La famille Griffith constitue un foyer heureux, dans lequel s’épanouissent leurs deux premiers enfants en 2007, dans leur grande maison près de Vancouver. Elle n’a rien de fastueux ni d’extravagant, la famille est plutôt modeste. Non, elle ressemble à n’importe quelle maison du quartier, remplissant les besoins des Griffith. C’est dans cette même demeure que grandit Daniel Frédérick, le troisième et dernier enfant, né le 7 juin 2007 alors que le soleil et les étoiles se saluaient.


Ses premières années se passèrent sans accroc, Daniel était un véritable petit ange qui apprit très vite à marcher et à parler, sans faire trop de caprices. Très vite, il se fit pomponner par ses deux aînés, avec les liens fraternels furent très forts jusqu’à son entrée à Ilukaan. Il était un jeune enfant souriant, plein de questions et de volonté, toujours prêt à aider. Il se faisait facilement des amis et ses professeurs de maternelle étaient très satisfaits de lui. Le seul véritable bémol à noter pourrait être son trop plein d’énergie et le fait qu’il ne pouvait jamais rester en place, finalement rien de plus normal à cet âge.


Du moins, c’est ce que pensait sa famille à ce temps-là. Malheureusement, quelques évènements venèrent contrarier la vie de cet enfant si sage et adorable alors qu’il approchait ses cinq ans. Tout d’abord, il commença à se rendre souvent aux toilettes, très souvent. Les épisodes de pipi au lit revinrent, alors que le sorcier n’en avait plus eu depuis un bon moment. Dans un premier temps, ses parents pensèrent à un trouble psychologique, du moins qu’un évènement avait dû l’affecter et qu’il ne leur en avait pas parlé. Après tout, ce sont des choses qui pouvaient arriver. Cependant, lorsqu’ils lui posèrent la question, il leur répondait qu’excepté le fait qu’il y ait pensé à comment les plantes faisaient des bébés, il n’y avait rien qui l’avait dérangé réellement. A cela vinrent s’ajouter les demandes fréquentes de boire de Daniel, auxquelles s’accompagnèrent une perte de poids significative. Son état ne s’améliora pas par la suite, l’enfant habituellement si énergique devenant en proie à une certaine fatigue.

Ses parents ne réfléchirent pas très longtemps et l’emmenèrent aussitôt dans un centre médical spécialisé dans la pédo-médecine. Devant les symptômes évoqués, le corps médical décida de procéder à des analyses afin de confirmer leur diagnostic qui ne tarda pas à tomber : Daniel était atteint d’un diabète de type I. Si son père et sa mère comprirent rapidement ce que cette maladie engendrait en termes de traitement et de séquelles, leur enfant ne le vit pas de cet œil-là et pensa qu’il s’agissait d’une maladie de l’ordre d’un simple rhume. Quelques pilules à prendre pendant trois quatre jours et il serait guéri, non ?


Fort heureusement, les médecins puis sa famille ne cessèrent de lui répéter que le traitement sera un peu plus contraignant qu’un simple rhume et qu’il devait absolument s’y tenir s’il voulait vivre normalement. Daniel était alors persuadé qu’en suivant les indications, il finirait par redevenir comme avant. Aussi, bien que cela lui faisait de la peine de plus pouvoir manger n’importe quoi, de faire attention et de se priver, il le faisait volontiers, persuadé qu’un jour il se débarrasserait de son diabète. Pour l’aider à régler sa glycémie, sa mère lui fit découvrir le patin à glace, discipline dans laquelle elle brillait dans sa jeunesse. Au-delà de contribuer au bien-être physique de son fils, la pratique de ce sport fut une véritable révélation : il pouvait s’exprimer de la meilleure façon tout en gérant sa maladie : quel bonheur !!


Malheureusement, au bout de deux ans, le canadien fit face à la vérité : il devrait vivre avec le diabète toute sa vie. En soi, ce ne fut pas ce qui le gênait le plus, il était désormais accoutumé à son traitement. Non, ce qu’il refusait, c’est d’être traité différemment parce qu’il était diabétique. Que des petits soins lui soient accordés parce qu’il était soi-disant plus faible. Non, il ne voulait pas de ce traitement de faveur ou, au contraire, que son avis ne soit pas écouté pour raisons médicales. C’était décidé : non seulement il continuerait de vivre avec son diabète, mais il en fera également une véritable force ! Il montrera à tout le monde que c’est possible de réussir même avec un tel handicap pour la vie.


Ce ne fut pas facile au début, de faire face à tous ces gens qui jugent simplement à cause de raisons médicales. Néanmoins, il pouvait compter sur le soutien indéfectible de sa famille. Il arrivait que ses parents plaidaient sa cause auprès des enseignants et n’hésitaient jamais à lui remonter le moral, tout en lui rappelant qu’ils étaient fiers de lui. Il n’était pas rare que Daniel et ses parents fassent quelques nuitées à la belle étoile dans leur jardin, qui se terminaient souvent en séances réconfortantes de câlins. Quant à ses aînés, ils n’ont jamais hésité à aller s’occuper des autres élèves qui dénigraient leur frère, quand ce n’était pas lui qui s’occupait de les remettre à leur place. Des remarques sur son poids, sur sa fatigue, sur sa pratique du sport, sur ses habitudes alimentaires, il a vite pris conscience qu’il en aurait toute sa vie, alors autant apprendre dès à présent à y faire face. Cela lui accorda finalement une petite popularité auprès de ses camarades et il n’en fut pas peu fier. Son pari était réussi pour le moment, malgré les moments de faiblesse qu’il avait pu traverser.



A l’approche de ses neuf ans, sa vie plus ou moins normale bascula de nouveau. A lors qu’il était à l’école et d’humeur particulièrement joyeuse, les craies du tableau se sont, d’abord par léviter, puis voler un peu partout dans la classe avant de dessiner des étoiles sur n’importe quel support. Si cela affola le professeur, certains élèves, dont Daniel, trouvaient cela très cool. Les autres, quant à eux, étaient plus occupés à se cacher sous les tables ou bien à éviter les craies.


Autant dire que ce fut un vrai désastre et que la famille Griffith fut convoquée aussitôt dans le bureau du directeur. Eberlués par le récit de leur fils, les parents ne comprirent guère ce qui s’était passé et encore pourquoi ils se retrouvaient convoqués. Est-ce que leur fils était capable d’une telle chose ? Les réponses à leurs questions les attendaient derrière la porte. En effet, ce n’était pas le directeur de l’établissement qui les attendait, mais bel et bien des agents des services du ministère de la Magie canadienne, qui les invitèrent à s’asseoir. Au vu du teint livide que prenaient le visage des deux parents Griffith, la proposition de s’asseoir avait été la bonne. Ils refusaient de croire que leur fils était responsable d’un tel acte et même pire : il était un sorcier, l’une de ces créatures qui ne sont censées exister que dans les livres de fantasy ou ceux de chevalerie qu’ils lisaient à leurs enfants. Les agents prirent bien soin de leur expliquer avec calme ce qu’il en était, en leur précisant bien que personne dans cette école ne pourra se souvenir de cet incident. Aussi, ils leur préconisèrent de bien prendre leur temps pour digérer la nouvelle et qu’ils seraient à leur disposition s’ils avaient la moindre question sur la façon dont gérer un enfant sorcier et son futur.


Si les parents de Daniel cédèrent à la peur et à la crainte rapidement devant cette nouvelle, le garçon, lui, ne put s’empêcher de crier de joie. Les sorciers sont beaucoup trop cools dans les contes ! Ils ont plein de pouvoir et de capacités ! Il allait pouvoir encore plus sauver le monde !! Oui, autant le dire, il est heureux, et se percevait même comme un élu. En effet, il s’est dit que de tels dons ne pouvaient être l’œuvre du hasard et, qu’en bon croyant, c’était son Dieu qui l’avait choisi pour répandre le bien sur le monde. Ou bien compenser les inconvénients de sa maladie. Ou bien peut-être les deux ? Peu importe, il n’avait qu’une hâte : retourner à l’école afin d’apprendre à se servir de ses nouvelles capacités !


Hélas, pour le moment, le canadien devait se contenter d’être scolarisé dans leur maison. En effet, à la suite de cet incident, ses parents craignaient que ses pouvoirs se manifestent de nouveau à l’école. Aussi, ils prirent le parti de lui donner des cours eux-mêmes, afin de n’inquiéter personne d’autre en ville. Daniel ne comprit pas réellement la décision. Enfin si, dans un sens, il la comprenait. Seulement, il ne voyait plus beaucoup d’autres enfants et ses amis semblaient se montrer plus distants à cause du fait qu’il n’aille plus à l’école. Heureusement, il pouvait encore compter sur sa famille pour maintenir du lien, mais également sur la patinoire du quartier, l’un des seuls lieux publics où ses parents le laissaient aller sans trop de craintes. C’est à cette période-là que le patin à glace lui fut sûrement le plus bénéfique, avec tous ces changements en quelques années.


S’il pouvait parler à sa famille de son diabète, il essayait de le faire aussi concernant sa nouvelle condition de sorcier. Seulement, il sentait que quelque chose n’allait pas. Déjà, parce qu’ils n’essayaient même plus de répondre à ses questions et qu’ils semblaient désemparer lorsque le sujet arrivait sur la table. Plus tard, il comprendra qu’une forme de rejet commençait à s’installer entre eux et lui, le vilain petit canard d’un autre monde. Gérer un enfant diabétique, cela était dans leurs cordes, gérer un sorcier, cela ne l’était pas. C’était un monde obscur pour eux, qui ne devait pas exister. Si les sorciers existent et que leur fils est l’un d’entre eux, qui sait tout ce que le monde regorge de dangereux sans qu’ils ne le sachent ?


Pour autant, il restait leur enfant ou leur frère et tous voyaient que leurs réactions lui minaient un peu le moral, si bien qu’il préférait passer son temps libre à la patinoire plutôt qu’à la maison. Aussi, ce fut le moment où les Griffith adoptèrent leurs trois dalmatiens. Ils n’avaient pas choisi la race au hasard, c’était celle des chiens utilisés par les pompiers, l’un des métiers que Daniel souhaitait exercer il y a encore quelques années. Il fut ainsi conquis en voyant les trois petits chiots lui sauter dessus alors qu’il rentrait de la patinoire. Il passa un peu plus de temps à la maison, prenant le temps de s’occuper de leurs trois chiens dont il était devenu complètement gaga.

Puis vint le temps d’entrer dans une école de sorcellerie, enfin. Daniel ne tenait plus en place devant les prospectus, il y avait tellement de choix !! Finalement, Ilukaan fut l’heureuse élue : l’école était située dans le pays, possédait une bonne réputation et un choix de cursus large. Le jour du départ, si le canadien était un peu anxieux, il était surtout très excité. Puisqu’il ne serait plus à la maison, son traitement fut adapté à son changement de vie et la pompe à insuline fit place aux injections régulières d’insuline. Conditionnée par la magie, elle offrait bien plus de libertés au né-moldu.


Ce fut une certaine libération pour chaque partie de la famille, Daniel allait enfin embrasser son destin de grand sorcier et le reste de sa famille n’auraient plus à s’inquiéter de sa présence dans la maison et de ce que cela pouvait impliquer.


Toutefois, Daniel déchanta un peu une fois arrivé à Ilukaan. Après avoir été scolarisé à la maison pendant près de deux ans, il avait perdu quelques habitudes et il y avait tout à refaire. Il ne connaissait personne et le jugement concernant son physique et sa maladie recommença. Ce n’est pas grave, il a réussi une première fois à faire face à tout cela, il peut bien recommencer ! Il savait que cela arriverait de toute façon. Cependant, ce ne fut pas aussi facile qu’à son école primaire de Vancouver. Ici, il n’avait vraiment plus aucun repère pour commencer. Mais surtout, il se retrouva propulsé dans un monde où la magie est omniprésente !! Si cela le fascina, cela lui demanda également beaucoup d’énergie et de concentration pour assimiler les particularités de ce monde qu’il affectionne tant mais qu’il lui reste encore aujourd’hui inconnu quelque part.


Néanmoins, le fait que le campus soit international, couplé au caractère enthousiaste et franc du canadien, l’aidèrent à se familiariser peu à peu avec cet univers et à se constituer un entourage de confiance. Aujourd’hui, il préfère passer toute son année à Ilukaan, plutôt que dans sa famille, c’est pour dire !


Enfin, sa famille ne lui apparait pas des plus accueillantes ces derniers temps. Ils sont même plutôt en conflit, et, avec l’adolescence qui se profile, Daniel comprend bien qu’il vaut mieux pour le tout le monde qu’il évite de rentrer à Vancouver, afin de rester là où il se sent le mieux : Ilukaan.

(c) Ilukaan