Mon histoire prend place dans le berceau des légendes. Je parle bien sûr de la Bretagne : On y connaît le Yeun Elez, Mona, Katell Gollet, l'Ankou, le Kouign-Amann et les petits gâteaux, mais bientôt, si tout se passe comme prévu : le seul et l’unique, Peter Gougnuf. Il faut juste attendre qu'ils inscrivent mon nom dans la liste ; vous verrez, ils le feront tôt ou tard. Normalement. Mais passons, ce n'est pas pour ça que je suis là : avant de parler de légende, autant commencer par poser les bases de mon histoire. On ne fait pas de pizza sans pâte, après tout ! Ou alors on la fait mal, et il vaudrait mieux s’abstenir.

Après trois prototypes ratés portant respectivement le nom d'Oscar, Béatrice et Timéo, un nouvel arrivant surgit de l'ombre avec un lasso au creux du bide et la rage de vaincre, prenant ainsi de court la famille des Gougnuf qui se croyait bêtement libérée - - délivrée ! de ses portées. J'étais le menu gratuit à récupérer avant le mois de Septembre, le 2 produits achetés, un troisième offert, la potatoes dans le sachet de frites. Bref, j'étais Peter, l'accident. Je sais : ça sonne négatif, et ça pourrait l'être si je n'avais pas appris à l'admettre, à l'accepter puis à l'embrasser. Car vous savez quoi d'autre est un accident ? Le Nutella. Et tout le monde aime le Nutella, même ceux qui disent que c'est trop gras et/ou que ça déforeste des... ben, des forêts. On ne déforeste pas des montagnes après tout. Bref. Un point pour Pity, zéro pour la vie, on reprend avant que je ne perde la pelote. Même si ma création n'était pas un désir brûlant du côté parental de la Force, mon intégration au sein de la caste ne fut pas spécialement compliquée. Certes, je sentais que mes adelphes tiraient pas mal la couverture de leur côté, parce qu'ils étaient plus beaux, plus futés, et surtout pas roux, mais moi je les emmerdais en retour, alors ça allait.

Ceux que j'avais du mal à emmerder avec autant d'ardeur, c'étaient mes parents. Des personnes qui en apparence pouvaient paraître encore plus mignonnes qu’une vidéo de chaton qui tombe, vraiment - mais aussi des personnes qui avaient prévu beaucoup de choses pour eux et...  pas grand-chose pour moi. Pas de chambre avec une porte décorée d'une pancarte à mon nom (pas de chambre tout court, même pas une niche), pas de chaussette tricotée à l'avance pour Noël, juste le prénom choisi par mémé, et c'était tout. Et peut-être qu'elle pensait à bien, ça je veux bien le croire de tout mon coeur, mais le petit Peter n'a pas toujours vécu au Canada : Personne, oui, personne ne veut s'appeler Peter, en France, dans la cour de récrée. M'enfin. D'un côté, c'était compréhensible : ils pensaient en avoir fini avec le stress et les planifications d'avenir, puis j'ai dévalé la pente de l'existence pour m'écraser à leurs pieds. Cela n'empêche pas qu'en grandissant, ma légère jalousie à l'égard de mes frères et sœurs ne put qu’en même.

Toujours les premiers à les impressionner avec leur magie alors que j'ai mis une éternité à marcher sur mes deux jambes, toujours à présenter leurs meufs ou mecs alors que moi, j'avais mieux - j'avais Coco la coccinelle, et même si elle n'était pas de sang pur (ou du moins, je n’étais pas au courant), elle pouvait voler et était belle. C'est là toute la différence entre mes trouvailles et les leurs, surtout que je suis persuadé qu'il y avait quelques nés-moldus dans le lot. Rien contre eux personnellement, j'adore leurs télé-réalités et leurs domacs, mais réaliser l'arnaque aurait probablement tué mes parents  : « On ne mélange pas les torchons et les serviettes », les triangles avec les triangles, les taches avec les taches, et non, c'est pas moi la plus grosse d'entre elles. De toute façon,  tout ça ne me concernait pas directement, car ils se fichaient bien de mes copains. Aucun risque de faire s'éteindre la magie des veines de leurs descendants s'il n'y en a aucun – ce pour quoi ils étaient plutôt bienveillants lorsque je me confiai à eux à propos de mon homosexualité, à l’aube de mes treize ans. Enfin, jusqu'à ce que je commence à faire croire que j'étais raide-dingue de notre ancien elfe de maison, Bobby, mais ça a vite tourné au vinaigre et il est reparti avec un bandana autour de la tête.

Mais revenons à nos Gougnuf, on est pas là pour parler amourettes. A mes onze ans,  je dus suivre les pas de mes adelphes et entrer dans une école de magie canadienne : Son prestige nous avait longtemps été vantée par nos cousins éloignés, qui étaient tous (ou presque) des modèles de réussite. Il n'en fallut pas plus pour convaincre nos parents de nous jeter à l'autre bout de l'océan Atlantique. Je ne sais plus si je parlais un anglais convenable (probablement pas) ou si j'étais assez sociable pour être supporté par mes professeurs (probablement pas non plus), mais ! Ce que je sais en revanche, c'est que j'ai entamé cette scolarité en boudant. Pour commencer, j'étais plutôt déçu de  la baguette que le vendeur m'avait flanqué entre les pattes alors que d'autres me faisaient de l’œil et avaient fait voler et EXPLOSER des trucs. Vous pensez bien que c'était laargement plus cool à mes yeux, surtout que je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas en avoir une pour chaque main. Je veux dire, ça paraît juste logique ? Double baguette, double sort, double puissance, enfin, vous voyez un peu le topo. Mais non. Le monsieur, il m'a tendu sa branche d'arbre là, et j'ai dû le remercier avec le sourire alors qu'au fond de moi, j'étais plus dégoûté que Gordon Ramsay devant de la laitue grillée. Franchement, si j'avais voulu une baguette tout simple, j'aurais été dans un restaurant asiatique pour emporter la marchandise en scred –  et au moins là, j'en aurais eu deux.

Ensuite et à ma plus grande surprise, Terminator ne put pas me rejoindre à Ilukaan. Ilukaan, Ilukaan, Ilukaanot oui. Et pourtant, je vis des élèves pépères avec leurs animaux de compagnie... Des rats, des sociopathes de hiboux gros comme ma tête, des méchants chats, ça allait, mais mon adorable corgi mignon comme tout, là, ça bloquait, là, c'était pas possible. De l'hypocrisie, moi, je vous le dis. Bref, je suis resté seul pendant un temps, puis le jour où Termi' nous a quittés sous les roues de la Rolls Royce parentale pour faire un aller-direct vers le paradis des chiens, j’abandonnais définitivement l’idée d’adopter un second compagnon, comme par crainte d’offenser le premier. Puisque mes chances de briller face aux autres membres de ma famille en matière de magie étaient proches de zéro, je trouvai une autre façon d'attirer l'attention : le sport, les bêtises, le riz au lait et au vinaigre, ou encore mon choix de cursus qui fut l'objet de beaucoup de débats au sein de ma famille. Ma magie, mon choix vous me direz, d'autant plus je n'avais pas envie de faire comme mes frères et devenir un auror ; je voulais faire mieux - non, je voulais faire pire.

Et quoi de pire que les Sciences Occultes ? Rien que le nom du cursus en jette ! Certes, je n'ai strictement aucune idée de ce que je vais faire après, sans doute mage noir option vampire (que puis-je dire, j'ai beaucoup aimé Dawn) puisque, jusqu’à présent, personne n’a eu l’idée de me dire que je ne pouvais pas faire ça et que c’était un choix de vie douteux. Pour une fois que je suis sérieux. M’enfin. Ce dont je suis sûr, c'est que ce n'est pas en devenant psychomage que mon nom finira inscrit dans la légende.

(c) Ilukaan