La douceur de l'été indien s'immisce une nouvelle fois dans les narines de l'amérindienne, laissant naître sur son visage son éternel sourire. Celui-ci n'a rien perdu de son charme. Au contraire, avec les années, il n'en est devenu que plus chaleureux à mesure que les premières rides viennent décorer la face de la sorcière. Le passage du temps ne l'a pas épargné, mais il n'a pas réussi à entacher son enthousiasme et son énergie.

Comme de nombreuses années désormais, les pas de la péruvienne foulent l'herbe encore verte du parc d'Ilukaan, l'école de sorcellerie dans laquelle elle avait appris à se servir de sa magie. Son regard assagi se tourne vers les bâtiments aux alentours. S'ils ont connu quelques améliorations, rien n'a pourtant changé aux yeux de la sorcière.

Au loin, on entend encore la cacophonie des nouveaux arrivés, tandis que près des maisons retentissent  les bruits des valises, et autres effets personnels, frottant contre les portes. Entre rires, larmes, et autres échos de voix, l'atmosphère est chargée en émotions et la vie est toujours aussi présente sur le campus de l'école canadienne. Elle se sent presque aussi jeune qu'à l'époque où elle parcourait gaiement les couloirs du campus, s'amusant d'une vie simple, encore insouciante. Si un air nostalgie saisit ses pensées, elle ne regrette en rien le chemin qu'elle a pu parcourir depuis.

Certes, la quarantenaire désormais a connu des hauts et des bas, mais se trouve parfaitement satisfaite du chemin qu'elle a emprunté. Après tout, Ilukaan était devenue sa maison il y a plus de vingt ans, et elle ne l'a jamais réellement quitté depuis.

Devenue désormais professeur de Vol et Sport, elle encourage ses élèves à voler de leurs propres ailes. Elle n'hésite d'ailleurs pas à leur fournir toute l'aide nécessaire pour réussir dans l'ensemble de leurs études, même si cela ne concerne sa matière. Il lui arrive aussi d'être l'oreille attentive, la personne que les adolescents viennent consulter lorsqu'ils font face à des problèmes d'ordre plus personnel. Tout cela est rendu possible grâce au climat de confiance qu'elle a réussi à instaurer lors de ses cours. Si elle sait se montrer autoritaire et intimidante quand il le faut, elle leur a montré plus d'une fois qu'elle n'était qu'une sorcière banale, plutôt chaleureuse et très optimiste, cherchant des solutions adaptées à chaque profil qui se présente à elle. Après tout, n'était ce pas pour cela qu'elle avait choisi la voie du professorat ?

Oui, rien n'a changé pour Nyneve.

Rien n'a changé ! Il s'avère qu'elle y croise encore des têtes qu'elle connait depuis près d'une trentaine d'années désormais ! Enfin, la plupart du temps, elle retrouve plutôt des traits du visage correspondant à ses anciens camarades, devenus désormais parents de jeunes sorciers arpentant les couloirs d'Ilukaan. Ah, il lui tarde que sa nièce Emilia vient faire à son tour ses preuves; c'est une sacrée gamine ! Nyneve n'a pas d'enfants, alors c'est bien la seule preuve de favoritisme que l'on puisse attendre d'elle, du moins d'après ses dires.


Enfin, dire qu'elle n'a pas de descendance est un mensonge à proprement parler : ce sont seulement de jeunes êtres sans aucun pouvoir magique ni aucun lien de sang avec la sorcière. C'est une décision qu'elle a prise avec l'être qu'elle aime le plus au monde, celle qui partage sa vie : sa femme. Toutes deux souhaitent avoir des enfants et sont bien conscientes que la science ne peut leur permettre de tels cadeaux. Aussi, c'est sans hésiter qu'elles se sont lancées dans les démarches administratives.

Seule, la péruvienne ne l'aurait jamais fait.Toutefois, l'amour que Leila qui porte lui semble si fort, qu'ensemble, rien ne lui apparait comme impossible. Rien ne peut s'opposer à leurs deux volontés réunies. Si on lui avait dit un jour que sa situation amoureuse la conduirait à de tels sentiments, elle aurait probablement ri. Toujours est-il qu'elle est une compagne et une mère comblée.

Elle souhaiterait avoir bien de chérubins sous leur toit, pour reconstituer l'ambiance de sa propre enfance et l'animation qui allait avec. Seulement, elle est bien consciente que c'est un choix assez egoiste et qu'une telle situation serait compliquée à gérer pour leur couple, logé dans une petite maison dans la périphérie de Bloomsbury. Enfin, elle ne s'en plaint pas ! Après tout, elle considère tous les élèves assistant à son cours et ceux pris sous son aile comme ses propres enfants : cela fait au bout du compte une famille immense !

En parlant de famille, n'est ce pas là une de ses plus vieilles connaissances qui l'interpelle, la coupant au passage dans sa nostalgie ? Nul besoin de se tourner vers son interlocuteur pour qu'un rire naisse au sein de sa gorge abîmée par l'alcool et la nicotine. Si elle s'y attendait à celle-là ? Pas vraiment ! Enfin, non, disons que si elle avait du parier sur un ancien élève qui reviendrait enseigner, elle aurait parié sur celui-ci. Mais bon, elle n'avait pas envisager la possibilité que quelqu'un d'autre abandonne sa vie si rangée pour revenir trainer dans ces couloirs et ces salles de cours toujours aussi austères.

" Je suis même l'une des Quatre Grands Directeurs, m'sieur le géant au coeur d'artichaut !"

Après une quinzaine d'années d'enseignement, quoi de plus normal que d'être devenue directrice de la maison qui l'a autrefois accueillie en son sein ?

"Et toi, t'attends quoi pour évoluer ? J'ai l'impression de me taper ta tronche sur le campus depuis que je suis arrivée ici, à mes 11 ans !"

Se moquant, elle s'approche de lui avec son habituel pas guilleret.

La sorcière sait bien qu'il avait fini par emprunter la voie d'Auror, qui lui sied si bien. Mais étonnamment, elle s'était attendu à ce qu'il ne démissionne jamais de ses fonctions, quitte à perdre la vie en faisant son devoir. Il faut croire que l'amour qu'il porte à son époux est plus fort que son sens de la justice. A moins que ce dernier se soit ébranlé avec l'expérience du métier ? Si leurs corps portent le passage du temps et de la vie, ce sont néanmoins leurs esprits qui arborent les plus grosses cicatrices.

Pourtant, à les regarder, rien n'y parait : ils n'ont rien perdu des deux amis qui se sont quittés il y a vingt ans de cela. On pourrait même penser que leurs adieux ont eu lieu hier.

"A moins que tu aies peur de te retrouver à la tête d'une des maisons de tes gosses ?"