Il phase, non ? Oui, il a l’air de phaser. Totalement. Ça lui arrive souvent, et ça peut parfois être vraiment long pour nous quand on le regarde faire. Allez ! Bouge ! J’ai soif moi ! Je tourne sur moi-même dans ma cage, je vais même jusqu’à gratter sur les barreaux de métal, ce que je ne fais jamais. De mon regard nerveux je cherche un peu d’aide mais il n’y a personne d’autre dans la chambre que nous. Pourtant, mon humain blond était bien parti !

Il était venu me remplir ma gourde, c’était cool ! J’étais content parce que ça faisait plusieurs heures que j’essayais de boire mais que rien ne sortait. Et là, il a phasé. Zut quoi ! J’ai soif moi ! Je couine à répétition pour attirer son attention. Pourquoi faut-il qu’il le fasse en me narguant, la gourde pleine d’eau fraîche à la main ? Allez quoi ! Un effort ! Dépêche !

Je recommence à grogner en tournant sur moi-même. Je jette un coup d’œil à la fenêtre, on y voit un chemin que les humains empruntent souvent, on sait jamais, peut-être que quelqu’un me verra en difficulté par la vitre et viendra me sauver ! Mais nul élève ne tourne son regard vers moi. Pfff. Nuls ! Je reviens donc à mon maître blond et soudain, il s’agite et accroche, ENFIN, ma gourde à la cage.

Je me jette dessus, assoiffé comme jamais et oublie de regarder ce qu’il fait pendant que je m’abreuve. Lorsque je lâche la pipette qui me permettait d’accéder au doux breuvage, signe de vie et de fertilité… Je remarque que mon maître est en train de changer de poil. Il fait ça souvent, je n’aime pas trop ça, franchement, il devrait garder son poil de tout les jours. Surtout que les nouveaux sont souvent plus colorés, et c’est pas fou fou de mon point de vue.

Je gratte à nouveau les barreaux de ma cage pour attirer son attention et il sourit avant de me prendre dans ses mains pour me caresser un peu. Je frissonne de contentement et ferme les yeux, profitant de ses doigts fins qui courent délicatement sur ma fourrure. Il sait exactement ou toucher. Derrière les oreilles, oh là là, j’adore ! C’est trop agréable, ça me détend après mon petit stress de tout à l’heure, quand il ne faisait pas attention à moi. Bon, du coup, je lui pardonne son inattention, franchement, pour ces caresses, ça valait le coup. Moi je kiffe. Oh ! Il me gratte derrière les deux oreilles ! Oh, je suis au paradis des chinchillas c’est bon !

Malheureusement, ce petit moment de bonheur ne dure pas longtemps, il me repose doucement et je lui jette un regard déçu. Ça le fait grincer un peu. C’est bizarre quand il grince, avant ça me faisait peur mais c’est bon, je m’y suis habitué, je crois. Enfin, ça reste un bruit bizarre. Il prend un truc marron qui fait plein de bruits aigus que j’aime pas du tout ça cliquette dans mes oreilles super sensibles, brrr, je déteste.

Oh non ! Il sort ! Il me laisse tout seul ! Méchant humain blond ! Je me précipite du côté de ma cage qui donne sur la fenêtre et j’attends, tout frétillant. Enfin, je le vois passer et s’éloigner dans le parc sans un regard pour moi. Vil traître ! Tu ne me mérites pas ! Je te mordrais tout à l’heure ! NAH !

Ne serait-ce pas des jeunes de l’école d’Ilukaan, ça ? Oh si… Sûrement. Ils ne doivent pas avoir cours le samedi. Ils devraient ! Certains sont de sacré fainéants, je les vois se promener, naïfs et oisifs en pleine semaine ! C’est une honte. Ils devraient mieux travailler pour pouvoir avoir un beau métier plus tard. Comme moi dans mes jeunes années…

Je suis quand même curieuse de comprendre ce qui les enthousiasme tant, ces jeunes. Le blond tout longiligne a l’air mal à l’aise, ça me fait plisser les yeux. L’autre est bien plus grand que lui, et pourtant il donne l’impression d’être mieux proportionné. Est-ce que l’autre l’embête ? Ou pire, le harcèle ? Pauvre petit gars. Il n’y a pas grand-chose qu’une mamie comme moi puisse faire pour lui… Il a l’air de se dépêtrer au mieux du second. C’est déjà ça. Je le plains quand même. Il a l’air de subir le bavardage de l’autre et de pas savoir comment lui dire de se taire.

On peut dire ce qu’on veut sur la procrastination de ces jeunes, mais il y en a quand même qui sont très polis. Surtout les chinois, eux, ce sont souvent les plus polis. Et j’apprécie beaucoup. Le blond aurait d’ailleurs presque l’air chinois aussi. Enfin. « Asiatique ». Mes petits enfants me reprennent souvent quand je dis ça. Je ne vois pas le mal à ça, franchement, ils sont tatillons. Ce n’est tout de même pas une insulte d’être chinois ! Manquerait plus que ça !

Je réalise que nous allons dans la même direction. Je ne marche pas aussi vite qu’eux, avec ma canne, mais ils s’arrêtent régulièrement, ou en tout cas, ralentissent assez parfois pour que je suive de loin leurs éclats de voix. Le blond lève visiblement les yeux au ciel. Ou là. Peut-être qu’il va demander au grand dadais de le laisser en paix. Je comprendrais, ce dernier a la voix qui porte ! Je m’avance à petits pas pour me rapprocher, curieuse d’entendre sa répartie.

« Tu es sûr que tu veux m’accompagner pour la nourriture de Vize ? C’est pas… » Il semble hésiter, brave petit ! « … très intéressant. » Oh, alors ils doivent être amis finalement. J’ai imaginé des choses. Il me fait de la peine, il veut juste nourrir ce qui semble être un animal.

Brave petit. Visiblement, ce n’est pas un problème pour le plus grand. Alors je les suis encore sur quelques mètres, ils discutent de ce qu’ils vont faire au Centre commercial. C’est donc là qu’ils se rendent ! Je comprends mieux. C’est un lieu qui plait beaucoup aux jeunes, c’est sûr. C’est plein de bazar et de magasins. A mon époque, il n’y avait pas autant de divertissements, et je n’en suis pas morte ! Il ont cependant raison d’en profiter, on est jeune qu’une fois après tout. Ils auraient tort de se priver. Et toutes ces commodités sont bien utiles, je ne dirais pas le contraire.

Je vais les laisser à leur vie maintenant. Juste ici d’ailleurs, puisque je dois aller rejoindre ma fille. Peut-être iront nous aussi nous promener dans le Centre, et que je les recroiserais. Sûrement seront-ils en train de passer un excellent moment entre amis...

Je râle, je râle… Mais quand même, certains de ces élèves me sont bien sympathiques. Ils apportent de la vie à notre petite ville, c’est appréciable. Je leur souhaite plein de bonnes choses.

La main serrée autour de celle de sa maman, elle remarqua deux grand entrer dans le Centre Commercial. Elle les observa avec curiosité et beaucoup d’amusement. Ils avaient l’air gentils ces grands ! Ils étaient tout les deux blonds, y’en avait un qui avait l’air fort ! Et l’autre qui avait l’air un peu effrayant. En tout cas, il souriait à l’envers, c’était bizarre.

La petite fille gloussa et s’accrocha un peu plus à la main de sa maman, la tirant un peu vers elle dans le mouvement. Elle ne quittait pas des yeux les grands, ça l’occupait en attendant que la queue avance. Ils venaient de s’arrêter pas loin. Le blond au sourire à l’envers semblait agacé mais très fatigué. Comme s’il avait la flemme de se battre avec l’autre. C’était drôle ! On aurait dit le chien de son grand-papa ! Il lui jetait le même genre de regard quand elle essayait de monter sur son dos. La lassitude.

« Je dis pas le contraire, Owen, mais… Tu vas te faire chier en fait, je vais rien faire de fou... » Fit remarquer le sourire à l’envers. La petite fille pencha la tête, elle venait de réaliser qu’il était vachement plus petit que l’autre ! C’était fou ! Elle pensait pas que les grands pouvaient aussi être petits parfois ! Surtout les garçons ! Trop bizarre !

Elle se prit les pieds et trébucha quand sa mère avança sans la prévenir. Le temps qu’elle se redresse, ils avaient repris leurs chemin vers l’animalerie. Elle se tourna vers l’adulte qui lui tenait la main. « Maman ! Maman ! Je veux aller voir les animaux après ! » Sa mère soupira mais lui sourit cependant. « Très bien, on ira quand tu auras fini ta glace d’accord ? »

La petite, ravie, lui fit un grand sourire et hocha la tête avec emphase, manquant de se cogner la tête dans le sac de la dame de devant. « OUI ! » Elle tourna à nouveau la tête dans tout les sens pour retrouver les deux grands et vit le plus petit – celui au sourire effrayant – tenir la porte à l’autre, avec un vague sourire en coin. Oh ! Les garçons pouvaient être galants entre eux ? Mais on lui avait dit que c’était que les garçons avec les filles ! C’est cool ! Ça voulait dire que les filles pouvaient aussi le faire entre elles ? Trop cool ! Il faudrait qu’elle essaie à l’école avec ses copines !

Elle les regarda disparaître derrière la porte en bois qui menait à l’animalerie. Elle voulait y aller. Elle tira sur la main de sa maman d’impatience. Elle voulait y aller ! Elle pointa du doigt la direction de l’endroit et sa mère lui sourit. « La glace d’abord, sinon pas d’animaux ! » La petite retroussa sa lèvre inférieure pour faire mine de bouder. Mais voilà que c’était leur tour pour choisir le dessert glacé. « PISTACHE ! » Hurla-t-elle presque, trop heureuse de l’avoir enfin ! Le cornet entre les mains, elles allèrent s’asseoir sur les bancs installés dans le Centre pour ne pas risquer de toute renverser. Ce serait dommage, elle aimait beaucoup sa robe. Tout le temps qu’il lui prit de manger sa glace, elle ne lâcha pas des yeux la porte de la boutique animalière, comme si la fixer lui permettrait d’y aller plus vite.

Le serpent bouge lentement la tête. Son immobilité ne voulait pas dire qu’il ne remarquait rien. Il croise le regarde de la femme qui frissonne. Ça l’amuse. Beaucoup d’humains réagissent comme ça quand ils le voient. Il ne sait pas pourquoi. Il n’y en a que quelques uns qui ne sont pas effrayés par lui. Pourtant, il ne fait rien de mal, il ne mange même pas d’humains ! Juste des souris et des rats. Franchement, il est plutôt sympathique, et calme.

Le python est un bon compagnon, et un serpent tranquille, il sait observer aussi. Il voit les deux humains qui sont entrés ensemble rôder aux alentours. Sa langue surgit entre ses lèvres pour goûter de l’air. Il y a beaucoup d’humains dans la boutique finalement. Il perçoit pas mal de chaleur, et du mouvements tout autour de lui. Celui des animaux autre que ses compagnons serpents, qui vivent dans d’autres vivariums accolés aux siens. D’ailleurs, les deux humains sont dans le coin des rongeurs. Miam. Ça intéresse le serpent, il relève donc lentement la tête pour mieux percevoir leurs mouvements. Ils vont peut-être le nourrir, ce serait chouette.

Ah. Non. Grosse déception dans son petit cœur de reptile. Ils prennent de la nourriture pour rongeur. Tch. A quoi bon les nourrir ? Ils ne servent qu’à nous remplir le ventre… Pourquoi les faire vivre plus longtemps que nécessaire ? En plus, les gens qui les aiment, là, ces trucs juste bon à être mangé… En général ils ont peur des serpents. Sinon, y’a ce mec aux cheveux vert qui vient souvent les voir. Ouai. Penser à lui, pour se détendre et pas insulter les mecs qui aiment les souris. Tch. Ridicule.

L’humain qui a prit la nourriture se tourne vers les reptiles et grimace. Ouai, t’inquiète mec, nous non plus on veut pas de toi. « Bon, j’ai ce qu’il faut. » Il lâche d’une voix grinçante qui lui hérisse les écailles. Ah, pas une voix douce, pas ce qu’il aime. Ces vibrations l’écorchent presque physiquement.

Il glisse donc jusqu’à sa cachette favorite, sous une pierre, et s’enroule lentement sur lui-même en jetant un regard outré à cet humain qui l’agace profondément. Il pose son menton sur son dos et reprend son observation de la boutique. La gamine de tout à l’heure s’extasie devant tout les lapins qui passe. Tch. Encore de la nourriture tout ça. Sa mère a l’air blasée mais la suit quand elle la traîne partout. Y’a un autre petit groupe d’humains, des jeunes aussi, qui regardent avec un air extatique la portée de chatons tout juste nés. Eux aussi, ils seraient bon à manger. Il a été nourri quand la dernière fois ? Il espère que l’humain qui s’occupe de lui, il va bientôt lui en redonner, ça va bien faire une semaine, là. Clairement, il a faim. Peut-être qu’il faut qu’il arrête de tout voir comme de la nourriture. Tiens, justement les deux fans de hamsters sortent enfin de la boutique. Tch.

Le samedi, c’était la pire journée de la semaine. Ou la meilleure du point de vue de la patronne. Les étudiants d’Ilukaan sortaient, les gens profitaient de leur temps libre. Et tout ça, ça voulait dire un bon chiffre, et une bonne paie pour moi. Nous autres, les vendeuses, n’étions pas payées à la vente. Mais les primes qui tombaient quand on faisait des beaux chiffres à la fin du mois faisaient toujours très plaisir. Surtout que je voulais me marier bientôt avec mon compagnon et que les frais prévus nous faisaient trembler d’effroi. Pourquoi personne ne nous avait dit avant qu’un mariage coûtait si cher ? Franchement, on était encore en train d’hésiter entre marquer le coup et se ruiner ou faire un truc simple et intimiste et économiser pour faire un beau voyage de noce. Dur de se figer sur une idée en particulier.

La boutique était pleine à craquer et je n’arrêtais pas depuis ce matin. Ma pause était loin et je ne sentais plus mes pieds. Cependant, ça ne m’empêcha pas d’afficher mon plus beau sourire commercial et de saluer joyeusement les deux jeunes qui venaient d’entrer. Un coup d’œil me suffit pour reconnaître un client habituel… et un nouveau client. Parfait ! La patronne adorait que nos habitués nous ramènent des amis ou fassent marcher le bouche à oreille. Ceci dit, à en juger par ses vêtements, le blondinet au visage impassible n’a pas l’air de connaître beaucoup de chose à la mode. Qui associe une chemise orange avec une cravate mauve à pois jaunes ? Qui ??? Je me retins de grimacer visiblement et pris une longue inspiration.

De nouveaux clients entraient après eux et avaient l’air d’avoir besoin de l’expertise de quelqu’un. Parfait, j’étais là pour ça ! Je vins donc à leur rencontre et les guidai dans le magasin en prenant note de leurs besoins. Après avoir trouvé le jean parfait pour madame, je me glissais dans le rayon homme, pour orienter monsieur au mieux. Ce faisant, je me retrouvai non loin des deux étudiants de tout à l’heure, en plein discussion visiblement.

« Owen, avec tout le respect que je te dois, je t’assure que je n’ai besoin de rien ! J’ai mon propre kimono, mon hakama perso et même un superbe haori fabriqué par ma grand-mère, je n’ai besoin de rien ici. En plus, c’est pas comme si quelqu’un allait vouloir m’y accompagner. » Sa voix était étonnamment traînante, et il mâchait certains mots. De plus, c’était évident qu’il n’était pas canadien. Sûrement un japonais. Je le fixais bêtement pendant que mon client soulevait des piles de vêtements pour trouver son bonheur. Je n’avais jamais vu un japonais blond comme les blés ! Peut-être une décoloration… Surprenant.

Je revins à mon client qui semblait avoir trouvé une chemise qui lui plaisait et me retins de regarder avec consternation le bazar qu’il avait mis dans nos étals bien rangés. Argh que je détestais avoir à replier tout ça ! Je continuai pour autant d’écouter d’une oreille la conversation des garçons derrière moi.

« Oh par les ancêtres ! Mais tu as vu le prix de ces vêtements ? Jamais de la vie je serais à l’aise à porter ça ! C’est ce que vaut tout ce que je porte sur moi aujourd’hui ! Même ma cravate... »

La voix traînante s’était de nouveau élevée derrière moi pour lancer cette remarque. Effectivement, il était assez intelligent pour se rendre compte que notre boutique ne vendait pas des choses bas prix et moches comme ce qu’il portait. Au moins était-il réaliste.

La journée shopping te faisait du bien. Ça faisait un moment que ta sœur et toi, vous n’aviez pas pu sortir comme ça, dépenser sans compter, juste vous amuser. Il faut dire que son bébé nouveau né n’aidait pas des masses, surtout que son mari bossait beaucoup. Ça avait pris bien un an, mais vous aviez réussi à caler une date, et à faire en sorte que le père se souvienne qu’il avait signé pour s’occuper d’un enfant aussi. Et vous voila dans le Centre commercial à profiter de la foule, du soleil et des vêtements neufs qui commençaient à s’empiler dans vos sacs pleins.

Ta sœur insista pour entrer dans un nouveau magasin de chaussures mais au bout d’une demi-heure à essayer toutes les paires du magasin, vous vous étiez rendues à l’évidence : rien n’allait. Pas de souci, changeons de boutique ! Prises dans votre frénésie acheteuse, tu lui indiqua une boutique de vêtements prêt à porter de très bonne qualité. Ça faisait un potentiel trou dans le porte monnaie, mais quel plaisir de bien se fringuer comme ça !

Tout le long de l’après-midi, la célibataire chevronnée que tu étais avait profité du lieu pour abondamment se rincer l’œil et l’intérieur de cette boutique n’allait pas échapper à la règle ! Il y avait beaucoup de beaux jeunes hommes un peu partout dans le Centre commercial, mais celui qui attendait dans la zone des cabines devait figurer dans ton top tiers des plus marquants de la journée. Des cheveux blond coiffés avec soin, des habits qui devaient valoir le PIB du Québec et des yeux incroyables. Alors que ta sœur entrait dans une cabine, tu restas juste sous le choc à le fixer alors qu’il communiquait avec quelqu’un qui se changeait derrière un rideau. Sûrement sa copine. Un mec comme ça a forcément une copine.

Après une longue analyse, tu te dis qu’il était peut-être un peu trop jeune pour toi. Peut-être vingt ans ? Hum, ouai, sept ans d’écarts ça commence à faire. Quel dommage, tu en aurais bien croqué un bout. Ce fut là que le drame se déroula. Un garçon sortit de la cabine devant laquelle le beau gosse attendait. Un garçon ! Pourquoi fallait-il que tout les canons soient maqués ? ET GAYS ??? Le drame de ta vie, vraiment. En plus, de ton point de vue critique, celui qui venait d’émerger n’était pas très beau, même la jolie chemise – qui lui allait plutôt bien, tu devais l’admettre – ne permettait pas qu’il passe plus haut que la barre du « passable » à tes yeux. Il soupira d’ailleurs alors que tu ne cessais de le fixer avec la déception de quelqu’un qui vient de se voir voler un joli jambon sous le nez.

« Ouai, bon, c’est pas moche mais… » Il se regarda dans le miroir. « T’es sûr que ça me va ? »

Hum, tu trouvais qu’il la portait bien en tout cas, malgré sa sale tronche de moche qui vole les mecs beaux du coin. Tch. Ta sœur t’appela à ce moment-là et tu tournas la tête vers elle pour valider la superbe robe qu’elle venait de trouver. Quelle avait de la chance d’être aussi jolie, elle avait perdu tout ses kilos de grossesse, on aurait pas dit qu’elle était toute ronde à peine plus d’un an auparavant. Tu l’enjoignis d’acheter le vêtement. Vraiment. Et pendant qu’elle se changeait, tu repris ta contemplation du beau mec. Tu n’allais pas te priver. L’autre retourna dans la cabine pour se changer lui aussi.

« Tu ne veux pas plutôt prendre des trucs pour toi? Je ne sais pas si j’oserais porter ça... »

Tu grimaces à cette voix traînante un peu agressive à tes oreilles. Mouai, pauv’mec. Ta sœur ressortit de la cabine, toute enthousiaste et ton sourire revint au galop alors que vous vous dirigiez vers les caisses pour payer. Qu’est-ce que ça fait du bien de sortir faire ud shopping entre sœurs !

Shinji était mal à l’aise dans cette boutique, Owen était visiblement dans son monde. Il ne savait pas forcément comment s’orienter ou ne pas mourir de gêne de juste toucher ces tissus qui coûtent plus cher que ce qu’il n’a jamais porté. Jamais il ne pourrait se payer tout ça, alors qu’Owen se proposait pour les lui offrir le gêne profondément. Il aurait l’impression de lui devoir quelque chose ensuite et il n’aimait pas ce sentiment de redevance.

Il avait l’impression d’être une poupée trimballée par le grand blond pour lui faire plaisir. Mais bon, il lui devait bien ça vu qu’il l’avait accompagné chercher à manger pour Vizard plus tôt. Portant une chemise ultra légère qui lui donnait la sensation de peser une tonne tellement elle est chère, il écoutait attentivement le laïus d’Owen. Il était sceptique, quand même, il n’avait pas sa confiance en lui, il n’était pas sociable comme lui. Il enviait les gens comme le lupy, mais en même temps, il n’avait aucune envie d’être à sa place.

Ceci dit, quand Owen se dirigea vers une femme qui se tenait dans les cabines. Shinji écarquilla les yeux, stupéfait par le culot développé face à lui. La femme, sûrement dans la trentaine, semblait aussi choquée que lui, mais flattée aussi. Ses joues étaient rouges et son regard visiblement séduit. Le japonais n’en revenait pas, la scène s’était déroulée en un instant, il n’avait rien pu anticiper. De manière générale, il était perturbé depuis le début d’après-midi par l’imprévisibilité du grand blond. Il le fixait d’un air ahuri alors qu’il revenait vers lui.

« Je ne saurais jamais faire ça, Owen. » Il lâche tout bas, l’air penaud. « Je ne suis pas comme toi. » Sa timidité empêchait tout comportement du genre pour lui. Il n’irait jamais s’approcher d’une parfaite inconnue comme ça ! Jamais ! Il lui jeta un regard un peu gêné.

La cachette parfaite étant la cabine, il se précipita dedans pour souffler un coup et se changer. Hors de question qu’il garde cette chemise onéreuse sur lui plus longtemps, il craignait trop de la déchirer ou de la tâcher. Ce serait horrible. Il remit donc avec soulagement ses habits habituels et ressortit pour faire face à Owen avec un soupir de soulagement.

« Owen, vraiment, je vais mettre mon yukata et ce sera très bien, ma sœur va m’envoyer tout ce qu’il faut je lui ai déjà envoyé un hibou. » Il lui tendit le vêtement avec des gestes précautionneux. « Et je vais y aller tout seul, ce sera très bien... » Il déglutit. Pas qu’il ne souhaite pas rencontrer quelqu’un mais il était clairement un herbivore et parti pour le rester vu comment il était mal à l’aise à l’idée même de draguer quelqu’un. Il soupira.

« C’est très gentil, j’apprécie ton implication mais je... » Il fuit du regard, sans trop savoir comment formuler ce qu’il a en tête. Les mots se bousculèrent sous son crâne et il finit par abandonner l’idée d’énoncer clairement son avis. Alors il resta silencieux, observant le mouvement des gens dans le magasin.

« Tu ne veux pas plutôt choisir quelque chose pour toi ? Tu dois avoir une cavalière ? » Il demanda, sûr qu’un gars comme Owen n’allait pas se pointer célibataire à un bal comme celui-ci.

La gérante du magasin, coincée derrière sa caisse en ce jour d’affluence, observait tout les clients qui déambulaient dans les rayons avec son regard perçant. Elle avait notamment repéré un couple visiblement en pleine lune de miel. La femme choisissait tout ce qui lui passait sous la main, les montrait à l’homme qui se contentait d’acquiescer en la regardant d’un air attendri. Ca hérissait les poils de la gérante, franchement, elle ne supportait pas ce genre de visions d’un niais consommé. Dieu soit loué, au moins ces gens souvent venaient trouer leurs économies dans sa boutique sans trop y regarder de près.

Un autre duo qu’elle avait repéré, c’était deux sœurs qui déambulaient entre les allées avec enthousiasme. Un regard à leurs tenues avait suffit à la gérante pour savoir qu’elle ne ferait pas un gros chiffre avec ces demoiselles. Elles semblaient avoir plus d’énergie que d’argent, elle serait surprise si elles prenaient ne serait-ce qu’un article. Ceci dit, elle avait été mauvaise langue quand elle les vit venir vers elle avec un grand sourire et une robe loin d’être dans la gamme la plus basse. Elle leur offrit son plus beau sourire commercial. L’une d’elles semblait bien rose de joues, sûrement l’excitation de dépenser autant pour un seul vêtement.

Enfin, surgit de l’espace cabine deux jeunes hommes qu’elle avait vu discuter plus tôt. L’un d’eux était un client régulier qui venait de temps en temps acheter quelques vêtements de très bonne qualité. L’autre était visiblement un péquenot qui ne méritait guère de toucher même ses vêtements vu l’assemblage douteux de couleurs qu’il affichait. Quelle horreur ! Aucun sens de l’esthétique, c’était déprimant. En plus, il n’y avait que pour lui qu’ils avaient pris des articles et visiblement, ça n’allait pas aller plus loin que les essayage vu qu’elle les voyait repartir les mains vides. Quelle déception…

Ils passèrent devant elle d’un pas tranquille alors qu’elle encaissait les deux sœurs. Elle réussit à garder son sourire avenant, faire sa caisse et les observer se diriger lentement vers la sortie. Ce ne sera pas pour aujourd’hui que le riche blond viendrait dépenser sa fortune chez eux. Quel dommage.

« Si tu veux aller chez le coiffeur, on peut, je comptais égaliser moi aussi avant le bal, histoire que ce soit nickel. » Lâcha le gars aux goûts vestimentaire discutables alors qu’ils approchaient de la sortie.

« Elliot m’a donné des bonnes idées pour mes produits de cheveux et c’est vraiment pas mal ! » Il ajouta alors qu’ils passaient les portes du magasin.

Tiens ? Un homme qui prend soin de sa chevelure, il regagnait des points dans la charte interne de la gérante car c’était assez rare pour le remarquer. Ceci dit, il était vrai qu’il avait une belle chevelure blonde, lisse et visiblement bien entretenue. Ca faisait presque plaisir à voir, si on omettait le reste de sa tenue, franchement limite.

La stagiaire suivait de loin la coiffeuse principale. On lui avait demandé explicitement de ne pas se mettre dans les pattes de la professionnelle. Elle était là uniquement pour observer, et se taire. Alors elle se contentait d’écouter les clients qui racontaient leur vie, parfois avec la coiffeuse, parfois avec leur amis ou parfois, ils restaient profondément silencieux, fixant leur reflet ou des portables. Ce n’était pas tout à fait ce qu’elle imaginait quand elle avait fait sa demande de stage. Bien sûr, elle trouvait toujours très sympa de voir les coiffures prendre forme sous les ciseaux experts de sa maîtresse de stage mais rien ne lui était expliqué par celle-ci, et elle était un peu méprisante face à ses questions parfois un peu naïve, ce qui ne l’aidait pas. La jeune fille faisait son stage seulement les week-ends, pour pouvoir aller à Ilukaan dans la semaine sans empiéter sur ses cours. Et c’était son dernier. Elle ne le regrettait pas. Franchement, elle avait rayé, grâce à ce temps passé ici, ce métier en particulier. Elle allait plutôt s’orienter vers la couture, si elle continuait à aimer ça d’ici ses ASPICs.

Toujours était-il qu’elle écoutait simplement ce duo de gars qu’elle avait déjà croisé auparavant. Le blasé était chez les ursirre avec elle, parfois il jouait du piano dans la salle commune, c’était assez cool. Elle aimait bien en tout cas. L’autre ne lui disait rien, ou alors très vaguement. Ils parlaient de prendre soin de leurs cheveux. Et c’était une conversation qu’elle trouvait passablement surréaliste venue de gars. Ceux de son âges étaient plus occupés à jouer avec des glands ou se lancer des sorts farceurs qu’à prendre soin d’eux pour plaire aux filles. Elle était donc fascinée par ces deux-là, plus vieux, d’accord, mais du coup, vachement plus intéressants !

« Je… j’ai déjà commencé… à en prendre soin… Avec les conseils d’Elliot. » Le ursirre affirme en roulant des yeux. « Mais honnêtement… je ne le fais pas pour plaire ou quoi… J’aime juste beaucoup mes cheveux. » La stagiaire jeta un regard fatigué et un peu exaspéré à l’autre qui passait sous les ciseaux de sa patronne, et visiblement le second réagit pareil. C’était quoi sérieux cet orgueil et cette prétention incroyable ? Il ne manquait pas de culot avec son « c’est naturel » ! Elle avait du mal à en croire ses oreilles.

Le blond au carré secoue la tête. « Je crois que Elliot y va déjà avec quelqu’un. » Et qui en serait étonné vu la beauté qu’il affichait ? « Je ne veux pas… m’imposer. »

Sur ces mots, la patronne finit de s’occuper de Owen et invita l’autre à prendre place. Il lança, paniqué avant même qu’elle prenne le shampoing : « Je veux garder mon carré ! On coupe juste les pointes ! » La coiffeuse soupira, ce qui fit sourire en coin la jeune fille. Elle lui avait confier détester les clients ultras routiniers. Ça l’ennuyait au possible. Mais bon, une demande était une demande, et elle s’attaqua donc au soin et à la coupe de ce carré blond.

« Et aller au bal avec un garçon… c’est un peu… gênant. Je trouve… » Oh ? Un homophobe ? Ou alors juste un gars éduqué à l’ancienne, pas trop à l’aise avec le concept ? « Il y a beaucoup de couples gays dans l’école, et c’est cool pour eux mais moi... » Il haussa les épaules, l’air de ne pas trop savoir quoi ajouter. Hum, sûrement la seconde possibilité. La stagiaire retint un rire en voyant la patronne pincer les lèvres lorsqu’il remua et se détourna pour cacher son hilarité. Cette journée était vraiment chouette ! Elle s’amusait plus que d’habitude ! Peut-être parce que c’était sa dernière !

Damn c’que tu t’faisais chier. Putain, y’avait rien qui te saoulait plus que de faire le shopping avec tes sœurs. En plus la plus rousse de vous trois s’excite devant CHAQUE, FUCKING, VITRINE. Raaaahhhh mais qu’est-ce qu’on s’en fichait putain ? La haine, tu détestes, tu détestes, tu détestes !

Pourtant, tu les suis, la main glissée dans celle de ta blonde de sœur, la plus douce de vous trois, la plus mignonne et celle qui te tire le plus avec elle. L’autre mène la danse, et toi tu râles, tu râles, et tu râles. Mais tu accompagnes le mouvement. Tu traînes les pieds, d’accord, et tes casseroles, d’accord. Mais c’est toujours mieux qu’l’école…

Okay, à un moment, même la sportive que tu es en a ras le cul de servir de porteuse de sacs pour tes sœurs, alors tu te laisses tomber sur un banc en grommelant. « Je vous attends là. Je fais une pause, j’en peux plus d’vos dentelles de merde là ! »

La petite blonde te jette un regard désolé mais accompagne votre fichue meneuse de sororie dans la boutique suivante. Tu étales tes jambes en soupirant. Punaise, mais quelle torture de faire les boutiques, qui a inventé ça que tu ailles le défoncer et le maudire sur cinq cent générations. Et le nombre de dindes gloussantes qui se trimballaient avec leurs copains ou leurs futurs cavaliers. Toi, tu n’en avais pas, et de toute façon, ton crush, tu oseras jamais l’inviter.

Tu repères un couple un peu plus remarquable, qui passe pas loin de toi. Deux mecs, deux blonds, deux gars qui ont rien en commun physiquement. A ton avis, le grand est plus sexy, il a l’air plus sportif. Est-ce qu’il fait des sports de combats, ça te tenterait grave de te castagner avec.

« Ce n’est pas tant l’homophobie… Je ne me vois pas y aller avec un homme, c’est tout. » Le blond au carré millimétré grimace, et tu te penches pour mieux entendre alors qu’ils marchent dans le périmètre proche de toi. « Et qui te dit qu’on kiffe pas quand on est seul? » Il ajoute en roulant des yeux lentement. Bizarre, le mec, on aurait dit qu’il réfléchissait au ralenti dans sa manière de parler.

« Tu as visiblement une vision… Personnelle… de l’amusement et de la manière de kiffer pour ce genre d’événement, et nous ne nous rejoignons pas dessus. » Il esquisse un petit sourire qui a l’air franchement ironique. En même temps avec son visage blasé et inexpressif, tu te demandes comment il fait pour sociabiliser un minimum ? Trop trop chelou le dude.

Tu soupires quand tes sœurs te rejoignent avec encore deux sacs à rajouter à la pile que tu te trimballes et les engueule pour qu’elles en prennent un peu, parce que t’es bien mignonne, mais t’es pas leur âne de compagnie, hein ! Ça va bien cinq secondes.