Il avait besoin de se changer les idées suite aux récents événements.

Depuis l'annonce de la mystérieuse disparition de Kévin, un élève Strixyst, la veille, l'école était comme plongée dans une brume étrange, nébuleuse, à l'image de celle qui entourait le campus tôt le matin les jours froids. Opaque.
Force était de constater que l'atmosphère était particulière et pas dans le bon sens du terme.
Trop nombreuses étaient les questions sans réponses...
Et il fallait rester alerte.

Pour autant, l'aîné de la fratrie Rengoku semblait rester imperturbable. Hors de question de céder à la peur et autres émotions qui pouvaient jouer en sa défaveur et le déstabiliser.

Alors, malgré la situation, il n'avait pas changé son attitude de la moindre manière que ce soit, suivant assidûment les cours, occupant son esprit aux leçons dispensées par les professeurs tout au long de la journée, ne cherchant pas à faire des théories de quelque nature que ce soit.

Rester pragmatique, efficace, ne pas se laisser submerger. L'Ursirre avait été clair avec ses proches, leur avait donné les directives : faire preuve de prudence et l'appeler si le besoin s'en faisait sentir, donc quand ils remarquaient un détail louche ou s'ils ressentaient de l'inconfort.
Kyojurô volerait immédiatement vers eux après en avoir été informé.

Ces récents événements ne faisaient que rajouter du poids sur ses épaules.
Qu'à cela tenait, il était solide, ses genoux n'allaient pas ployer malgré tout ce qu'il portait.

Toutefois, il restait humain. Bien qu'arborant un masque affable, tranquille, souriant, solaire auprès des autres, cela ne l'empêchait pas de s'inquiéter.
Pour son père au pays, son frère, ses amis, ses camarades au sein de l'école...

Il arrivait au Japonais d'avoir besoin de souffler, dégager un peu de pression, clarifier son esprit pour mieux voir et ne pas prendre des décisions regrettables.

En cela, une mise en pratique des cours était une occasion bienvenue pour le faire.

Cela faisait un petit moment que cet entraînement avait été fixé et au final, c'était là une opportunité bienvenue, tombant à pic.
C'était là une proposition d'un camarade de classe, Nier Griffiths, qu'il connaissait peu mais avec qui les discussions avaient été jusque-là très cordiales. Après tout, les deux jeunes hommes étaient dans le même cursus et de ce fait, ils partageaient sans doute le même but, avaient les mêmes valeurs. Il aurait été ridicule que les deux étudiants aient des sentiments antagonistes l'un envers l'autre.

Le rendez-vous avait été fixé dans la salle de duel, comme cela devait normalement être le cas ; les petits échanges de sorts que Kyojurô avait effectués avec Ichigo dans le gymnase ne seront pas mentionnés, le plus âgé avait fait cela par pur altruisme.


Ponctuel, l'Ursirre arriva dans la salle, découvrant que son camarade de la maison de la chouette l'y attendait déjà.



Son salut était, comme à l'accoutumée, enjoué, accompagné d'un grand sourire aussi lumineux que sa chevelure.

Il écouta son interlocuteur parler et opina derechef, marquant son approbation tout en déposant son sac sur une chaise et dégainant sa baguette d'un geste assuré.



Les relations fraternelles étaient importantes et en tant qu'aîné, il y avait nombre de devoirs à respecter, ce n'était certainement pas lui qui allait dire le contraire.

Kyojurô ajouta, ne se départissant pas de son sourire et fronçant les sourcils, arborant une expression concentrée.

Kyojurô se mit en position, le dos droit, le regard fixant devant lui, déterminé, son sourire avait quelque peu disparu pour laisser place à une expression entièrement concentrée sur son but.

Lors de duels convenus avec ses camarades, le Japonais ne portait pas particulièrement d'importance sur l'issue de ceux-ci, seule importait la manière dont ils se déroulaient, bon joueur. Le jeune homme était particulièrement attentif à chaque détail qui pouvait être révélateur de son stade de préparation. Tant dans la victoire que dans la défaite, des leçons importantes pouvaient être tirées, d'autant que ce genre de confrontations n'entraînaient pas de conséquences funestes.

En magie, comme en kendo, l'Ursirre avait bien entendu un ardent désir de gagner le combat, il fallait être sot pour ne pas le vouloir. Néanmoins, il n'allait pas surestimer ses capacités et sous-estimer son adversaire, il était malvenu de le faire et les possibilités étaient nombreuses.

Il fallait faire preuve de pragmatisme et d'humilité, sans pour autant manquer de détermination et de rage de vaincre.
Il était de mise de bien mesurer chacun de ces facteurs afin de s'assurer de poursuivre son combat dans les meilleures disposition, des erreurs pouvant si vite et si facilement arriver.
La perfection en revanche, était bien moins aisément atteignable.


Nier initia l'échange en cherchant à le désarmer avec un Expelliarmus. Accoutumé des joutes de la sorte et la nature l'ayant doté de bons réflexes ainsi qu'un excellent sens de l'observation, Kyojurô prévit le geste et l'évita.
Toutefois, l'embrasé ne put s'empêcher de complimenter son adversaire d'un ton enjoué, pouvant presque paraître incongru pour le commun des mortels compte tenu de la situation. Pour le Tokyoïte, cela était parfaitement logique, il s'agissait d'un entraînement amical, tout commentaire était bienvenu pour s'améliorer.



Ne s'attardant pas davantage, l'aîné des Rengoku enchaîna derechef sur un sortilège identique, mettant toute la concentration et la puissance dont il était capable dans son coup.

L'Ursirre avait réussi son offensive. La baguette de son adversaire ne tarda pas à s'élancer dans les airs après que celui-ci ait subi le sort du Japonais.

Pour autant, il ne fallait pas crier victoire trop vite et Kyojurô en était parfaitement conscient. Loin de se pâmer de fierté devant ce premier succès, il resta attentif au moindre mouvement qui venait d'en face. Nier récupéra prestement sa baguette avant même qu'il ne puisse le faire. Un tel geste aurait immédiatement annoncé la fin du duel et il aurait fallu faire une deuxième manche. Là, aucun des deux jeunes hommes ne s'arrêtait, il n'y avait pas le moindre répit, cela rendait leur rencontre d'autant plus intéressante.

En effet, même si le brasier ne le ferait sous aucun prétexte, cela confirmait qu'il était inconvenant de sous-estimer son adversaire. Le Strixyst avait d'excellents réflexes et une bonne forme physique qui forçaient l'admiration, il fallait être honnête sur la chose.


Rengoku se remit en position, guettant le moindre geste de Griffiths, la respiration mesurée, son langage corporel calme, sans que cela ne soit tranquille.
Conserver son sang-froid, ne pas s'emporter, malgré les imprévus ou les coups reçus, c'était là l'apanage des plus grands guerriers et il avait lui-même été élevé ainsi.

Se fixer un but, garder le regard sur celui-ci, ne pas s'en détourner.
Kyojurô restait pragmatique. Bien évidemment qu'il désirait la victoire, qu'il ferait tout pour l'avoir.
Toutefois, il ne devait pas se laisser aveugler et emporter par ce but sans prendre en compte les obstacles qui se dressaient sur son chemin pour l'atteindre.

Et l'un d'entre eux ne tarda pas à arriver puisqu'il se le reçut de plein fouet, c'était le cas de le dire.

Son rival n'avait pas tardé pour réitérer son assaut, cette fois avec un autre sort qui fit mouche. Le Japonais n'eut pas le temps de réagir ou de l'éviter du fait de la rapidité de Nier, le Flipendo l'atteint avec succès, le repoussant violemment et lui faisant perdre ses appuis qu'il avait solidement ancrés au sol, comme à son habitude.


Confronté au choc, l'Ursirre serra les dents et fit fi des résidus de l'onde dans son corps pour reprendre contenance.
Sur le terrain, l'ennemi ne laissait aucun répit.
Et Kyojurô, loin d'en vouloir à l'autre duelliste, était plus que reconnaissant.

Reconnaissant de ne pas retenir sa force, d'être un adversaire digne de ce nom pour qu'il puisse s'améliorer.
Se perfectionner.

Serrant la garde de cerisier de sa baguette, l'Asiatique incanta d'une voix forte et résolue sa contre-attaque.

Son Stupefix avait été parfaitement incanté, Kyojurô avait de quoi être fier, mais il resta adamant pour le moment. Des réjouissances de quelque nature que ce soient et qu'importe leur étendue étaient déplacées en plein milieu d'un duel. Après tout, cela avait le mérite de galvaniser celui qui avait réussi au point où celui-ci serait enivré par son orgueil et d'agacer l'adversaire qui avait reçu le coup. Un rien pouvait énerver certaines personnes, en cela, il était plus prudent de rester humble et conserver de la mesure dans les actions et les réactions.

« Toujours rester humble, Kyojurô. »

Les sermons de son père, à l'époque où aucun nuage n'obcurcissait le ciel, résonnaient dans son esprit.
Shinjurô avait tenu à ce que ses fils adhèrent aux valeurs de respect de soi et des autres, du début à la fin, et qu'importe le terrain de confrontation, fût-il magique ou non. Il était hors de question que ses rejetons se pavanent à la moindre réussite, il leur fallait garder les pieds sur terre.
Ces leçons n'avaient pas duré longtemps puisque la vie et ses imprévus avaient fini par clouer le patriarche Rengoku à son futon et à mépriser ses propres enfants. Fort heureusement, ces derniers ne s'étaient pas détournés des préceptes qui leur avaient été enseignés depuis l'aube de leur vie.


L'heure tournait, leur petite confrontation ne devrait pas tarder à arriver à son terme. Le temps était passé vite et peut-être leur restait-il deux échanges. Enfin, tout dépendait du prochain sort lancé par Nier et la manière dont Kyojurô allait l'appréhender.

Et il ne tarda pas à être incanté, portant le duel au niveau supérieur.

Un Petrificus totalus, Kyojurô avait rarement été la cible d'un tel sortilège et difficile d'oublier la première et dernière fois où il avait subi celui-ci.
Il se rappelait d'une sensation particulièrement désagréable, surtout quand on était, comme lui, quelqu'un d'actif, bruyant.

L'Ursirre n'avait d'autre choix que d'incanter un Protego pour éviter de se retrouver à nouveau dans une telle situation délicate.

Contre toute attente, le maléfice d'en face partit trop vite pour qu'il puisse le contrer et le Japonais se le prit de plein fouet.

Quelle sensation désagréable que de sentir chacun de ses membres se raidir à mesure sans qu'il ne puisse rien y changer, ses jambes et ses bras être droits comme des piquets et sa mâchoire serrée.


Griffiths avait donc remporté le duel.
Et lui devait attendre que le sort prenne fin dans cette position plus que gênante.

Les cieux étaient loués, son adversaire brisa le sort très rapidement.
Immédiatement, Kyojurô sentit chacun de ses muscles se détendre, sa mâchoire se décrisper et il ne put s'empêcher de laisser s'échapper un soupir rauque de soulagement de ses lèvres.

Ses iris brasillants se mirent à fixer son interlocuteur pendant qu'il s'étirait, afin de sortir plus rapidement son corps de la torpeur dans laquelle il avait été plongée, puissante quoique brève. Ses commissures s'étaient à nouveau relevées en son sempiternel sourire sympathique et solaire tandis qu'il serra vigoureusement la main qui lui avait été présentée.



Il allait sans dire que le Japonais était honnête dans ses propos. Il n'avait pu s'empêcher d'être admiratif de la performance de son camarade de Strixyst.



L'Ursirre leva son bras pour fermer le poing, geste qui accompagna ses propos, démontrant toute la ferveur qui l'animait. Il hocha la tête et rétorqua à son interlocuteur.



Son regard rougeoyant suivirent Nier jusqu'à ce que celui-ci sorte de la salle. Un beau duel, en effet. Si Kyojurô n'avait pas démérité au cours de cette confrontation, il avait noté les points à améliorer de son côté. Il était nécessaire pour lui de s'améliorer.
Le Japonais brandit son bras afin de prendre connaissance de l'heure, en même temps que son estomac grommela de faim. Peut-être était-il temps pour lui d'aller se sustenter... Il en profiterait également pour cueillir Senjurô à la sortie de ses cours, ayant pris connaissance de son emploi du temps au début de l'année.
Les relations fraternelles étaient importantes, ce n'était pas lui qui allait dire le contraire.

L'aîné Rengoku rangea donc sa baguette dans le petit fourreau de cuir blanc normalement accroché à sa ceinture, prenant toutes les précautions du monde, comme à son habitude, tel un guerrier rengainant son sabre, avant de récupérer son sac et de sortir de la salle, tranquille.