Alors que les premiers rayons de l'astre solaire viennent éclairer l'île sorcière de Blairwitch Island, le garçon du pays du matin calme décide de sortir de son bungalow, aussi luxueux que ce dernier soit. Le Coréen est arrivé sur l'île la veille et n'a guère pu prendre le temps de visiter les lieux, surtout avec les fourberies de son ami chafouin Baset.

Ah, cette fouine a bien donné du fil à retordre à Colton au cours de la soirée, notamment en le qualifiant de "sugar daddy". En plus de trouver ce terme d'une absurdité ahurissante, il ne voit nullement pourquoi le Lupy le trouve comme cela. Il n'est pas en couple avec lui, aux dernières nouvelles, cela n'a donc aucun sens.

Lorsque le soleil vient saluer le teint métisse du sorcier, ce dernier prend une grand inspiration en fermant les yeux. Tout est encore si calme, cela le change de son domaine familial, dans lequel la voix mélodieuse de sa soeur peut être entendu à longueur de journée. Finalement, alors que les embruns marins emplissent ses narines, le Violet se dit que ses véritables vacances commencent maintenant.

Profitant de la solitude matinale, le Strixyst commence par fouler le sable encore humide de la plage. Bien que ce ne soit pas son lieu de prédilection pour une balade, il se plait à contempler l'écume des vagues qui s'échouent au loin, allant et venant jouer avec les grains de sable. Quelques algues et coquillages se déposent sur le rivage, comme si la nature faisait don de quelques uns de ses cadeaux. Le sang-pur songe à en ramasser quelques uns pour sa cadette, avide de curiosités venues d'ailleurs. Il profite de l'heure encore assez matinale pour laisser ses doigts de pied se mêler aux grains de sable, avant que d'autres viennent rompre la mélodie marine.  Sa petite marche guidée par les échos de la nature lui apporte plus de quiétude qu'escompté. Qui aurait penser qu'un séjour avec la communauté d'Ilukaan pourrait s'avérer plus reposante que quelques jours au pays du matin calme ? Sûrement pas le sang-pur.

Enfin reposante, cela est vite dit. En effet, une odeur de fumée prend vite la place de celle de l'iode dans les narines du Coréen. Il la reconnait entre mille et s'alerte aussi tôt. D'où cela peut provenir ? Un feu de forêt à cette heure-ci, cela lui semble peu probable. Un groupe d'amis un peu torché ? Il ne lui semble pas avoir aperçu grand monde pour le moment, encore moins alcoolisés... Il se dirige alors vers l'endroit qui lui semble le plus indiqué pour un possible départ de feu, à savoir les cuisines extérieures du site. Peut-être simplement un petit déjeuner raté. Du moins, c'est ce qu'il espère.

Sa baguette à la main, prêt à lancer un sort de protection, il accourt vers l'évier en analysant la situation. Essoufflé, il se rend bien compte que l'accident a été stoppé. Un oeuf brûlé, cela arrive. Il reste désormais à savoir s'il n'y a pas de victime. Après un rapide coup d'oeil, il se rend compte qu'il n'y a que Jelila et lui dans les alentours.

Oh Jelila, douce Jelila, chaleureuse Jelila, belle Jelila. Ce serait mentir que d'affirmer que le coeur du Coréen n'a pas battu pour elle il y a quelques années de cela. Bien que le coup de coeur se soit estompé depuis, ils sont restés proches amis : Colton pourrait décrocher la lune pour ce petit soleil qu'est son amie.

Enfin, pas le temps de s'attarder là-dessus, il la regarde de haut en bas, s'assurant qu'elle n'ait rien.

" Bonjour Jelila ! Tu ne t'es pas fait mal au moins ??"

Les yeux rivés sur les mains de son amie, Colton guette la moindre de morsure de feu, d'arc-en-ciel ou encore de perles de sang sur la peau mate de la Maghrébine. Il sait que la maladresse peut s'emparer de n'importe qui, même des êtres les plus habiles, étant le premier concerné. Fort heureusement, il ne constate aucune blessure : Jelila n'est pas blessée. A cette pensée, il ne peut s'empêcher de pousser un soupir de soulagement, suivi d'un léger sourire.


Il aurait pu lui administrer les premiers soins si jamais l'Ursirre s'était retrouvé marqué au fer rouge par les flammes. Ce n'aurait pas été la première fois qu'il soigne quelqu'un, ni qu'il soigne Jelila. Le Coréen n'a beau ne pas avoir emprunter la voie de la Médicomagie comme cursus universitaire, ses connaissances dans ce domaine soient loin d'être inexistantes. A force d'avoir observé et participé aux travaux cosméto-pharmaceutiques de ses parents, le brun a fini par en tirer quelques savoirs. Qui plus est, il n'est pas rare que le cursus de soin se croise avec celui de botanique approfondie. Enfin, Colton apporte depuis près d'un an son aide à Jelila, qui a emprunté cette voie, particulièrement en Anatomie. A cette occasion, il n'hésite pas à lui demander certains de ses cours.


Sa proche amie est l'une des seules à qui le sang-pur ose demander lorsqu'il est dans le besoin non-urgent. Tout cela, grâce au lien de confiance qui s'est instauré entre les deux étudiants au fil des années. Il n'y a pas à dire, elle occupe encore aujourd'hui une place particulière dans son cœur.

Alors qu'elle s'approche de lui avec la poêle, il ne peut s'empêcher de d'ores et déjà la rassurer, sans avoir prêté encore une grande attention aux dégâts sur le matériel.


"Je vois que tu n'as rien, c'est l'essentiel. Je ne m'inquieterais pas plus que cela pour le matériel. Je pense qu'un coup de Recurvite et tout sera comme neuf."


En jetant un coup d'oeil à l'ustensile, il constate que Jelila n'a pas fait les choses à moitié. Il sait ô combien la sorcière se donne à son maximum lorsqu'elle entreprend quelque chose. Il semble que cela s'applique également sur ses échecs culinaires. Il ne peut s'empêcher de se poser quelques questions sur les actions de la Jallab pour parvenir à un tel résultat. Autant le dire, cela ressemble à une vraie catastrophe.


Cela dit, Colton sait que la demoiselle n'est pas sans défaut et il vient d'en découvrir un. Enfin, tous les défauts se travaillent, le Coréen le sait mieux que quiconque, surtout lorsqu'il s'agit d'un manque de compétences dans un domaine précis.

"Recurvite"

Avant de commencer à discuter sur ce qui s'est passé, il joint le geste à sa parole et lance le sort de nettoyage avant que le carbone ne s'incruste plus sur la poêle. C'est une manœuvre qui a regagné le rang d'habitude il y a quelques jours, lorsqu'il a rejoint sa demeure familiale, où la magie est maîtresse, y compris en matière de vaisselle. Le sort fonctionne correctement, bien qu'il semble s'effectuer plus lentement que dans ses souvenirs. Peut-être est-il moins concentré qu'à l'accoutumée ? Après tout, il se préparait mentalement a lancer un sort de soin il y a quelques minutes et non un sort de ménager.

Regardant le nettoyage se faire, il se pose bien quelques questions à ce sujet. Toutefois, son regard se pose vite sur Jelila.


"Et voilà. Tu vois, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter."

Maintenant que ce détail-ci est réglé, peut-être devraient-ils aborder le coeur du problème. Enfin, si son interlocutrice le désire. Est ce une bonne idée ? Elle peut totalement ne pas avoir envie de parler de cet incident. Du moins, il se serait senti très honteux si une telle chose lui était arrivé, et il aurait sûrement envie de fuir loin.
Mais Jelila n'est pas Colton et semble prête à lui parler sans aucune gêne de ce qu'il s'est passé. Il est conscient de faire cet effet aux gens qui le côtoient, mais cela le touche toujours autant.

"Maintenant, dis-moi. Que s'est-il passé exactement ? Si tu avais faim, tu sais que tu peux m'envoyer un message et je peux m'arranger."

A moins qu'elle ne voulait préparer à manger pour quelqu'un d'autre ? Ou bien voulait-elle simplement se prouver des choses ? En y réfléchissant, il trouve que sa proposition, bien que sincère, doit être bien embarrassante. Aussi, il rosit un peu, en espérant pouvoir mettre cela sur le compte du soleil qui déploie sa chaleur peu à peu.

Oh, voici là un compliment qui saisit immédiatement les joues du Coréen de lueurs d'autant plus rougeâtres, semblables à celles que l'astre solaire étend sur l'horizon.  L'idée même qu'il puisse lui être indispensable ne lui ait jamais été venu à l'esprit. Il n'a jamais songé être nécessaire à sa vie, puisqu'il ne fait que lui apporter de l'aide lorsque l'Ursirre en a besoin. Finalement, il ne fait que ce qu'il estime être son devoir en tant que proche ami, rien de plus. Cela étant, le Strixyst est bien conscient qu'il s'agit là d'un code d'amitié qui lui est propre, mais il n'a cependant jamais songé que ses actes envers puissent être aussi appréciés et salvateurs. Néanmoins, cela le touche d'autant plus.

"Oh, je ne pense pas être si indispensable que cela. Tu es une personne  forte et débrouillarde, je ne fais que d'apporter un petit coup de pouce de temps à autre pour t'aider à mieux t'épanouir."

Oh, pense-t-elle réellement qu'elle finirait par le désespérer ? Si Colton se prépare alors à se justifier, le ton espiègle et malicieux que la Marocaine n'échappe pas aux oreilles de son camarade, soulagé. Il ne veut pas qu'elle considère réellement cette possibilité ; il ne l'envisage pas lui-même. Certes, il est conscient que sa patience possède des limites qui n'ont jamais encore été franchies. Pourtant, il est persuadé que jamais Jelila ne parviendrait à les atteindre, d'autant moins avec la bienveillance qui anime la Maghrébine. Malgré le soulagement présent dans sa cage thoracique, le Coréen ne peut s'empêcher de répondre avec amusement, lui aussi, à cette remarque.

"Je ne pense pas que ce soit quelque chose dont je puisse me lasser. Tu me le rends très bien, tu sais."

En toute honnêteté, Colton considère plutôt que Jelila lui est indispensable, plutôt que l'inverse. Après tout, la jeune sorcière est une personne formidable, avec plus d'un talent. Colton en est même assez admiratif sur certains points. Garder tant d'optimisme et de tact, peu importe les circonstances, quelle prodigieuse amie possède le sorcier ... Parfois, il se demande si certaines bonnes fées ne lui ont pas fait cadeau de ces dons à la naissance; cela lui parait presque inconcevable que tant de douceur puisse être contenue dans un seul et unique être. Combien de fois cela avait-il remonté le moral du Coréen, alors que ce dernier était en proie à de sombres idées, se laissant ainsi tomber dans le pessimiste, voire le fatalisme ? Il ne les compte même plus. Il en va de même pour ce qui concerne le domaine scolaire.


Au final, les deux étudiants sont aussi complémentaires qu'ils sont indispensables l'un à l'autre, bien qu'aucun des deux ne semble mesurer l'importance qu'il a aux yeux de l'autre.

Ce qui n'empêche pas l'embarras de les saisir de temps à autre. Si Colton s'attarde un moment sur la silhouette de la Bleue, il voit bien peu à peu que sa proposition n'a pas eu l'effet escompté. Au contraire, cela semble contrarier la sorcière, ce qu'il a le plus redouté. Cela lui apprendra à faire preuve de spontanéité; pourquoi a-t-il été saisi d'un tel élan, d'ailleurs ? Cela ne lui ressemble en rien de prendre des initiatives; il possède là la raison pour laquelle il en est ainsi. Il détourne ainsi le regard de nouveau vers le bleu infini de l'océan quelques instants. Il n'a plus les cartes en main, c'est à la Jallab de faire son choix.

Au vue de ses dires, Colton se sent un peu désolé. La voir ainsi peinée par un échec, suivi d'un malaise, voilà qui lui donne d'autant plus l'envie de la réconforter. Il sait qu'elle consume beaucoup d'énergie mentale pour prendre sur elle, d'autant plus quand le projet comme celui-ci lui tient particulièrement à coeur. Il le sent dans sa voix que cela semble très important pour elle de réussir quelque chose dans le domaine culinaire. S'il ne se qualifierait pas comme un professionnel de la cuisine, il possède toutefois quelques bases, que ce soit de cuisine occidentale, orientale, etc Dans une école internationale, il fut bien obligé de se renseigner sur les coutumes de ses amis dans leurs pays d'origine. Une idée lui vient alors à l'esprit, espérant que celle-ci ne mettra pas une nouvelle fois l'Ursirre mal à l'aise. Il jette alors un coup d'oeil au plan de travail et se fait une représentation mentale de ce que peut contenir le frigo.

"Tu sais, pour réussir, il faut d' abord échouer. Ce n'est rien de grave, au contraire. Te connaissant, je ne doute pas que tu y arriveras. Si tu le souhaites, nous pouvons nous entrainer à maitriser quelques bases. Je n'excelle pas le moins du monde en cuisine. Toutefois, je peux volontiers t'apprendre à réaliser un plat de chez moi. C'est une recette assez simple, ne t'en fais pas. Si tu veux t'entrainer, je pense que nous sommes dans la meilleure période de la journée pour le faire. Bientôt d'autres seront réveillés par leurs estomacs."