Blossom était un rat des villes, dans le plus pur esprit californien. Elle n'avait connu que deux univers : la banlieue aisée où elle avait grandit auprès des siens et Ilukaan qui, certes, se trouvait sur l'île de Bloombury, un environnement un chouïa plus rural que Los Angeles, mais qui ne provoquait pas le moindre dépaysement aux occidentaux. L'Egypte, par contre, c'était une autre mayonnaise. Depuis son arrivée ici, Blossom s'était découverte une sensibilité sensorielle qu'elle ne se soupçonnait pas et qu'elle se maudissait de découvrir aujourd'hui.

Déambulant dans le marché à la recherche de cadeaux à offrir à ses sœurs et leur père, tous ses sens étaient en éveil, mais bien trop à son goût. Ses oreilles raisonnaient des dizaines de cris de marchands désespérés à l'idée d'attirer le chaland vers leur stand, combattant une concurrence féroce en haussant encore plus le temps à quelques dizaines de centimètres des passants ; sa bouche pâteuse accusait une constante déshydratation alors que Blossom peinait à s'habituer aux nécessités de la vie dans cet environnement aride ; ses yeux rougissaient et pleuraient face aux assauts combinés de la poussière et de la lumière solaire sans aucun obstacle qui rebondissait sur chaque façade couleur crème ; et puis il y avait son nez. Les odeurs en Egypte c'était quelque chose, ce pourrait même être un véritable sujet d'étude ! Comment pouvait-on survivre en ayant le cerveau stimulé par les parfums, tous d'une force colossale, des savons, des encens, du bouillon, du piment, même des vêtements ? Blossom, en tout cas, n'y parvenait pas, pour son malheur.

Alors qu'elle déambulait seule, s'étant imaginée assez forte pour résister à ces hyperstimulis et pouvoir faire sa vie sans le moindre guide ou ami à ses côtés, elle fut prise d'une migraine terrible qui, pourtant polie, s'était annoncée dès son arrivée au milieu des étales, mais elle n'avait rien écouté des signaux envoyés par son corps et elle en payait le prix fort. Mais, malgré tout, Blossom se plaisait à résister à ce mal, à faire la forte-tête, à ne pas se laisser dicter son programme par un vulgaire mal de tête.

Malheureusement, ça rendait ses activités compliquées. Marchander avec opiniâtreté auprès d'un sorcier à l'anglais incertain pour récupérer quelques ingrédients rares à offrir à leur potioniste de père, le tout sans se faire arnaquer, lui requérait une concentration que ne pouvait pas lui fournir son cerveau endolorit. Lassée par ces interminables tractations, elle obtempéra donc pour payer ces distillats d'encre de calamars géants sûrement bien plus cher que ce qu'ils valaient réellement, mais elle ne souhaitait plus que rentrer à présent et se laisser choir dans son lit pour faire passer cette horrible sensation.

Mais, maintenant, second problème : retrouver son chemin. C'est qu'il était sympathique, leur hôtel, spacieux, très bien équipé, ils y étaient nourris comme des rois et pouvaient profiter de nombreux équipements de rêve, mais alors pour s'y rendre... ! C'est bien simple, il sembla à Blossom qu'elle erra une bonne heure, ce qui ne dura qu'une dizaine de minutes en vérité, au milieu de travées semblant presque identiques, un labyrinthe de cris et d'odeurs assommantes qui lui donnaient la nausée.

A défaut de tomber dans son lit, c'est près de la fontaine trônant au centre du marché qu'elle se laissa tomber, dos contre le muret où se trouvait la fontaine, tendant une main presque tremblante pour y laisser couler un peu d'eau et se rafraîchir le visage. Elle était au bout du rouleau, tellement malade qu'elle arrivait à peine à ouvrir les yeux. Et la jeune femme n'était pas ignorante des différents dangers, si on pouvait les appeler ainsi sans exagérer, qui parcouraient le marché. Elle serra donc contre elle le sac où se trouvaient ses affaires et les cadeaux achetés plus tôt, pour éviter de se les faire voler et, entre deux gémissements et grognements de douleur, elle balaya la petite place devant elle pour voir si on ne pouvait pas apercevoir un uniforme indiquant qu'un camarade pourrait lui venir en aide. Mais le marché était si bondé que c'était peine perdu, surtout les yeux à moitié clos à cause de la douleur. Elle avait presque envie de s'endormir ici, sur cette place à moitié arrosée de soleil, en espérant qu'à son réveil on l'ait magiquement emportée jusqu'à son lit douillet. Sans le savoir, elle avait été maudite.
 

Fermer les yeux soulageait déjà beaucoup Blossom. Se priver d'un sens, en situation de surstimulation comme ça, se barbouiller d'eau fraîche, elle avait eu quelques bonnes idées, mais le problème était toujours là. Elle ne se sentait pas de bouger, par exemple, alors que ce serait clairement la meilleure chose à faire pour se mettre en sécurité, encore plus au frais et éviter de se faire détrousser, mais la force et la volonté n'était pas là. Elle voulait juste dormir, quand bien même c'était peut-être la pire chose à faire, mais tout pour que cette migraine cesse. Puis, au milieu du brouhaha insupportable du marché, une voix semblait s'adresser à elle, déjà parce qu'elle parlait anglais et puis, sans savoir totalement l'expliquer, Blossom avait senti que cette personne lui parlait. Les quelques pas qui s'approchent, la sensation d'être observée, la voix se dirigeant vers elle. Se risquant à ouvrir les yeux, ou plutôt les entrouvrir avec difficulté, les paroles de l'inconnu l'agaçaient aiguisaient ses maux de tête, elle voulait juste qu'on la laisse tranquille. Mais en prenant le temps de les analyser, le jeune homme semblait s'inquiéter pour elle, lui demander si ça allait. Il était donc impératif de lui répondre, tant bien que mal.

- Argh... Râla-t-elle, j'en peux plus. J'ai une migraine des Enfers...

Allez savoir ce qu'elle, comme lui, voulaient obtenir de cette douloureuse conversation. Blossom, à cet instant précis, aurait aimé que Xiaotian, comme tous les passants du marché, disparaisse en un instant, mais ce n'était pas possible. Seulement, elle ne pouvait pas demander de l'aide non plus, ce serait risquer de tomber dans un piège. On les avait maintes fois mis en garde que le marché était dangereux, qu'on y lançait des maléfices et... Oh, mais bien sûr ! Cette migraine soudaine, puissante, assommante, c'était une malédiction ! Blossom n'écouta donc qu'à peine le conseil de ne pas dormir, y répondant par un laconique et endolori :

- T'en fais pas, je sais qu'il faut pas dormir.

Après c'était plus facile à dire qu'à faire. Tout l'assommait dans ce délétère environnement. Il lui fallait de l'aide. Elle ouvrit un peu plus les yeux et constata avec soulagement que c'était un élève d'Ilukaan, il portait un des uniformes égyptiens. Génial, elle pourrait compter sur son soutien, en tout cas c'était à espérer, puisqu'il était venu la voir. Mais rien qu'ouvrir les yeux plongea son crâne dans un nouveau pique de douleur qui la fit grogner encore de frustration.

- Je déteste ça ! S'exclame-t-elle avant de se concentrer sur la proposition du garçon.

Elle essaye aussi fort que possible de sourire pour communiquer un peu de gratitude et d’affabilité, ce serait très visiblement forcé, mais est-ce que ce n'était pas la meilleure preuve de bonnes intentions ? Se forcer à être gentil, en pleine crise de douleurs, on pouvait difficilement montrer plus de bonne volonté !

- Merci, merci... J'ai besoin de rentrer à l'hôtel, si tu veux bien m'aider, ce serait... Elle grogna encore en plaquant sa main sur son front endolori. Ce serait adorable.

Toujours affalée contre le mur, elle tend la main au bienveillant inconnu sur lequel elle comptait bien se reposer pour sortir de cette situation affreuse. Rien que la perspective de reprendre la marche lui donnait envie de crier, mais il lui faudrait tenir et sans trop se plaindre ! Elle était potentiellement la future vice-présidente du Conseil, on attendrait d'elle un peu de résilience.

- J'ai été maudite, précisa-t-elle, quelqu'un veut me piquer mes affaires ici !

C'était ce qu'on leur avait dit, en tout cas. Ces malédictions étaient parfois spontanées, traînant dans des objets, des supports de paravents, dans l'eau de la fontaine, mais ils étaient parfois lancés directement par des locaux malintentionnés qui se faisaient un plaisir de détrousser les jeunes et innocents touristes.  
 

Dieu merci, elle était tombée sur un camarade de confiance, ce qui n'avait pas 100% de chances d'arriver. Beaucoup auraient passé leur chemin, cherché à abuser de la situation, l'aurait mal aiguillée par ignorance ou empressement, ou auraient appelé quelqu'un de « plus compétent », prolongeant le calvaire de notre pauvre demoiselle. Mais pas Xiaotian. Lui, que Blossom ne connaissait pratiquement pas, avait la bravoure et la serviabilité de l'aider lui-même, avec les moyens du bord, et ça Blossom s'en souviendrait.

La pauvre essaya de se hisser sur ses pieds, mais ça lui semblait aussi difficile que dangereux. A tout moment elle tombait sur le sable battu, ou pire, la fontaine de pierre et là il faudrait bien plus qu'une épaule ferme à son collègue pour lui venir en aide. Alors elle prit son temps, se maudissant de faire ainsi perdre le sien à ce pauvre garçon. Elle lui lança de longs regards coupables à le voir ainsi. On sentait la nature très active du personnage sous ses traits amicaux, et Blossom était une lourde et pénible entrave à sa vie menée à cent à l'heure, ce qu'elle avait en horreur vu que, là-dessus, ils se ressemblaient beaucoup. Blossom fini par saisir la main de Xiaotian pour s'aider et finir sur ses pieds, la tête lançant horriblement et la faisant gémir de douleur en pressant la paume de sa main contre une de ses tempes. Mais elle ne se plaignit pas plus que cela, refusant d'étaler plus sa faiblesse, surtout aux yeux des potentiels lanceurs de malédiction. Le garçon, lui, se montra particulièrement zélé, promettant une protection bienvenue.

- Désolé, je préfère attendre encore quelques instants. Je ne sais pas si je vais tomber et je préférerai t'éviter ce désagrément, répondit-elle avec petit rire douloureux.

Son sac sur l'épaule, elle parvint, après quelques minutes, à se sentir assez solide sur ses appuis pour répondre favorablement à la proposition qu'on lui faisait. Mais plutôt que de poser sa main sur l'épaule de Xiaotian, ce dont elle doutait de l'efficacité pour se maintenir efficacement, elle lui saisit le bras pour s'y accrocher fermement, levant les yeux vers le visage de son garde du corps de fortune.

- J'espère que ça ne te dérange pas si je fais comme ça, ce sera plus simple.

Evidemment, ça la gênait, déjà de paraître aussi vulnérable, mais plus prosaïquement de partager une certaine proximité avec cette personne qu'elle ne connaissait pas spécialement. Après, elle lui faisait confiance et, dans le pire des cas, s'il se faisait trop de films sur la suite -car elle n'avait aucune idée de sa situation romantique- elle le renverrait gentiment, avec politesse, et fermeté s'il insistait trop, migraine ou non. Mais elle se rassura, ça avait peu de chances d'arriver. Elle entama donc la longue et pénible marche qui les mènerait jusqu'à l'hôtel, jurant tous les trois pas devant la douleur qui lui consumait le crâne et qu'elle avait envie de faire sortir à grands coups de marteau.

- Merci beaucoup pour ton aide. Tu... connais le chemin pour rentrer ? Il est franchement compliqué, mais si besoin je pense pouvoir nous guider. Et une fois à l'hôtel, et débarrassée de cette horreur, je te payerai quelque chose à boire !

Souffrante, Blossom se révélait particulièrement vindicative, et tandis qu'elle essayait d'être aussi aimable que possible avec son sauveur, elle détailla chaque visage tourné vers elle pour trouver celui qui aurait les commissures juste tout légèrement inclinées, avouant de ce fait être l'auteur de son mal, du moins de son point de vue. A mi-parcours, la souffrance était telle que, l'esprit embrumé, la voilà qui hurle :

- Si je trouve le salopard qui m'a fait ça, je le défonce, c'est clair ?!

Le tout dans un anglais avec accent américain d'autant plus difficile à comprendre qu'elle mâchait encore plus ses syllabes à cause de son mal. On aurait pu la confondre avec Buttercup en la voyant ainsi hurler sur le tout-venant. Mais c'était bien elle et qu'est-ce que Blossom avait honte de ce à quoi elle ressemblait, là tout de suite.
 

L’avantage de ne pas connaître quelqu’un, c’est qu’on a moins d’aprioris sur la personne que… elle-même. Ainsi, Blossom ne considéra jamais Xiaotian comme potentiellement stupide, ce que lui, par contre, s’étonnait de ne pas être en pareille situation. Quelque part, peut-être sortirait-il fier de lui de cette mésaventure et si Blossom en savait quelque chose elle serait probablement très heureuse pour lui, car il gérait tout bien comme il faut ! Mais, comme elle l’avait pressenti, ce serait compliqué pour le garçon de retrouver le pénible chemin menant à l’hôtel. Ah, si elle tenait le sorcier qui avait imaginé cette sordide protection, qui laissait d’autant plus les nouveaux arrivants à la merci des voleurs et farceurs du marché, elle lui en toucherait deux mots, peut-être même trois !

- Je vais essayer alors, assura-t-elle avec autant de conviction que possible.

Ce qui, dans cette situation, ne devait pas être très convaincant. Mais pas grave, Xiao verrait bien, en la voyant lever bravement la tête, râlant sur la douleur provoquée par le simple fait d’ouvrir grand les yeux et de réfléchir, que Blossom était une brave femme et une femme de parole ! Sa mémoire douloureuse ne lui fit pas beaucoup défaut, heureusement pour elle, mais elle tint quand même à ce que son sauveur n’ait pas confiance qu’en sa seule parole, sinon ils pourraient vite tomber dans les ennuis ou tourner en rond des heures !

- Hésite pas si tu sens que la direction que je donne est pas la bonne, hein ! Alors, tu vois le stand turquoise là ? Avec les… les robes là, tu prends à gauche ! C’est fait exprès que ce soit un tout petit chemin, t’en fais pas.

Puis, serpentant dans une partie plus labyrinthique du marché, ils slalomèrent entre des étals parfaitement identifiables, mais qui leur demandaient de tracer une route si tarabiscotée que, réveillant à nouveau sa Buttercup intérieure, Blossom poussa quelques jurons en se triturant la cervelle à la recherche du bon itinéraire. Ça avait l’air d’amuser Xiaotian, d’ailleurs, qui ne devait pas forcément comprendre toutes les obscénités adressées par la, d’ordinaire, gracile demoiselle. Celle-ci ne s’en formalisa pas, plutôt contente de lui arracher ce genre de réactions, en vérité. Si ça pouvait être autre chose qu’un moment pénible pour lui c’était le principal.

- Désolé, c’était adressé à celui qui m’a fait ça. J’ai presque envie de partir à sa recherche une fois que je serais remise sur pied, mais ça sera peine perdue…

Et non, cette fois-ci personne ne pourrait subir sa fureur vengeresse, ce qui avait le don de l’agacer encore plus. Quelle injustice, quand même, d’être ainsi traitée sans pouvoir ne serait-ce que voir une ombre de sanction adressée à la personne qui lui avait fait ça. Rien qu’à l’imaginer en train de ricaner dans un coin du marché, se délectant dans son malheur, ça amplifiait sa migraine. Une pause était probablement nécessaire, mais elle ne pouvait pas, non ! Elle braverait la douleur, montrerait à Xiao et au malheureux qui l’avait pris pour cible que jamais elle ne plierait ! Prenait-elle cet évènement somme toute presque anecdotique un peu trop à cœur ? Ce serait sûrement l’épitaphe de Blossom tant ça lui correspondait. Mais, tout comme Xiao, elle était aussi capable de se réjouir, surtout en voyant, au loin, la silhouette de l’hôtel se dessiner au milieu des tentures virevoltant en tous sens, accrochées çà et là pour être exposées et vendues.  

- Oui ! Répondit-elle plus vigoureusement que prévu à la question de Xiao. Enfin, elle ne répondait pas à sa question, mais ce n’était de toute façon pas nécessaire puisqu’ils arrivaient à destination. Regarde, là-bas ! Enfiiiin ! Se réjouit-elle en une exclamation qui se transforma subtilement en râle de douleur alors qu’elle pressait la paume de sa main contre sa tempe. J’en peux plus…

Au-delà de lui faire mal et de l’épuiser, ce mal l’énervait profondément. Une rage qui ne pouvait pas sortir, puisque lui causant d’horribles douleurs, et que donc elle gardait là, à ruminer alors qu’au final tout allait pour le mieux ! En espérant que ça ne retombe pas sur le pauvre Xiao qui s’était démené pour elle…

- Aller viens ! Je pense pouvoir marcher maintenant.

En effet, elle relâcha sa pression sur l’épaule et le bras du garçon pour essayer de mettre un pied devant l’autre toute seule et ça fonctionnait. Plus elle s’éloignait du marché, plus sa faiblesse se dissipait, mais pas sa douleur. Elle adressa quand même le plus sincère sourire dont elle était capable, sous son visage suant et grimaçant, à Xiaotian.

- Merci encore pour ton aide, t’es un vrai chevalier ! Lui lança Blossom, et ce n’était pas des paroles en l’air.

Cette malédiction c'était comme toutes les maladies, une fois terminée on prend toujours la mesure de ce qu'on n'avait plus lorsqu'elle nous tourmentait. Subir un rhume, avoir le nez plein malgré le fait qu'on se mouche constamment, ne fait que rendre la guérison encore plus jouissive lorsque l'on parvient à respirer à nouveau. Eh bien là c'était la même chose pour Blossom alors que la migraine s'estompait à l'intérieur de son crâne -plus rapidement que n'importe quelle autre migraine ce qui n'était pas désagréable- et que ses jambes acceptaient de nouveau de la porter. Il n'y avait pas meilleur moyen de lui remonter le moral et ça la rendait mille fois plus agréable, notamment pour son chevalier servant. Un garçon duquel elle aurait aimé pouvoir lire les pensées pour râler avec lui sur le bien fondé de vacances aussi dangereuses ! Ah ça quand elle sera au conseil ça bardera ! Enfin ça c'est ce qu'elle s'imaginait faire, emportée par sa colère et le courage de celle qui n'a pas encore à faire ce qu'elle s'est promis.

Xiao, de son côté, rivalisait de paroles encourageantes et réconfortantes envers Blossom et celle-ci s'employa à lui rendre avec de désarmants sourires. Elle se laissa emporter à imaginer le responsable de ses malheurs frappé par un retour de bâton digne de sa fourberie ! C'était quoi ces gens qui s'en prenaient à de jeunes et naïfs étudiants étrangers ?

- Si je le retrouve le karma n'aura pas besoin de se charger de lui ! Parfois il faut forcer le destin desfois !

Et puis voilà qu'il saluait son courage, et mieux valait ne pas lancer Blossom avec des compliments car, grâce à un sens de la mesure et de la politesse savamment dosé, la jeune fille était capable de contenir son égo et de ne pas trop l’étaler sur les milliers de murs d’Ilukaan, mais si une âme incrédule lui ouvrait la porte c’était risquer de la voir abattre toutes ses limites et approuver, voire amplifier, chaque bon aspect qu’on voulait bien lui prêter.

- Moh, ce n’est pas grand-chose en vrai ! Si t’avais pas été là je n’aurai pas bougé, sois-en sûr ! Je serais restée là-bas et l’autre m’aurait probablement dévalisé sans que je puisse rien faire…

Puis Xiao lui évoqua l’impérative nécessité de se reposer ce qui, une fois évoqué, fit s’abattre sur les épaules de Blossom une sorte de chape de plomb d’épuisement. Cette mésaventure fut d’autant plus violente qu’elle était inattendue. C’est une chose de faire un effort énorme lors d’un examen, d’une session de sport ou d’un rush au bureau, c’en était une autre de s’attendre à flâner tranquillement dans les années épicées d’un marché égyptien et de devoir dégainer tout ce qu’on a de volonté et d’abnégation pour franchir les quelques dizaines de mètres qui nous séparent d’une issue, le tout aussi vite que possible ! Ce sentiment d’urgence soudaine avait terriblement épuisé Blossom qui, elle se l’avouait désormais, aurait besoin d’une bonne heure dans son lit et d’une bonne douche avant de reprendre sa journée. Cette dernière serait fortement tronquée par cette mésaventure, ce qui rendait Blossom d’autant plus enragée.

C’était pour punir ce genre de comportements qu’elle souhaitait aller en Justice Magique. Bien sûr, les idéaux c’est limité et elle ne se sentait jamais aussi justiciaire que lorsqu’elle même devenait victime d’un larcin ou d’une incivilité, comme c’était le cas ici, mais c’était déjà bien ! Si elle agissait contre ce type de procédé, les vacances en Egypte se passeraient mieux pour tout le monde. L’air de tourner de l’oeil, elle adressa un regard gêné, coupable, à celui qui lui était venu en aide aussi gentiment.

- Tu as raison… Je suis désolée, j’aurai vraiment voulu te remercier maintenant, mais ce n’est que partie remise, ça je te l’assure ! Dès que je sors de mon lit, on va se le boire, ce verre !

Et quand bien même le pauvre Xiao ne le souhaitait plus d’ici deux heures, la détermination sur le visage de Blossom indiquait qu’elle ne souffrirait d’aucune espèce de contestation. Poliment, elle inclina le buste pour remercier une dernière fois, avec solennité, le jeune garçon.

- Tu as toute ma gratitude, et si mon malheur peut te rappeler d’être prudent lors de ton prochain aller-retour au marché, je n’aurai pas subi ça pour rien ! Transmets le mot autour de toi, surtout !

Elle, en tout cas, ne manquerait pas d’en faire étalage, toujours consternée. Elle n’osa pas prendre congé tout de suite de Xiao, se retournant pour se diriger vers les escaliers avant de faire volte-face pour agiter une dernière fois poliment la main et de quitter le hall pour gravir péniblement les marches la séparant des chambres et de son lit. Et qui pouvait certifier que, dans un tel état de choc et de furie intérieure, elle parviendrait seulement à fermer l’oeil ? Pauvre Percy, sa petite-amie serait ronchonne pendant une bonne partie de la journée maintenant…