No homo, bro - ft. John Egbert

Alfred était en train de marcher, un sac à la main, dont émanait une bonne odeur de nourriture. Il n'était pas seul ; à ses côtés se trouvait John, avec qui il avait déjà passé le début de la soirée. Ils étaient allés au cinéma, et en sortant, avaient eu faim. Ils s'étaient donc dirigés vers le Poutine King, et le Lupy avait proposé qu'ils prennent une formule « à emporter ». Même s'il faisait encore frais le soir, Alfred avait besoin de prendre l'air, après avoir passé la journée à anticiper les événements et après deux heures dans le cinéma. Il avait prévu le coup, cela dit : au-dessus d'un sweat Captain America et d'un simple jean noir, il portait une grosse veste d'aviateur et une écharpe légère. Tomber malade en se promenant sur la plage une fois lui avait suffi. Car c'était bien vers la plage qu'il se dirigeait, parlant avec animation du film qu'il venait de voir avec son ami.

Débriefer les films juste après les avoir vus était l'une de ses activités préférés, et heureusement, il semblait en être de même pour le Strixyst. Karkat leur avait dit qu'ils étaient faits pour s'entendre – et il n'aurait pas pu avoir plus raison. Même leurs goûts en matière de cinéma se rejoignaient ; la seule difficulté qui s'était présentée lorsqu'il avait fallu choisir le film n'avait pas été un désaccord, mais une hésitation entre deux films d'action. Ils avaient fini par se décider sur celui qui promettait le plus d'explosions. Alfred avait envisagé de revoir son choix d'ami en voyant John prendre du pop-corn salé, mais s'était finalement dit que ça ferait plus de pop-corn sucré pour lui. Tout s'était bien passé, et le film avait comblé leurs espérances avec de très belles explosions et de glorieuses bagarres.

Et à présent, le soir tombait doucement, et le soleil se couchait à l'horizon. Alfred s'en moquait bien ; ce qui l'intéressait à l'instant précis était le repas contenu dans le sac qu'il tenait toujours. Il chercha du regard une table libre près de la plage.

- Si tu vois une place, tu me d- oh, juste là !

Il désigna une table que d'autres personnes quittaient. Avec un peu de chance, la table ne serait pas trop sale – même s'ils avaient des serviettes, et que les menus venaient dans leurs boîtes, c'était toujours plus agréable de manger sur une table propre. Il s'y dirigea rapidement, prenant de vitesse d'autres élèves de l'école à qui il adressa un sourire éclatant. Alfred avait vite compris qu'il pouvait profiter de son titre de Batteur assez facilement, pour plusieurs raisons : cela faisait de lui une personne assez populaire, et cela faisait de lui quelqu'un dont on pouvait avoir peur – se battre contre un Cognard n'était pas chose facile.

Une fois installé, il ouvrit le sac. Il donna sa commande au Strixyst, avant de prendre la sienne, qu'il ouvrit avec peu de hâte. Il avait encore le goût du pop-corn dans la bouche, et s'il avait pris quelque chose qu'il aimait manger en temps normal, l'envie même de le faire avait du mal à redevenir naturelle, même quand il avait faim. Mais il ne voulait pas inquiéter John – il l'avait déjà fait une fois en faisant un malaise, il ne voulait pas recommencer. Et surtout, il ne voulait pas prendre le risque de revoir Luciano s'il l'apprenait. Même si Alfred avait été clair ; il ne voulait plus de son inquiétude, il ne voulait plus espérer quelque chose qui n'arriverait peut-être jamais plus. Il préféra porter son attention sur le brun avec lui à ce moment-là. Le brun qu'il avait décrit de manière élogieuse un peu trop facilement pour quelqu'un qui prétendait sortir avec pour de faux, simplement pour tourner la page.

- C'est bon ?

Il sourit à John, gentiment, mais ne garda pas longtemps son regard fixé sur lui, préférant se tourner vers la mer, à la surface de laquelle les derniers rayons de soleil mouraient, colorant l'eau de nuances oranges, rousses et rouges. Alfred n'avait jamais vraiment été fan des couchers de soleil ; quitte à observer quelque chose, ce qui l'intéressait le plus était les étoiles, et ce n'était un secret pour personne.

- On pourra se balader un peu, après ! J'avais demandé une promenade, à la base, dit-il avec un certain amusement.

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No homo, bro - ft. John Egbert

Alfred se contenta de sourire lorsque John le remercia pour la sortie. Il trouvait cela normal ; et surtout, même s'il s'était déjà excusé, il voulait prouver à son ami que toute l'histoire qu'il venait de traverser n'avait rien changé à leur relation et qu'il l'appréciait toujours autant. Il espérait que le Strixyst l'avait vraiment pardonné, même si ce semblait bel et bien être le cas. Il lui donna son menu, avant de s'installer et de prendre le sien. Il porta une frite à sa bouche, histoire de donner au moins l'impression de grignoter. John, lui, avait déjà attaqué de bon cœur, ce qui arracha un sourire au Lupy. Amusé, il lui demanda si c'était bon, ce à quoi le brun répondit avec enthousiasme. Alfred trouvait toujours la façon d'agir de John amusante et attendrissante à la fois.

- Oui ! C'est ce que je choisis toujours, c'est une valeur sûre.

Une valeur sûre à laquelle il peinait à toucher. Mais il se força un peu, et en quelques temps, une bonne partie du repas fut engloutie. Manger avec l'infirmière avait eu ses avantages ; il n'avait pas eu à se forcer à se nourrir, mais c'était plus facile de manger maintenant, et surtout en compagnie de quelqu'un, car il pouvait être distrait et ne pas faire attention à ce qu'il faisait – et il avait toujours tendance à manger plus simplement lorsqu'il était intéressé par autre chose. La raison première de leur sortie lui revint en tête et il rappela à John qu'il attendait une balade. Il avait tourné son regard vers la mer, mais le reposa sur le Strixyst lorsqu'il réagit. A nouveau, sa réaction le fit sourire. Heureusement qu'il était là. Sans lui, il aurait été plus difficile de garder le sourire. Il reprit son repas.

Quelques secondes se passèrent en silence, avec juste le bruit des vagues et des conversations des autres personnes en fond. Puis John reprit la parole et toute l'attention d'Alfred se concentra sur lui.

- Quoi ? Mais bien sûr que si ! Déjà, si ça n'avait pas été Ken qui l'avait volé, ça aurait été Jessica. Et dans tous les cas, ils s'en seraient rendu compte quand Ghunter aurait mis son plan à exécution. Ce n'était pas qu'un projet en l'air, il comptait vraiment le mettre en application. Ça a juste permis à Ken et Jessica d'anticiper un peu la situation, et ils ont déjà été pas mal en difficulté. Si Ken n'avait pas mis la main sur le document, ils auraient juste été écrasé ! Quoi qu'il en soit, ça ne changeait que ça au scénario. Tout le reste serait arrivé dans tous les cas.

Il soupçonnait John de vouloir se divertir un peu, mais il ne pouvait s'empêcher d'être amusé aussi. C'était le seul point du film où ils étaient en désaccord, mais c'était un point crucial du scénario. Alfred était persuadé que le fait que les protagonistes trouvent les plans secrets du méchant n'était pas un point vraiment important, dans la mesure où, comme il venait de le dire, ça ne servait qu'aux héros à se préparer à quelque chose d'inévitable. C'était un clair avantage pour eux, certainement, qui leur avait permis de gagner, car comme dans la plupart des histoires, les gentils devaient triompher, et ils étaient mal partis. Tomber sur ce document leur avait simplement assuré la victoire d'une manière plus ou moins logique. Et le Lupy était prêt à défendre son opinion contre vents et marées.

Une fois son repas terminé, il referma la boîte, qu'il remit dans le sac. Il garda néanmoins sa boisson avec lui. Il ne l'avait pas terminé et n'allait pas gâcher. Il avait moins de mal à boire des trucs plein de sucres qu'à manger, clairement. Il survivait pas mal grâce aux chocolats chauds, même s'il ne faisait pas l'erreur de croire que ça suffisait. Il attendit que John termine également avant se lever pour trouver une poubelle et jeter leurs déchets, puis il revint près de son ami. Il lança un regard au phare, non loin d'eux.

- Je préfère qu'on parte par là. Il paraît que le phare est… hanté.

Il avait bien conscience que, pour un sorcier, il était stupide d'avoir peur des fantômes. Il savait très bien qu'ils existaient, il savait très bien que la plupart ne voulait aucun mal à personne, mais il ne pouvait s'empêcher de frissonner rien qu'en pensant à l'esprit qui habitait peut-être le phare. Il regarda John, puis le sable sous leurs pieds. Il se sentait bête.

- Enfin je… Je pourrais dépasser ma peur si tu veux qu'on s'en approche.

Il n'avait pas pour habitude d'avouer ses peurs, mais il pensait devoir une explication au Strixyst. Mais effectivement, il se sentait prêt à surmonter son angoisse à ses côtés. Être accompagné de ses amis le rendait plus fort et plus courageux.

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No homo, bro - ft. John Egbert

Alfred regardait le phare depuis un moment avec une certaine inquiétude. Peut-être que cette légende, concernant le fantôme d'un vieux marin, n'était qu'une histoire qu'on racontait aux élèves de première année pour leur faire peur – mais ça avait très bien fonctionné sur lui. Non seulement car il était assez impressionnable en première année (peut-être l'était-il toujours un peu) mais aussi car il avait un passif, niveau peur des fantômes. Par exemple, lorsqu'il faisait un cauchemar, il y avait 99% de chance qu'il s'agisse d'un ou plusieurs esprits venant l'agresser. Merci les phobies induites par les légendes de son enfance. Le pire étant que personne n'avait jamais cherché à lui dire que ces histoires n'étaient pas vraies – ça faisait partie de leur culture, après tout. Et les mauvais esprits existaient, en plus. Aussi exprima-t-il tout d'abord son envie de s'écarter le plus possible du phare, et de simplement aller se promener plus loin, au bord de la mer. Mais ce fut la tête baissée qu'il dit qu'ils pouvaient quand même y faire un tour et qu'il pouvait dépasser sa peur, en espérant malgré tout que John dirait non.

Il eut un instant d'espoir quand son ami commença à répondre, admettant qu'il aimait les fantômes, « mais ». Ce fut ce simple mot qui fit croire à Alfred que peut-être, peut-être, il n'aurait pas à se confronter à sa peur aujourd'hui. Il releva la tête vers lui, prêt à reprendre son chemin, mais la réaction de John changea soudainement. Non. Non non non- Mais si. Il avait décidé de braver sa propre peur et d'aller au phare. Alfred fut tout à fait déconcerté en voyant le grand sourire de John. Pas seulement parce qu'il ne le comprenait pas, mais aussi parce qu'une petite voix lui murmurait qu'il n'était pas censé sentir son cœur battre comme il le faisait – trop vite, donc. Un peu trop fort. Il regarda son ami partir d'un pas décidé, et finit par se dire qu'il devait bien le rejoindre, même si ça ne l'enchantait absolument pas. Au pire il avait son écharpe pour s'étouffer si jamais ils se retrouvaient face à un fantôme – s'il ne faisait pas une crise cardiaque sur le coup.

En entendant John parler de « thérapie », Alfred eut une petite exclamation incrédule. Une thérapie ? Réellement ? Il allait juste vouloir mourir et peut-être le faire effectivement. Il attrapa le bras de son ami pour tenter de le ralentir un peu. Il n'avait absolument pas envie d'aller au phare. Il savait qu'il devait affronter ses peurs pour être un héros, un vrai de vrai, mais là comme ça, ça lui semblait juste brutal et soudain, ce qu'il n'était pas sûr d'apprécier – ou plutôt, ce qu'il était sûr de ne pas apprécier.
Au pied du phare, Alfred dût pourtant se rendre à l'évidence : il n'y échapperait pas. Un soupir de découragement franchit ses lèvres. Une famille sortit du phare et il regarda John. Plus personne ne semblait s'être aventuré dans le haut bâtiment – sans doute parce qu'il commençait à faire nuit et que dans les films, les méchants esprits sortent toujours à cette heure-là. Il leva la tête pour apercevoir le haut du phare, et rien que ça servit à lui donner le vertige, à lui qui n'avait jamais connu cette sensation, lui qui aimait voler sur un balai le plus haut possible, lui dont le rêve ultime était d'un jour aller dans l'espace. Ou alors c'était un malaise qui lui tombait dessus à cause de la pensée du fantôme. … Ouais, en fait c'était plutôt ça.

- Ok mais si ça se trouve je veux pas une thérapie, peut-être que j'adore avoir peur des fantômes, t'y as pas pensé à ça, hein ?

Il savait que protester ne servait à rien, John était trop décidé, mais il pouvait bien tenter. Lorsqu'ils entrèrent finalement dans le phare, la première chose qu'Alfred constata fut l'absence totale de lumière. Gé-nial. Ça commençait extrêmement bien. Il sortit sa baguette de son sac, murmurant un léger « Lumos ». Devant eux s'éclairèrent juste un grand nombre de marches en colimaçon. Il espérait qu'il y aurait des étages, comme dans la plupart des phares. Déjà un peu effrayé, anxieux, il prit la main de John. Ok. Être courageux. Il pouvait le faire. Il commença à avancer, espérant que la lumière vacillante de sa baguette ne montrait pas trop ses tremblements. Et que John ne le sentait pas alors qu'ils se tenaient la main. … Ouais, ouais, c'était un souhait nul. Effectivement, il y avait des étages dans le phare. Il s'arrêta un moment là.

- Tu crois que le fantôme est tout en haut ou qu'il se balade dans le phare ?

A vrai dire, il aimerait autant qu'il se balade. Au moins, s'ils le voyaient vite, ils pourraient repartir tout aussi vite.

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