. Cette émotion te fit même encore plus mal quand il la balaya en s'écartant de toi. Mais tu devais garder la face, rester fort et encaisser en silence. Mateus avait besoin de ton soutien, pas que tu lui exposes tes faiblesses.

- Mateus… Si j'étais un vrai ami, je devrais te repousser plus fermement. Je n'arrive pas non plus à te laisser partir, on est tous les deux coupables de cette situation.

Parce que tu étais incapable de rejeter clairement l'homme que tu aimais, Nathan. Tu savais que tu lui envoyais constamment des signaux contradictoires, tout simplement car tu n'étais pas capable de suivre ta raison. Tu étais un lâche qui ne voulait pas perdre son soleil, mais à cause de ton égoïsme, tu savais qu'il allait vraiment finir par perdre de son éclat. Quand le plus jeune se retourna dans le lit, pour ne plus te faire face, tu pris au départ ce mouvement comme une manière de clore la discussion. Tu te levas donc de ta chaise, pour partir, mais la voix du Cervirald te retient instantanément. Tu étais incapable de résister à cette supplique, tu pouvais sans problème mettre toute ta vie entre parenthèses si Mateus avait besoin de toi. Ta main vient de nouveau se perdre dans sa chevelure, effleurant sa nuque du bout des doigts.

- Bien sûr que je vais rester, si l'infirmière m'y autorise. Je ne vais pas te laisser seul dans cet état. Il est possible qu'elle ne veuille pas parce que je ne suis pas de la famille, mais je vais faire tout mon possible pour la convaincre.

Tu t'écartas donc de nouveau du lit, mais cette fois-ci, ce n'était pas définitif, tu allais juste porter ta demande à l'infirmière.

- Je reviens, d'accord ? Je vais juste lui demander, je ne suis pas loin. Tu peux te rendormir si tu veux, je veille sur toi.

Dès que Mateus acquiesça, tu le laissas seul dans son lit d'infirmerie. Mais tu savais que dans quelques minutes à peine, tu serais de retour à ses côtés.