Greed

Lorsque l’on vivait sans rien, il était très facile de finir par se focaliser sur tout ce qui nous manquait. Et ne rien avoir, Zero savait parfaitement ce que ça représentait. Jusqu’à ses sept ans, la jeune femme ne possédait rien. Non pas que son père manquait d’argent. Simplement, le dépenser pour le bien-être de sa propre fille ne semblait pas ici être la priorité. Elle avait grandi avec quelques jouets, toujours les mêmes. Elle avait lu et relu le même livre sans cesse. Ses vêtements étaient tous des vêtements d’occasion. Son bien le plus cher lui venait de Hiro, son seul véritable ami, qui avait lui aussi fini par disparaître.

Aussi, lorsqu’elle fut recueillie par sa famille d’accueil, ce fut une toute autre vie qui s’offrait à elle. Une vie qui lui donnait un aperçu de cette liberté dont elle avait toujours tant rêvé. Une liberté en partie procurée par la richesse qui s’offrait désormais à elle. Plus elle accumulerait de cette richesse, plus elle amasserait d’argent, plus facilement elle pourrait s’acheter cette liberté qu’elle souhaitait tant.

Aujourd’hui, à vingt ans, cette façon de penser était ancrée en elle. L’argent était important, et elle devait en accumuler rapidement. Sa famille d’accueil, bien que loin d’être riche, lui avait toujours prodiguée tout ce dont elle avait besoin. Mais la jeune femme avait besoin de toujours plus, pour entretenir ce mode de vie : ses sorties toujours plus nombreuses, ses vêtements qu’elle ne portait parfois qu’une seule fois, les quantités de sucres qu’elle ingurgitait chaque jour.

Et pour continuer à vivre comme elle l’entendait, elle avait ses propres techniques : débourser le moins possible l’argent qu’elle gagnait. La sorcière aux cheveux roses avait développé un moyen imparable : la séduction. Se faire offrir les objets de ses désirs était le meilleur moyen d’accumuler en masse tout ce dont elle souhaitait lui permettait de garder son rythme de vie endiablé sans avoir à débourser le moindre galions de ses comptes. Son compte pentagram, ses nombreux sexfriends, parfois même un petit vol à la tire, lui apportaient bien plus que nécessaire.

Malheureusement, en cette journée froide et grise de novembre, Zero était attablée seule au Stardust, un café très sucré fumant devant elle, un muffin aux pépites de chocolat bien entamé juste à côté. Elle regardait sa consommation, réalisant qu’elle devrait débourser de son propre denier pour celle-ci. Elle n’y avait pas songé lorsqu’elle était entrée dans le café, ni lorsqu’elle avait commandé. Elle était plongée dans le calcul. Ce n’était pas une grosse somme, mais suffisante pour la faire tiquer. Elle croqua dans le gâteau à pleine dent, tout en regardant autour d’elle. Elle savait comment s’y prendre, mais aujourd’hui, il n’y avait pas grand monde à draguer qui pourrait se porter volontaire.

Son regard se posa finalement vers un autre élève d’Ilukaan. Un élève qu’elle ne connaissait pas vraiment, mais qu’elle avait déjà croisé. Où l’avait-elle déjà vu ? Elle qui pouvait être si superficielle et égocentrique, ce n’était pas son fort de retenir les personnages secondaires de sa vie. Pourtant, ses cheveux violets et les bijoux qu’il portait étaient loin de passer inaperçus. Elle mit quelques instants avant de comprendre qu’elle l’avait déjà vu accompagner Genji. Son nom ? Elle ne s’en rappelait absolument pas, par contre. Ce n’était pas dans son intérêt de le retenir jusqu’à maintenant. Il était peut-être un peu jeune, pour ce jeu de drague qu’elle avait l’habitude de mettre en place. D’un autre côté, peut–être plus impressionnable. Le jeu pourrait en être d’autant plus facile. Elle sirota son café, tout en essayant d’attirer l’attention du jeune sorcier, par des regards pour le moins aguicheur.

Greed

Elle était experte dans les petits jeux de séduction, et pour lancer les petits regards aguicheurs qui finissaient par attirer ses proies dans ses filets, elle était plutôt douée. Pourtant, la réaction du jeune sorcier de l’autre côté de la pièce fut particulièrement rapide. Elle n’avait pas eu besoin de vraiment attirer l’attention. Elle n’avait pas eu besoin de jouer les ingénues, ou de conquérir par des petits jeux de regard à distance. Elle ne s’y était pas vraiment attendue, et ce n’était pas vraiment habituel de ferrer si rapidement sa proie. Ses techniques habituelles seraient forcément différentes. Elle s’adapterait, ce n’était pas dramatique.

Elle le regarda s’approcher d’une démarche élégante, ne cessant pas de lui sourire. Elle ne s’était pas attendue à cette réactivité, mais elle n’était absolument pas déstabilisée pour un sous. Et en un instant, il était face à elle, s’installant sur la chaise devant elle, lui lançant un sourire charmant, auquel elle ne manqua pas de répondre, plus séductrice que jamais.

Elle le détailla quelques secondes, s’imprégnant parfaitement de qui il était en un simple regard. Après tout, “il ne faut pas juger un livre à sa couverture” était à ses yeux l’expression la plus stupide au monde. Bien sûr que l’on devait juger quelqu’un sur son apparence. L’apparence transmettait tellement d’informations sur les personnes. Elle ne pensait pas à catégoriser les gens en “beau”, “moche”, “gros”, “athlétique” ou quoi que ce soit. Mais la démarche, la manière de s’habiller, les gestes et mimiques, le soin que l’on portait à son physique. Tout ça, c’était des données précieuses pour cerner quelqu’un. Zéro était devenue experte dans l’art de dénicher ses informations.

Ses cheveux colorés en violet, ses yeux dorés qui ne la quittaient pas un instant, le fait de l’avoir remarqué en un instant, sa manière de s’habiller, et ses bijoux dorés qui reflétaient la lumière des néons du Stardust. Dans ce court laps de temps où il la salua simplement, elle eut le temps de voir tout ça et de comprendre qu’il voulait qu’on le remarque. Il était un peu comme elle, il voulait de l’attention. Et bien si c’est ce qu’il souhaitait, elle lui en donnerait pléthore. Elle aurait seulement besoin d’un léger service en échange.

- Salut, toi !

Elle avait répondu d’une voix douce et enjôleuse. Elle se rappelait l’avoir déjà vu, mais elle ne prêtait pas attention aux gens autour d’elle pour se rappeler des noms des personnages secondaires de son histoire. Ca ne servait à rien de fouiller sa mémoire à l’aide d’indices qui pourrait la mettre sur la bonne voie. Après tout, être remarqué par une femme comme elle, aussi incroyablement charmante ~selon ses propres dires~ était déjà bien suffisant. Elle lui faisait une fleur, en lui prêtant son attention, elle ne pouvait pas connaître le nom de tous les élèves d’Ilukaan. Elle lui lança un clin d’oeil aguicheur, comme elle en avait l’habitude. C’était sa marque de fabrique, en un sens.

- Je n’ai pas pu m’empêcher de te remarquer, tout seul dans ton coin.

Sa voix était chantante, suave, séductrice. Presque envoutante.

- Je m’appelle Zero, au fait.

Elle plongea sa cuillère dans sa pâtisserie pour en manger un morceau, dans un mouvement plus que suggestif.

Greed

Rien de bien surprenant à cette réponse. Après tout, la porteuse de ruby savait parfaitement laisser une empreinte sur les gens qu’elle croisait. Son nom n’était pas inconnu au bataillon, à Ilukaan. Elle avait marqué les esprits de certains. Que ce soit par sa prestance, ses révoltes récurrentes, son physique, son travail et les services qu’elle demandait en échange, ou encore simplement par son début de notoriété sur les réseaux. Mais cela n’empêchait en rien son égo d’être flatté, et son sourire de s’élargir face à ce simple “je sais”, renforçant un peu plus son sentiment d’être quelqu’un.

Et même si dans le fond, c’était loin d’être ce qui l’intéressait, savoir que son nom résonnait dans l’esprit même de personne qu’elle ne connaissait pas lui donner vaguement l’illusion d’être différente, de sortir du lot, et de ne plus être cette enfant pitoyable qu’elle avait été un jour dans sa vie. Désormais, elle avait pris sa vie en main. Elle faisait ses propres choix. Elle créait son propre empire, dans lequel nombre de ses pions n’était là que pour satisfaire son moindre désir. Et lorsqu’elle en manquait, elle était parfaitement apte à se procurer son plaisir par elle-même. Cette chimère de liberté qu’elle tendait toujours à atteindre, elle avait parfois l’impression qu’elle était juste sous ses yeux.

Mais ce n’était pas le moment de s’attarder sur tout cela en pensée. Elle se focalisa plutôt sur les yeux ambres et persans du Strixyst face à elle. Et Zero lui rendit un sourire, presque intimidé, feignant la timidité, qui était en réalité loin de l’envahir. Les hommes aimaient avoir cet effet sur les femmes, elle le savait. Et elle savait également parfaitement leur donner l’impression qu’ils étaient en contrôle, alors qu’elle les manipulait d’une main de mettre, tirant toutes les ficelles telles une marionnettiste. Ses joues prirent une teinte rosée, qu’elle avait appris à maîtriser à la perfection, allez savoir comment, avant qu’elle ne réponde de sa voix la plus cristalline possible.

- Comment ne pas aimer une vue comme celle-ci ?

Elle savait parfaitement comment attirer ses proies dans ces filets, et même si son objectif était encore loin d’être accompli, elle avait réussi la première étape en un instant seulement. Parce que sa proie se tenait bien face à elle, sans défense, intriguée par cette personne qui dégageait tant de charme. Ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait être remarqué par une femme de son accabit.

Et elle reprit la conversation, avec le même timbre chantant. Elle savait s’adapter à sa victime. Si la provocation ne marchait pas, ce qui était pourtant d’habitude le plus fonctionnel avec les hommes, elle le charmerait autrement. Elle l’envouterait, tout simplement, jusqu’à obtenir ce qu’elle voulait.

- J’espère que je ne t’ai pas mis mal à l’aise.. Mais je n’ai pas réussi à détourner le regard.

La flatterie. Plus elle observait le jeune homme, et plus elle savait que c’était sa porte d’entrée. Elle ne serait donc pas avare, pour une fois, en compliments, et c’est ce que lui attendait également. Alors, elle ne détournerait pas le regard une seule seconde, donnant au sorcier le sentiment qu’il avait capté toute l’attention de l’américaine.

- Comment quelqu’un tel que toi peut-il se retrouver seul à cette heure-ci au Stardust ? Tu attends quelqu’un, peut-être ?

Demanda-t-elle, faussement ingénue, une moue presque déçue sur le visage, ne laissant pas planer le doute : elle le serait s’il avait à partir et à la laisser seule.