D'abord Karkat, maintenant elle...
En ce moment, Sigmund voyait ses petits secrets s'effondrer. Pas qu'il se sentait mal à l'idée d'avouer à une ou deux tierces personnes des choses qu'il aimait bien garder pour lui, mais en si peu de temps, y'avait déjà du changement dans ses habitudes.

Et puis, ce n'était que partie remise, avec son camarade Cervirald ! Tout deux étaient des personnalités vraiment étranges, sur la toile sorcière, et il avait été convenu que ce secret reste bien gardé entre eux. Peut-être que c'était ça, qui maintenait le calme de l'Allemand : qu'il allait demander à « Pidge » - le seul nom qu'elle lui avait donné - de faire la même chose... si elle acceptait.
Car, on allait pas se mentir : Sigmund ne la connaissait pas aussi bien que ça.
Impressionné par les capacités de la Strixyst, il n'avait pas du tout résisté à l'envie de lui faire part de son plus gros fantasme au niveau de la technologie.

Bien sûr que ça relevait de la fiction autant que du risque à se prendre une moquerie bien placée et qui conduirait à la rumeur délirante que « Nitzsch il essaye de faire un truc à la Robocop », mais elle ne lui avait pas paru être aussi vile quand il l'a rencontré ! Vraiment !
Et pourtant, il tordait doucement et continuellement sa bouche en observant les détails de l'ébauche de son rêve.
« Rêve »... le mot était fort. Peut-être pouvait-on juste parler « d'invention » ? Comme les savants fous ? Sigmund savait qu'il perdait plus de temps qu'il n'en gagnait à tenter d'améliorer ses compétences techniques, mais dans un futur peut-être pas si lointain, il allait éventuellement y arriver ? Qui a dit que le monde magique n'allait pas lui offrir une chance que celui des moldus ne pouvait imaginer ? Dire que là-bas, on n'a même pas idée que les sorciers soient vrais !

Bientôt cinq minutes que Sigmund avait envoyé ce message à Pidge : « Salut, tu vas bien ? Je voulais te parler d'un truc, RDV dans la salle info tout de suite, je t'y attends ! ».
Toutefois prit du remord qu'elle puisse avoir mieux à faire, il tapota immédiatement le clavier tactile de son téléphone, le contact ouvert : « Mais si tu es occupée, y'a pas de soucis, ça peut attendre ! ».
Il s'était emporté, et en même temps, proposer d'annuler le soulageait. Il avait hâte comme la trouille de paraître n'être qu'un gamin qui n'avait qu'un trop plein de rêves dans les yeux. Mais cette fille, qui avait été capable de construire son propre ordinateur de toutes pièces... elle allait forcément pouvoir l'aider, non ?

Ou au moins, au minimum, le prendre au sérieux...

« Eh, Sigmund ! Je suis là ! »

Trop tard, elle était arrivée.
Sigmund, plus trop certain de ce qu'il voulait l'espace d'une seconde, accrocha un peu plus sa main sur l'ébauche qu'il s'était empressé de recouvrir d'un petit drap. Pour la discrétion, il est vrai qu'on aurait pu faire mieux. Mais gérer la surprise, malheureusement, il n'en était pas beaucoup capable – il sursautait assez facilement quand on arrivait aussi furtivement dans son dos. Si bien qu'un petit « Ah, t'es là ! » maladroit lui échappa, avant que ne s'en suive un plus clair :

- Salut, je t'avais pas entendu arriver...

… qui aurait pu être un petit plus convaincant que ça, vous en conviendrez.
Mais la jeune Strixyst semblait plus à l'affût que ça, et très franchement, ça n'étonnerait pas l'Allemand si elle avait tout de suite décelé ce malaise qui pouvait signifier beaucoup – simplement : quoi ?
Elle s'exclama alors avec une curiosité plutôt prédatrice à ses yeux :

« Bon, du coup... Qu'est-ce que tu avais besoin de me dire ? »

L'espace d'un instant, Sigmund se croyait en position très délicate. Il ne s'agissait pourtant que d'une petite entrevue entre bons nerds qui se respectent, mais non : pour lui, c'était comme mettre sa vie en jeu. Ceci dit, se rappelant de la pas trop lointaine époque où il était encore un jeune garçon difficile à sociabiliser et qui comptait plutôt sur le soutien de relations URL, la petite crainte d'être moquée même par Pidge... le titillait.
Elle était pourtant, forcément, pas comme les autres à et sa manière, pour avoir construit son propre ordinateur (même les sources des pièces sont floues...) ! Il ne pouvait pas faire marche en arrière ?

Non ? Tant pis. De toutes façons, il aurait du mal, n'est-ce pas ?
Sigmund se racla plusieurs petites fois la gorge, démarquant de plus en plus clairement le malaise qu'il tentait de dissimuler. Un coup d'oeil vers l'objet caché, avant une nouvelle glissade des pupilles vers elle.

- Bon, c'est... En fait, je t'ai demandé de venir pour un truc assez personnel, d'accord ? Donc, voilà...

Il essayait tout de même de reprendre contenance, et un minimum de crédibilité. Il voulait encore tâter un peu le terrain d'une ambiance tout à fait ordinaire, chasser le petit malaise qui pourrait s'installer bien trop vite et bien s'ils ne font pas un léger brin de causette avant. C'est vrai, quoi : ça pouvait attendre deux minutes !

- Tu n'étais pas loin, on dirait, non ? C'est que t'as fais vite...