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C’était une routine quotidienne à laquelle il n’échappait jamais et qu’il n’aurait loupé pour rien au monde. Chez lui au Japon, ou dans l’école canadienne, Soma passait la majorité de son temps libre en cuisine. Il y prenait un plaisir non caché, et émanait toujours de la joie lorsqu’il se retrouvait devant les fourneaux. Et aujourd’hui était loin d’être différent. Le Strixyst prenait toujours plaisir à tester, découvrir, s’entraîner, essayer de nouvelles choses. Et l’émulation qu’apportait le club de cuisine le rendait encore plus enthousiaste, lui permettant de confronter ses idées à celles des autres, d’obtenir des conseils et de prodiguer de l’aide au plus jeune. Il n’avait qu’une hâte : pouvoir enfin entrer en année de cursus pour passer encore plus de temps en cuisine. Plus jeune, il s’était imaginé que des cours de cuisine ne lui apporteraient rien de plus que ce que pouvait déjà lui apporter le restaurant familial. Aujourd’hui, face à tous les défis qu’il rencontrait à Ilukaan, face aux amis qu’il avait trouvé au club de cuisine, au concours qui avait été organisé le mois précédent, il se rendait compte que c’était la meilleure chose qui aurait pu lui arriver.

Le jeune homme était si occupé à tester de nouvelles recettes et techniques pour mettre en valeur ses idées -il se focalisait actuellement sur l’assaisonnement de ses recettes, point qu’il avait jusqu’alors un peu négligé- qu’il ne remarqua même pas l’inconnu dans la salle. Cependant, il n’était pas rare que toute sorte d’élèves passent par les cuisines, et, même s’il n’y prêtait généralement pas attention, trop occupé à ses propres activités, ses derniers venaient généralement trouver de l’aide auprès des habitués du club. Alors lorsque celui-ci l’interpella, il ne fut pas vraiment surpris. Il lui lança un grand sourire nonchalant, toujours heureux de pouvoir partager sa passion, et d’aider les autres, surtout lorsqu’il s’agissait de sa spécialité. Il regarda autour de lui, avant de pointer du doigt un panier sans fond, dans lequel on pouvait trouver toutes sortes de fruits.

- Tu devrais pouvoir en trouver là-bas !

Soma ne s’encombrait jamais vraiment des formules de politesses asiatiques, et était toujours assez familier avec tout le monde, sûrement en raison de sa nonchalance habituelle, et de sa vision amicale du monde. Il lança un coup d'œil au passage au plan de travail qu’avait investi son aîné pour y voir les préparations qu’il avait commencé. Le Strixyst posa alors son couteau, glissant ses mains dans ses poches tout en se balançant légèrement de ses talons sur la pointe de ses pieds.

- Tu as besoin d’aide pour quelque chose ? Si jamais, je connais les cuisines comme ma poche, alors hésite pas ! Et puis, tu trouveras pas meilleure aide de toute façon !

Il avait dit ça sans se départir de son sourire, mais sans la moindre once d’arrogance ou d’orgueil. Après tout, il l’avait toujours dit : il deviendrait le meilleur cuisinier. C’était en quelque sorte son rêve. Et puis, il avait gagné le concours organisé par Francis haut-la-main, il pouvait bien s’en vanter un petit peu.

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Pendant un court instant, il suivit du regard le Cervirald qui était venu lui demander de l’aide, curieux de ce qu’il pouvait bien préparer. Le fruit du dragon n’était pas vraiment l’ingrédient le plus utilisé des cuisines, à vrai dire. Peu de gens savaient quoi en faire, en dehors d’une salade de fruit, alors il était facilement boudé. Mais puisque le four était allumé et qu’il y avait farine et sucre sur la table, ce n’était probablement pas l’intention du chinois. Il ne se cachait pas vraiment, observant sans discrétion ce que l’inconnu faisait. Et sa curiosité fut rapidement satisfaite, puisque son aîné revint vers lui très rapidement, une fois le fruit récupéré, pour pouvoir avoir des renseignements supplémentaires. Un gâteau pour un ami donc ? Soma acquiesça, toujours souriant.

Soma avait toujours été quelqu’un de serviable. Qu’il soit occupé ou non, il était toujours prêt à faire une pause dans ce qu’il avait commencé pour aider les autres. Il avait beau être extrêmement familier avec tout le monde, et paraître un peu nonchalant ou peu éduqué par moment, cela lui faisait toujours plaisir de rendre service. Et puis, c’était également une occasion de s’entraîner un peu, de découvrir de nouvelles choses, de sortir de sa zone de confort pour cuisiner quelque chose qui ne lui serait pas venu à l’esprit en étant seul. Après tout, c’était l’une des choses qu’il aimait le plus : pouvoir confronter ses idées et ses envies à celles des autres, et ainsi en avoir des nouvelles qu’il n’aurait jamais eu autrement.

- Moi, c’est Soma. Et toi, tu t’appelles comment ? Ce sera tout de même plus pratique pour discuter.

Demanda-t-il tout en attrapant le fruit que le Cervirald avait posé sur le plan de travail, pour pouvoir lui montrer la technique. Il n’était pas du tout déconcerté par son attitude fermée et son expression totale. Ce n’était pas vraiment quelque chose qui l’arrêtait. Il se saisit ensuite de son couteau, qu’il avait laissé de côté, le passa rapidement sur l’eau pour le nettoyer légèrement, et coupa lui fruit en deux, dévoilant une odeur très légère, proche de celle du melon, ainsi que sa chair blanche, parsemée de grains noirs. Il coupa à  nouveau chaque moitié pour en avoir quatre quarts devant lui. Soma releva la tête pour parler au chinois.

- Tu veux essayer en même temps que moi ? S’pas très compliqué à éplucher. En vrai, c’est un peu comme on épluche une orange. Et si c’est trop galère, on peut juste y aller à la cuillère, comme pour un kiwi.

Et sur ses paroles, il attrapa un des quarts de fruit du dragon qui était posé devant lui, glissa un doigt entre la chair et la peau, pour dégager un peu cette dernière, avant de tirer dessus. La peau, qui ressemblait à des feuilles rose fuchsia, suivit sans résistance, lui permettant de dégager le fruit entièrement. Il s’attaqua au deuxième quart, jetant des coups d’oeil vers Zhan, pour voir s’il s’occupait du reste.

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Quand on cuisine depuis plus longtemps que l’on ne marche, parle ou fait de la magie, rien d’étonnant à être expérimenté dans le domaine. Après tout, déjà tout jeune, il s’amusait à défier son paternel dans des duels plus insensés les uns que les autres. Mais c’était bien là la raison de sa maîtrise du couteau aujourd’hui. Soma souriait toujours ou presque. Mais quand il était en cuisine, il était d’autant plus rayonnant. On sentait que c’était bien là son milieu naturel et qu’il y était à l’aise. Il ne cherchait pas à impressionner quiconque, ou à faire le malin devant les autres. Il ne souhaitait qu’une chose, découvrir encore plus de techniques, d’accords, de recettes. Tout ce qu’il pourrait par la suite tirer à son avantage pour créer le menu parfait lorsqu’il reprendrait le restaurant de son père.

Il lança un mouvement encourageant de la tête en voyant Lan Wangji éplucher son fruit, bien que plus difficilement que lui, mais au moins, il y arrivait tout seul. Certains auraient ronchonné à foutre ses doigts dans la chair ainsi, et le Strixyst était bien content de voir que son apprenti du jour ne laissait rien paraître. Après tout, quand on décide de cuisiner, on ne peut pas ne pas se salir un peu les mains.

Il frotta ensuite ses mains sur son tablier, pour regarder la recette que le chinois lui montrait. Il détailla avec attention celle-ci, examinant à la quantité et à ce qu’elle allait donner à la fin. Même s’il était plus du genre à improviser et à se lancer corps et âme dans divers essais, il était parfaitement apte à étudier une recette, alors quelque chose de basique ne lui posait pas de problème. Il réfléchit un instant avant de donner son avis.

- Ça m'a l’air pas mal, peut-être un peu sucré. Pour compenser ça, y’a moyen d’ajouter un peu de yaourt au citron. Ça garde le moelleux, ajoute pas trop de matière. Mais en vrai, si la personne qui va le manger aime bien le sucre, ça passera crème ! Le fruit du dragon, c’est pas trop fort, donc faut éviter de mettre trop de choses avec. J’pense que tu devrais bien t’en sortir !

Il continuait de sourire, tout en aidant son aîné à découper ses fruits. Il semblait plutôt bien sortir, pour quelqu’un qui n’était pas adepte des cuisines. Il n’avait clairement pas peur de la lame tranchante, et se positionnait comme il le fallait. Ce n’était pas courant chez les nouveaux venus ici. Il admira sa technique avant de couper rapidement, et sans rien envier à l’escrimeur, en dé son propre aliment.

- Oh non, pas du tout. Je suis encore en 6e année. Mais je compte bien l’intégrer dès que possible. Mais ma famille tiens un resto de quartier, chez moi, alors je baigne dedans depuis toujours.

Il pointa du doigt le nom blanc brodé sur son tablier noir, avec un grand sourire, fier de lui.

- Tu as devant toi un vrai professionnel !

Il déposa ses dés de pitaya dans le mixeur, comme un bon commis le ferait. Après tout, même lorsqu’il n’était pas au commande, il se débrouillait comme un chef. Il savait s’adapter au rythme des autres, pour ne pas les encombrer et les aider comme il le devait.

- Et toi, tu fais quoi, comme cursus ?

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S’il avait bien une fierté dans la vie, c’était bien le restaurant familial dans lequel il avait grandi. C’était pour lui l’une des choses les plus importantes à ses yeux, son rêve et sa passion réunis. Il avait grandi dans ce monde, et n’imagine absolument plus le quitter aujourd’hui. Certains enfants rejettaient totalement leur héritage lorsqu’ils y étaient confrontés depuis toujours, souhaitant affirmer leur identité propre et différentes de celle de leurs parents. Soma, lui, s’était jeté corps et âme dans ce que sa famille lui avait offert, et sa vie entière tournait autour d’un même but : surpasser son paternel et améliorer le Yukihira. Alors il lui servit un grand sourire en acquiesçant.

- Mon père m’a tout appris, oui ! Je compte bien prendre sa suite un jour ! On est pas un grand restaurant de luxe, mais on a une petite renommé parmis notre clientèle malgré tout !

Tout en regardant du coin de l'œil Lan Wangji battre les œufs, Soma prépara la suite, en bon commis. Il mesurait les ingrédients qui lui seraient utiles par la suite, tamisa la farine, nettoya le plan de travail… Des choses simples, qui ne nécessitait pas vraiment de compétences, et qui était toujours un peu plus ingrate. Le cursus Auror et Défenses Magique faisait partie des formations réputées. Nombreux étaient les jeunes enfants annonçant qu’il deviendrait auror quand ils seraient plus grands, bien plus rare étaient les étudiants à atteindre le niveau demandé. Le Strixyst n’y avait jamais vraiment prêté attention, mais il n’en était pas moins impressionné par les élèves qui avaient de telles ambitions.

La question suivante le surpris légèrement. Un changement de sujet auquel il ne s’était pas attendu. Avec ses cheveux rouges et ses yeux ambrés, il n’était pas vraiment le plus stéréotypé des japonais, mais il restait tout de même très facile de trouver ses origines, de par son physique, son nom ou même son accent. Il acquiesça donc en souriant.

- Effectivement. Je viens de Nagoya. Et toi, tu es chinois, c’est ça ?

Il en avait déduit ainsi en raison du nom du Cervirald, mais peut-être pouvait-il se tromper. La diversité d’Ilukaan était, aux yeux de Soma, une richesse incontestable pour son apprentissage. Une variété de cuisines se confrontaient les unes aux autres, et lui adorait piocher dans chacune d’entre elles, comme son père avant lui le faisait. L’un de ses jeux favoris était de prendre un plat traditionnel japonais et de l'adapter à la cuisine française. Un moyen d'expérimenter de nouvelles choses, encore une fois.

Pendant ces formalités, la pâte à muffin avait bien avancé, et Lan Wangji lui demanda une nouvelle question concernant le matériel. Après tout, pour quelqu’un qui venait pour la première fois en cuisine, il n’était pas facile de s’y repérer et de trouver tout ce que l’on souhaitait au premier coup d'œil. Le jeune Strixyst, lui, passait tellement de temps dans ces lieux qu’il aurait pu y cuisiner les yeux fermés. Alors, enthousiaste, il pointa du doigt un placard vitré, dans lequel de nombreux moules à tarte, plats en tout genre, et moule à muffin tant attendu était rangés.

- Bien sûr ! Privilégie ceux en métal. Ceux en silicone sont peut-être plus pratiques au démoulage, mais je trouve que la cuisson est beaucoup moins bonne ! Je vais m’occuper d’aller chercher les caissettes en papier !

Il désigna du doigt Pendant ce temps, il se dirigea vers un autre placard, pour en sortir des bouts de papier, qui permettaient de mettre l’appareil pour la cuisson. Il en sortit plusieurs sortes, unis, à motifs fleuris, à pois… Et les posa devant son nouvel ami du jour.