Fichu psychomage !
Assis à votre bureau, vous compulsez une énième fois nerveusement entre vos mains le dossier de l’unique candidate qui a daigné vous contacter cette semaine, parcourant du regard les documents parcheminés avec une inquiétude mêlée d’espoir.
Les petits yeux myopes de la jeune postulante vous observent avec flegme depuis sa photo où elle reste immobile, bras croisés, sans un sourire et sans un geste ; pour être tout à fait honnête durant de longues secondes vous avez cru qu’il s’agissait d’une vulgaire photo moldue. Ce n’est que quand vous avez presque collé votre nez au cliché en quête d’un quelconque mouvement que le portrait a haussé élégamment un sourcil de façon tout à fait offensante.
Cela fait des années qu’Ilukaan se débrouille très bien avec son psychomage attitré, mais voilà que ce môssieur décide de partir soudainement à la retraite se la couler douce au Triangle des Bermudes avec sa nouvelle femme… Et vous voilà à galérer en plein mois d’août à essayer désespérément de trouver quelqu’un en catastrophe, au lieu de partir en vacances dans une station magicobalnéaire comme tous vos collègues.
Vous avez eu beau faire, l’offre d’emploi n’a pas attiré les foules, mais cela ne vous surprend pas. La plupart des psychomages exercent leur activité en cabinet privé ou dans de prestigieux instituts comme Ste Mangouste, voir partent étudier la psychologie des créatures magiques dans des pays exotiques… en comparaison le petit poste que vous proposez est bien moins passionnant. Et bien moins lucratif.
Néanmoins, de là à n’avoir reçu qu’une seule réponse potable … à deux semaines de la rentrée, certes vous vous y êtes pris très tard… et… Oui, en effet, au moins il y en a eu une ! Et si vos informations sont correctes, c’est une candidature tout à fait solide. Cependant vous craignez de tomber sur un médecin raté, ou quelqu’un ayant eu des démêlés avec la justice et ne pouvant plus exercer en clinique, ou un étudiant un peu présomptueux qui aurait falsifié son CV. Et surtout, vous craignez de ne pas avoir d’autre choix que de l’embaucher malgré vos réticences. Ce qui sera sûrement le cas.
Si jamais vous êtes obligé de recruter une catastrophe ambulante… ! Pas question que vous portiez le chapeau si ça tourne mal !
Vous fourrez rageusement votre plume dans un tiroir et faites place nette aux alentours pour vous donner un semblant d’air organisé. Ce n’est pas un sourcil sur une photo qui va vous désarçonner tout de même.
On frappe à la porte, et sur votre injonction une jeune femme entre dans la pièce.

Grosses lunettes rondes, peau pâle un rien maladive, cheveux roussâtres souples et indisciplinés - C’est bien la même que sur l’image que vous teniez en main. Merlin soit loué, elle est ponctuelle, c’est un bon début.
Elle vous salue poliment en vous remerciant de lui accorder un entretien et vous êtes surpris par le ton monocorde et un peu grave de sa voix trainante qui tranche avec sa petite taille fluette. Pourtant ses quelques inflexions sont douces, chaudes, assurées.
Vous l’invitez à s’assoir en déplaçant une confortable chaise d’un geste de baguette et elle s’en vient vous rejoindre sans hâte. Elle porte une veste antédiluvienne et… et en fait, elle a un style tout à fait moldu, ou du moins qui correspond à l’image que vous vous en faites. Chemisier repassé et propre, jupe noire, bottes solides, ni maquillage ni bijoux pour mettre en valeur le vert terreux de son regard. Elle se tient un rien penchée en avant, légèrement voûtée par le poids de son sac en bandoulière. A croire qu’elle ne fait aucun effort pour se tenir correctement devant vous ! Et en plus elle vous regarde à peine! Vous devriez trouver ça irritant, pourtant…
Pourtant de prime abord elle a cet air tranquille et naturel, un peu brut de décoffrage, qui vous met en confiance presque malgré vous. Son visage est doux, adulte, sans la finesse juvénile des adolescents ni l’aspect poupin que certaines femmes aiment entretenir – elle est à l’aise avec elle-même et ça se sent. Ses yeux aux paupières épaisses, étrécis par des années de myopie, sont légèrement étirés en amande ; son nez est moyen au bout arrondi ; sa bouche boudeuse et un peu charnue, son cou fin et gracile, sa poitrine et ses hanches tout en courbes. Elle est à cet âge béni où les femmes ont un visage mature et encore exempt de rides.
Vous observez avec satisfaction qu’à priori elle ne porte ni tatouage ni piercings. Au moins, elle a l’air fréquentable et ne devrait pas pervertir la jeunesse qui évolue dans vos murs !
Lorsqu’elle fait glisser lentement la sangle de son épaule, vous constatez la petite taille de ses mains aux ongles courts mais soignés. Ni travailleuse manuelle, ni fan des manucures à priori. Rat de bibliothèque peut-être ?
Elle ne semble pas bien épaisse et le soupir las qu’elle pousse en déposant le sac au sol puis en posant son séant dans le fauteuil vous fait penser qu’elle ne doit pas être très sportive non plus.

Vous vous éclaircissez la voix et sortez son dossier d’un air affairé tandis qu’elle vous observe en silence, très détendue – pour ne pas dire détachée – bras le long du corps et mains posées devant elle.

- Enchanté ! Prenez place, prenez place…
Vous tournez les pages d’un air concentré et inspiré.
- Voyons, voyons… Mademoiselle Morgendorffer… En tête de classe durant vos études magiques, brillante pendant votre cursus universitaire… très intéressant, tout ça !
- … Ah… Oui. L’école. C'était bien.
Vous marquez une pause pour relever les yeux vers elle un instant. Le ton de sa voix ne correspondait pas du tout à l’enthousiasme attendu, comme si elle était fatiguée ou qu'elle... s'en moquait. Mais peut-être avez-vous mal interprété son timbre traînant si particulier, d’autant que votre réaction ne semble guère la troubler.
- Hm… Et… Et je vois que vous avez des rapports de stage très positifs après vos expériences dans un centre de magicopsychisme dédié aux jeunes Cracmols !
- Euh… Oui. J’adore les enfants.
Encore ce ton monocorde. Et … quelle étrange façon de répondre, laconique, peu convaincante. Peut-être est-elle stressée malgré les apparences ? Vous tentez de la mettre à l’aise en la faisant parler d’elle.
- Racontez-moi ! Que vous a apporté cette expérience ?
- Si vous attendez une réponde parfaitement honnête… Il est toujours très enrichissant de côtoyer de jeunes êtres innocents aux rêves brisé.
- … Hein ?
- Réussir à leur faire entendre que leur existence a toujours un sens est un défi des plus valorisant. Ils arrivent avec des pensées extrêmement sombres, étant entendu que leurs parents nient souvent leur véritable nature. Ils ne cessent d’entretenir le rêve que des pouvoirs se manifesteront et ce faisant entretiennent le malheur de leur progéniture. En regardant la vérité en face, chacun en sort grandi. C'est un processus douloureux mais bénéfique. Enrichissant, donc.
Vous voilà un peu perdu. Bien que ces propos vous dérangent, ils n’en sont pas moins cruellement vrais et vous vous voyez mal les contredire. Et d’après ses rapports de stage elle y a brillé à plus d’un titre, difficile de l’attaquer sur ce sujet… Vous marmonnez pour vous-même et décidez de changer d’angle d’attaque.
- Hum, heu, oui, sans doute… Laissons le cv de côté un instant ! Je lis ici que vous vous êtes découvert des dons magiques vers 9 ans… J’imagine que parmi les moldus, vous ne voyiez pas votre avenir tel qu’il est aujourd’hui, n’est-ce pas ?
Vous souriez de toutes vos dents pour meubler le silence stoïque qu’elle vous adresse.
- A cet âge, vous deviez avoir des projets, des aspirations… Dites-moi, avant de découvrir le Monde Magique, quel était votre rêve ?
- J’en avais bien un où tout le monde dans les rues brûlait comme des torches humaines, mais …
Elle marque un léger blanc devant votre air effaré.
- … c’est une blague moldue.
- ….. AH ! Vous m’en voyez rassuré !
Vous n'êtes pas rassuré du tout. Vous riez un peu trop fort pour que ça semble naturel. Elle garde le visage figé et le regard fixe.
- Beaucoup, beaucoup d’humour, à ce que je vois ! C’est bien, c’est très bien… Vous en aurez besoin auprès de nos élèves, ça sera un point fort j’en suis sûr.  Dites-moi, en parlant de nos élèves, comment voyez-vous votre travail ici ?
- Oh. Eh bien... Je suppose que je gèrerai des ados à l’égo blessé par des futilités toute la journée. Des amours frustrés. Des heures de colle injustes. J’aurai parfois de vrais problèmes à gérer j’espère. Et les profs dépressifs aussi. Il y a toujours des profs dépressifs. C’est normal dans le métier. Mais vous savez ce genre de choses mieux que moi.
Vous la regardez d’un air incrédule, mais elle reste de marbre, ses petits yeux sondant votre réaction. Vous sentez son regard traîner sur votre visage comme des petits doigts d'enfant trop curieux. C’est encore une blague ou elle vous teste… ? Comment elle le saurait, d'abord? Vous avez l'air si fatigué que ça? Vous prenez pourtant votre potion tous les matins et...
Vous passez une main nerveuse dans vos cheveux pour garder contenance.
- Biiiiien bien bien… Alors c’est un classique hein, mais selon vous, quels sont vos trois plus gros défauts ?
- Je suis honnête et réaliste. Ça semble positif, mais ça ne l'est pas tant que ça. Voir le monde tel qu’il est comme une malédiction. Je ne peux pas apprendre à danser sous la pluie si je sais que je vais attraper une pneumonie et mourir dans une atroce agonie. …….. Oh, attendez, en fait c’est une bonne chose. Vivement le prochain orage.
- ………………… Oui…. D’accord…. Je…  Vous ne m’avez donné que deux défauts ?
- C’est sans doute que je n’en ai que deux.
- Je suis sûr que vous saurez vous trouver une autre petite imperfection ?
- Je… Peux parfois faire montre d’un grand manque d’enthousiasme, malgré une intense excitation.
Elle hausse les épaules et vous pensez entrevoir derrière ses lunettes une étincelle de malice ; à moins que ce ne soit le désespoir qui embue votre vision. Vous frottez vos pommettes dans un geste de fatigue.
- Heum, et heuuuu… et d’ailleurs, pourquoi avoir choisi de postuler à notre offre ?
- Je veux acquérir une expérience enrichissante sur le plan professionnel et épanouissante sur le plan personnel, consolider mes acquis pour pouvoir mettre à profit mon expertise gagnée au long de mes années d’études afin de rendre le monde meilleur.
- Ah ! Vraiment ? , vous exclamez-vous avec ravissement en entendant enfin une réponse normale.
- Non.
Vous vous enfoncez dans le dossier rembourré de votre fauteuil avec un grognement désabusé.
- Mademoiselle …
- Je n’aurai pas fait toutes ces heures de route pour un entretien concernant un poste qui ne m’intéresse pas, réplique-t-elle d’un ton docte. Il n’y a pas mille raisons de postuler ici. C’est un emploi paisible dans un environnement paisible, visiblement je ne suis ici ni à visée carriériste ni pour faire déborder mon compte de Gringott, je viens profiter du cadre et vous le savez pertinemment. Ceci étant, je peux vous affirmer que ma motivation est inébranlable et que mal prendre en charge les élèves n'est pas une option.
Vous perdez peu à peu vos moyens face à son mélange détonnant de franchise et de cynisme. Pour garder contenance, vous prenez un air pincé.
- Vous aimez votre métier, vous saurez faire votre travail ?
- Évidemment.
- Et vous êtes disponible...?
- Immédiatement.
Récapitulons. Elle présente bien, elle est propre sur elle, elle a l'air sérieuse - cela devrait garder la majorité des élèves en respect. Elle a de l'expérience auprès des jeunes, et même si elle est affreusement bizarre, elle devrait faire illusion le temps de trouver quelqu'un de moins ... de plus... normal pour la remplacer. Il suffira d'attendre qu'elle fasse une faute - ce qui ne devrait pas manquer - et vous demanderez à changer de personnel. Personne ne vous en tiendra rigueur. Vous maîtrisez parfaitement la situation, pas de quoi paniquer.
Vous soupirez longuement et prenez votre air le plus autoritaire pour l'inspecter de la tête aux pieds .
- Je vois..... Excellent. Vous pensez pouvoir trouver votre place parmi notre équipe éducative ?
Elle vous adresse un sourire sans joie - son tout premier depuis le début de l'entrevue.
- Oh... Sans l’ombre d’un doute. Je vous l’ai dit. J’adore les enfants.

C’est à Lawndale, petite banlieue sans intérêt du nord des Etats Unis, que grandit une jeune fille nommée Daria.
Sa mère Helen est aujourd’hui encore une brillance avocate à la carrière intensément chronophage. Daria n’a guère de souvenirs d’un repas de famille ou d’une conversation qui n’ait été interrompue par le coup de fil long et bruyant d’un de ses confrères ou d’un collègue. Son père quant à lui est Jake, bureaucrate raté à la carrière désastreuse, chef de famille incompétent à l’humeur instable et aux crises de panique hystérique quotidiennes.
C’est dans cette étrange ambiance, entre une mère accrochée à son portable nuit et jour et un père blâmant les soi-disant maltraitances de ses propres parents pour expliquer ses échecs, que Daria vécut ses premières années.
Vous l’aurez compris, les Morgendorffer étaient des moldus comme il en existe des milliards : un couple dépareillé et bigarré, pas très stable, mais heureux.

Il leur apparut bien vite que leur adorable petite tête brune (et myope) n’était pas tout à fait comme les autres. Là où les enfants de son âge jouaient dans le bac à sable du parc du quartier ou apprenaient à faire du tricycle, Daria restait dans son coin à lire des volumes bien trop gros posés sur ses genoux frêles. Elle n’avait pas d’amis et ne semblait vouloir faire aucun effort pour s’en faire : solitaire, elle dessinait en silence ou s’isolait dans un immense carton de déménagement qu’elle avait aménagé en cabane dans sa chambre. Pourtant elle ne semblait pas être repoussée ou harcelée par les autres, c’était plutôt elle qui ne voulait pas se mêler à eux.

L’étrange comportement de leur fille, compte tenu de son environnement familial peu propice, ne tenait en rien du hasard. De temps en temps au ceux de son oreille Daria entendait des voix inidentifiables qui parlaient de tout et de rien. Certaines des cris, d’autres des murmures. Elle n'était pas toujours capable de leur donner un âge ou un sexe, mais elles étaient là, bien présentes et… tenaces. Elles pouvaient survenir à toute heure, pour peu qu'il y ait des gens autour d'elle.
Lorsqu’elle tentait d’en discuter ni son père ni sa mère ne prenaient ses déclarations au sérieux (en général ils ne l’écoutaient qu’à peine, son père partait au quart de tour sur une tirade concernant la pression de l’héritage parental et sa mère partait répondre au téléphone avec un « c’est très bien ma chérie » distrait).
Ses seules échappatoires étaient la solitude, qui lui offrait un reposant silence, et la lecture qui mettaient ses parasites en sourdine momentanément : plus l’ouvrage était compliqué, plus il se révélait efficace.

Voyant leur bébé adoré s’isoler et se murer dans le silence, devenir (à leur grande horreur) un genre d’intello précoce, les Morgendorffer se révélèrent incapables de trouver une solution - si tant est qu'ils en cherchèrent une. Ils eurent donc la fausse bonne idée de faire ce que des milliards de moldus ont fait avant eux : un second enfant pour tenir compagnie au premier.
Ainsi naquit Quinn, adorable petite rousse souriante et épanouie. Tout l’inverse de sa sœur aînée, elle était coquette, sociable, gracieuse, souriante… et écervelée. Quand Daria se présentait, elle résumait sobrement : « Je suis sa grande sœur. C’est moi qui ai hérité du cerveau. » Néanmoins sa superficialité et son besoin presque vital de plaire cachaient certainement une soif inextinguible d'attention : le comportement de Daria prenait toute l'attention de leurs parents au quotidien et a cadette avait toutes les peines du monde à trouver sa place dans le foyer.
Incapables de s’entendre comme l’eau et l’huile, elles grandirent ensemble sans rien partager, bien qu’elles aient côtoyé la même école de quartier – où Quinn préférait se prétendre enfant unique et éviter de réviser pour plutôt diriger le Club de Mode de l’établissement.

Bien que pénible à ses yeux la scolarité de Daria était brillante : elle se révélait plutôt douée dans toutes les matières excepté le sport où elle n'était pas disposée à faire le moindre effort. Néanmoins, plus elle restait proche de ses camarades de classe, plus les voix se faisaient envahissantes. Sans bien comprendre le pourquoi du comment elle avait fini par réaliser que côtoyer des gens de trop près rendait les voix plus présentes et que -malheureusement- elle vivait entourée d’imbéciles. D'années en années, elle se renfermait plus encore sur elle-même. Les gens lui semblaient tous si simples à comprendre, leurs problèmes si inconséquents, certaines de leurs pensées tellement mauvaises. Tout le monde était-il donc stupide?

C’est sur la fin de sa neuvième année, après que sa porte de chambre ait été inexplicablement scellée pendant une dispute avec Quinn, que la Commission d’Enregistrement des Nés Moldus entra en action. Quelques rapides entretiens convainquirent les sorciers que les Morgendorffer étaient tout simplement trop... particuliers pour comprendre la situation et que Daria pouvait rester à leurs côtés sans risque. Sous couvert d’une inscription dans une prestigieuse école étrangère intéressée par les brillantes notes de Daria, elle se retrouva inscrite au célèbre centre d'étude de magie d’Amérique du Nord Ilvermorny et entra rapidement en première année loin de son foyer moldu.

Bourse d’études, nouvelles matières, nouvelle vie… L’existence toute entière de Daria était bouleversée, et pour le mieux !
Hélas toute incroyable que soit l’expérience et tout excitant qu’il soit de découvrir ce nouvel univers, les voix restaient irrémédiablement présentes. Néanmoins elle eut enfin une réponse quant à leur origine. Elle avait, d’après certains de ses professeurs, des facilités extrêmes à la pratique de la légilimancie et captait involontairement les pensées les plus futiles de son entourage d'un simple regard. Une famille normale, même purement moldue, aurait pu remarquer quelque chose. Mais les Morgendorffer... Enfin, ils étaient vraiment particuliers.
C'était un problème à plus d'un titre. Elle ne pouvait pas développer ce pouvoir et apprendre à le maîtriser sans un apprentissage long, difficile et réservé aux sorciers majeurs qui s'en montrent dignes. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'être harcelée mentalement par les frivolités des autres non plus.
Elle se révéla tout à fait nullissime en occlumancie et, incapable de fermer son esprit, elle n'eut pas d’autre choix que de prendre son mal en patience, apprendre à vivre avec… pour espérer étudier la légilimancie dans quelques années et, peut-être, se libérer de son mal.
D’ici là elle restait pour tous une Sang-de-Bourbe, cette fille bizarre et réservée qui ne regardait personne dans les yeux, passait son temps libre à la bibliothèque et évitait les foules. Elle ne suivait même pas la compétition locale de quidditch : quand elle était dans un lieu bondé, son esprit était encombré par des pensées superficielles qui n'étaient pas les siennes et l'empêchaient de réfléchir. C'était épuisant.
Dieu merci entre les élèves inintéressants et les éventuels bullies qui lui menaient la vie dure (Ilvermorny était du genre conservateur...) il y avait Jane Lane, une jeune sorcière de son âge à la fois artiste et rock’n’roll, avec qui elle se sentait plus à l’aise qu’avec n’importe qui au monde. Elles échangeaient leurs avis sombres et acerbes sur le monde, leurs lectures, leur musique… Elles partageaient le même humour grinçant et le même amour pour la littérature. Pour la première fois de sa vie, Daria avait une véritable amie.
Ses études magiques, un peu chaotique les deux premières années le temps de s'adapter, devinrent rapidement tout à fait correctes. L’été elle rentrait à Lawndale et attendait, stoïque, la rentrée scolaire suivante.

Fraîchement majeure et diplômée elle put enfin se lancer dans l’étude approfondie de la psychomagie, seule orientation qui permettait d'exploser la legilimancie sans devoir se tourner vers des postes de nature douteuse voir dangereuse. Le travail de cette branche magique et ses applications au quotidien, mêlés de psychologie moldue, l'intéressaient suffisamment pour qu'elle envisage de s'y investir. Vous l'aurez compris, aider les autres n'est pas sa prime motivation ni vraiment sa passion...
Si son statut de née-moldue lui faisait parfois rencontrer une certaine opposition elle se débrouillait toujours pour retomber sur ses pieds et multiplier les expériences.
Hélas elle eut beau s'initier à la cet art pendant près de dix ans et atteindre un niveau tout à fait honorable, elle ne cessait d’entendre les pensées - généralement les plus inconséquentes - des gens dont elle croisait le regard. Peut-être un peu moins qu'autrefois il est vrai, peut-être de façon moins envahissante, mais c'était encore suffisant pour l'handicaper au quotidien.
Et en plus elle restait lamentable en occlumancie.

Après plusieurs années à se perfectionner elle décida de prendre un peu de temps pour elle. Il lui fallait un poste dans un environnement calme, avec moins de responsabilités, où elle verrait peu de monde et où elle gèrerait elle-même son emploi du temps. Juste un an ou deux, le temps de remettre ses projets à plat… et peut-être trouver enfin un moyen d’échapper enfin à ses voix.