Cher S,

J’espère que tu vas bien.

J’ai bien lu ta lettre, dernièrement. J’espère pour toi que tes camarades de chambre ne sont quand même pas si insupportables que tu sembles le sous-entendre. Je pense que si j’étais toi, j’aurais du mal à me retenir de lancer des sortilèges à leur figure. J’ai déjà du mal à me contenir face à la bêtise des étudiants de mon cursus, alors je n’ose imaginer ce que je ferai à ta place face à de tels énergumènes. Mais passons.

J’ai encore raté l’événement du dôme vendredi. A vrai dire, en arrivant à mon appartement, je me suis assoupi tout de suite. Cela ne m’arrive pas souvent, et ça m’agace. J’ai l’impression de perdre mon temps. Mais l’alternance me pèse beaucoup, je crois. C’est plus fatigant que de simplement suivre les cours à Ilukaan, même avec la masse de travail considérable que j’effectuais (et effectue toujours) en plus. Je n’ose pas vraiment en parler à mon fiancé. Ça l'inquiéterait de me savoir fatigué. Puis on a passé une bonne soirée hier, alors ce n’était pas vraiment le moment d’en parler. (Au cas où ça t’intéresserait, nous fêtions nos trois ans ensemble et notre première année de fiançailles hier.)

Y étais-tu, toi ? J’ai entendu dire qu’il s’agissait encore de transformations en animaux, et si c’est le cas, je suis ravi de n’avoir pas été là. Comme tu le sais à présent, je crois, les animaux ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Les poils et la bave, très peu pour moi. Je pense que j’en tomberais malade par somatisation. Je dois déjà supporter le chat de mon compagnon à la maison, c’est bien suffisant… Et puis j’ignore à quoi je ressemblerais si je devais moi-même me changer en animal, et je ne souhaite certainement pas le découvrir de cette façon, sans mon consentement et sans pouvoir contrôler ma transformation. J’ai peur des prochains événements à venir. Je pense que je vais me contenter d’éviter le dôme les vendredi soir, dorénavant.

Te rendras-tu à Alberta ? J’ai hâte de voir la neige, même si nous en avons eu plusieurs fois ici à Bloombury ces derniers temps. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de m’en réjouir, car dès que je la voyais elle avait déjà été salie. Peut-être là-bas trouverai-je le temps de faire un bonhomme de neige avec quelqu’un avant qu’elle n’ait été ruinée par les pas des passants.

Je pense que je vais m’arrêter ici pour cette fois, j’ai passé trop de temps sur cette lettre et j’ai encore à finir ma dissertation sur les tensions entre les centaures et les sorciers au siècle dernier. Bonne journée ou soirée à toi, et à la prochaine fois.

A.J.

Cher A,

Je ne mentirais pas, mon humeur n’est pas à son paroxysme, mais je suis nettement moins agacée que lors de ma dernière lettre. En lisant la tienne, j’en déduis que cela se passe plutôt bien de ton côté, et je suis ravi de l’apprendre.

Exagérer n’est pas quelque chose à laquelle je m’adonne, j’en ai assez d’un frère pour cela, je préfère la vérité et la raconter telle quelle, plutôt que d’ajouter des détails inutiles. De mes camarades de chambre je ne peux compter sur l’appui que d’un seul, puisque l’un des autres est mon frère qui s’est pris de passion pour m’agacer, et il a trouvé un compagnon de jeu. Je ne peux qu’attendre la fin de l’année pour avoir la paix, du moins je l’espère fortement, ma maison est remplie de cas alors je n’ai pas beaucoup d’espoir quant à cela.

Tout d’abord je tiens à te souhaiter toutes mes félicitations pour vos trois ans de couple et un an de fiançailles, c’est un engagement important et je vous souhaite que cela dure encore longtemps, si ce n’est jusqu’à la fin. Bien qu’étant célibataire, je ne pense pas que cacher quelque chose d’aussi important à ton conjoint soit la meilleure chose, je comprends pourquoi tu ne l’as pas fait le soir même, mais peut-être qu’il pourrait t’aider à trouver une solution. Dans le cas où tu préférerais le garder pour toi, en parler avec quelqu’un de confiance qui pourrait te conseiller comment agencer ton alternance et tes cours est probablement la meilleure des solutions.
Je ne peux pas être cette personne, je me surmène moi-même, à tel point qu’il m’arrive de m’endormir dans la salle commune de ma maison tandis que je suis plongé dans mes lectures de cours, sans que ce ne soit forcément ceux de mon cursus, j’apprécie simplement en apprendre sur bien des choses.

Effectivement, je me suis retrouvé présent lorsque le Dôme nous a maudit avec cette transformation animalière partielle, j’ai eu le loisir d’avoir des oreilles, une queue et des moustaches de chat pendant quelques heures, pour le plus grand fou rire de quelques personnes qui s’amusent à déformer mon prénom avec le mot chat, tout cela parce que j’apprécie ces animaux. Je me souviens bien de ton aversion pour tout cela, et tu as bien eu raison de l’éviter, même contre ton gré, tu n’aurais pas pu le supporter. Si j’apprécie la propreté, je ne pense pas être à ton niveau, puisque je passe mon temps avec mon propre chat, que je brosse tous les jours pour éviter qu’elle ne perde trop de poil dans la chambre ou ailleurs.

Je me demande si je ne vais pas les éviter également à présent, quelques effets sont plutôt sympathiques, mais le fait de ne pas les connaître en avance me rebute à y mettre les pieds.

Effectivement, je m’y rends, c’est un endroit que je n’ai jamais vu de ce fait je désirais le découvrir. Je pense qu’il est possible de trouver un sort pour rendre la neige aussi blanche que lors de sa tombée, je ferais des recherches dans mes nombreux livres si tu le désires. Toutefois, je pense qu’en te levant assez tôt à Alberta, tu auras le loisir de la découvrir dans son plus bel apparat, sans l’ombre d’une trace de qui que ce soit.

Bon courage pour ta dissertation, je suppose qu’avec les bons outils tu y parviendras en un rien de temps. De mon côté, je dois aller cacher ce livre, mon frère vient de rentrer dans la chambre, je ne désire pas répondre à une seule de ses questions.

Bonne journée ou soirée à toi également.

S.H.

Cher S,

Sache que je comprends parfaitement ton regard quant à ton frère. Les fratries, ce n’est jamais facile. Personnellement, j’ai une sœur (enfin, une demi-sœur - nous n’avons pas la même mère), et autant elle peut parfois être adorable, autant elle peut être d’un pénible ! Je l’apprécie beaucoup, évidemment, elle reste ma sœur, mais parfois je me prends à penser que j’aimerais être fils unique. Je me fustige à chaque fois. De plus, il est également possible que j’aie d’autres frères et sœurs dont j’ignore l’existence - je n’ai plus de contact avec ma génitrice, mis à part pour les anniversaires et les fêtes religieuses. C’est déjà ça, j’imagine… Mais je m’égare. Je ne suis pas persuadé que ce soit très intéressant.

Merci pour tes félicitations et tes conseils. Je comprends ton opinion et à vrai dire, tu as sûrement raison. Peut-être finirais-je par lui en parler… ce n’est pas comme s’il ne le voyait pas, en plus. Il est très observateur et il me connaît par cœur - peut-être même me connaît-il mieux que je ne me connais moi-même. Je n’ai simplement pas envie de l’accabler avec mes propres problèmes. Je sais pourtant que dans un couple, les personnes sont censées s’entraider, mais il semblerait que j’ai du mal à montrer mes faiblesses.
Sur une autre note, je comprends parfaitement ton désir d’apprendre. Moi-même, j’ai tendance à passer beaucoup de temps à la bibliothèque afin d’apprendre encore et encore. J’ai même eu accès à la Réserve pendant un temps, mais… suite à un certain événement que je n’ai pas envie d’évoquer ni de me remémorer, j’ai perdu ce droit. Cela m’importe peu à présent, puisque je peux accéder à la bibliothèque du Ministère de la Magie canadien. Bien sûr, il y a des ouvrages inaccessibles et cela attise beaucoup ma curiosité, mais je me contente déjà des livres que je peux emprunter.

J’imagine qu’en effet il y a des sorts qui me permettraient de rendre à la neige sa blancheur immaculée, mais j’aurai l’impression qu’il s’agit de triche. Je sais bien que la magie en soi pourrait être considérée comme de la tricherie, mais j’ai moins cette sensation en général. Peut-être car je recherche davantage de l’aide et de la facilité qu’à changer la nature de quelque chose. Il y a une raison pour laquelle la métamorphose n’est pas une matière que j’apprécie plus que cela. C’est comme si l’on cherchait à dissimuler la réalité des choses, et ma religion m’interdit de mentir (comme la plupart des religions, je pense, maintenant que j’y pense). Je suppose que c’est la raison pour laquelle cela me contrarie, donc. Bref. Nous nous retrouverons donc là-bas. Fais-tu du ski ? Ou du snowboard, peut-être ? Personnellement, je n’aime pas beaucoup ça, mais j’ai tout de même promis à mes amis de faire au moins une balade en raquettes avec eux. J’espère ne pas le regretter.

La cloche vient de sonner, je vais donc ranger ce carnet et partir en cours.

A la prochaine fois,
A.J.

Cher A,

Ce n’est pas bien facile non… Étant adopté, je n’ai pas le moindre lien de sang avec mes frères, eux aussi adoptés, bien que cela ne nous ait jamais dérangé, ni même changé les relations que nous pouvons avoir, ce qui nous a fait diverger est une question de caractère je dirais, et peut-être d’autres choses, mais il est bien inutile d’en parler.
Je ne trouve pas cela inintéressant, par ailleurs, pardonne ma curiosité, mais souffres-tu de ne pas avoir gardé contact avec ta génitrice autre que pour les fêtes religieuses et anniversaires ? Je n’ai jamais connu mes géniteurs biologiques, je me pose quelques fois des questions si la relation est différente avec des parents adoptés. De mon côté j’entretiens une très bonne relation avec mes deux parents, j’ai cette chance, peut-être est-ce grâce à cela que je ne pense vois pas l’abandon que j’ai subi comme quelque chose d’aussi terrible que cela puisse être.

Elles sont tout à fait sincères, quant à mes conseils, c’est à peu près tout ce que je peux donner, en dehors de mes connaissances. De mes parents j’ai appris que la communication était la base la plus saine d’un couple, et il s’avère que c’est le cas pour toutes, cependant, je comprends ton besoin de garder tes faiblesses secrètes, surtout face à l’être aimé. C’est quelque chose que j’ai pu observer depuis des années, se montrer plus fort qu’on ne l’est en réalité face à ceux que l’on aime, simplement pour ne pas avoir à les inquiéter. S’inquiéter c’est souffrir deux fois, paraît-il. Pourtant c’est un sentiment qui ne nous quitte jamais quand on éprouve un sentiment fort pour quelqu’un, parfois je ne comprends pas tout ce côté-là, mais à la fois, j’éprouve toujours de l’inquiétude pour mes frères, en quelque sorte… Mais je ne le leur dirais jamais, ni ne parlerais de mes problèmes, ainsi je serais bien mal placé pour te faire la morale ; seul un conseil peut venir de ma part, et rien d’autre, car je produis les mêmes erreurs.

Bien que ma curiosité soit piquée, je ne demanderai rien quant à cet incident qui t’a valu de te retrouver, en quelque sorte, banni de la réserve de l’école. Pour ma part, j’y ai encore accès, avec parcimonie, bien que je m’intéresse à tout ce que peut receler la bibliothèque dans son ensemble. Ce doit être une merveille que d’avoir accès à celle Ministère de la Magie Canadienne, je t’envierais presque. J’ai toujours aimé apprendre tout ce que je pouvais, et je me dois de remercier ma très bonne mémoire, bien qu’on me surnomme assez régulièrement par des noms de dictionnaire, je préfère cela à être inculte.

Je suppose que je peux concevoir pourquoi tu considères cela comme de la triche, bien que je ne partage pas ton point de vue, je dirais qu’il s’agit plutôt d’une aide ? Un peu comme une béquille ou des lunettes le feraient. Toutefois, en te levant à l’aurore, tu auras le loisir de découvrir la neige vierge de toutes traces humains — animales, en revanche, je n’y compterais pas vraiment.

Il m’arrive de skier et de faire du snowboard, mais ce ne sont pas les activités que je pratiquerai le plus là-bas, bien que cela m’aiderait à me balader dans la montagne plus facilement qu’à pied par endroit je dirais, je souhaite principalement explorer et découvrir ce nouvel endroit. Les raquettes sont un très bons moyens de se déplacer sur la neige, je ne pense pas que tu puisses regretter, en particulier si l’endroit en vaut la chandelle, mais le futur n’est pas encore écrit. J’espère pour toi que ce sera une bonne expérience tout de même.

La bibliothèque va fermer, je vais déposer le carnet sans tarder et partir pour ma chambre, en espérant qu’elle soit vide…

A bientôt avec une nouvelle lettre.
S.H.