21 février 2022. La majorité des élèves d’Ilukaan viennent tout juste de revenir de leur séjour à la station de Snowspell. Colton fait parti de cette majorité. Son séjour lui a été agréable, du moins plus que ce qu’il l’aurait espéré. Il n’avait pas d’attente particulière sur ces vacances organisées par l’école de sorcellerie, mais cela s’est révélé bénéfique pour lui. Il n’y a pas eu de vagues, il a pu profiter tranquillement de certains moments de nostalgie et il a pu savourer quelques moments à tête reposée avec ceux qu’il chérit le plus dans l’école. Bien sûr, il a dû effectuer les premiers soins à quelques personnes, le contexte se prêtant bien au déploiement d’une équipe médicale informelle d’élèves. Néanmoins, rien de grave à chaque fois, et le groupe était assez dispersé dans la station pour qu’aucun d’entre eux ne se retrouve surchargé.
 
 
Aussi, c’est avec apaisement et sérénité qu’il défait ses valises dans le dortoir qu’il lui a été assigné en début d’année. Cela allait sûrement lui faire bizarre de ne plus voir son cousin éloigné ni son ami Louis au réveil ; il s’était étonnamment habitué rapidement à partager sa chambrée avec ses deux compagnons d’une semaine. Néanmoins, cela ne lui déplaît pas pour autant. Non que leur compagnie ne lui ait pas été agréable. Au contraire, cela a été une belle découverte. Toutefois, il est assez heureux de retrouver Tyli et Hajime pour partager (ou non) ses nuits. Leur présence durant les moments difficiles de la fin d’année dernière le rassure désormais. Kokichi ne le dérange pas plus que cela non plus, il ne le croise pas beaucoup.
 
 
Alors qu’il s’apprête à ranger sa dernière chemise crème dans son armoire, sa montre vibre avant de lui afficher un message par projection holographique. Il s’attend à ce que sa cadette, pressée d’entendre ses récits. Néanmoins, si le texte qui lui est adressé l’intrigue, son expéditeur le rend d’autant plus perplexe. Il ne se souvient pas avoir donner son numéro à ce très cher Knight, qui lui a causé tant d’ennuis par le passé. Ce détail n’a plus grande importance puisque la hache de guerre est enterrée entre eux deux. Enfin, il suppose qu’il a eu mille et une possibilité pour parvenir à le joindre de la sorte.
 
 
Toutefois, ce n’est pas le plus important. Non, ce qui importe vraiment est le souhait qu’émet le Rouge de le voir dès ce soir. Le Wang trouve cela plutôt étrange, puisque même lorsqu’ils peuvent se croiser, ils n’échangent pas plus que cela. Mille et une questions viennent alors envahir son esprit craintif. Le cadet n’a pas ajouté plus de détails sur la raison de cette demande, alors qu’elle est-elle ? Qu’est ce que lui, Colton Wang, pourrait bien lui apporter de si précieux et de si urgent, au grand Owen Knight dont l’égo démesuré ne devrait pas être capable de franchir les portes et dont l’arrogance ne devrait pas lui permettre d’échanger calmement ?
 
 
Oh, la réponse qui lui vient tout de suite en tête ne lui plait guère, lui qui désire plus que tout au monde ne plus rien à faire avec ce genre d’histoire, au vu du lot d’ennuis que cela lui a apporté. D’un autre côté, il avait déjà prévenu le sorcier par le passé qu’il n’avait pas idée du chemin dans lequel il s’engageait. Peut-être qu’il cherche désormais à avoir l’avis d’une personne ayant baignée dans ce milieu ? Le sino-coréen prie intérieurement pour que ce ne soit pas ce sujet qui intéresse son camarade, il ne veut pas repenser à tout cela.
 
 
Il tente de se raisonner tant bien que mal. Pourquoi directement penser au pire ? C’est vrai, tout le monde n’est pas comme lui après tout. Il est possible qu’il cherche simplement à discuter. Ou bien à lui demander des informations sur le fonctionnement des grandes familles sang-pur. Ou bien se moquer de lui. L’humilier. Il respire un bon coup, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Tout est clair entre les deux. Au besoin, il le remettra à sa place. Il l’a déjà fait, mais dans quelles circonstances … Cela ne lui a vraiment pas plu et il ne s’est pas senti mieux après…
 
 
 
Enfin, rien ne sert de tourner en rond à se poser dix mille questions. Le seul moyen de savoir, c’est d’aller voir par soi-même, non ? Il ferme les yeux et prend une grande inspiration, se convaincant qu’il peut le faire et qu’il n’a rien à craindre. Ah, si seulement quelqu’un pouvait l’accompagner… Non, ce serait ridicule et faire perdre du temps pour rien !
 
 
Il se rend donc à la bibliothèque d’un pas décidé, rassemblant en lui toute la confiance qu’il peut avoir. Il franchit alors le seuil et rejoint Owen en le saluant d’un signe bref de la main. Qu’il abrège ses souffrances au plus vite.
 

Colton prête une grande attention à ce que lui raconte Owen, bien que cela lui file bien vite un petit mal de crâne. Il s’exprime très vite et déblatère beaucoup d’informations. Son cerveau n’a pas le temps de tout assimiler. La seule information dont il est certain à ce moment-là, c’est que tous ces monologues le rendent d’autant plus nerveux. Alors, il sort de sa poche l’un de ses carnets de dessin, ainsi qu’un vieux crayon de papier qui traîne là, pour commencer à griffonner. De quoi s’occuper le temps qu’il saisisse l’entièreté des propos du Rouge. 
 
 
Ce qu’il note en premier lieu est probablement la nervosité palpable de son interlocuteur. Il semblerait que, pour lui aussi, cette entrevue apporte un certain stress. Cela surprend assez le Violet, qui a rarement vu le Knight en proie à de telles émotions par le passé. Est-ce qu’il devrait être touché ou devrait-il d’autant plus se méfier… Aucune des deux options ne lui parait réellement crédible. Il pense juste que ses craintes sont tout aussi fondées que les siennes. Qui plus est, à mesure que s’exprime son cadet, il apparait que ces dernières soient fondées avec le même ciment, sur le même socle : celui du passé.
 
 
Rien d’incohérent en soi, au vu de l’ancienne relation houleuse qu’ils ont pu avoir par le passé. Nocive, agressive. Il ne faut pas être devin pour savoir que c’est là tout ce que rejette le Coréen, pacifiste et complaisant. Owen doit aussi en être conscient et cela doit contribuer à sa fébrilité orale.
 
Oui, car au-delà de sembler sous-tension, le voilà qui valorise son aîné. Le grand Owen Knight, la star du bahut, le meilleur cycliste qui soit, allez savoir quel surnom encore il arbore, prend, lui, Colton Wang en considération. Pas simplement comme un autre camarade de classe qui plus est. Non, plutôt comme un préfet ou une personnalité importante qui a beaucoup de travail. Encore une fois, peut-être que la nature workacholic est parvenu jusqu’aux oreilles pâles de l’anglais et qu’il s’en est rappelé. Allez savoir…
 
Bien que le botaniste trouve cela bien étrange, il le laisse continuer son récit, assis sur son siège. S’il ne s’attend pas à un tel discours, cela ne le dérange pas pour autant. Cela l’interroge, certes, mais il est possible qu’une personne avisée lui ait prêté tout simplement conseil. Même si l’éventualité qu’il soit sous l’effet d’une potion ne quitte pas son esprit. Il préfère attendre la suite pour savoir de quoi il en est.
 
 
Ce qui le rassure immédiatement : une simple entrevue donc. Pas de piège, pas de demandes d’informations à sens unique, pas de règlement de compte. Sans même qu’il s’en soit rendu compte, il se remet à respirer correctement, soulagé de la chape de plomb qui fond désormais sur ses épaules. Encore une fois, cela sonne étrange à ses oreilles mais pourquoi pas, après tout ? Puisqu’il est là de toute façon …
 
 
Il semble réfléchir à la situation jusqu’à ce que le nom de son ancienne fiancée soit évoquée et lui fasse grincer des mâchoires. Malheureusement, c’est un réflexe, plus fort que lui. Il aimerait avoir déjà mis tout cela de côté mais de telles blessures ne peuvent être pansées et cicatrisées comme un pansement appliqué sur une plaie d’une personne non hémophile… Cependant, cela n’a pas l’air d’être le sujet duquel le sorcier veut discuter et il a probablement bien raison. Le sino-coréen se serait sûrement braqué avant de quitter la pièce sans un mot.
 
 
Aussi, il respire un grand coup, chassant toutes ses idées noires qui lui reviennent au galop.
 
 
« Ne parlons plus de cela, je te prie. Concentrons désormais sur le présent, c’est ce qui compte. »
 
 
Non, il ne veut pas repenser à tout cela et aller de l’avant. Ses proches lui ont souvent reproché qu’il reste trop dans le passé, qu’il traîne ses chaînes sans jamais réellement avancer. Avec l’opportunité que lui offre le Lupy, il peut peut-être essayer de changer les choses. Evidemment, au vu de leur passif, cela constitue une tâche ardue. Toutefois, pourquoi commencer simplement lorsque l’on peut directement s’attaquer à plus compliqué ? D’ordinaire, ce n’est pas sa mentalité et conseille aux autres d’avancer pas à pas à leur rythme. Il vient simplement de choisir d’en suivre un nouveau, au moins pour cette fois-ci.
 
« Tu as raison, ce serait dommage de ne pas essayer. L’un comme l’autre n’a rien à perdre, après tout. Nous devons avancer avec nos bonnes actions et nos torts. Remettons simplement les compteurs à zéro. Dis-moi qui tu es vraiment, Owen Knight. »
 

 
Colton prend sur lui pour ne pas rouler des yeux. « Je suis plus complexe qu’il n’y paraît », sérieusement ? Le Coréen n’est pourtant pas de nature à être emprunt à de l’ironie et encore moins à la comprendre. Toutefois, le fait qu’il lui énonce lui paraît si évident que cela lui traverse l’esprit : tout le monde est plus complexe qu’ils ne le laissent voir. Cela s’appelle vivre en société et c’est l’une des raisons pour laquelle le Violet n’est pas à l’aise avec autrui.
 
 
Enfin, il le laisse malgré tout continuer son discours, afin de voir à quel point il se veut être différent du portrait qu’il l’a laissé voir jusque-là. Qui est donc ce « juste Owen » selon lui. Il ne semble pas porter le nom de Knight dans son cœur, tout autant que Colton pour le sien, en dépit de la noblesse qui leur est associée. Quelqu’un de détaché des siens, donc. Cela ne l’étonne pas trop, il ait toujours apparu comme quelqu’un qui cherche à vouloir être indépendant et cela est rarement accessible (bien que loin d’être impossible, il suffit de voir la famille Kirkland) pour des familles de sang-pur de haut rang. Bien que Colton ne soit pas sûr que la famille de chevaliers soit si réputée que cela, mais il n’écarte pas l’idée que cette dernière essaye d’imiter les plus hautes fratries sorcières.  Peut-être qu’au fond, Owen aussi cherche à imiter un modèle passé.
 
 
Il écoute malgré tout la suite de son discours, en espérant en apprendre un peu plus sur le Rouge. Hélas, il ne saisit pas tout ce qui lui ait raconté. Il n’en fait pas part à Owen cependant, parti sur sa lancée. Il faut dire que son interlocuteur raconte son histoire à une vitesse semblable à ses courses, ses respirations semblant presque absentes. Plutôt étrange, pour un sportif, Colton pensait que cela était l’un des piliers d’une bonne pratique sportive. Cela étant, il n’y a pas cela qui contribue à son incompréhension : le récit est tellement dense qu’il s’y perd, si bien qu’il ne sait pas si ce qu’il lui raconte est cohérent ou non. Owen, un enfant inadapté socialement pendant des années transformé en désormais star du bahut arrogante, il doit admettre que c’est une sacrée évolution. Il a réussi à changer aussi vite qu’il dispute ses compétitions. Ou bien est ce Colton qui prend son temps. Oh, c’est même sûrement cela. Le sino-coréen se trouve bien lent pour ce qui est du domaine social.
 
Cela étant, bien qu’il ne soit pas plus étonné que cela, le récit du cycliste l’attriste. Il se veut être la grande star aux yeux de tout le monde alors qu’il sait pertinemment qu’il n’est que de passage. Il dit s’être construit une personnalité mais il n’a pas grand-chose pour lui. Finalement, il ne vit qu’au travers des gens et de l’opinion que les gens ont de lui. Cela paraît plutôt cohérent qu’il ait passé des années à chercher son âme-sœur avec une telle attitude, elle lui permettrait ainsi d’avoir le meilleur retour et la meilleure image possible de lui-même, aussi terne soit-elle.
 
 
« Je vois, c’est un peu triste. Tu es vide. »
 
 
Le Wang pourrait se définir aussi de la sorte, à n’être que de passage et de n’avoir rien à apporter aux autres. Seulement, contrairement à son cadet, cela ne l’empêche pas d’essayer malgré tout de faire de son mieux pour aider toutes les personnes qu’il peut rencontrer. Là se trouve probablement la différence la plus flagrante entre les deux sorciers : s’ils se sentent sans personnalité, vides, mais qu’ils possèdent de nombreux atouts dans leurs mains, l’un s’en sert pour renvoyer une vitrine pour exister, tandis que l’autre préfère consacrer ses forces dans l’entraide.
 
 
Cependant, peu importe l’image qu’on renvoie, on ne peut plaire à tout le monde. Parfois, lorsqu’elle est trop entretenue, cela devient même un prix à payer, un costume qu’il est désormais impossible d’enlever aux yeux des autres. Le Lupy semble en payer le tribut, Colton ne va pas le plaindre pour autant. Malgré sa nature altruiste, il reste encore méfiant et il n’a pas l’impression que son interlocuteur cherche de l’aide. Au contraire, il semble encore une fois s’en être accommodé facilement. Il se permet donc de rester sur sa première opinion.
 
 
« Ce n’est pas étonnant. Ta réputation est entretenue, alors ce n’est pas incohérent que certains te voient comme ça pour tout le temps que tu passeras avec eux, en dépit de tous les efforts que tu as fais. Ce n’est pas pour rien qu’il est dit que les premières impressions sont toujours primordiales. »
 
 
Une leçon qu’il connait bien et qu’il avait dûment appris, en dépit de ses propres principes. Enfant, et même encore aujourd’hui, il veille toujours à laisser une bonne impression aux personnes avec qui il peut échanger. Néanmoins, contrairement à son cadet, ce n’est pas parce qu’il est curieux d’en savoir plus sur les autres, simplement pour s’assurer que ces derniers ne lui chercheront pas de noises à l’avenir. Une stratégie un peu naïve et simpliste mais qui a porté ses fruits. Enfin, pas toujours … Désormais, il devine que le moment est venu pour lui d’en dire plus à son sujet. Il triture d’autant plus son crayon. Il n’aime pas cet exercice mais, par respect pour le jeune homme, il va tenter. Il prend une grande inspiration avant de se lancer.
 
« Je ne sais pas si ce que je peux te raconter est intéressant. Après tout, ta dulcinée a déjà bien te parler de moi au vu de notre dernière conversation. »
 
Il se concentre sur sa respiration, la voulant la plus profonde possible dans cette situation.
 
« Je n’aime pas parler de moi. Je trouve que mon entourage est mieux placé que moi-même pour en discuter. Cela étant, eux comme moi témoigneront du fait que je ne suis pas à l’aise socialement. »
 
Les plus proches le savent même depuis l’enfance, mais il omet volontairement ce détail.
 
« Je suis plutôt renfermé sur moi-même et je préfère le silence aux foules d’élèves. Certains disent que je n’ai pas confiance en moi, alors que je pense simplement qu’ils placent beaucoup trop d’estime sur ma tête. Après tout, je suis quelqu’un de respectueux et de droit et qui accomplit simplement  ses devoirs en tant que frère, ami et tout ce qui peut y avoir dans mon spectre de relations. »
 
 
« Au vu de mon cursus universitaire, je ne cache pas mon grand intérêt certain pour la botanique. Je passe d’ailleurs beaucoup de temps dans les serres ou dans le jardin des quatre saisons. Ou bien alors je rejoins le groupe de camarades qui ont un attrait pour la médicomagie, puisque je possède quelques compétences dans le domaine malgré le fait que je ne suive pas ce cursus. Mes parents mêlant botanique, alchimie, cosmétique et médicomagie, j’ai des notions dans ces domaines. »
 
Il ne sait quoi rajouter. Pas qu’il n’y a pas de chose à rajouter, cependant, il n’a pas une confiance totale envers le sportif, confiance dure à acquérir.
 

Une remarque cruellement formulée ? Oui, il est vrai qu’il n’a pas mâché ses mots concernant son interlocuteur. Pour une fois, il a été d’une franchise qui a déconcerté l’anglais, laissant entrevoir une autre facette du Coréen. Cette façon rude, indéniablement crue de percevoir le monde tel qu’il est. Le monde n’est pas juste, certaines personnes sont creuses comme le Rouge en face de lui. C’est un fait, une tendance qui fait partie de son pessimiste envers le monde humain.
 
« Même si cela est un peu rude, cela ne signifie pas pour autant que ta cause est perdue. Je ne te connais pas assez pour le savoir. Je ne sais pas non plus si l’entourage qui t’entoure pourra t’aider dans ta quête de personnalité non plus. »
 
 
Il ne compte pas vraiment sur Carmilla là-dessus, plus par problème de confiance perdue et que de réels doutes. Elle pourra sûrement l’aider à développer des goûts, pas nécessairement aussi particuliers que les siens. Les autres ? Il ne les connait pas plus que cela, à part peut-être Baset vis-à-vis d’une rumeur.
 
« J’ai cru entendre que tu aidais financièrement Baset Velvet, alors peut-être que c’est un premier pas, si la rumeur est avérée. »
 
Si tel est le cas, il n’aura alors plus besoin de s’occuper de son autre ami Rouge. Le Knight est assez fortuné et le fait bien savoir alors il n’y a aucune inquiétude à se faire de ce côté. Qui plus est, il soupçonne depuis quelques temps son ami de ne pas l’être autant qu’il ne le prétend. Il a le don de se mettre dans les embrouilles, cela lui fait un point commun avec le joueur de Quidditch.
 
« Il semble, au vu de ce que tu me dis, que tes efforts à postériori ne suffisent pas. Peut-être qu’ils ne suffiront jamais selon la personne que tu as en face de toi.  Tu as donc deux possibilités selon moi : soit tu acceptes ce fait et tu continues ta vie avec les gens qui voient au-delà de ton petit miroir, soit tu entames un gros travail sur toi pour soigner tes premières impressions et ta réputation. »
 
 
Qu’il choisisse l’un ou l’autre, cela lui importe peu. Bien que cela soit du passé, il ne peut pas effacer les ennuis qu’il lui a apporté d’un coup de cuillère à pot. Il ne comprend même pas comment il en est arrivé à penser que renvoyer une image d’un arrogant sportif coureur de jupons auprès des autres est une bonne façon de faire. Le Violet sait pertinemment qu’il ne doit pas croire tout ce que sa famille lui a dit. Néanmoins, la seule hypothèse plausible pour lui est celle que ses parents lui ont dépeint de la culture occidentale, plus précisément européenne. Owen a sûrement du être victime de cette image populaire renvoyé aux enfants, bien qu’il ne semble jamais l’avoir vraiment remise en question. Quelle tristesse, mais il n’est étonné. Et puisqu’il s’agit du blond, il n’est pas peiné par son sort, il n’arrive même pas à l’apitoyer.
 
 
Non, à vrai dire, il le dégoûte encore plus. De la pitié pour Carmilla qui se retrouve à sortir avec une vitrine de magasin de luxe dans laquelle elle peut se contempler, ce doit être pesant. Mais pour lui ? Urgh, rien de vraiment positif. Pourtant, il s’est livré, ce n’est pas une mauvaise démarche. Mais si d’ordinaire Colton peut se contenter de mots, dans ce contexte et avec cette personne, il ne voit plus que les actes.
 
 
Sauf quand le blond tient des propos qui semblent presque tenir de la provocation tant le brun les trouve insultants. Owen et lui, les deux faces d’une même pièce ? Qu’est ce qui lui prend par la tête au juste ? Ils n’ont rien en commun, aussi bien physiquement que mentalement. Ne faisons même pas mentions des méthodes et des valeurs que chacun possède ! Non, cela l’exècre au plus haut point. Qu’est ce qu’il peut bien connaitre de lui pour prétendre à une pareille ineptie ? Même avec ce que sa dulcinée a pu lui raconter, vraisemblablement pas grand-chose. Ils sont opposés ? Oh que oui. Liés ? Uniquement par les ennuis et rien d’autre ! Jamais le Wang ne vivra de sa passion comme l’anglais le fait, c’est du grand n’importe quoi. Est-ce qu’Ilukaan a déjà entendu parler du Strixyst en train de mener des compétitions de composition florales ? Même sa sœur trouvera cela absurde !
 
Qui plus est, le voilà qui tente de le prendre par les sentiments en évoquant ses proches ? La limite est franchie et sa voix se fait plus froide.
 
 
« N’essaye pas de repousser les limites, Knight. Si tu veux un conseil, laisse les miens en dehors de tout ça. C’est ce que tu aurais du faire depuis le début mais peu m’importe ce que tu as fait désormais. »
 
Il soupire, les poings crispés. Il tente vraiment de se détendre mais la tâche ne lui ait pas aisée lorsqu’un tel discours lui est servi. Toutefois, il reprend sa respiration et tente de relâcher la tension musculaire. 
 
 
« Non, nous ne sommes pas les deux faces d’une même pièce, aussi plaisant que tu aurais voulu que ce soit. Si tu penses qu’il n’y a que toi et moi qui nous soucions pour nos proches, c’est sûrement que tu as été aveugle et hypocrite avec les autres. Il en va de même pour cette histoire de passion. Rien ne nous relie excepté notre passé et il est désormais clos. Comme cette discussion. »
 

 Si son entourage l’aide bien plus qu’il ne le pense ? Qu’est ce que cela est censé dire ? Qu’il serait capable d’être encore plus insupportable qu’il ne l’est depuis qu’il l’a rencontré ? Vraiment ? Arrêtons la mascarade, le sino-coréen ne le voit pas comme un esprit maléfique ou encore moins un génie. Son camarade ne peut pas avoir tous les tords de la Terre, il en est conscient, bien que la majorité de ceux que possède le Rouge ont le don de lui hérisser le poil. D’autant qu’aux yeux de Colton, bien extérieurs à la vie du Loup, ce dernier n’a rien entrepris de bon ni de se débarrasser des difficultés dont il se plaint.
 
Verser de l’eau dans son vin ? Oh, il ne doit pas savoir-faire, il doit probablement le boire tous les soirs pour soigner son prétendu chagrin. Il suffit les propos qu’il lui a tenu encore une fois. Il n’a pas convoqué le Wang pour essayer d’arranger les choses entre eux deux. Certes, il s’est confié. Et encore, c’est à se demander s’il n’a pas juste chercher à tirer la corde sensible du Violet pour son véritable but : être écouté et avoir de l’attention. Sur cela, il a bien raison, il est d’une superficialité sans nom. Finalement, il n’y a eu que cela dans la conversation : le Knight qui raconte sa vie pendant que son compère taciturne se tasse dans l’ombre, les maigres paroles qu’il pouvait libérer se voyant balayer dans les airs par un petit garçon avec une cuillère en or sertie de diamants dans la bouche. Pourquoi cela ? Visiblement car les propos de la Chouette lui déplaisent et ne sont par conséquents pas véridiques. Quel bel échange… Peut-on vraiment qualifier cela de la sorte ? Qu’est ce qu’Owen a véritablement appris au cours de cette conversation ? Pas grand-chose, et encore. Oser dire qu’ils sont les deux faces d’une même pièce, alors qu’il n’a même pas eu assez de patience à accorder au Coréen. Il a sauté aux conclusions, alors qu’il n’a rien dit sur lui qui ne soit pas déjà connu de toute l’école. Finalement, il a eu l’attitude qu’il reproche à son camarade. Camarade qui lui, n’a pas voulu suivre initialement son premier jugement, seules les confessions de l’anglais l’ont amené à poursuivre dans cette voie.
 
Même l’idée de faire des donations aux associations ne vient pas de lui ? Il arrive donc à vivre sans culpabilité et sans remords, n’agissant que parce que « quelqu’un lui a dit que ce serait bien vu ». Colton ne voit là rien d’honnête à sa démarche, qui ne vient pas de son cœur. Pourtant, il lui arrive aussi d’agir avec de telles intentions, bien que ce soit aujourd’hui devenu plus un réflexe de culpabilité qu’autre chose. Sa façade à lui, de prétendre qu’il ne veut pas de temps pour lui, qu’il doit plus se consacrer à aider les autres. Bien piètre personne…
 
« Pense bien ce qui tu veux, j’ai dit ce que j’avais à dire. Nos chemins sont différents et le parcours commun s’arrête ici car j’en ai suffisamment eu en révélations. »
 
Le voilà qui s’apitoie sur son sort sans se poser plus de questions. Pathétique. S’il n’était pas concerné, Colton lui aurait sûrement dit de persévérer ou d’essayer d’envisager les choses différemment, pour l’aider à s’avancer et à se faire une véritable place dans ce monde. Néanmoins, les dernières paroles débecqués par le joueur de Quidditch termine d’achever la moindre once de compassion qu’il a pu avoir jusqu’à lors à son égard
 
Le Wang sait très bien qu’il a lui aussi fauté, bien qu’il ne sache pas où. Au-delà de son malaise social et de ses interactions parfois décalées, le sorcier perçoit le monde comme des nuances de gris. Tout le monde est fautif et personne ne l’est à la fois. Tous et toutes sont des marionnettes de la Vie. Cela est fatal, personne ne peut y remédier, seulement jouer sur les degrés de responsabilités de chacun. Cela serait bien trop simple autrement, la Vie ne peut être aussi clémente après avoir déjà accordé le droit de voir ce monde. Le Knight semble un peu se percevoir comme l’une des trois fileuses du Destin : lui seul a tout fait en son pouvoir et Colton, tel un protagoniste d’une quelconque mythologie s’oppose et sabote son travail. Vraiment mégalomane et quelques sordides.
 
« Merci de m’avoir rappelé quelle est ta nuance de gris. En espérant que tu trouves l’autre face de ta pièce avec ton entourage. »
 
Cela étant, il n’est pas véritablement étonné des résultats obtenus par ce blond. Il est trop concentré sur lui-même ou sur le reflet que les autres lui décrivent. Un Narcisse des temps modernes, privé du côté poétique et charismatique. Lui qui a pensé devoir nécessiter une thérapie sociale, ce louveteau lui a cependant fait comprendre qu’il existe bien plus dérangeant que lui. S’il était encore en colère contre lui, il lui proposerait volontiers l’idée et tout ce que cela implique sur sa quête identitaire.
 
Toutefois, Colton veut la paix et seulement la paix. C’est-à-dire réussir à parvenir dans son lit sans avoir fait de vagues. Le fait que l’autre étudiant se lève de sa chaise lui donne une opportunité qu’il saisit sans se poser de question, pour une fois. Il range alors son carnet ainsi que son crayon, avant de se lever à son tour de son siège tout en prenant la direction de la sortie.
 
« Bonne nuit, Knight. »
 
Il ne s’arrête même pas pour écouter la réponse. Il a entendu de bêtises pour la soirée, à ses yeux. Cela lui apprendra à se forcer à discuter avec quelqu’un quand il ne veut pas.