La botanique, voilà une matière qui donnait du fil à retordre au jeune strixyst qui n’avait absolument pas la main verte. Et pourtant, ce n’était pas faute d’avoir essayé.
Petit, on lui avait offert un magnifique bouquet de roses pour son septième anniversaire. Sa mère, Ayleen Okkotsu, lui avait bien précisé qu’il devait en prendre soin et lui avait même noté les consignes à suivre sur une petite feuille en papier de couleur verte. Les roses offertes, d’un magnifique rouge, n’avaient pas tenu plus de trois jours. Toutes s’étaient desséchées malgré les soins du jeune Yūta qui avait pourtant fait tout son possible pour les garder en vie.

Il aura par la suite tenté l’expérience du jardinage avec des tulipes, d’autres roses, et même des cactus. Rien à faire. Tous, sans exception, mourraient sous ses doigts, comme si ces derniers étaient porteurs de la mort.

Ainsi, il ne s’était pas lié d’amitié avec la matière “botanique” en entrant à Ilukaan. Yūta faisait de son mieux pour avoir les meilleures notes possibles, mais ce n’était pas évident. Quelque chose lui disait qu’il fallait qu’il persévère et en même temps, à force de voir les plantes agoniser malgré toute l’attention du monde, il avait abandonné l’idée de devenir un bon jardinier.

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Peut-être que les examens qui approchaient à grands pas l’avaient motivé à se rendre dans les serres de l’école canadienne. Vagabondant entre les roses aux diverses couleurs, il vint à se demander ce qu’il faisait ici. Pourquoi lui, un élève tout juste au-dessus de la moyenne en botanique, se rendait au milieu de celles qui ne voulaient visiblement pas de son attention.

Un bruit se fit entendre. Il n’était pas seul.
Il s’avéra qu’il n’était pas le seul visiteur de ces lieux. Quelqu’un manipulait des pots de fleurs ou encore des outils. Il ne fallut pas bien longtemps pour que Yūta trouve la source de ce dernier, et ce fut avec peu de surprise qu’il vit son amie et partenaire de cuisine.

- Bonjour Anthy ! Je m’attendais à te voir ici.
Il lui révéla le fond de sa pensée. À vrai dire, il n’y avait pas beaucoup de monde qu’il connaissait et qui se rendait en ce lieu, alors le choix était vite fait.

- Est-ce toi qui t’occupes de ces roses ? Elles sont magnifiques.

Le voilà au milieu d’un tableau.

Sans qu’il ne l'ait demandé, Yūta Okkotsu se retrouvait au milieu de ces roses qui, pour une fois, l’accueillaient chaleureusement au sein de leur demeure. Il ne se sentait pas spécialement le bienvenu, - Anthy restait la maîtresse de ces lieux - mais on ne le rejetait pas non plus. Après tout, dans cette serre, il n’était qu’invité.

Son regard d’un bleu-gris froid se perdit dans les couleurs vives des fleurs autour de lui. Toutes regorgeaient de vie et s’épanouissaient au sein de leur habitat superficiel. Yūta, qui n’était pas spécialement sensible au charme des plantes, se retrouva tout de même en train de rêver.  

Les fleurs de cerisiers, symboles de renouveau et de bonheur futur au pays du soleil levant, avaient une place toute particulière dans le cœur du jeune homme dont les racines étaient ancrées dans les paysages de la préfecture de Miyagi. Lorsqu’il était plus jeune, Yūta se rendait sur les rives de la rivière Shiroishi pour Hanami, la fête des cerisiers en fleurs, avec ses parents et sa petite sœur, Yuki. Les souvenirs qu’il en avait étaient légers et doux, à l’image du magnifique rose pastel de ces fleurs que les Japonais aiment tant. Avec le temps, il avait pris l’habitude de marcher dans les grandes allées avec une boite de Takoyakis, des petites billes de pâtes et de poulpe cuites sous ses yeux par le vieil homme du village qui tenait un petit stand pour l’occasion. Yūta les partageaient avec sa sœur qui les adorait tout particulièrement, et à qui il en donnait le plus possible. C’était devenu une sorte de tradition entre eux. Tradition qui s’arrêta lorsqu’il rentra à Ilukaan.

L’image de sa sœur marchant seule avec ses takoyakis lors de Hanami le rendait nostalgique et mélancolique.

“Tu cherchais quelque chose ?”

La voix d’Anthy le tira cependant de ses songes.

- Les examens approchent et je n’excelle pas en botanique contrairement à toi. Je me demandais si tu accepterais de m’aider un peu.

Il marqua une pause.

- Les plantes ne vivent pas longtemps quand c’est moi qui m’en occupe.

- Cela me rassure. Merci beaucoup.

Yūta se saisit donc de ses gants et les enfila rapidement. Non pas qu’il soit pressé de travailler une matière qu’il appréciait peu, mais il ne voulait pas qu’Anthy ait l’impression qu’il se moque d’elle et de ses explications. Loin de là, Yūta était toute ouïe et était prêt à écouter la moindre des petites choses qu’elle lui disait, même les plus futiles.

Il écouta donc tout ce que la jeune lupy lui disait, ses petits commentaires ou autres explications concernant les plantes de la serre. Sa voix était calme et douce, agréable aux oreilles du strixyst qui ne se lassait pas de l’entendre parler.

Au bout d’un petit moment, il profita tout de même d’un blanc pour lui poser une question.

- Quelles sont tes fleurs préférées Anthy ? Lui demanda-t-il avec un sourire.

Après tout, il ne connaissait pas les goûts de sa camarade. Peut-être aimait-elle les jonquilles, les orchidées ou encore les tournesols. Si Yūta devait deviner, il aurait probablement répondu les roses. Il avait le sentiment que ces fleurs lui correspondaient bien.

L’intuition du strixyst avait été la bonne; les fleurs que son amie favorisait tout particulièrement étaient bien les roses.

Majestueuses, délicates et parfois offertes à un être cher, elles représentaient tout un tas de choses qui échappaient à Yūta, un jeune homme non familier au langage des fleurs.

- Les roses te vont bien. Lui dit-il avec un doux sourire. Je te rejoins aussi sur les pâquerettes. Elles sont mignonnes, mais n’ont rien de plus.

Yūta leva quelques instants les yeux vers le ciel et fixa le plafond de la serre, silencieusement. Il réfléchissait à une question qu’il ne s’était jamais posé par le passé, cette dernière lui donnait presque du fil à retordre.

Quelques minutes passèrent avant qu’il n’énonce la première fleur qui lui vint en tête, celle qui avait une place toute particulière dans son cœur et son histoire. Si elle était venue en premier dans son esprit brumeux, c’était qu’elles étaient probablement ses favorites.

- Tu ne vas pas trouver cela très original, mais mes fleurs préférées sont les fleurs de cerisiers. Elles symbolisent le renouveau et le bonheur.

Ça, Anthy devait sans doute déjà le savoir.

- Il n’y a pas de fleur que je n’apprécie pas vraiment… Mais si je devais en donner une, je dirais que je n’aime pas les adonis.

Symbole de mort et de souffrances, il avait trop vu ces fleurs sur les tombes du cimetière où, jadis, il se rendait pour passer du temps avec Rika, son amoureuse d’enfance à qui on n’avait pas offert la chance de grandir.

- Le langage des fleurs est particulier. Qu’est-ce qui fait que tu les aimes autant ? Si tu arrives à l’expliquer ?